Rencontres des Professionnels des Marchés de la Dette et du

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Rencontres des Professionnels des Marchés de la Dette et du Change
L’industrie financière au service de la reprise
A l’occasion des 5èmes Rencontres des Professionnels des Marchés de la Dette et du
Change, les acteurs de la place de Paris se sont réunis à la Chambre de Commerce et de
l’Industrie de Paris Île-de-France. Organisé par sept associations 1, cet événement a pour
but de définir le rôle et la place de l’industrie financière parisienne dans l’économie
française.
A l’heure actuelle, la situation du pays est peu propice à la reprise, et l’ensemble du tissu
économique français reste dans l’expectative. Pourtant, des motifs d’espoir émergent çà et
là : les frémissements de la croissance aux frontières et les ambitions affichées de
responsabilité budgétaire laissent à penser que la croissance, même fragile, pourrait
bientôt faire son retour. Mais au préalable, l’économie française doit restaurer sa
compétitivité, notamment par la réduction du coût du travail, un accès aux matières
premières et à l’énergie ainsi que par la compétitivité de son secteur financier. Ces
trois conditions, une fois remplies, pourraient alors favoriser le retour d’une croissance
durable.
Or, l’industrie financière française doit jouer un rôle clé dans cette phase de transition. En
effet, les banques françaises ont pour fonction d’alimenter et de stimuler l’économie, en
accompagnant et en finançant les besoins des entreprises. D’où l’intérêt d’avoir « des
intermédiaires financiers forts » et « une place financière de Paris compétitive ».
Le renforcement de la place parisienne est un enjeu de taille à plus d’un titre. Le premier
concerne la compétitivité des entreprises : il est nécessaire d’instaurer une relation de
proximité entre les intermédiaires financiers et les entreprises, tout en garantissant un
accès compétitif aux instruments de crédit et de couverture des risques. De même,
l’existence d’une place parisienne forte est un enjeu de souveraineté nationale. Alors
qu’une part toujours plus importante du CAC40 et de la dette française est détenue par
des étrangers, l’industrie financière française doit permettre d’augmenter les
financements d’origine domestique. Enfin, l’enjeu de l’emploi est également au cœur des
préoccupations. Cette industrie est intense en emploi, et sa bonne santé contribuerait
fortement à réduire un taux de chômage au plus haut depuis près de 16 ans.
1,
ACI France, AFTE, Amafi, CNO AF2I, ICMA, Paris Europlace
1
Si la place parisienne court le risque de marginalisation – 5ème place financière en 2010,
8ème en 2013 –, elle ne manque pourtant pas d’arguments. Le succès des grandes
entreprises françaises, la forte communauté d’investisseurs, la qualité de la formation et
son leadership sur les dérivés action ou les financements structurés sont autant
d’opportunités d’inverser la tendance.
De même, le développement des monnaies émergentes, des nouveaux produits de
financement de marché pour les ETI et les évolutions règlementaires sur les
marchés monétaires peuvent permettre à Paris de s’affirmer comme une place
financière de premier plan.
Le change dans la conquête des marchés émergents
Tout d’abord, l’émergence de nouvelles puissances dans les régions Asie, EMEA ou
Amérique du Sud a provoqué un certain nombre d’ajustements sur les marchés du
change. Les récents événements ont permis de comprendre que le terme « émergents »
regroupe des pays de natures très différentes. D’où l’intérêt d’une classification selon
plusieurs critères.
Dans un premier niveau d’analyse, les pays sont jugés selon leur vulnérabilité
financière. La performance économique du pays – taux de croissance, PIB, inflation –, les
comptes extérieurs – balance courante, dette externe, niveau de réserve –, et la stabilité
financière interne – solidité des banques locales, croissance du crédit à l’économie – sont
des indicateurs pertinents qui permettent de mieux évaluer la santé économique du pays
considéré. Dans un second niveau d’analyse, l’étude de la politique monétaire du pays
offre une vision claire de sa marge de manœuvre réelle. Ainsi, en se basant sur des
indicateurs tels que le taux d’intérêt réel fixé par la politique monétaire et le niveau de
déficit ou d’excédent budgétaire, les données obtenues permettent de compléter la
classification et de ranger les émergents selon la robustesse de leur économie et de leur
devise.
