24 avril 2015

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DOSSIER
LA
SURFACTURATION
MÉDICALE
QUAND LE MÉDECIN VEUT NOUS FAIRE PAYER
DES SOINS COUVERTS
Dres Camille Gérin et Dounia Kayal
Médecins québécois pour le régime public (MQRP)
1 Cadre légal
Afin de bien comprendre le problème des frais facturés aux
patients pour des soins médicalement requis, revoyons les
Les patients doivent payer de plus en plus souvent pour lois et règlements encadrant notre système de santé et la
recevoir certains soins couverts par l’assurance maladie, facturation des services non assurés.
en particulier dans les cabinets de médecins. Pourtant,
les règles sont claires. Elles tiennent en une seule
phrase : tout ce qui est médicalement nécessaire doit Loi canadienne sur la santé
être accessible gratuitement pour le patient.
La Loi canadienne sur la santé (LCS) établit des critères
Malgré cela, les citoyens se font facturer de plus en plus auxquels toutes les provinces doivent se conformer pour
de frais accessoires exigés lors de visites médicales, bien
recevoir les pleins transferts fédéraux en matière de santé.
au-delà des rares exceptions permises par la loi. VulnéEn ce qui a trait aux frais accessoires, les principes
rables face aux difficultés d’accès et à la complexité du
système et dépendants de leur médecin, les usagers ne d’intégralité, d’accessibilité et l’interdiction de surfactusont pas en position de refuser de payer des sommes ration doivent être appliqués. Pour être conforme à la
souvent élevées. Compromettre ainsi l’accès aux soins LCS, le système public de santé du Québec devrait donc
en érigeant des barrières tarifaires conduit au dévelop- interdire toute forme de frais aux patients dans le cadre
pement sournois d’un système de santé à deux vitesses. de la prestation de services médicalement nécessaires1,
C’est une situation inacceptable qui doit être dénoncée. une pratique pourtant courante.
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DOSSIER
LA SURFACTURATION MÉDICALE
Loi sur l’assurance hospitalisation
et Loi sur l’assurance maladie
La Loi sur l’assurance hospitalisation (LAH) et la Loi sur
l’assurance maladie (LAM), adoptées en 1960 et en 1970,
ont instauré des régimes publics d’assurance permettant
d’offrir des soins de santé gratuits à tous les résidents du
Québec. Cette avancée médicale et sociale remarquable a
contribué à une amélioration sans précédent de l’accès
aux soins.
Ces deux lois confirment les principes d’intégralité et
d’accessibilité de la LCS en couvrant tous les soins et services médicalement requis prodigués par les hôpitaux et
les médecins au Québec. La loi est sans équivoque : dans
le cadre d’une prestation de services assurés, toute facturation directe au patient non explicitement permise par
entente ou par règlement est interdite. Point à la ligne.
Les « frais de cabinet »
et la « composante technique »
La liste des frais facturables au patient dans le respect de la
loi et des ententes est assez courte. Des frais peuvent être
exigés dans les situations suivantes2 :
la RAMQ qui n’accepte pas la carte-soleil et que les
patients doivent payer directement);
constater que les prix suggérés varient beaucoup
selon les fédérations et les associations médicales, qui
proposent chacune des grilles tarifaires aux montants
très variables.
2 Pour des services non assurés ou non considérés assu-
3 À titre de compensation pour les frais accessoires. En
1 Par un médecin non participant (médecin désaffilié de
rés. Ceux-ci sont cités dans l’article 22 du Règlement
d’application de la LAM3 et comprennent notamment :
a. Les services fournis par correspondance et télécommunication (consultations téléphoniques,
renouvellements d’ordonnance par téléphone);
b. Les visites dans le seul but de renouveler une
ordonnance;
c. Certains actes d’imagerie lorsque pratiqués hors
établissement (échographies, scans et résonnance
magnétique en clinique).
