Premier Millénaire

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Premier Millénaire
L'HISTOIRE ET L'ARCHITECTURE DES ÉDIFICES DE CETTE PÉRIODE
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Auxiliaires et fédérés
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Lorsqu’on parle de l’armée romaine, on semble considérer que les soldats de cette armée étaient tous romains.
D’une part, il faudrait définir le mot « romain ». S’agit-il d’un habitant de la ville de Rome ? ou d’une personne obéissant aux lois romaines ?
On sait que tous les habitants de Rome n’étaient pas considérés comme romains (par exemple : les esclaves). Et inversement, des habitants d’autres villes que Rome
pouvaient être considérés comme citoyens romains (tel Saint Paul , originaire de la ville de Tarse en Asie Mineure) .
Il faut aussi tenir compte du fait que la citoyenneté romaine a sans nul doute fortement évolué au cours du temps. Lorsque la puissance romaine était réduite à la seule
ville de Rome, tous les habitants de Rome (du moins les plus valides) devaient faire partie de cette armée. Mais, au fur et à mesure que cette puissance s’est développée,
on a dû faire appel à des volontaires issus d’autres villes que Rome. En fonction des services rendus, ces volontaires devenaient des citoyens romains.
En fait toute armée d’occupation recrute des autochtones. Ceux-ci peuvent être des guides, des interprètes ou des collaborateurs. L’armée romaine a dû probablement
faire de même.
Image 1
Soldat Romain : vélite.
Image 2
Cataphractaire : Le cavalier et son cheval
portent une cuirasse.
Image 3
Cavalier hun doté de son arc.
Les auxiliaires
Mais le recrutement d’autochtones par une armée d’occupation n’est en général que ponctuel et limité. Il en est autrement des auxiliaires. Ces auxiliaires étaient des
soldats n’ayant pas la citoyenneté romaine. Ils formaient de véritables unités combattantes commandées par des officiers romains. Ces unités combattantes pouvaient
constituer un groupe important au sein de la légion. En moyenne, le tiers de l’effectif. Mais la proportion a pu évoluer en fonction des époques ou des circonstances. Les
officiers romains devaient craindre que les soldats issus de peuplades non romaines se retournent contre eux. En conséquence, ils avaient deux choix possibles : soit ils
limitaient le nombre d’auxiliaires, soit ils opéraient leur recrutement auprès de peuples différents. Chacune des solutions ayant ses avantages et ses inconvénients. Il
semblerait néanmoins que c’est la seconde solution qui ait été privilégiée. En effet, en s’affrontant avec d’autres peuples, les romains s’étaient aperçus que chacun de
ces peuples avaient développé des techniques de combats très différentes et adaptées à divers types de situations. Il y avait par exemple les archers scythes, les cavaliers
thraces, la cataphractes sassanides. Pas seulement les techniques de combat mais sans doute aussi tout le reste. A savoir l’entraînement spécifique, l’armement ainsi que
les méthodes de fabrication de cet armement. Les légions romaines ainsi dotées d’unités spécialisées devaient donc être capables de s’adapter face à des situations
imprévues.
Image 4
Fantassins barbares.
Image 5
Fantassin suève.
Image 6
Fantassins vandales.
Les peuples fédérés
Il faut d’abord parler du « foedus ». L’origine de ce mot doit être proche du latin « fides » qui signifie « foi, confiance ».
Un « foedus » est une sorte de contrat institué entre deux peuples. Il s’agit non seulement d’un contrat de non agression (un traité de paix) mais aussi d’alliance et de
protection. Dans la plupart des cas, l’un des peuples est le peuple romain ou son représentant, l’empereur. L’autre peuple est un peuple barbare. Mais il peut y avoir un
tel type de contrat entre deux peuples barbares. Ainsi, à la bataille des Champs Catalauniques, les Ostrogoths, fédérés des Huns, sont obligés de se battre contre leurs
frères Wisigoths.
Mais revenons au « foedus » signé entre un empereur romain et un peuple barbare.
D’après le site internet Wikipedia, ce foedus « autorise l’installation de ce peuple sur un territoire sous domination romaine aux conditions suivantes :
- le peuple fédéré s’installe de façon indépendante, avec ses propres lois et ses propres dirigeants.
- Le peuple fédéré n’est pas soumis à la loi romaine, ni à l’impôt romain
- Les romains qui demeurent sur le territoire du fédéré dépendent de la loi romaine.