Cette analyse est particulièrement pertinente aujourd’hui : l’annonce par la FED du « QE
tapering » a en effet provoqué une évolution brutale des marchés du change. Cette crise
de correction, caractérisée par des capital outflows massifs chez les pays émergents, a
sévèrement affaibli leurs devises. Les fonds spéculatifs ont pris de fortes positions courtes
et contribué à déprécier les monnaies émergentes. Mais pour autant, il semble que ces
récents mouvements témoignent d’un ajustement mécanique plutôt que d’une réelle
remise en cause structurelle. En effet, au regard des critères énoncés plus haut, la
majorité des pays émergents dispose de fondamentaux solides et semble en relative
bonne santé. Pour cette raison, les analystes n’anticipent plus de mouvement baissier ;
par ailleurs, de nombreux fonds de long terme souhaiteraient à nouveau investir
massivement dans les émergents, profitant ainsi d’un retour intéressant. Cela démontre là
encore la crédibilité et l’efficacité des Banques centrales locales qui, pourtant largement
malmenées par les Hedge funds à l’origine, semblent finalement avoir repris le dessus.
Face à de telles transformations sur le marché des devises, les entreprises corporate
s’exposent à un risque de change. En effet, lorsque les achats et la vente de marchandises
ou services s’effectuent dans des devises différentes, une gestion du risque s’impose. Pour
cela, les entreprises optent pour des solutions financières ou opérationnelles. D’une
part, les instruments optionnels et produits bancaires – par un raccourcissement des
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horizons de couverture et un recours à des produits exotiques – fournissent une
protection face à d’éventuelles variations de change. D’autre part, des ajustements
opérationnels comme la production locale et la facturation directement en yuan sont
des alternatives crédibles et complémentaires.
Enfin, l’émergence du yuan comme devise internationale est une problématique
importante pour les entreprises et la place financière française. Si le processus
d’internationalisation n’en est qu’à ses débuts – seulement ’1% des échanges se font en
yuan –, la montée en puissance de la devise est incontestable. Le yuan s’imposera à terme
comme une devise leader et présente un taux d’intérêt très attractif, autour de 3%, très
supérieur aux taux occidentaux. Pour cette raison, les investisseurs démontrent une
certaine méfiance vis-à-vis de l’euro, et inversement, un appétit croissant pour le yuan.
Cet appétit s’illustre notamment par une demande de yuan en constante augmentation
ainsi que par un vif intérêt pour les fonds en devise chinoise – les IPO sont presque
systématiquement sursouscrites.
En somme, l’émergence du yuan représente une opportunité considérable pour la
place de Paris. Un marché offshore se constitue progressivement, et croît en volume de
60 à 80% par an. Le yuan se cherche une place forte en Europe, et Paris peut légitimement
postuler. En effet, Paris est la place continentale la plus importante pour la devise
chinoise, avec près de 2 milliards d’euros (soit environ 16 milliards de yuan) de dépôts.
De même, plus de 21% du commerce franco-chinois est désormais libellé en yuan, ce qui
dote la place française de sérieux arguments pour héberger le marché offshore de la
monnaie chinoise.
Les nouveaux financements de marché pour les ETI
Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont définies par un nombre d’employés et
un chiffre d’affaires annuel respectivement inférieurs à 5000 personnes et 1,5 milliards
d’euros. Ces entreprises, au nombre de 4700 en France – et 12000 en Allemagne –,
atteignent une taille suffisamment critique pour s’étendre à l’international. Or, pour
capter ces marchés étrangers, les besoins en financement sont considérables. Si le
financement bancaire a toujours été la norme, les récentes évolutions permettent
désormais à ces entreprises de recourir aux marchés désintermédiés. L’émergence du
marché des placements privés Euro PP permet l’émission de titres, sous la forme
d’emprunts ou d’obligations, cotés ou non cotés, notés ou non notés, pour financer des
entreprises de taille intermédiaire.
Le développement du marché Euro PP constitue une innovation de taille pour la place
parisienne. Avec une cinquantaine d’opérations totalisant près de 6 milliards d’euros,
le marché du placement privé apparait un format approprié pour répondre aux besoins
de financement des ETI.
La création d’une Charte Euro PP a permis la naissance d’un marché de référence, dont le
format est aisément exportable. En faisant intervenir les différentes parties concernées –
émetteurs, investisseurs et intermédiaires financiers –, ce marché a su s’inspirer de
modèles existants plus matures, comme l’US PP ou le Schuldschein allemand, pour
répondre aux besoins des investisseurs et contribuer au financement des ETI. Ainsi,
plusieurs transactions ont été exécutées en 2012 et 2013. Des groupes comme Altran,
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Bonduelle, Lactalis, Agrial ou encore Zodiac ont recouru à ce marché pour des montants
allant de 50 à 250 millions d’euros en moyenne et des maturités excédant les cinq ans.
Malgré un certain nombre de limites règlementaires – la titrisation et l’effet de levier sont
interdits –, l’objectif affiché de ce marché est ambitieux : contribuer à la
désintermédiation du financement en France. Aujourd’hui, les emprunts bancaires
comptent pour 80% du montant total, contre 20% d’obligations de marché. L’Euro PP
cherche donc à inverser la tendance en se rapprochant d’un marché désintermédié et
participe ainsi à la convergence vers le modèle américain.