Il est intéressant de noter que la tarification pour ces
services non assurés n’est pas régulée et demeure à la
discrétion du médecin. De plus, il est troublant de
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ce qui concerne les frais accessoires pour la prestation de services assurés (donc médicalement requis),
les seuls frais exigibles par un médecin sont le coût
des médicaments et agents anesthésiques administrés
en cabinet, de même que ceux de stérilet, du matériel
pour plâtre, de l’attelle et du « taping »4. De plus, le
médecin peut obtenir compensation auprès du patient
pour la rédaction d’un formulaire médical5, sauf dans
certaines exceptions6, par exemple les formulaires de
la CSST7. Ces dispositions ne respectent toutefois pas
l’esprit de la LAM puisque les plâtres ou les agents
anesthésiques étant utilisés dans le contexte d’un service médicalement requis, leur coût devrait en principe
être couvert en cabinet, comme il l’est dans les hôpitaux.
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Une portion souvent méconnue du grand public de la Collège des médecins. Saluons le fait que ce dernier ait
rémunération reçue par les médecins pratiquant en cabinet récemment adopté une mise à jour de son Code de déontos’appelle, dans le jargon, la « composante technique ». En logie statuant plus clairement que les médecins ne peuvent
effet, les médecins pratiquant en cabinet et rémunérés par réclamer de montants disproportionnés, mais qu’ils peuvent
la RAMQ obtiennent pour la plupart des actes assurés une plutôt « demander des frais qui correspondent au prix coûrémunération supplémentaire, de l’ordre de 20 à 70 % tant des fournitures médicales, notamment les attelles ou
(selon les sources consultées), afin de compenser les frais les médicaments, auxquels pourront s’ajouter des frais d’adde la pratique en bureau. Cela permet, par exemple, de ministration raisonnables incluant notamment les frais
couvrir les coûts du loyer et du secrétariat. En établisse- pour l’entreposage et la conservation9 ».
ment (hôpitaux et CLSC), ces dépenses sont plutôt assumées par l’administration publique.
Frais administratifs illégaux
2 Comment s’y retrouver?
Quelques exemples
de frais accessoires
Surfacturation illégale de frais
accessoires pour les médicaments
et agents anesthésiques
« Il y a quelques années, Gabriel a eu rendez-vous avec un
spécialiste en ophtalmologie qui lui a facturé 40 $ pour lui
administrer des gouttes nécessaires à un examen de la vue.
Ayant trouvé ce montant exorbitant, Gabriel est allé consulter
un pharmacien au sujet du coût des gouttes. Selon le pharmacien, il s’agissait d’un produit qui ne coûtait pas plus d’un
dollar. L’ophtalmologue a donc facturé 40 fois le coût réel.
Afin de s’opposer à ces frais abusifs, Gabriel a écrit une lettre
à la RAMQ, qui l’a dirigé vers le Collège des médecins.
Plusieurs mois plus tard, Gabriel reçoit un chèque de 20 $ de
la part de l’ophtalmologiste, sans aucune autre explication.8 »
Certains frais de type administratif sont exigés par les
médecins et suggérés par les fédérations sous le couvert
d’une contribution aux frais de gestion de cabinet. On
exige ainsi des usagers des frais d’ouverture de dossier, de
photocopies, d’entreposage des vaccins, etc. Pourtant, tous
ces frais administratifs sont accessoires à des services
médicalement nécessaires et ne sont pas explicitement
exclus de la couverture publique. De plus, ils sont compris
dans la portion de la rémunération du médecin dédiée aux
frais de cabinet (composante technique). Ils apparaissent
donc illégaux, comme le rappelle la RAMQ10.
Frais pour vaccination
Il n’est pas rare que des cliniques pédiatriques demandent
de 15 $ à 30 $ par vaccin de routine en prétextant des frais
d’entreposage et de matériel. Pourtant, les vaccins sont fournis gratuitement aux cliniques par les départements de santé
Il est courant de faire payer des médicaments ou agents
anesthésiques jusqu’à plus de 20 fois leur coût réel. De
même, certains médecins demandent des frais exorbitants
pour l’injection d’un agent anesthésique local lors de procédures dermatologiques ou même pour administrer un
sédatif avant une colonoscopie. Même si les ententes prévoient que le médecin pratiquant en cabinet peut obtenir
une compensation pour ces médicaments, on assiste à une
facturation de frais disproportionnés.
