RÉFLEXION SUR LA GESTION DES ÉTANGS H. RAEYMAEKERS ° INTRODUCTION Les écosystèmes aquatiques et semi-aquatiques sont sans aucun doute parmi les plus menacés de notre environnement. Le drainage, la pression démographique toujours plus forte, l’accroissement de la demande touristique et de loisirs, nos modes de consommation et de production constituent autant de facteurs de disparition ou de pollution de ces milieux. Les zones humides et certainement plus encore les milieux de transition entre celles-ci et les zones terrestres, les écotones (1), sont souvent caractérisés par une richesse indéniable, tant d’un point de vue biologique que paysager. Parce que ces écosystèmes sont riches et de plus en plus rares, il convient de les préserver. Seule une gestion intégrée, impliquant la prise en compte des différentes fonctions et usages des cours d’eau et des milieux y associés engendre cette préservation à long terme. Longtemps, la fonction hydraulique fut privilégiée par les gestionnaires en accordant la priorité à l’écoulement et à l’évacuation des eaux, y compris les eaux usées. Aujourd’hui, les fonctions biologique, économique, sanitaire, récréative, culturelle et paysagère doivent aussi entrer en ligne de compte. La mise en place d’une gestion intégrant la réponse aux besoins actuels tout en maintenant la capacité de répondre à des besoins futurs, éventuellement différents est, dans cette optique, nécessaire. Suite aux visites de terrain afin d’étudier la végétation des pièces d’eau du bassin hydrographique de la Molignée (RAEYMAEKERS et al., 2003) et de visites complémentaires réalisées en 2000, quelques réflexions sont émises sur la gestion de 32 pièces d’eau dans le bassin hydrographique de la Molignée. Toutes les pièces d’eau du bassin n’ayant pas été visitées (2) , cet aperçu ne se veut en aucun cas exhaustif quant aux problèmes de gestion qui se posent aux propriétaires, pour la plupart privés. ° (1) (2) (3) Comité scientifique de la Conservation de la Nature et de la Protection des Eaux, asbl, 5000 Namur. Interface entre deux écosystèmes voisins se différenciant de chacun d'eux par des caractéristiques écologiques particulières Certaines pièces d’eau de très petite taille, les étangs de pisciculture à l’exception de l’ésociculture (3) de Behoûde, et quelques pièces d’eau dans des propriétés privées auxquelles nous n’avons pas eu accès n’ont pas fait l’objet d’observations. Pisciculture de brochets (Esox lucius). 1 GESTION DES BERGES STABILISATION DES BERGES Suite à l’action de différents facteurs (piétinement par les animaux, érosion, galeries d’animaux fouisseurs), les berges et digues des étangs, comme celles des cours d’eau, nécessitent de temps à autre des travaux de stabilisation. Dans l’optique d’une gestion intégrée, les techniques de stabilisation par réimplantation d’une végétation adaptée doivent être favorisées. Ces techniques existent et sont maintenant bien maîtrisées. Elles ont notamment été présentées dans divers ouvrages (DETHIOUX 1989a, 1989b, 1989c et 1991; VERNIERS 1993, 1995; VERNIERS et al. 2001). L’implantation d’une couverture végétale appropriée, apte à stabiliser la berge par un bon enracinement et un degré de recouvrement optimal permet en outre de diminuer la quantité de sédiments entraînés dans les eaux, de favoriser la biodiversité végétale et animale de ces zones et de soigner l’aspect paysager des berges. Le choix des espèces, pour le pied de berge ou pour celleci doit en tous cas se baser sur une observation in situ des espèces présentes dans la zone. Dans le bassin hydrographique de la Molignée, les pièces d’eau sont souvent gérées par des propriétaires Photo 1. Décombres sur les berges de l'étang de Ftêre. privés. Les techniques végétales de réaménagement de stabilisation des berges sont alors peu utilisées. Ainsi, par exemple, la rénovation d’une berge de l’étang de Ftêre a été réalisée durant l’été 1996 par le déversement de matériaux divers (cailloux, terre) sans chercher à fixer cette berge par de la végétation. La colonisation naturelle par les végétaux y fut assez lente et le résultat peu satisfaisant des points de vue technique, biologique et paysager (photos 1 et 2). Aussi, une information claire et précise sur les techniques de base, les ouvrage de référence et les services compétents en la matière devrait être conçue et diffusée auprès des propriétaires de cours d’eau non classés et de Photo 2. Berges de l'étang de Ftêre après « réaménagement ». pièces d’eau. 2 IMPACT DU BÉTAIL Les berges de certaines portions de cours d’eau du bassin sont fortement endommagées par un piétinement par le bétail. Ce problème se pose toutefois peu pour les étangs visités lors de cette étude. De nombreuses communes, peu conscientes de l’impact du piétinement excessif sur l’environnement, ont été dispensées, sur base de propositions motivées de leurs Conseils communaux et sur avis de la Députation permanente, de l’application de l’article 8 de l’Arrêté royal du 5 août 1970, imposant la pose de clôtures le long des cours d’eau lorsque celui-ci passe dans une pâture. Dans le bassin de la Molignée, il s’agit des anciennes communes de Anthée, Biesmerée, Corenne, Denée, Ermeton-sur-Biert, Falaën, Flavion, Florennes, Furnaux, Morville, Rosée, Serville, Sosoye, Stave et Weillen. Par ailleurs, il est évident que la présence d’un cours d’eau ou d’une pièce d’eau doit aussi profiter aux éleveurs, en permettant au bétail d’aller s’abreuver. Cela constitue un gage de respect du cours d’eau par l’agriculteur. L’impact du piétinement sur les berges des cours d’eau du bassin de la Molignée devrait être réduit