Par ailleurs, un autre instrument peut s’avérer utile aux entreprises de taille
intermédiaire. Les billets de trésorerie sont des titres de créances négociables émis par
des corporates ayant des besoins de financement à court et très court terme. Selon une
étude récente, ce produit reste relativement méconnu des ETI. La complexité –
souvent surestimée – de la documentation ainsi que l’obligation de la notation par une
agence indépendante ont contribué à exclure les ETI de ce marché court terme. Pourtant,
les conditions d’émission actuelles sont avantageuses et pourraient profiter aux ETI : le
refinancement de court terme à des taux très bas constitue un outil supplémentaire,
pour les entreprises.
Pour autant, l’accès à ce marché demeure difficile, et toutes les ETI ne sont pas
susceptibles d’intéresser les investisseurs. Seules les entreprises de taille significative,
présentant une dette importante – 100 à 200 millions d’euros – et une haute qualité de
crédit pourront effectuer ce type d’opération.
Marché monétaire, la nouvelle donne
Le marché monétaire, souvent dans l’ombre, est devenu aujourd’hui un enjeu important
pour la place financière de Paris. Depuis la crise de 2008, la liquidité est désormais au
centre des préoccupations des banques, françaises et étrangères. Le LCR (Liquidity
Coverage Ratio) en est une première illustration. Cette norme, imposée par le comité
Bâle III à partir de 2010, vise à permettre aux banques de résister à des crises de
liquidités aigües : ces dernières sont désormais contraintes de conserver un niveau élevé
de liquidités pour faire face à des sorties de cash sur un mois.
Le coût de refinancement à court terme – le coût de la liquidité – d’une banque est
devenu un enjeu fondamental : obligées de constituer des réserves de cash ou d’actifs
liquides, les banques répercutent cette contrainte sur le pricing proposé aux clients. De
même, la nécessité d’engager plus de capital en contrepartie d’activités peu ou moins
risquées abaisse mécaniquement la rentabilité des banques de la place.
En l’espace de quelques années, la liquidité est donc devenue une ressource rare, qui
transforme en profondeur les relations entre la banque et ses contreparties. Celle-ci a
tendance à moins financer les besoins en trésorerie des entreprises, trop couteux en
termes de LCR. En somme, le ratio de liquidité induit un certain nombre de distorsions et
crée une distinction nette entre les différentes contreparties, selon qu’elles sont ou
non « éligibles » au LCR.
La norme LCR imposée aux banques provoque une fragmentation du marché et un
changement dans leur manière d’appréhender leur activité : les courbes de taux varient
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désormais selon le type de client, tandis que les produits et placements moins liquides
coûtent de plus en plus cher. Pour faire face à ces évolutions réglementaires, de nouveaux
produits « LCR compatibles » émergent : toutefois, leur complexité et leur optionalité
demeurent peu ou mal évaluées par les banques.
A l’image du ratio LCR, la régulation et la FTT ont fragilisé un marché monétaire
encore convalescent. Pour autant, la liquidité recommence à circuler en cross-border,
tandis que certains acteurs, anciennement coupés du marché, le réintègrent peu à peu. Si
les dernières évolutions règlementaires tendent à systématiser l’utilisation de
transactions collatéralisées, le contour précis de ce nouveau système demeure flou. Le
type de collatéral et le coût de ces transactions sont encore à définir et ne manqueront pas
d’avoir un impact sur la place financière parisienne.
A l’occasion des 5èmes Rencontres des Professionnels des Marchés de la Dette et du
Change, les intervenants se sont succédé pour définir le rôle de l’industrie financière
française dans la reprise économique. La montée en puissance des devises
émergentes, la création de nouveaux moyens de financement et les récentes
évolutions du marché monétaire sont autant d’opportunités pour la place de Paris. Son
développement permettrait en effet d’alimenter et de stimuler la croissance, notamment
par le financement des entreprises. A l’image de Bpifrance, les intermédiaires financiers
sont au cœur de l’économie française. Leur activité et leur politique de développement
sont cruciaux et influencent l’ensemble du tissu économique français. Par exemple, les
prêts d’avenir et de développement, les fonds thématiques en Equity ou Large Venture
permettent à Bpifrance d’investir dans divers projets, et ce à tous les stades de
développement de l’entreprise. Bpifrance joue ainsi un rôle de catalyseur et entraîne
avec elle les banques de la place parisienne. Par ce système de cofinancement, les
différents acteurs de l’industrie financière tentent d’encourager les entrepreneurs à
prendre des risques pour relancer l’économie française et favoriser la reprise.
Victor MOLHO
Junior Consulting Sciences Po
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