Il est à noter que les patients avaient jusqu’à tout récemment peu de recours dans ces situations. La RAMQ ne
reconnaissant pas ces plaintes, elle les redirigeaient vers le
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LA SURFACTURATION MÉDICALE
publique. Cette pratique illégale est faussement légitimée
par le fait que certaines assurances privées remboursent
ces frais et que les « grilles tarifaires » des fédérations de
médecins suggèrent des prix « à titre indicatif » à cet égard.
Forfaits annuels pour frais
« non assurés »
« Rencontre avec le psychiatre 500 $. Il s’agit d’un forfait
administratif valide pour un an à partir de la date de l’évaluation et qui couvre un ensemble d’actes non assurés par
la RAMQ en bureau privé (c’est-à-dire la consultation de
votre dossier incluant tous les documents envoyés, les
notes des évaluatrices, les grilles et les discussions avec
l’équipe). On inclut deux represcriptions à la pharmacie
et un des documents suivants : soit un court certificat
d’attestation médicale, soit le formulaire de médicament/
patient d’exception, soit une brève lettre pour mesures
adaptatives, formulaire de déficiences fonctionnelles
majeures. Les formulaires plus complexes, tels que ceux
pour le gouvernement ou les assurances, sont facturés en
fonction de la grille de tarifs de l’Association des médecins
psychiatres du Québec (AMPQ). La carte d’assurance
maladie couvre seulement la consultation et la rencontre
avec l’accompagnateur.11 »
Le forfait mentionné dans cet exemple correspond à un
montant annuel facturé au patient pour des services non
assurés dont il pourrait avoir besoin. Pourtant, lorsqu’un
médecin souhaite facturer des frais au patient, il doit
obligatoirement afficher les tarifs à la vue des patients, s’en
tenir à ceux-ci et remettre une facture détaillée au patient.
C’est la loi. Il est donc illégal de facturer des « forfaits
annuels » puisque, lors du paiement, les services exacts
n’auront pas encore été rendus (et ne le seront peut-être
jamais) : leur nombre demeure inconnu et, par conséquent,
une facture détaillée ne peut donc être produite, conformément à la loi.
Ces forfaits annuels, bien qu’ils ne soient pas toujours présentés comme requis pour accéder au médecin, représentent tout de même une barrière financière importante
et constituent un frein à l’accessibilité.
Frais pour obtenir un rendez-vous
Plusieurs cliniques exigent des sommes aux patients pour
obtenir un accès au médecin en dehors des heures d’ouverture habituelles ou pour un accès privilégié au sans rendez-vous12. Or, demander de l’argent en échange d’un
rendez-vous rapide est contraire à la loi.
Coopératives de santé
Dans le cas des coopératives, implantées en régions rurales,
les patients achètent un certain nombre de parts sociales et
paient une cotisation annuelle pour accéder à un médecin.
Bien que ces frais soient présentés comme une « contribution volontaire », selon les témoignages récoltés, les usagers les perçoivent comme des frais d’adhésion à la coopérative obligatoires pour avoir accès à un médecin de famille.
Encore une fois, la notion d’accès privilégié au médecin
contre paiement est au cœur du problème.
Autres professionnels de la santé
Au cours des dernières années, on a assisté à une transformation rapide des approches et des pratiques cliniques.
L’époque du médecin qui travaillait en cabinet solo est
maintenant révolue, laissant place à des modèles de collaboration interdisciplinaire fondé sur la dyade médecininfirmière ou infirmier. Or, les ajustements nécessaires au
sein du régime d’assurance maladie et des lois encadrant la
pratique médicale n’ont pas suivi le rythme, ouvrant une
autre porte aux frais accessoires abusifs.
