Mini-revue Les techniques chirurgicales dans le traitement de l’obésité Jean-Marc Chevallier Service de Chirurgie Générale, Digestive et Oncologique, Hopital Européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15 <[email protected]> Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. L’obésité massive a des conséquences graves sur la santé et la qualité de vie. Les pathologies vasculaires, respiratoires, ostéoarticulaires et métaboliques qui la compliquent diminuent l’espérance de vie des patients. Les études démographiques récentes montrent une augmentation de sa prévalence dans l’ensemble des pays occidentaux, dans toutes les tranches d’âge, mais plus encore chez les sujets jeunes. Les traitements médico-diététiques ont des limites bien connues puisqu’ils ont fait la preuve d’une efficacité inconstante, souvent modeste et sont grevés d’un taux élevé de récidive de l’obésité. C’est ce constat d’échec qui a conduit à proposer une intervention chirurgicale pour le traitement de l’obésité morbide, surtout depuis l’essor de la laparoscopie. Mots clés : obésité, chirurgie, cœlioscopie D ès 1996, une étude confirmait que le court-circuit gastrique était plus efficace que la prise en charge médicale seule dans le traitement du diabète de type II [1]. Deux revues de synthèse concluaient à l’intérêt de la chirurgie dans le traitement de l’obésité morbide : à partir de l’analyse de 13 essais randomisés, les auteurs observaient que la perte de poids était importante après la chirurgie, que le court-circuit gastrique entraînait une perte d’excès de poids (PEP) plus importante que la chirurgie de restriction gastrique et que la chirurgie améliorait les facteurs de comorbidité. doi: 10.1684/hpg.2008.0181 Efficacité globale de la chirurgie sur l’obésité-maladie Tirés à part : J.-M. Chevallier L’étude « Swedish obese subjects » (SOS, 2) est depuis 2004 la référence de l’efficacité de la chirurgie dans le traitement de l’obésité morbide : dans cette étude comparative non randomisée sur un total de 4 047 patients obèses suivis 2 ans, 1 703 ont été suivis 10 ans : 627 ont été suivis avec une prise en charge médicale conventionnelle et ont été comparés à 641 patients opérés (156 anneaux, 451 gastroplasties verticales calibrées, 34 bypass gastriques). Trois informations sont apportées par ce travail déterminant (figure 1). 1. La PEP est significativement plus importante dans le groupe opéré que dans le groupe contrôle. 2. Cette PEP est maximale à 2 ans et plus importante pour les bypass que pour les gastroplasties verticales et les anneaux. 3. Enfin, cette PEP diminue ensuite avec le temps mais reste significativement efficace à 10 ans. Hépato-Gastro, vol. 15, n°1, janvier-février 2008 25 Mini-revue 5 0 Contrôle Variation de poids (%) -5 -10 Anneau -15 Gastroplastie verticale calibrée -20 -25 Bypass gastrique -30 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. -35 -40 -45 0.0 0.5 1.0 2.0 3.0 4.0 6.0 8.0 10.0 535 144 401 29 627 156 451 34 Années de suivi Nbre de sujets Contrôle 627 585 594 Anneau 156 150 154 Gastroplastie verticale calibrée 451 438 438 Bypass gastrique 34 34 34 587 153 438 34 577 149 429 33 563 150 417 32 542 147 412 32 Figure 1. Étude SOS [2] : perte de poids avec le temps comparant le groupe contrôle à trois interventions (anneau, GVC et bypass). Très récemment, deux études déterminantes viennent de montrer que la chirurgie de l’obésité diminuait significativement la mortalité : – la même étude SOS [3] rapporte la mortalité à 10,9 ans. Parmi 2 037 patients traités médicalement de manière conventionnelle (groupe contrôle), il y a eu 129 décès (6,3 %) ; parmi les 2 010 obèses opérés, il y eut 101 décès (5 %). Les causes de décès les plus fréquentes ont été l’infarctus du myocarde (25 dans le groupe contrôle, 13 dans le groupe opéré) et le cancer (47 dans le groupe contrôle, 29 dans le groupe opéré) ; – une étude de Salt Lake City sur la mortalité à long terme [4] comparant 7 925 patients traités médicalement à 7 925 traités par bypass montre, après un suivi moyen de 7,1 ans, que la mortalité chute de 40 % grâce à l’intervention. La mortalité par maladie coronarienne a chuté de 56 % (2,6 versus 5,9 pour 10 000 patients-années, p = 0,006), de 