Comment ont évolué l’incidence de l’insuffisance cardiaque et la survie des patients au cours des cinquante dernières années dans l’étude de Framingham ? L’insuffisance cardiaque est un problème majeur de santé publique. Environ 550 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année aux Etats-Unis. En 1999, l’insuffisance cardiaque a, dans ce pays, été responsable de 287 200 décès. Les progrès considérables réalisés au cours des trente dernières années dans le traitement de l’hypertension artérielle ont dû, logiquement, s’accompagner d’une diminution significative de l’incidence de l’insuffisance cardiaque et d’une augmentation de la survie de l’insuffisant cardiaque. Mais aucune preuve formelle n’en était apportée par les rares études épidémiologiques disponibles. Les auteurs présentent l’évolution de ces deux paramètres sur une période de 50 ans (1950 – 1999) dans la série de la Framingham Heart Study. Les critères pour le diagnostic de l’insuffisance cardiaque sont restés les mêmes tout le long de l’étude. Au total, 10311 sujets ont été suivis (53,3% de femmes). Une insuffisance cardiaque a été diagnostiquée chez 1075 patients (51% de femmes). L’âge moyen au moment du diagnostic s’est élevé progressivement. Il était de 62,7 ± 8,8 ans dans la période 1950-1969 et de 80 ± 10,1 ans dans la période 1990–1999. A tout moment, l’incidence a été supérieure chez l’homme. L’incidence ajustée sur l’âge n’a pas diminué significativement chez l’homme au cours du temps alors qu’elle a diminué de l’ordre de 30 à 40% chez la femme. La survie après le diagnostic s’est améliorée significativement chez l’homme comme chez la femme. Cependant, la mortalité 5 ans après le diagnostic reste supérieure à 50%. La différence entre les deux sexes peut s’expliquer par les étiologies qui ne se répartissent pas équitablement. Chez la femme, les cardiopathies hypertensives dominent de loin de sorte que la meilleure prise en charge de l’HTA peut expliquer la diminution d’incidence de l’insuffisance cardiaque. Chez l’homme, les cardiopathies ischémiques sont plus nombreuses. Les progrès récents dans le traitement de l’infarctus du myocarde ont permis la survie d’une proportion importante de patients atteints d’une pathologie coronaire sévère qui sont susceptibles de développer ensuite une insuffisance cardiaque d’origine ischémique. On peut donc penser que, chez l’homme, l’augmentation des insuffisances cardiaques d’origine ischémique est venu compenser la diminution des insuffisances cardiaques d’origine hypertensive. Il faut pondérer son enthousiasme en interprétant avec précaution ces résultats qui sont exprimés en incidence ajustée sur l’âge. D’une part, le vieillissement de la population dans tous les pays développés entraînera inévitablement une augmentation de l’incidence et de la prévalence de l’insuffisance cardiaque. D’autre part, l’insuffisance cardiaque reste de sombre pronostic avec 50% de mortalité à cinq ans. F. Puisieux CHU Lille Période Mortalité à 30 jours Mortalité à 1 an Femmes Mortalité à 5 ans Hommes Femmes Hommes Hommes Femmes 1950-1969 12 (4-19) 18 (7-27) 30 (18-40) 28 (16-39) 70 (57-79) 57 (43-67) 1990-1999 11 (4-17) 10 (3-15) 28(18-36) 24 (14-33) 59 (47-68) 45 (33-55) Mortalité exprimée en pourcentage (intervalle de confiance à 95%) ajustée sur l’âge après le diagnostic de l’insuffisance cardiaque chez les hommes et chez les femmes dans les périodes 1950-1969 et 1990-1999 Levy D, Kenchaiah S, Larson MG, Benjamin EJ, Kupka MJ, Ho KK, Murabito JM, Vasan RS. Long-term trends in the incidence of and survival with heart failure. N. Engl J Med, 2002; 347 :1397-1402. ©2002 Successful Aging SA Af 83-2002