En effet, les actes effectués par les infirmières sont dans certains cas facturés aux patients. Ainsi, une clinique spécialisée
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de Montréal demande à ses patients de prévoir des frais
pour la consultation avec l’infirmière lors de leur rendezvous, frais qui varient entre 30 $ et 200 $13, pour des services qui devraient pourtant être gratuits, parce qu’ils
sont assurés par la RAMQ, s’ils étaient prodigués par le
médecin plutôt que par l’infirmière, ou s’ils étaient réalisés par une infirmière en CLSC, en GMF ou à l’hôpital
(ex. : dépistage ITSS, cytologie).
3 Impacts sur les patients
Nous nous inquiétons d’abord et avant tout de la prolifération des frais accessoires en raison de leurs impacts néfastes
sur la santé des citoyens.
Un accès inéquitable
Les frais facturés aux usagers, de façon légale ou illégale,
engendrent de profondes injustices au sein de notre système de santé. En effet, les patients qui en ont les moyens
ont un accès privilégié aux soins. Pourtant, il serait possible de freiner l’expansion de ce système à deux vitesses si
la loi était simplement mieux appliquée.
« Les patients sont placés en situation d’insécurité et de
vulnérabilité. Ils sont en conséquence davantage prêts à
débourser pour eux et leur famille afin d’obtenir une
garantie d’accès au professionnel de la santé en temps
opportun lorsque surgit le besoin.14 »
Les difficultés d’accès à un médecin et à certains services
médicaux placent aussi les médecins en situation de pouvoir par rapport à des patients prêts à payer, à se priver
ou à s’endetter pour un accès à des soins autrement difficiles à obtenir. Ainsi, les parents d’un nouveau-né qui
n’arrivent pas à trouver un médecin pour leur enfant
pourraient accepter de débourser des frais à chaque visite
pour s’assurer que leur enfant ait un suivi médical. La
facturation de frais illégaux est ainsi facilitée, d’autant
plus qu’elle est tolérée par les autorités et normalisée par
les fédérations médicales.
Le patient, pris en otage dans ce système, est obligé de
payer pour avoir accès à des soins dont la pertinence et le
degré d’urgence peuvent être teintés par la notion de renta-
bilité. Ce rapport de force financier entre le médecin et le
patient n’est ni équilibré ni équitable, ce dernier étant en
évidente position de vulnérabilité.
Patients mal informés
« Les personnes assurées ont, pour leur part, de plus en
plus de difficulté à déterminer la légalité des frais qui leur
sont facturés en cabinet privé.15 »
Cette situation perverse a aussi comme effet de « normaliser », pour le patient, le fait de devoir payer. Les usagers
s’habituent ainsi à sortir leur portefeuille chaque fois que
leur enfant reçoit un vaccin, qu’ils veulent obtenir une
place garantie au sans rendez-vous, qu’ils doivent payer un
forfait pour obtenir ou pour conserver l’accès à un médecin de famille.
Les fédérations et le Collège des médecins se réfugient derrière le fait que certains des frais sont « suggérés » et non
obligatoires. Pourtant, les patients n’en sont souvent pas
informés et peuvent être portés à penser qu’ils doivent
payer pour avoir accès à des soins de santé. Certains savent
que ce n’est pas éthique ni légal, mais paient quand même
de peur de perdre leur médecin.
Processus de plainte complexe
« Pour une pratique de facturation donnée, bien peu de
personnes vont aller jusqu’à faire une demande de remboursement à la Régie, soit par méconnaissance de la loi,
soit par crainte de représailles de la part du médecin. »
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LA SURFACTURATION MÉDICALE
Les patients peuvent certes présenter une demande de
remboursement à la RAMQ lorsqu’ils estiment avoir payé
des frais non justifiés. Cependant, ce processus n’étant
pas anonyme, plusieurs craignent de se plaindre de peur
d’affecter la relation thérapeutique avec leur médecin. De
plus, si les plaintes sont refusées, la RAMQ indique parfois au patient de se tourner vers le Collège des médecins,
par exemple dans le cas d’une surfacturation pour le prix
des médicaments et des agents anesthésiques administrés
en cabinet. Une étape supplémentaire qui décourage
plusieurs patients.