92 % par diabète (0,4 versus 3,4 pour 10 000 patientsannées, p = 0,005) et de 60 % par cancer (5,5 versus 13,3 pour 10 000 patients-années, p < 0,001). Comme l’on sait déjà que l’obésité est un facteur favorisant certains cancers [5], il apparaît donc désormais que la chirurgie de l’obésité participe à la prévention du cancer. Les méthodes chirurgicales et leurs résultats Deux grands principes thérapeutiques sont utilisés : malabsorption et restriction gastrique. Actuellement, deux grands types d’intervention sont réalisés : 26 – les interventions visant à réduire la capacité gastrique : les gastroplasties (verticale calibrée) et surtout le cerclage gastrique par anneau ; – les interventions associant à une restriction gastrique une dérivation intestinale (court-circuit gastrique, dérivation bilio-pancréatique) qui entraîne un certain degré de malabsorption. Les interventions de restriction gastrique Elles consistent à délimiter un « petit estomac » de 15 à 20 mL qui, en se remplissant rapidement, donne au patient une sensation de satiété précoce qui empêche les ingestions massives dont souffrent ces malades. • La gastroplastie verticale calibrée (GVC) selon Mason est la plus ancienne Principe : elle consiste à réaliser une petite poche gastrique de 15 à 30 mL par une partition de l’estomac à l’aide d’un agrafage vertical parallèle à la petite courbure. Cette poche est reliée au reste de l’estomac par un rétrécissement calibré à 11-12 mm par un collier prothétique externe inextensible. La séparation de la poche gastrique du reste de l’estomac par agrafage avec transsection a permis l’adaptation de la technique à sa réalisation par voie cœlioscopique (figure 2). La GVC a une efficacité certaine sur la PEP : 40 à 50 % à un an, avec une efficacité maximale à 12-18 mois. Les résultats à long terme sont rares : un travail de la Mayo Clinic [6] a récemment permis de suivre à 10 ans 71 patients après une GVC : avec seulement 26 % de PEP supérieure à 50 %, 17 % ont du être réopérés. Cette Hépato-Gastro, vol. 15, n°1, janvier-février 2008 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Figure 2. Gastroplastie verticale calibrée (GVC) selon Mason Mc Lean. Figure 4. Sleeve gastrectomy. • Le cerclage gastrique par anneau Figure 3. Cerclage gastrique par anneau. N’ouvrant pas le tube digestif, procédure réversible et ajustable, le cerclage gastrique est la technique restrictive la moins invasive (figure 3). Principe : confection d’un bandage circulaire autour de la partie haute de l’estomac au moyen d’un anneau ajustable de silicone, délimitant un compartiment gastrique d’une contenance de 15 à 20 mL qui constitue le petit estomac. La particularité de ce dispositif est d’être réversible et ajustable : le diamètre intérieur de l’anneau est modulé par un ballonnet extensible relié à une chambre d’injection sous-cutanée placée sur la face antérieure du muscle droit de l’abdomen. On peut ainsi, après repérage radioscopique, ponctionner la chambre et remplir d’eau stérile l’anneau par une simple ponction, adaptant ainsi la vitesse de l’évacuation du petit estomac de façon personnalisée. La PEP globale est d’environ 50 % à 2 ans, stable à long terme. Quatre-vingt pour cent des patients ont perdu plus de 50 % de leur excès de poids en deux ans, les 20 % d’échecs sont toujours dus à deux causes : non-respect des contraintes diététiques et absence de surveillance. étude est à l’origine d’un consensus américain qui propose d’abandonner cette intervention, maintenant que bypass et sleeve gastrectomy sont utilisés en routine. Sécurité Mortalité opératoire très faible (2/2807, soit 0,07 % par l’étude de l’Anaes [7]. Hépato-Gastro, vol. 15, n°1, janvier-février 2008 27 Mini-revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Morbidité Le taux de complications global est de l’ordre de 10 %, et celles-ci sont essentiellement bénignes. Les complications graves sont la perforation gastrique (0,3 à 1 %). Le glissement d’anneau est la complication tardive la plus fréquente : avant 2000, les anneaux étaient placés au ras de la paroi gastrique et le taux de glissement était monté jusqu’à 30 %. Ceci a conduit à une modification technique : l’anneau est maintenant posé