PLAT_TECH_Imagerie_78_Mise en page 1 28/09/14 21:43 Page1 PLATEAUX TECHNIQUES Des outils collaboratifs pour mieux impliquer le patient Depuis que le patient est considéré comme acteur de la prise en charge de ses soins, les professionnels de santé se doivent de l’informer de son état, en rendant accessibles les données issues de l‘imagerie médicale. Jérôme Béranger, chercheur à l’Espace éthique méditerranéen, voit dans cette évolution un profond changement des rapports médecin/patient avec les TIC comme interface et promeut une éthique médicale appliquée aux technologies de la santé. C Comme pour l’ensemble des activités d’imagerie médicale, la gestion des données de santé des patients issus des unités d’urgence doit relever d’une action collaborative entre le praticien et le malade. C’est ce que constate le chercheur Jérôme Béranger, fidèle aux résultats de ses travaux sur la dimension éthique de l’usage des systèmes d’information de santé. Une triangulation Médecin/Patient/TIC Jérôme Béranger est chercheur associé à l’Espace éthique méditerranéen (UMR 7268 Ades [Anthropologie bioculturelle, droit, éthique et santé], université d’Aix-Marseille) et responsable adjoint du département Recherche de Keosys. Cette notion est encore plus prégnante dans les situations d’urgence, puisque les décisions prises dans ces conditions détermineront l’enchaînement des traitements ultérieurs. « Il est essentiel, aujourd’hui, de faire collaborer le patient à la prise de décision, précise Jérôme Béranger. Le patient, depuis l’avènement du consentement éclairé, est déclaré autonome. Le radiologue, ainsi que l’équipe pluridisciplinaire impliquée dans sa prise en charge, se doit de lui fournir une information claire et épurée, ce que j’appelle l’information “lean”, qui puisse lui servir pour participer à la réflexion. » Les TIC ont ainsi un rôle primordial à jouer dans les situations d’urgence, notamment par un transfert des données plus rapide. « Les TIC sont partenaire du processus, si bien que l’on peut imaginer des triangulations patient/équipe médicale/TIC, poursuit-il. L’harmonie et l’équilibre d’une organisation sanitaire passent nécessairement par un échange et un compromis 78 OCTOBRE 2014 | WWW.DSIH.FR entre la technique et la conscience humaine. Je crois beaucoup, à cet égard, aux applications mobiles de santé (m-Health), par lesquelles les protagonistes pourront s’affranchir des contraintes environnementales. » Inventer de nouvelles organisations Il s’agit, dès lors, d’imaginer de nouvelles organisations susceptibles de mettre en application l’ensemble de ces changements. « Je crois que l’archivage mutualisé, l’externalisation des données ou la VNA [Vendor Neutral Archive] sont le point de départ de ce principe, estime Jérôme Béranger. Ils représentent l’outil de communication collaboratif par excellence, plus spécifiquement dans les cas d’urgence, et il convient aujourd’hui d’inventer des organisations qui permettront davantage de participation des patients et d’efficience au système, en prenant en compte notamment les workflows particuliers de chaque établissement. À cet égard, et devant les perspectives de démographie médicale à la baisse, des glissements de tâches sont à prévoir, surtout pour les manipulateurs qui auront un rôle primordial à jouer dans le nouvel organigramme. Comme dans tout changement profond des pratiques, les cartes vont être redistribuées à brève échéance. » Elles devront répondre aux attentes des patients, mais également aux exigences des professionnels de santé. Une éthique médicale appliquée aux technologies de la santé Fort de ses recherches récentes, Jérôme Béranger s’est lancé dans une activité d’expertise (via Keosys Consulting) sur la qualité et l’éthique médicale appliquées aux technologies de la santé. « Le bon usage des TIC doit s’appuyer sur la déontologie, la morale, l’éthique et les valeurs humaines, conclut-il. L’e-santé sans éthique et sans connaissance équivaut à un corps sans âme et sans esprit… Nous devons prendre en compte plusieurs paramètres environnementaux du réel qui encadrent l’imagerie médicale, parmi lesquels le structurel, la technologie, la stratégie, la méthodologie, l’organisation, la réglementation, mais aussi le relationnel et le culturel. La complexité des systèmes d’information en santé implique de multiplier les guides de bonnes pratiques éthiques et les protocoles afin de rendre leur utilisation optimale et efficiente pour la prise en charge des soins. C’est le message que je tente de faire passer. » Les directions d’établissement commencent à s’intéresser à ce thème, et il va désormais falloir convaincre les soignants de l’intérêt qu’il présente dans leur exercice. n Bruno Benque