4 Quels recours existe-t-il
pour les usagers?
Lorsqu’un médecin facture des frais,
il faut toujours demander une facture
détaillée et conserver la preuve de paiement.
1 Il peut être parfois difficile de distinguer les frais légaux
des frais illégaux. Vous pouvez vous référer à l’outil
ci-joint et au site de la RAMQ : http://www.ramq.
gouv.qc.ca/fr/professionnels/medecins-specialistes/
facturation/legalite-frais-demandes/Pages/medecinparticipants-desengages.aspx.
2 Il est important de dénoncer les pratiques de surfac-
turation et de facturation illégale, qui constituent une
barrière financière à l’accès aux soins. Nous vous
encourageons à les signaler à la RAMQ, qui doit exercer
les responsabilités que la loi lui confère en ne tolérant
aucune pratique de facturation illégale ou déraisonnable et au Collège des médecins, qui doit protéger
le public et s’assurer du respect par ses membres de
leur Code de déontologie. Vous trouverez un exemple
de lettre de dénonciation à l’adresse suivante : http://
www.mqrp.qc.ca/lettre.docx.
5 Solutions
Comme nous l’avons vu, de plus en plus de frais sont facturés aux patients : certains le sont de façon légale en
raison de leur exclusion, par ailleurs discutable, de la
couverture publique, et d’autres, de manière illégale. Les
associations et fédérations médicales, avec leurs grilles
tarifaires, contribuent à la normalisation insidieuse de
ces pratiques au sein du corps médical.
L’application rigoureuse de la Loi sur l’assurance maladie
par la RAMQ et l’engagement du MSSS à faire respecter
l’esprit de la loi feraient déjà beaucoup pour garantir la
gratuité d’accès aux services médicalement nécessaires
prodigués par les médecins.
Le ministère de la Santé et des Services sociaux doit
faciliter le processus de plainte et de remboursement
pour les patients et fournir mandat et ressources à la
RAMQ pour lui permettre de réaliser les enquêtes nécessaires et d’imposer les amendes prévues par la loi.
La RAMQ doit d’abord informer clairement les médecins
pratiquant en cabinet de l’illégalité de certains frais qu’ils y
facturent. Ensuite, elle doit assumer son rôle de protecteur
de la loi en sévissant contre la facturation de frais illégaux.
Si le ministère de la Santé et les fédérations ont à renégocier des ententes pour assurer un financement adéquat de
la composante technique, cela doit se faire dans les ententes
publiques, sans reléguer la facture aux patients. Le patient
ne devrait jamais être pris en otage.
On doit s’inquiéter des modèles de soins impliquant une
prestation privée des soins, comme le projet des supercliniques évoqué par le gouvernement actuel. En effet, en
augmentant la prestation de soins spécialisés en cabinet,
on risque d’assister à une facturation accrue de frais accessoires. Au contraire, un mouvement vers une plus grande
3 Une requête pour autoriser un recours collectif a été prestation publique de soins de santé en établissement ou
déposée en mai 2014 contre la RAMQ et le ministère en cabinet gérés par le système public plutôt que par des
de la Santé et des Services sociaux pour les cas de intérêts privés serait une voie praticable vers l’élimination
surfacturation illégale en cabinet : http://www. des frais imposés aux patients pour des soins médicalesurfacturation.ca/. Vous pouvez vous y inscrire par ment requis. Ainsi, on pourrait revaloriser le concept du
le site Web si vous avez été victimes de surfacturation CLSC, puisque sa multidisciplinarité, sa proximité avec la
communauté et sa place claire dans le CSSS et le réseau
en clinique médicale.
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constituent des atouts gagnants. En ce moment, c’est d’ailleurs le seul endroit hors hôpital où les patients ont un
accès gratuit à plusieurs professionnels de la santé (physiothérapeutes, psychologues, ergothérapeutes, orthophonistes, travailleurs sociaux…). Le même modèle pourrait
être étendu à plusieurs cliniques d’omnipraticiens.