par la « pars flaccida » du petit épiploon, plus loin de l’estomac, et le taux de glissement est tombé en dessous de 4 % [8]. La migration intragastrique de l’anneau (1 %) est due à une infection du dispositif ou des serrages trop fréquents ou trop importants. Les anneaux sont mis en place par voie cœlioscopique, de même que la gastroplastie verticale calibrée dans sa variation selon Mac Lean. Comme c’est la règle lors de l’abord cœlioscopique et plus encore lorsqu’il s’agit d’obèses chez lesquels les complications pariétales sont fréquentes, la technique mini-invasive permet d’améliorer le confort péri- et postopératoire. Ces techniques de réduction gastrique sont donc moins invasives que les techniques de malabsorption : la sensation de satiété précoce qu’elles entraînent aide les patients à modifier leurs habitudes alimentaires, mais elles peuvent entraîner un inconfort ou des vomissements en cas d’erreur, certains aliments solides étant difficiles à ingérer. D’autre part, elles ne fonctionnent pas lorsque le patient compense par des aliments liquides ou semiliquides (en particulier sucrés, ce sont les patients « sweat-eaters »). Ces techniques imposent une préparation diététique et un accompagnement pour aider les patients à modifier leur comportement alimentaire. • La sleeve gastrectomy Principe Cette technique consiste à transformer la poche gastrique en un long tube étroit calibré le long de la petite courbure gastrique, à partir de l’angle (figure 4). La totalité de l’antre gastrique est préservée pour la vidange. Cette technique est basée sur la notion de « Magenstrasse », ou voie gastrique, également à l’origine de la gastroplastie verticale calibrée selon Mason. Le tube gastrique étroit donne une sensation de satiété précoce dès qu’il est rempli. Complications Il s’agit d’un agrafage de toute la longueur de l’estomac vertical, soit plus de 20 cm. Il a été décrit des hémorragies sur les rangées d’agrafes, ou des fistules dont le traitement peut être difficile en raison de l’étroitesse du tube. Efficacité À 1 an, la sleeve gastrectomy donne une PEP de l’ordre de 40 %. Il semble ne pas y avoir trop de dilatation du tube gastrique après trois ans, mais il y a encore peu de publications sur le sujet. 28 Indications Il s’agit de la seule technique de restriction gastrique qui soit irréversible puisque la poche gastrique est enlevée. Son avantage est qu’elle est efficace seule, mais peut aussi être facilement convertie en bypass. Pour certains la sleeve gastrectomy pourrait remplacer l’anneau et être la première intervention contre l’obésité. Soit elle fonctionne seule, soit en cas d’échec elle peut être transformée en bypass un an après. L’inconvénient de cette attitude est que, en termes de complications, la sleeve est équivalente à une ouverture du tube digestif et donne des complications potentiellement plus graves que l’anneau (hémorragies, fistules, péritonite). Nous pensons plutôt qu’il faut la réserver aux situations graves : les patients ayant un IMC > 60 kg/m2 lorsque le bypass n’est pas réalisable dans un premier temps (trop de graisse épiploïque, gros foie stéatosique). On effectue dans un premier temps une sleeve et le patient est réévalué un an après. Soit il a bien perdu et la sleeve suffit, soit il reste en situation de danger (IMC > 35 kg/m2) et on peut alors convertir en bypass un an après, à un moment où l’intervention devient plus facile grâce à la perte de poids. Les interventions mixtes Elles associent une réduction de la capacité gastrique à une dérivation intestinale, soit gastrique, soit biliopancréatique. • Le court-circuit gastrique ou bypass gastrique Principe Il s’agit de la création d’une poche gastrique associée à une dérivation intestinale et bilio-pancréatique par la réalisation d’une anse en Y plus ou moins longue (figure 5). La poche gastrique est réalisée le long de la petite courbure par agrafage, déconnectée du reste de l’estomac. L’anse en Y est anastomosée d’une part à la poche gastrique, de l’autre au grêle transportant les sécrétions bilio-pancréatiques à 40 à 70 cm de l’angle duodéno-jéjunal. La longueur de l’anse alimentaire est de 1,5 mètre environ. Efficacité PEP de 60 à 70 % à un an, stable avec le