- L’empire romain peut recruter des soldats chez les fédérés contre rétribution. Ces soldats combattent avec leur armement et leur chef, et non un armement ou des
officiers romains. »
Puis, plus loin : « Les barbares voient généralement un traité comme un engagement de personne à personne plus que comme un accord avec une abstraction telle que
l’Empire Romain. Ils considèrent donc le traité comme caduc à la disparition de l’empereur ou de sa famille. »
Nous ne sommes que partiellement d’accord avec ce texte qui semble faire la part belle aux « bons » romains face aux « méchants » barbares.
Reprenons la phrase : « le peuple fédéré s’installe de façon indépendante, avec ses propres lois et ses propres dirigeants. ». A première vue, elle apparaît totalement
illogique. Connaissons-nous un seul propriétaire qui signerait un accord pour qu’un squatter s’installe chez lui ? S’il réalisait un tel accord, cela ne pourrait être qu’en
échange d’un service rendu par le squatter.
On est donc obligé de considérer que l’installation d’un peuple fédéré en territoire romain a dû se faire en échange d’un service rendu par ce peuple. Et il est facile
d’imaginer ce que devait être le service en question : le maintien de la paix.
Il faut comprendre que la « Pax Romana » n’a probablement jamais été totale et universelle dans l’Empire Romain. Selon les époques il pouvait y avoir des troubles
(révoltes, mutineries, guerres, invasions) dans telle ou telle région. Le plus souvent ces troubles étaient la conséquence d’une carence des armées romaines incapables
d’assurer la protection des populations.
Image 7
Fantassins francs.
Dans la seconde moitié du 4
Image 8
Fantassin vandale (représentation du 16ème
Image 9
siècle).
Wisigoth.
ème siècle, à la suite des échecs militaires de Julien, Valentinien et Valens, l’armée romaine, divisée par des conflits internes, devient
incapable de protéger à elle seule l’ensemble des territoires. Il ne reste qu’une solution : le foedus. L’idée est de confier la protection de certaines régions de l’Empire à
des peuples armés. Cette protection n’est pas gratuite. Elle ne l’était d’ailleurs pas auparavant quand les légions romaines contrôlaient et protégeaient le territoire. Elles
percevaient un impôt en échange de ce service : le fameux « denier à César » des Évangiles.
Comment étaient rétribués les peuples fédérés ? Cela pouvait être par des dons en numéraire. Mais cela pouvait aussi être le droit de s’installer sur des terres nouvelles à
défricher. Ou sur des terres confisquées à des renégats.
Il faut nous enlever de l’esprit la vision hollywoodienne du barbare détruisant tout sur son passage. Dans la plupart des cas, le barbare, comme tout migrant, n’avait
qu’une idée en tête : s’installer, construire un logis et vivre en paix avec ses voisins. Certes, il ne faut pas voir cette coexistence entre deux ou plusieurs peuples sous un
jour idyllique. Il devait y avoir des tensions entre communautés voisines. C’est d’ailleurs pour cela que chacun des peuples vivait sous sa propre loi et avec ses propres
chefs. Et lorsqu’il y avait conflit, il devait y avoir recours à des instances arbitrales.
Néanmoins on est obligé de constater que le système devait être viable puisqu’il a subsisté durant une bonne partie du Premier Millénaire.
Cette coexistence en un même endroit de plusieurs peuples ayant des langues, des mœurs, des religions, des habitudes alimentaires différentes laisse envisager qu’ils
aient pu s’organiser en entités indépendantes. Et c’est bien ce que l’on constate à travers la littérature ou l’archéologie. Ainsi dans son Histoire de la guerre contre les
Goths, Procope nous parle de la prise de Naples par le général byzantin Bélisaire et il fait apparaître les débats ayant eu lieu entre napolitains au sujet de la garnison de
goths qui participait à la protection de la ville : fallait-il les abandonner en se soumettant à Bélisaire? fallait-il se battre avec eux contre Bélisaire ? les napolitains
choisissent la première solution.
Concernant l’archéologie, on constate que beaucoup de villes du Haut Moyen-Âge sont des villes multiples. C’est-à-dire constituées de quartiers bien différentiés.
Parfois entourés de murailles et isolés les uns des autres. C’est le cas, en particulier de Périgueux. Pour d’autres villes c’est moins visible, car l’extension de ces villes au
Moyen-âge ou à la Renaissance a gommé toutes les spécificités et en particulier les murailles qui séparaient des quartiers mitoyens.
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Guerriers Suèves. Le seul élément distinctif pourrait
être le bouclier décoré d’un chrisme.
Burgonde.
Guerriers francs.
A remarquer dans les images qui précèdent la présence du stéréotype du barbare : hirsute, farouche, mal rasé, brandissant une arme,… Ce stéréotype est unique : tous
les barbares se ressemblent et on aurait pu échanger les étiquettes sans choquer quiconque. Or, à l’époque, il devait exister des caractères très distinctifs et chacun
devait être capable de faire la différence entre un franc, un burgonde ou un suève.