Il y a finalement urgence de garantir que la délégation
d’actes médicaux ne devienne pas une excuse pour facturer le patient. Il faudra encadrer l’évolution du système de
santé pour s’assurer que tout soin médicalement requis soit
assuré directement et intégralement par la RAMQ, élargissant la couverture publique aux soins prodigués hors
établissement, incluant par d’autres professionnels que les
médecins, comme les infirmières et les pharmaciens.
La multiplication des frais facturés aux patients, sous
prétexte de compenser des frais de gestion, s’inscrit dans
une logique de maximisation des profits. La médecine
n’est pourtant pas une relation d’affaires, il s’agit d’une
relation humaine et professionnelle. Il est essentiel de
régler rapidement la question des frais facturés aux
patients. La solution est la couverture publique, qui permet d’assurer l’accès gratuit à des soins de qualité sans
1. Médicalement nécessaire : « relié à un processus de guérison ou
de prévention de la maladie » (Règlement d’application de la Loi sur
l’assurance maladie, LRQ, c A-29, r. 5, art. 22).
2. Régie de l’assurance maladie du Québec. (2010). Infolettre 199.
Rappel à propos de la facturation de frais illégaux. Repéré à http://
www.ramq.gouv.qc.ca/sitecollectiondocuments/professionnels/
infolettres/2010/info199-0.pdf
3. Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie, LRQ,
c A-29, r. 5, art. 22.
4. Régie de l’assurance maladie du Québec (2006). Manuel des méde­
cins omnipraticiens (no 100), c 7, règle 1.1.4. Régie de l’assurance
maladie du Québec (2006), Manuel des médecins spécialistes
(no 150), c 8, règle 2.1.
5. Régie de l’assurance maladie du Québec (2006). Manuel des méde­
cins omnipraticiens (no 100), c 7, règle 1.1.4.
6. Régie de l’assurance maladie du Québec (2011). Infolettre 031.
Frais accessoires – Formulaires médicaux identifiés à l’annexe XI
de l’Entente. Repéré à http://www.ramq.gouv.qc.ca/site
collectiondocuments/professionnels/infolettres/2011/papillon_
frais_accessoires.pdf.
7. Régie de l’assurance maladie du Québec (2006). Manuel des
médecins omnipraticiens (no 100), onglet B, sections b-22 à b-30.
8. Témoignage recueilli par le comité lutte en santé de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles (Clinique communautaire de
égard à la capacité de payer et de protéger l’intégrité de
la profession médicale.
Le système public peut et doit s’assurer que tous les patients
ont accès aux soins médicalement nécessaires sans avoir à
débourser ni à contracter une assurance privée supplémentaire. Parce que nous pouvons faire le choix, comme
société, d’un régime de qualité et complètement public. ◆
Pointe-Saint-Charles. « Les frais illégaux et abusifs en santé : une faille
importante de notre système public de santé et de services sociaux »,
publié le 13 décembre 2012, récupéré de http://ccpsc.qc.ca/frais).
9. Extrait de modifications au Code de déontologie des médecins –
guide explicatif – Collège des médecins du Québec, p. 10.
10. Régie de l’assurance maladie du Québec (2012). Frais facturés par
un médecin. Repéré à http://www.ramq.gouv.qc.ca/fr/citoyens/
assurance-maladie/soins/Pages/frais-facture-medecin.aspx.
11. http://www.cliniquetdah.com/les-couts.
12. Bonjour-santé, par exemple, facture 15 $ au patient qui veut se
réserver une place dans un sans rendez-vous à une heure fixée
d’avance. Il n’est pas clair si toutes les places du sans rendez-vous
d’une clinique peuvent être comblées par Bonjour-santé, ce qui
équivaudrait à imposer des frais pour voir un médecin puisque
ceux qui ne passent pas par ce système risquent d’être refusés si
la capacité est atteinte avec les patients « payant » leur place.
13. http://www.cliniquea.ca/CliniqueArueMcGill_Rendez-vous.html.
