Bioéthique : Des citoyens à cheval sur les

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Politique de santé France
Bioéthique
Le rapport des Etats généraux de la bioéthique met en avant
une conception du progrès « au service de l’humain » et
propose des clarifications bienvenues en matière de recherche
sur l’embryon.
A
ucune révolution à l’horizon, mais l’affirmation de
grands principes éthiques
pérennes. C’est ce qui ressort du rapport1 issu des états généraux de la bioéthique. Lancés en février dernier par Roselyne Bachelot
en vue de la révision de la loi bioéthique de 2004, leurs travaux ont pris
fin le 23 juin. Ce document, remis à
Nicolas Sarkozy le 2 juillet dernier,
et qui s’ajoute à une pile déjà haute
de contributions et avis2, ne serait-il
donc qu’un rapport de plus ? Pas pour
le député Jean Leonetti, qui a présidé le comité de pilotage de ces états
généraux : ne pas en tenir compte
constituerait selon lui « une erreur politique et une faute morale ». Un avis
Inquiétudes sur la médecine prédictive
Objets du forum de Strasbourg, l’avènement de
la médecine prédictive et l’examen des caractéristiques génétiques soulèvent des inquiétudes
quant au risque d’une rupture d’égalité entre les
citoyens. Les jurés, soulignant que la médecine génétique ne pouvait « prévoir de manière certaine
l’état de santé futur d’une personne », appellent à
la vigilance afin que les tests génétiques ne puissent aboutir à une pénalisation des individus sur
le plan professionnel ou privé. Reconnaissant l’impossibilité légale et matérielle d’interdire les sites
internet proposant la vente en ligne de tests génétiques, ils demandent la création d’un site internet
d’information à destination du grand public, sous
l’égide du ministère de la Santé, afin de rappeler
notamment l’importance d’un accompagnement
médical dans la réalisation de ces tests.
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PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009
destiné aux parlementaires, auxquels
reviendra, en 2010, le soin de trancher le débat. La nouvelle loi bioéthique devra entrer en vigueur avant
février 2011, soit avec près de deux
ans de retard sur le calendrier prévu
par la loi initiale de 1994. A l’avenir,
la révision régulière et programmée
de la loi pourrait être abandonné au
profit d’une révision continue, tenant
compte des progrès de la recherche et
des améliorations techniques.
Double statut pour l’embryon
Le rapport final des états généraux
reprend largement les conclusions des
trois forums régionaux auxquels ont
pris part les « citoyens jurés » en juin
dernier3. A Marseille, ces derniers ont
eu à se prononcer sur l’épineuse question de la recherche sur l’embryon et
les cellules souches embryonnaires.
Actuellement, la loi française interdit
toute recherche sur l’embryon humain, mais prévoit une dérogation
de cinq ans à cette interdiction. Les
jurés marseillais proposent une solution originale en définissant un statut
différent pour l’embryon en fonction
de l’existence ou non d’un projet parental. Dans le premier cas, ils souhaitent interdire toute expérimentation et donner à l’embryon un statut
protecteur, « au nom du principe de
non instrumentalisation de l’enfant à
naître ». Dans le second, l’utilisation
des embryons et cellules embryonnaires à des fins de recherche devrait être
autorisée – mais toujours strictement
encadrée. La possibilité de revenir sur
l’interdiction du clonage dit « théra-
JEAN LEONETTI,
PRÉSIDENT DU COMITÉ
DE PILOTAGE
DES ÉTATS GÉNÉRAUX.
© SIPA
Des citoyens à cheval
sur les principes
peutique », qui implique la création
d’embryons ex nihilo, n’est pas abordée dans le rapport.
La position des jurés citoyens, si elle
était adoptée, apporterait une clarification bienvenue à l’ambiguïté de la
législation en vigueur. Mais elle ne
bouleverserait pas les pratiques. Dans
le cadre du régime dérogatoire, seuls
sont utilisables à des fins de recherche
les embryons dits « surnuméraires »,
issus de l’assistance médicale à la procréation, mais ne faisant plus l’objet d’un projet parental. Le Conseil
d’Etat, qui a publié en avril dernier sa
propre étude sur la révision des lois de
bioéthique, ne dit guère autre chose,
en préconisant un régime d’autorisation encadrée, où là encore ne seraient
concernés que les embryons ne faisant
plus l’objet d’un projet parental.
Les jurés marseillais ont saisi cette occasion pour insister sur les perspectives
ouvertes par les autres voies de recherche, par exemple les cellules issues du
sang de cordon et les cellules pluripotentes induites, souhaitant qu’aucune
piste ne soit privilégiée au détriment
d’une autre. Et pour appeler de leurs
vœux un soutien accru à ces recherche, avec à la clé une augmentation
des financements publics. ■
Julie Wierzbicki
(1) 68 pages, plus 133 pages d’annexes, téléchargeables sur :
www.etatsgenerauxdelabioethique.fr
(2) Lire Pharmaceutiques n°165.
(3) Trois panels de 15 citoyens recrutés
par l’Ifop. Voir aussi (2).
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