temps. Sécurité Ces courts-circuits constituent un bouleversement de l’architecture digestive et imposent une ouverture du tube digestif au niveau des deux anastomoses. Elles sont donc plus longues et plus délicates à réaliser que les techniques de réduction gastrique. La mortalité précoce est estimée par le rapport de l’Anaes à 0,5 %. Les complications postopératoires (5 %) sont marquées par le risque d’abcès profond (1,5 %) ou de fistule digestive (2,2 %). À distance, il Hépato-Gastro, vol. 15, n°1, janvier-février 2008 1 60-80cc Gastric Tube 2 Gastrectomy Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 4 3 Food Limb Digestive Juice Limb 5 Common Channel Figure 5. Bypass gastro-jéjunal. persiste un risque de sténose de l’anastomose gastrojéjunale (3,7 %), d’ulcère anastomotique (3,5 %), qui peuvent globalement conduire à un taux de réintervention variable (entre 1,4 et 18,6 %). On peut observer des complications fonctionnelles à type de diarrhée et/ou dumping syndrome et parfois des carences en fer, vitamine B12 et folates qu’il faut savoir prévenir. Le Roux-en-Y gastric bypass a récemment été adapté à la laparoscopie avec les mêmes résultats et moins de complications pariétales (éventration). • La diversion bilio-pancréatique La diversion bilio-pancréatique (DBP) est une technique malabsorptive (figure 6) : elle associe une gastrectomie distale, une section de l’iléon à 2,5 mètres de la valve iléo-cæcale avec anastomose du segment distal à l’estomac restant (= anse alimentaire) et suture du segment proximal (= anse bilio-pancréatique) à l’iléon terminal à 50 cm de la valve iléo-cæcale. Avec duodenal switch, elle est destinée à éviter les ulcères anastomotiques : l’estomac est tubulisé verticalement pour supprimer la poche formée par la grande courbure du cardia au pylore (c’est une sleeve gastrectomy ou gastrectomie en manchette). Le duodénum est sectionné 4 cm après le pylore, le moignon duodénal est suturé, la même anse alimentaire que pour le BPD est anastomosée au duodénum proximal et l’anse biliopancréatique est anastomosée à l’iléon 1 mètre en amont de la valve iléo-cæcale. Figure 6. Dérivation bilio-pancréatique avec sleeve gastrectomy. Souvent pratiquée chez des patients très atteints (IMC > 60 kg/m2), la mortalité en est de 2 %. Les complications postopératoires spécifiques sont surtout des fistules anastomotiques, à distance le principal risque est celui de carences, en particulier hypoalbuminémie en raison de la courte longueur de l’anse commune. La PEP est la plus importante : 75 à 80 % à 2 ans, stable avec le temps avec un succès chez 90 % des patients à 10 ans. La sleeve gastrectomy permet de perdre 40 % de l’excès de poids en un an : chez des patients gravement atteints (IMC > 60), elle permet ainsi de passer le cap difficile par une intervention moins longue. Un an après, la décision sera prise soit d’en rester là si la PEP est satisfaisante soit de faire, dans de meilleures conditions chirurgicales et anesthésiques le deuxième temps du bypass ou de la dérivation bilio-pancréatique : c’est la stratégie dite « en deux temps » (tableau 1). • Le ballon intragastrique Cette technique, encore en cours d’évaluation, consiste à placer dans l’estomac sans anesthésie un ballon gonflé à 600 cc qui donne au patient l’impression de sortir de table en permanence. Le ballon doit être Hépato-Gastro, vol. 15, n°1, janvier-février 2008 29 Mini-revue Tableau 1. Efficacité et sécurité des différentes interventions [9]. Mortalité Complications postopératoires Complications tardives PEP à 2 ans PEP > 50 % à 10 ans GVC Anneau Bypass DBP 0,24 % 5% 5 à 10 % 40- 50 % 26 % 0,07 % 5% 5 à 10 % 40-50 % (6) 40 à 50 % 0,5 % 5% 10 % 60 - 70 % 60 % 2% 3 à 16 % 10 à 30 % 75-80 % 90 % Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. enlevé au bout de six mois car son étanchéité n’est plus certaine au-delà. Il permet de perdre entre 15 et 25 % de l’excès de poids. Le ballon est donc moins efficace que la sleeve gastrectomy. Son indication correspond donc aux patients gravement atteints (IMC > 60 kg/m2) pour lesquels une anesthésie générale est contre-indiquée. Six mois de ballon permettent de passer le cap difficile : le ballon est enlevé en même temps que l’on fait bypass ou DBP dans de meilleures conditions de sécurité. Les indications et les recommandations de bonne pratique La chirurgie n’est indiquée que pour l’obésité morbide, c’est-à-dire celle qui diminue l’espérance de vie. Les indications de la chirurgie de l’obésité ont fait l’objet de recommandations basées sur des consensus professionnels, les recommandations des sociétés savantes médico-chirurgicales françaises [10], européennes (EAES [11]) et américaines plus récentes. 