[…] Des événements de sélection « naturelle » ont

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LES
PINSONS DES ILES
GALAPAGOS
[…] Des événements de sélection « naturelle » ont été observés à des échelles de temps
grandes et chez des organismes complexes. Un des exemples les plus classiques et sans doute
le plus symbolique du travail de Darwin est celui des pinsons des îles Galápagos. Bien que le
cas de ces oiseaux ne l’ait sans doute pas inspiré au départ pour sa théorie de l’évolution par
la sélection naturelle, il a par la suite grandement alimenté ses réflexions, notamment
concernant l’origine des espèces : la spéciation. En effet, les îles Galápagos abritent treize
espèces différentes de pinsons appartenant à quatre genres (Geospiza, Camarhynchus,
Certhidea, Pinaroloxias), qui se différencient par la taille de leur corps, ainsi que par la forme
et la taille de leur bec. Ces trois caractères, et notamment la taille du bec, présentent une
grande héritabilité d’une génération à la suivante (entre les parents et leur progéniture),
comme l’ont montré certains travaux depuis les années 1980.
Peter et Rosemary Grant ont suivi l’évolution sur trente ans des populations de pinsons sur
l’île de Daphne Major et ont pu détecter sur cette période des événements sélectifs
importants affectant différentiellement les deux espèces étudiées (G. fortis et G. spinoza).
Ces épisodes de sélection ont pu être mis en évidence par la mesure annuelle de la moyenne
de trois paramètres quantifiables et héritables chez les pinsons (la taille du corps, la taille et
la forme du bec), et ont été corrélés à des variations des conditions environnementales. Par
exemple, la fin des années 1970 a été marquée par une sécheresse importante sur l’île de
Daphne Major, qui a coïncidé avec sélection très forte chez l’espèce G. fortis, favorisant les
individus à gros bec. Chez cette espèce, la consommation de petites graines est préférée
quand celles-ci sont abondantes, alors qu’en cas de sécheresse ce type de graine est plus rare
et la consommation de graines plus grosses, accessibles uniquement aux individus à gros bec,
est favorisée. L’épisode de sécheresse, en causant la raréfaction des graines de petite taille,
a entraîné une mortalité plus importante chez les individus de G. fortis à petit bec, ce qui a
déplacé l’équilibre de la population vers les individus à gros bec. En effet, ces individus, en
bénéficiant de la manne des graines de grande taille, ont survécu en plus grand nombre que
les individus à petit bec, et se sont donc en moyenne plus reproduits, ce qui a entraîné un
déplacement de caractère à la génération suivante.
[…] Les événements de sélection « naturelle » sont donc intimement liés aux modifications de
l’environnement. De même, comme c’est le cas pour le virus du SIDA, d’autres études ont
indiqué que, chez les pinsons, un caractère bénéfique dans certaines conditions peut être
contre-sélectionné dans d’autres. De cette façon, un autre événement de sécheresse sur l’île
de Daphne Major a entrainé en 2004 une contre-sélection significative des individus de G.
fortis à gros bec, représentant une situation exactement contraire à celle des années 1970.
L’explication de ce phénomène tient à la colonisation de l’île en 1983 par une autre espèce de
pinsons dont les individus sont plus imposants et présentent un bec plus gros que ceux de G.
fortis : l'espèce G. magnirostris. Chez cette dernière, l’alimentation consiste quasiuniquement en la consommation de graines de grosse taille, ce qui ne présente pas un
problème pour les individus G. fortis en conditions normales, puisque la disponibilité en
graines est suffisante pour approvisionner les deux espèces. En revanche, en période de
sécheresse, la pénurie en graines induit une compétition directe pour les graines de grande
taille entre les individus G. fortis à gros bec et les pinsons de l’espèce G. magnirostris. Cette
compétition se fait au détriment des oiseaux de l’espèce la plus petite et résulte donc en une
importante mortalité chez ceux-ci. Parallèlement, si les individus G. fortis à petit bec ne
peuvent bénéficier des graines de grande taille, il a été montré que la consommation d’autres
types de graines leur conférait une capacité de survie supérieure à celle des individus à gros
bec, expliquant la sélection observée en 2004 (figure 5).
Figure 1. Évolution du régime alimentaire et de la composition de populations de pinsons
de 2003 à 2005, sur l’île de Daphne Major (Galápagos)
Le panneau supérieur représente le régime alimentaire (graines de petite et/ou de grandes
tailles) des trois populations de pinsons au cours des trois années. Le graphe inférieur
représente les proportions relatives d’individus à gros bec et d’individus à petit bec dans la
population de Geospiza fortis, en 2003, 2004 et 2005.
Les travaux réalisés
des événements de
relativement courte
intimement corrélés
d’autres espèces.
sur les pinsons de Darwin aux îles Galápagos ont permis de montrer que
sélection naturelle peuvent être détectés à une échelle de temps
sur des organismes complexes, et que ces épisodes de sélection sont
aux variations des conditions environnementales et à l’interaction avec
Les deux exemples présentés ici indiquent que les événements de sélection envisagés par
Darwin sont détectables chez des organismes très variés et sur différentes échelles de
temps. Ces événements de réduction de la diversité semblent, d’autre part, fortement
corrélés aux conditions environnementales et à leurs variations, comme l’avait déjà observé
Darwin il y a 150 ans. Si les mécanismes à l’origine de la diversité n’étaient pas
appréhendables à l’époque, les connaissances actuelles en génétique permettent aujourd’hui
une compréhension de ces mécanismes à l’échelle moléculaire. De la même façon, des travaux
récents ont permis de faire le lien entre la taille et la forme du bec des pinsons, et
l’expression de facteurs-clés au cours du développement embryonnaire (figure 2).
Figure 2. Corrélation entre taille du bec et activité BMP4 au cours du développement
chez le pinson et le poulet
La surexpression spécifique de BMP4 dans le mésenchyme du bec chez le poulet induit la
formation d’un bec plus large et plus haut que chez l’embryon contrôle. Cette situation
rappelle les différences observées au sein de l’espèce G. fortis. Adapté de Grant et Grant,
2002.
Par : Olivier Dequincey, le 10/12/2008
http://planet-terre.ens-lyon.fr/planetterre/XML/db/planetterre/metadata/LOM-selectionVIH-pinsons-Darwin.xml
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