14. Marie-Claude PRÉMONT (2011). « Les paiements de patients
pour des soins payés par les fonds publics », Revue Vie
Économique, 3 (1), p. 8.
15. Gouvernement du Québec (2008). Rapport du groupe de travail
sur le financement du système de santé. En avoir pour notre argent.
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LA SURFACTURATION MÉDICALE
Un DOSSIER en évolution
Le dossier de la surfacturation médicale en clinique médicale a connu plusieurs rebondissements au cours des derniers mois. D’abord, le 15 mai 2014, Philippe Léveillé, un
ingénieur de la région de Montréal, a déposé une requête à
la Cour supérieure en vue d’obtenir l’autorisation d’exercer
un recours collectif contre les médecins et les cliniques
médicales qui pratiquent une surfacturation. M. Léveillé
est représenté par le cabinet Grenier Verbauwhede Avocats,
qui a remporté le recours collectif relatif au Lucentis, un
médicament utilisé dans les cas de dégénérescence maculaire. Le recours collectif intenté vise d’abord à rétablir une
véritable gratuité de tous les soins médicalement requis
afin d’en assurer une accessibilité universelle. Un remboursement des frais engagés et le versement de dommages
sont également réclamés.
Le 15 juillet, 17 autres cliniques étaient ajoutées à la requête.
Puis, en novembre, une trentaine de cliniques d’omnipraticiens, de radiologistes, de chirurgiens, d’orthopédistes,
de physiatres, de gastroentérologues, de dermatologues,
d’obstétriciens gynécologues, d’oto-rhino-laryngologistes
et d’optométristes sont venues allonger cette liste. Au total,
depuis le dépôt du recours collectif, une cinquantaine de
cliniques ont été ajoutées à la demande de patients victimes de surfacturation en clinique médicale. En outre, le
recours vise non seulement des cliniques, mais également
la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ),
le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et le
Collège des médecins.
Pour plus d’information concernant ce recours collectif,
visitez le www.surfacturation.ca.
Sortie publique de l’AREQ
Le 16 novembre 2014, l’AREQ a tenu une conférence de
presse, en compagnie de quatre autres associations, pour
dénoncer la facturation médicale illégale et inviter ses
membres à s’inscrire au recours collectif. Outre l’AREQ,
les organisations présentes étaient Médecins québécois
pour le régime public (MQRP), le Conseil pour la protection des malades, la Coalition Solidarité Santé et la Clinique
communautaire de Pointe-Saint-Charles.
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Le président de l’AREQ a rappelé qu’« il est souvent difficile de départager les frais qui sont légaux ou légitimes et
ceux qui ne le sont pas. Dans le doute, trop de personnes
aînées se taisent et ramassent la facture. Aussi, dans un
contexte où l’accès à un médecin devient de plus en plus
difficile et où les délais d’attente pour une consultation
avec les spécialistes s’allongent, elles hésitent à s’opposer
au paiement de frais réclamés lors d’une consultation,
surtout s’ils sont présentés comme étant inévitables ».
Réaction du Collège des médecins
Enfin, le Collège des médecins a rendu publique le 5 janvier 2015 une version révisée du Code de déontologie des
médecins. Une des modifications touche la surfacturation médicale. En effet, le nouveau Code précise que « les
médecins ne pourront pas réclamer aux patients des
montants disproportionnés pour les médicaments administrés ou les appareils installés et qu’ils devront leur
remettre une facture détaillée. De plus, le Code contient
maintenant un article précisant que les médecins devront
s’assurer que la priorité d’accès à des soins médicaux soit
donnée aux patients strictement en fonction de critères
médicaux et non financiers ».
Dans Le Devoir, Me Bruno Grenier, du cabinet Grenier
Verbauwhede Avocats, estimait que la formule « montant
disproportionné » laisse trop de place à l’interprétation,
et donc éventuellement à de nouveaux abus. Selon lui, le
Collège des médecins devrait clarifier cet article en se
basant sur la loi sur la RAMQ, qui indique que le médecin
peut facturer seulement le coût des médicaments. ◆
www.areq.qc.net
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