1. Une obésité morbide : IMC supérieur à 40 kg/m2 ou à 35 kg/m2 avec des facteurs de comorbidités dus à l’excès de poids et susceptibles de régresser avec la PEP : diabète, hypertension artérielle, syndrome d’apnée du sommeil, arthrose invalidante (gonarthrose, coxarthrose). 2. Une obésité stable depuis cinq ans. 3. Un échec du traitement médical : les recommandations françaises précisent que la durée de la prise en charge médicale doit être d’au moins un an avant d’envisager la chirurgie sur la constatation d’un échec du traitement conventionnel de l’obésité (régime diététique, activité physique, approche comportementale...). 4. Motivation et coopération du patient : les techniques de réduction gastrique impliquent un bouleversement des habitudes alimentaires des patients dont il faut qu’ils soient informés, qu’ils y soient préparés et qu’ils acceptent une surveillance postopératoire régulière prolongée. 5. Concernant l’âge du patient, la plupart des équipes s’accordent à réserver ces interventions à l’adulte. Concernant la limite supérieure, il faut que le patient puisse bénéficier de la perte de poids, le rapport bénéfice risque est moins favorable au-delà de 60 ans 30 mais certaines situations d’invalidité par arthrose peuvent être prises en compte. Chez l’adolescent, certes la situation d’endémie croissante de l’obésité amène à se poser des questions mais les indications chirurgicales ne peuvent être qu’exceptionnelles, elles sont reconnues aux États-Unis dans le cadre de protocoles de recherche. 6. Ces recommandations ont été actualisées cette année au niveau européen [12]. La prise en charge de l’obésité grave impose une équipe interdisciplinaire et la décision d’opérer doit être prise à l’issue d’une réunion de concertation pluridisicplinaire (RCP). Dans ces conditions, il a été possible de préciser ces indications : – l’IMC de référence est l’IMC courant ou un IMC précédent documenté : cette notion d’IMC Maximum permet de ne pas attendre que le patient regrossisse trop avant de le réopérer en cas d’échec ; – une perte de poids obtenue par un traitement médical intensif n’est pas une contre-indication à la chirurgie programmée ; – la chirurgie est indiquée chez les patients qui ont perdu du poids avec un traitement médical mais ont repris du poids ; – le constat d’échec de la prise en charge médicale, s’il se fait en RCP, ne nécessite plus un délai spécifique. Les contre-indications de la chirurgie de l’obésité Elles sont de trois ordres : anesthésiques, médicales et psychiatriques. Les contre-indications anesthésiques à la réalisation d’une anesthésie générale ou d’une cœlioscopie sont : des troubles de la coagulation (cirrhose), une hypertension intracrânienne non compensée, une hypertension artérielle pulmonaire, une hypercapnie supérieure à 45 mm Hg, une grossesse. Les contre-indications médicales concernent les obésités endocriniennes, les maladies inflammatoires du tube digestif, les cancers potentiellement évolutifs (mais un ancien cancer du sein ne doit pas être considéré comme une contre-indication à une chirurgie de l’obésité s’il fait seulement l’objet d’une surveillance), les maladies de système évolutives. Hépato-Gastro, vol. 15, n°1, janvier-février 2008 Les contre-indications psychologiques : il est essentiel de pouvoir affirmer que le patient a compris les règles diététiques de la restriction gastrique, qu’il accepte de s’y plier et qu’il coopérera à une surveillance obligatoire. Ceci élimine les patients souffrant de dépression, les patients atteints de psychose, les patients dépendant de l’alcool ou des drogues. Dans certains cas moins graves, une prise en charge psychologique peut être requise avant d’envisager l’intervention. