Échec scolaire : capacités fortes et notes faibles - congress

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Colloque CMPR 2011
Séminaire C4
Échec scolaire : capacités fortes et notes faibles
En dehors du retard intellectuel, de nombreuses raisons peuvent expliquer un rendement scolaire bas
ou en baisse.
Si un enfant est en difficulté dès son entrée à l'école il faut penser à :
- Un retard de développement (qui aura souvent été détecté avant)
- Une carence du milieu (trop peu stimulant ou désorganisé)
- Un trouble de l'attachement (en général, des difficultés de séparations)
- Un retard mental
- Un trouble envahissant ou du spectre autistique (troubles relationnels et/ou du comportement
associés)
- Une trop grande fatigabilité en lien avec un problème somatique
Si un enfant a bien commencé son parcours scolaire, mais présente une baisse de ses résultats
à un moment donné, il faut penser à :
- Un trouble réactionnel (suite à divorce, mort d'un proche, déménagement etc.)
- Un problème relationnel avec l'entourage (enseignant, camarades)
- Une fatigue d'origine somatique
- Un mouvement de rébellion adolescente
- Une consommation de stupéfiant
- Un TDAH
- Une inhibition intellectuelle (en lien avec une problématique névrotique ou une dépression)
- Une entrée dans la schizophrénie
- Des troubles d’apprentissages masqués jusque-là par des compétences intellectuelles
supérieures
Les listes ci-dessus ne sont pas exhaustives
Quelques situations plus détaillées :
1) Anthony 9 ans.
Anthony est l'ainé d'une fratrie de trois enfants. Ses parents sont séparés ; il vit avec sa
maman, sa sœur de 7 ans et son frère de 5 ans et voit son père régulièrement. Il termine sa 3P
et est en échec scolaire.
La maman se dit épuisée par cet enfant, qui explose pour un rien et dit qu'il est nulle, oublie
régulièrement de lui donner les papiers à signer et prend deux heures pour faire ses devoirs,
alors qu'elle voit bien qu'il est intelligent et peut résoudre parfois des problèmes mathématiques
complexes ou tenir des raisonnements très pertinents.
Elle dit qu'il mange et dort bien.
Elle se plaint du fait qu'il ne semble jamais satisfait, et est très désordonné ce qui crée de
multiples conflits.
Pour l'école, le passage en 3P s'est mal passé. Il a une maîtresse exigeante qui critique la
présentation de tous ses travaux, le sanctionne lors de ses oublis (pour qu'il apprenne à devenir
autonome !) et ne tolère pas qu'il se lève de son pupitre.
Anthony aime encore aller à l'école pour y retrouver des copains, mais il déteste les moments
en classe.
La maman craint qu'en cas de redoublement cela ne soit encore pire.
Une anamnèse détaillée de ce jeune, révèle qu'il oublie fréquemment ce qu'il doit faire, qu'il n'aime
pas les tâches qui demandent un effort de concentration soutenu, qu'il fait souvent des fautes
d'inattention dans ses travaux, qu'il perd souvent ses affaires et n'arrive pas à s'organiser. En outre il a
du mal à jouer calmement, il agit souvent dans la précipitation et il excessif dans ses manifestations
de joie ou de colère.
Un diagnostic de TDAH pourrait déjà être posé à ce stade. Une anamnèse familiale positive au trouble
ou un test d'attention (ex: le TEA-CH test of every day attention) peuvent venir renforcer la
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présomption. Une échelle de Conners peut être remplie avant et après le début du traitement pour
vérifier son efficacité.
Avant d'introduire le traitement, il faut s'assurer que le jeune ne présente pas de problème cardiaque,
ni de tics et qu'il n'y a pas d'anamnèse familiale allant dans ce sens.
Le traitement actuellement conseillé est : traitement médicamenteux (méthylphénidate ou
atomoxétine), avec un accompagnement psychologique, ainsi qu'une prise en charge des troubles
associés si nécessaire. Il est aussi important de travailler avec l'école et avec la famille afin qu'elles
soutiennent ce jeune.
2) Agnès 11 ans
Agnès est fille unique, elle a été adoptée à la naissance suite à un abandon sous X.
Son QI, testé il y a deux ans s'élevait à 142 ce qui fait d'elle une élève à haut potentiel.
C'est une enfant très entourée et stimulée par ses parents.
Vu ses compétences, elle a sauté une année et s'est retrouvée à 10 ans en secondaire. Cela
ne semble pas avoir posé de problème, puisqu'Agnès a terminé brillamment sa première année
ème
de secondaire. (6
dans un collège de France voisine).
Cette année pourtant les choses changent et ses notes sont en chute libre.
La maman est très inquiète et se demande si c'est « le début de la montée d'hormones »
(Agnès est pré pubère) qui est en cause.