La dernière partie du texte de Wikipedia , « Les barbares voient généralement un traité comme un engagement de personne à personne plus que comme un accord avec
une abstraction telle que l’Empire Romain. Ils considèrent donc le traité comme caduc à la disparition de l’empereur ou de sa famille. » , pourrait laisser croire que les
barbares sont les seuls responsables de la rupture du contrat. Ce qui n’est sans doute pas le cas.
Comme tout contrat ou tout traité, le foedus peur être dénoncé par l’une ou l’autre des parties. Et les romains ne se sont pas privés de le faire. On peut même penser
que cette rupture unilatérale par Rome du contrat de foedus est une cause principale des malheurs de cette ville. Et ce à deux reprises :
En 408, les Wisigoths de Alaric arrivent en Italie du Nord (invasion ? migration ?). Sans doute dans le but de s’en débarrasser, les Romains « donnent » la Narbonnaise
aux Wisigoths (en fait il ne doit pas s’agir d’un don mais d’un « foedus », un contrat accordant aux Wisigoths le soin d’assurer la protection de cette région confrontée à
de nombreuses difficultés (révoltes paysannes, raids de pirates, incursions de Germains). Les Wisigoths se dirigent donc vers la Narbonnaise. Mais au cours de leur
déplacement, ils sont attaqués par les Romains conduits par leur général, Stilicon, d’origine Vandale. Ils réussissent à repousser Stilicon. Que fait alors Alaric ? Plutôt
que de reprendre son chemin vers la Narbonnaise, il préfère revenir en Italie. Il prendra Rome en 410 et ravagera toute une partie de l’Italie. Pourquoi Alaric est-il
revenu en Italie. Ne serait-ce pas parce que les Romains avaient rompu unilatéralement leur contrat ?
Tout le monde a entendu parler de la fameuse bataille dite des Champs Catalauniques (451) qui aurait vu la victoire d’une troupe Gallo-romaine conduite par Aetius sur
les Huns d’Attila. Par contre on ignore beaucoup plus que cette victoire ne fut en fait qu’une demi-victoire (ou une demi-défaite) et que, à l’issue de la bataille, Attila,
plutôt que de reprendre le combat, préféra ravager l’Italie. On ignore aussi que les dits, « champs catalauniques » avaient des dimensions considérables : imaginons un
carré de 150 km de côté! Que s’est-il réellement passé ? On peut envisager que les romains de Byzance , désireux de se débarrasser des Huns, leur aient « vendu » les
Champs Catalauniques en leur proposant un « foedus » sur ceux-ci. Et en leur garantissant le bon accueil des populations locales. L’hypothèse est un peu osée mais elle
permettrait de comprendre l’attitude d’Attila se retournant contre Rome après son demi-échec : il voulait se venger d’avoir été dupé.
En fait il semblerait (mais ceci reste à confirmer) que les barbares aient été plus attachés que les romains au respect du « foedus » qui doit être considéré comme plus
important qu’un contrat. C’est ce qu’on pourrait appeler un pacte car, au caractère purement formel, se mêle quelque chose de religieux, de magique, de sentimental. A
plusieurs reprises, des peuples sont restés fédérés bien que l’empire romain n’ait plus été en mesure de payer ce qu’il devait. De même, on constate que les princes
francs témoignent d’une très grande déférence vis-à-vis de l’empereur de Constantinople, longtemps après qu’ils aient cessé d’être fédérés.
Le « foedus » devait permettre de fixer aux frontières de l’empire romain des nations alliées constituant un écran protecteur contre d’autres nations plus hostiles. Loin
d’être cause de la chute du modèle romain, il a sans doute permis de prolonger sa survie.
Pour terminer, il faut dire que le mot de foedus a donné naissance aux deux mots de « fédéralisme » et de « féodalité ». Mots apparemment très différents mais qui
semblent traduire l’originalité de ce que devait être le « foedus », un fédéralisme pour les peuples, une féodalité pour leurs dirigeants.
Il apparaît de plus en plus au vu de nos recherches récentes que le modèle barbare ayant donné naissance au fédéralisme ou à la féodalité devait être plus démocratique
que le système impérial romain. Et que la légende des « Chevaliers de la Table Ronde » ne serait que le reflet d’une réalité concrète : l’existence d’assemblées de guerriers
tous situés sur un même pied d’égalité. Par mimétisme les institutions chrétiennes romaines auraient crée le même type de structures : les chapitres de chanoines. Il
reste sans nul doute beaucoup de choses à découvrir concernant le « foedus ».
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