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Les indications de l’anneau gastrique Une étude nationale récente a été réalisée par la Cnam : tous les patients obèses opérés en France en décembre 2002 et janvier 2003 (n = 1 236) ont été systématiquement revus de façon indépendante par les médecins conseils de la Cnam en avril 2004 et avril 2005. Quatre-vingt-sept pour cent avaient eu un anneau gastrique : 946 suivis à un an, 876 à deux ans. Un travail statistique a recherché les facteurs susceptibles de succès après anneau gastrique (PEP > 50 %). En analyse univariée (test du chi 2) et multivariée (régression logistique), les 5 facteurs ayant révélé des différences significatives sont : – l’âge inférieur à 40 ans (p < 0,01) : par rapport aux patients âgés de 15 à 39 ans, les patients âgés de 40 à 49 ans ont un risque 1,5 fois plus élevé d’échouer avec un anneau et les patients âgés de plus de 50 ans 1,8 fois plus ; – l’IMC initial < 50 kg/m2 (p < 0,001): les patients atteints d’une obésité morbide (40 < IMC ≤ 49) ont un risque 2,6 fois plus élevé d’échouer que ceux qui avaient une obésité sévère (35 < IMC ≤ 39). Les patients superobèses (IMC ≥ 50) ont un risque 5,4 fois plus élevé d’échouer avec un anneau que ceux qui ont une obésité sévère ; – le volume d’activité des chirurgiens de plus de 15 interventions pendant ces deux mois (p < 0,01). Par rapport aux patients opérés par une équipe chirurgicale habituée à la pose d’anneau (15 interventions et plus au cours des deux mois de l’enquête), les patients opérés par des équipes ayant réalisé 1 à 2 interventions ont un risque 1,9 fois plus élevé que l’anneau ne soit pas un succès. Ce risque est encore 1,7 fois plus élevé pour les patients opérés par des équipes réalisant un peu plus d’interventions (de 3 à 6, comme de 7 à 14 interventions) ; – reprise ou augmentation de l’activité physique (p < 0,001) : les patients qui n’ont pas repris ou augmenté leur activité physique ont un risque 2,3 fois plus élevé que l’opération ne soit pas un succès que ceux qui l’ont fait ; – modification du comportement alimentaire (p < 0,001) : les patients qui n’ont pas modifié leur comportement alimentaire ont un risque 2,2 fois plus élevé que l’anneau ne soit pas un succès que ceux qui l’ont modifié. Les indications du bypass De l’étude précédente, il est maintenant possible de déduire les indications du bypass selon deux situations : 1) en première intention, le bypass est indiqué : – chez les patients âgés de plus de 40 ans, – ayant un IMC > 50 kg/m2, – incapables de modifier leur comportement alimentaire (sweet-eaters, binge-eaters...) – souffrant d’une pathologie créant une absence de sensation de satiété (crâniopharyngiome, PraderWilli). 2) en cas de réintervention, après échec d’un anneau ou d’une GVC : – chez les superobèses (IMC > 60 kg/m2), le bypass réalisé en un temps comporte des risques (mortalité : 7,8 % ; pour l’homme : jusqu’à 16,7 %). Il a été donc proposé de faire premièrement une sleeve gastrectomy, suivie un an après si nécessaire de la montée de l’anse du bypass. Préparation et surveillance postopératoire Ces indications et contre-indications illustrent la nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire à chaque étape. À l’AP-HP, des centres de référence ont été désignés sur un cahier des charges impliquant un parcours pluridisciplinaire. 1. Avant l’intervention : l’engouement pour cette chirurgie fait qu’actuellement les patients obèses souhaitent voir d’emblée le chirurgien. Celui-ci ne voit que les patients souffrant d’une obésité morbide, donc avec un IMC supérieur à 40 kg/m2. En dessous, les patients doivent être adressés au médecin nutritionniste ou endocrinologue. Celui-ci prend en charge les obésités moyennes et réadresse au chirurgien le patient dont l’IMC est compris entre 35 et 40 kg/m2 et qui souffre d’une comorbidité induite par l’obésité et susceptible de régresser par la perte de poids, pour lequel il estime qu’il faut étudier l’option chirurgicale. Il faut au minimum deux consultations. La première consultation doit être purement informative. Elle permet de recueillir l’histoire de l’obésité du patient, d’une part, et de lui apporter, d’autre part, un ensemble d’informations objectives