Le pédiatre remarque durant l'entretien que la fillette qu'il avait connue très collée à sa maman et très
soumise montre à présent une certaine opposition. La situation ne lui semble pas trop dramatique
étant donné que, malgré la chute de ses résultats, Agnès est toujours promue, mais il va néanmoins la
voir seule et investiguer un peu plus. Il lui apparaît alors qu'Agnès est en souffrance. Si dans l'école
de son village, sa différence ne posait pas de problème, il n'en va pas de même au Collège où elle se
sent exclue, traitée en bête de foire et ou parfois même, elle se fait agresser. Elle n'en parle pas à sa
maman, car celle-ci voudrait de suite intervenir à l'école, ce qu'elle ne veut à aucun prix.
Comme beaucoup d'enfants à Haut Potentiel, Agnès peine à se faire des amis. Ceux de son âge ne
comprennent pas les sujets qui l'intéressent et les plus âgés la snobent en raison de son apparence
de petite fille et en fait ne s'intéressent pas vraiment aux mêmes sujets qu'elle non plus. (l'écologie,
l'informatique etc.). Elle se sent très seule et un peu persécutée par le groupe ce qui l'empêche de se
concentrer et de plus certains enseignants ne semblent pas l'apprécier depuis qu'elle a relevé des
fautes dans leurs exposés, même si elle le leur a fait remarquer discrètement en fin de cours et pas
devant tout le monde.
En fait, elle redoute de plus en plus d'aller à l'école et espère presque, tout en le craignant, que la
baisse de ses résultats soit en lien avec une disparition de sa différence.
Sur conseil du pédiatre un suivi thérapeutique a été mis en place pour donner à Agnès un lieu où
métaboliser tous ces affects et les parents ont inscrit leur fille dans une école qui a ouvert une classe
mixte pour enfants très doués et enfants à Haut Potentiel.
3) Laura 14 ans
Laura est l'aînée d'une fratrie de deux. Elle vit avec ses deux parents et son frère de 11 ans.
Laura a toujours été une très bonne élève. Elle fréquente actuellement le Cycle d'Orientation,
ème
dans une classe de 9
en section pré gymnasiale.
Les vacances d'été dans la famille au Portugal ont été un peu difficiles, car Laura refusait de
manger la nourriture préparée par sa grand-mère et ne se nourrissait que de fruits, de légumes
crus et de pain, ce qui a entrainé de nombreux conflits entre la jeune fille et sa maman (le père
était resté en Suisse pour son travail).
Depuis le retour en Suisse, Laura mange à nouveau normalement, hormis le fait qu'elle attend
toujours que sa maman ait presque fini son assiette pour entamer son propre repas.
Cela n'inquiète pas trop la maman, par contre elle se demande pourquoi les résultats scolaires
de sa fille sont en baisse. Elle remarque aussi un certain laissé aller au niveau vestimentaire,
alors que Laura était décrite comme très coquette. Elle observe également des difficultés
d'endormissement : Laura doit d'abord ranger son bureau avec minutie, puis effacer tout les plis
que pourrait présenter sa literie, et enfin sa maman doit venir discuter un moment avec elle afin
qu'elle puisse ensuite s'endormir.
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Un entretien avec Laura, axé sur les difficultés alimentaires rencontrées au Portugal, va nous
apprendre que derrière ce qui semblait s'apparenter à un caprice se cachait en fait un délire
d'empoisonnement, délire qui se poursuit à bas bruit depuis son retour en Suisse. En explorant le
reste de ses symptômes, nous trouvons des comportements obsessionnels, mis en place dans une
tentative de contenir le désordre qui s'installe peu à peu dans son cerveau et qui l'angoisse. Nous
sommes face à une schizophrénie débutante.
Ce n'est pas fréquent qu'elle se présente sous une telle forme. En général, plutôt que des symptômes
positifs tels un délire facilement détectable ou des hallucinations, la schizophrénie se présente sous la
forme d'un désinvestissement des anciennes activités, d'une chute des résultats scolaires ou sportifs,
d'un renfermement sur soi, d'un laissé aller au niveau de l'hygiène et d'un retrait affectif. Celui-ci peut
faire penser à une crise d'adolescence un peu forte (mais qui sera alors passagère, le temps que les
nouveaux investissements prennent leur place) ou à un épisode dépressif.
En cas de doute, il vaut mieux diriger le jeune vers un spécialiste, car une prise en charge précoce de
la schizophrénie permet une évolution bien plus favorable.
Laura par exemple, vient de terminer sa maturité et pense commencer l'université en biologie à la
rentrée. Elle gère son traitement neuroleptique, est consciente de sa vulnérabilité au stress et
bénéficie toujours d'un soutien psychologique.
4) Lucien 14 ans
Lucien est l'ainé d'une fratrie de deux. Il vit avec sa maman et avec sa demi-sœur de 5 ans. La
maman souffre d'un trouble borderline assez sévère et Lucien a été placé en internat de 9 à 12
ans, puis de 13 à 13 ans ½ pour l'éloigner d'un environnement familial émotionnellement très
instable.