sur les stratégies médicales et chirurgicales de lutte contre l’obésité, sur leur succès, les raisons prévisibles des échecs et leurs complications. Aucune décision thérapeutique ne doit être prise à l’issue de cette consultation où le patient est encouragé à plusieurs démarches complémentaires : – recueillir le témoignage de patients déjà opérés, soit directement, soit par le biais d’associations d’anciens obèses, actuellement mieux structurées et dynamiques ; Hépato-Gastro, vol. 15, n°1, janvier-février 2008 31 Mini-revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. – consultation diététique auprès d’une diététicienne rompue à la préparation et à la surveillance des obèses opérés ; – consultation psychologique ou psychiatrique destinée à détecter les contre-indications et les patients à prendre en charge avant toute chirurgie ; – consultation cardiologique pouvant aller jusqu’à la scintigraphie myocardique ou à la coronarographie si nécessaire ; – bilan métabolique endocrinien, lipidique, glycémique et des transaminases. La décision doit être multidisciplinaire : une réunion médico-chirurgicale décide si l’on propose ou non l’intervention chirurgicale au patient avant de le revoir et elle organise la prise en charge médicale s’il est récusé. S’il le souhaite, le patient est revu en une seconde consultation décisionnelle. La décision collégiale lui est proposée et l’on discute du type d’intervention : restrictive ou malabsorptive. Il faut préférer le court-circuit gastrique chez les sujets super-obèses (IMC > 50 kg/m2), « sweat-eaters ». Mais la tradition gastronomique et l’habitude de bien manger en France font que les patients se plient le plus souvent bien à cette rééducation alimentaire qu’ils orientent vers le « moins et mieux manger ». Ce qui est probablement moins vrai aux États-Unis. Si la décision d’une intervention est prise, le patient passe une journée en hôpital de jour pour le bilan préopératoire qui comprend ; une échographie hépatique, un transit opaque recherchant une hernie hiatale, une fibroscopie gastrique, des épreuves fonctionnelles respiratoires, la consultation d’anesthésie et un cours de diététique. 2. L’hospitalisation dure entre trois (anneau) et huit (bypass) jours après l’intervention, pour surveiller la réalimentation. Puis, la surveillance est obligatoire (trimestrielle), pendant 18 mois. Elle apprécie la PEP par rapport à la courbe statistique, recherche les erreurs alimentaires, en particulier le manque de fragmentation. Trop souvent les patients oublient les collations entre deux repas et apportent trop d’aliments à la fois, ce qui risque d’aboutir à une dilatation du premier compartiment et à un glissement. Conclusion La chirurgie est le seul traitement efficace contre l’obésité-maladie. L’anneau gastrique est une technique de restriction gastrique bien adaptée aux habitudes alimentaires françaises : il peut être le premier choix thérapeutique chez le sujet âgé de moins de 40 ans, ayant un IMC < 50, si le patient accepte de se 32 plier à des règles diététiques assez strictes et de reprendre une activité physique. Il apporte 50 % de perte d’excès de poids en deux ans chez 80 % des opérés, en améliorant significativement la qualité de vie. Chez les super-obèses, chez les patients qui abusent de liquides sucrés ou qui risquent d’échouer avec un anneau parce qu’ils ne pourront pas s’habituer à des contraintes diététiques, il faut préférer la confection d’un court-circuit gastrique, également réalisable actuellement sous laparoscopie. Dans les situations extrêmes (IMC > 60) si l’anesthésie générale est réalisable mais qu’il faut une intervention courte il peut paraître judicieux de faire une chirurgie en deux temps : une sleeve gastrectomy suivie, si nécessaire un an après, d’un bypass ou d’une dérivation biliopancréatique. Dans tous les cas de cette pathologie complexe qu’est l’obésité, une prise en charge et une décision (RCP) multidisciplinaire sont essentielles : médecin traitant, chirurgien, nutritionniste et psychologue doivent aider le patient pendant toute la durée du programme de perte de poids. Références 1. Pories WJ. Who would have thought it? 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