Jusqu'à présent, s'il a parfois présenté des troubles du comportement, Lucien a toujours bien
ème
réussi sur le plan scolaire et il est actuellement en 8
du Cycle d'Orientation en section pré
gymnasiale.
Depuis la rentrée, ses notes chutent et, depuis peu, il refuse carrément de se mettre au travail.
Il dort mal, maigrit et est très tendu. Il parle très peu et répond à toutes les questions par « je
ne sais pas », ce qui énerve et inquiète la maman.
Le pédiatre note que Lucien a beaucoup grandit dernièrement et qu'il se développe rapidement au
niveau pubertaire. Il n'arrive pas à tirer grand-chose du jeune homme, mais lui fait un bilan somatique
qui s'avère normal, avant de l'adresser à un pédopsychiatre. Celui-ci commence par essayer
d'investiguer sur le plan affectif et psychique, car, au vu des symptômes, il redoute une entrée dans la
psychose ou une dépression grave. Vu le manque de collaboration de Lucien, cela va lui prendre un
certain temps et il devra même recourir à des séances de psychodrame individuel, pour voir cet
adolescent s'ouvrir un peu et être rassuré tant sur le plan de son humeur que sur celui de sa santé
mentale. En fait, Lucien souffre d'une forte inhibition intellectuelle. Il se sentait obligé d'inhiber tout son
intellect, tant il était effrayé par les idées agressives qui lui venaient à l'égard de sa mère sous l'effet
de la montée pulsionnelle pubertaire, et cela en lien avec leur histoire relationnelle chahutée et
perturbée. Une fois cet élément éclaircit, un éloignement familial a été mis en place ainsi qu'une
psychothérapie et les capacités cognitives de Lucien ont pu se redéployer.
CONCLUSIONS
Des mauvais résultats scolaires apparaissant de manière « secondaire », chez un enfant progressant
précédemment sans difficulté, peuvent résulter d'un grand nombre de causes, y compris d'une
mauvaise organisation personnelle ou d'une difficulté à se soumettre à la contrainte que représente le
travail scolaire.
La réponse à donner n'est donc pas toujours médicale, mais il ne faut en aucun cas négliger ce
symptôme qui nécessite souvent des investigations et une prise en charge autre que simplement
« pédagogique ».
Le passage d’un enseignement avec un seul maître à l’enseignement par branche avec de multiples
professeurs implique un investissement personnel et une organisation de son travail que certains
élèves ont encore de la peine à assumer entre 10 et 12 ans.
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Les difficultés scolaires accompagnées de réprimandes des parents, de punition par les enseignants
et parfois de moquerie de la part des camarades auront souvent des conséquences psychologiques
négatives.
Plus que l’inquiétude des enseignants ou des parents, c’est la souffrance (parfois masquée !) de
l’enfant qui justifie une recherche étiologique. Les perturbations des relations sociales, aussi bien avec
les pairs que dans le cadre familial peuvent en être le révélateur.
L’évaluation doit viser à exclure une dyslexie ou des troubles logico-mathématiques (dyscalculie), des
problèmes visuo-spatiaux ou des troubles attentionnels, mais un bilan psychologique ou pédopsychiatrique est aussi nécessaire, suivi d’un encadrement psychothérapeutique. Si celui-ci est
indispensable dans les troubles d’origine affective, il est souvent indiqué en soutien à côté des
mesures pédago-thérapeutiques dans les autres pathologies.
Lorsque les difficultés ne s’expliquent pas, un test de QI peut permettre de mieux comprendre le
fonctionnement de l’enfant et les causes de son apparent découragement ou désintérêt pour l’école. Il
n’est cependant pas nécessaire pour tous les enfants en difficulté. Une bonne anamnèse sera
souvent bien plus informative que tous les tests, questionnaires et scores plus ou moins biaisés qui
font fureur sur le net et dont une interprétation trop hâtive peut conduire à de grosses erreurs de prise
en charge.
Si, en fonction du diagnostic retenu, les premières mesures thérapeutiques et les éventuels
aménagements pédagogiques n’amènent pas une rapide amélioration, il convient d’approfondir les
investigations, aussi bien sur le plan intellectuel que sur le plan psycho-affectif, les enfants précoces
étant souvent plus sensibles, mais aussi plus habiles pour cacher leur dépression.
Dans tous les cas, la prise en charge des difficultés scolaires nécessite une approche pluridisciplinaire
et une collaboration entre parents, enseignants, thérapeutes spécialisés, médecin de famille, pédiatre
et pédopsychiatre.
Dre Jacqueline Mégevand
Pédopsychiatre
Directrice médico-psychologique
DIP- Office médico-pédagogique
Rue David Dufour 1
Case postale 50
1211 Genève
Tél. + 41 22 388 67 15
E-mail : [email protected]
En collaboration avec
Dr Alain Regamey
Pédiatre FMH
Morges
E-Mail : [email protected]
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