en délimitant mieux les zones d’accès aux cours d’eau. Outre l’amélioration de l’état des berges, cela contribuerait au maintien d’une qualité d’eau en limitant la mise en suspension de sédiments. INTÉRÊT DES BERGES EN PENTE DOUCE ET DES ZONES D'ATTERRISSEMENT Les milieux aquatiques et milieux associés présentent souvent un intérêt biologique élevé. Nous attirons ici particulièrement l’attention sur les zones de contact entre écosystèmes aquatiques et terrestres. Les écotones, transitions entre unités écologiques adjacentes, présentent des caractéristiques propres dont une biodiversité remarquable. Leurs autres intérêts se manifestent essentiellement à 2 niveaux : valeur paysagère et contrôle de la qualité de l’eau. Les berges en pente douce, temporairement asséchées en été, laissent ainsi apparaître de la vase exondée sur laquelle se développent souvent des espèces végétales rares à l’échelle du bassin : Ranunculus peltatus, Rorippa palustris, Juncus compressus, Veronica scutellata, Ranunculus trichophyllus. Les zones d’atterrissement en queue d’étang (étangs de Ftroûle, de Seuli, de Behoûde et de la Forge d’Anthée) et les berges en pente douce (étangs de Ftêre, des Closières, de Ftroûle et la petite mare des Nowes) méritent en tous cas une attention toute particulière en matière de gestion ou d’aménagement. La petite pièce d’eau des Nowes fut réaména- gée en 1998. La berge en pente douce a été complètement remodelée par remblai. Si ce réaménagement n’a eu probablement que peu d’influence sur l’intérêt herpétologique du site, il s’agit là de la disparition d’un très beau transect végétal et de quelques espèces végétales rares voire très rares à l’échelle du bassin, notamment Juncus compressus et Veronica scutellata. Le comblement partiel de cette mare de très faible profondeur n’entraînant pas de modification sensible du relief du sol, aucune demande de permis ne fut nécessaire. Ainsi, la topographie de telles pièces d’eau, raison même de leur grand intérêt, constitue peut-être aussi leur plus grande faiblesse. Une information claire et une sensibilisation relative à l’intérêt des mares devraient être réalisées. D’autre part, lors de la conception de nouvelles pièces d’eau, une attention toute particulière devrait être portée au profilage des berges et du fond. La conception de celles-ci se révèle souvent peu imaginative. Rappelons que de plus en plus de particuliers réalisent aujourd’hui des pièces d’eau dans leur propriété. Berges en pente élevée et au tracé rectiligne, uniformité de la profondeur et des substrats de fond sont autant de facteurs peu favorables à la biodiversité. Tout aménagement devrait être pensé en terme de diversité (la diversité des habitats ayant une action prépondérante sur la diversité des espèces). 3 GESTION DES ROSELIÈRES A l'amont immédiat des étangs de Behoûde et de Seuli se trouvent des roselières. Par la forte prédominance du roseau commun (Phragmites australis) celles-ci ne présentent qu’un intérêt botanique restreint. En contrepartie, le caractère attractif de ces zones vis-à-vis d’une avifaune diversifiée n’est plus à démontrer. Elles nécessitent donc une gestion appropriée. Dans les deux cas, des ligneux (surtout des saules) se développent en leur sein. Il s’agit d’une évolution fréquente dans ce type de milieux : l’accumulation de tiges sèches constitue un amas de litière freinant la repousse des roseaux et créant des zones de plus en plus sèches sur lesquelles se développent des arbres. A moyen terme et sans intervention de gestion, ce phénomène engendre la disparition de la roselière. L’enlèvement des massifs de ligneux et un fauchage régulier – par exemple, le fauchage en rotation d’un tiers de la roselière tous les 3 ans – avec exportation des matériaux récoltés devraient assurer le maintien de ces milieux à long terme. A Seuli, l’envahissement de la roselière par les ligneux est déjà bien avancée. Les massifs de saules sont nombreux et étendus. Des peupliers de 8 mètres s’y sont développés. Le maintien de la roselière y nécessiterait une intervention assez rapide. Celle-ci est également bordée par une frange de quelques mètres de la renouée du Japon (Fallopia japonica), espèce végétale introduite et très envahissante (photo 3). Le meilleur moyen de lutte connu consiste à faire deux fauches par an (mi-juin, mi-octobre) et à laisser sécher les tiges coupées sur une zone sèche. Cette technique nécessite une application à long terme, étalée sur plusieurs années. Le fauchage et le raclage du sol comme il a été effectué représente une solution probablement peu efficace pour le site en question mais aussi un risque de propagation de l’espèce vers les zones où les terres ont été évacuées. La renouée du Japon se multiplie en effet essentiellement par voie végétative à partir de fragments de racines présents dans les terres de déblais notamment (photo 4). Photo 3. Fallopia japonica en bordure de la zone humide de l'étang de Seuli. Photo 4. Raclage du sol à Seuli, un risque supplémentaire de propagation de Fallopia japonica. 4 GESTION DES PLANTES AQUATIQUES L’envahissement des plans d’eau par de la végétation aquatique est un problème fréquemment rencontré dans les pièces d’eau du bassin. Celui-ci peut être le résultat d’une prolifération d’espèces indigènes mais aussi d’une introduction d’espèces exotiques se révélant parfois extrêmement envahissantes. Souvent, cette prolifération d’herbiers aquatiques est mal perçue car elle peut gêner considérablement l’utilisation habituelle des pièces d’eau (pêche, baignade, canotage…). D’autre part, si les plantes aquatiques sont productrices d’oxygène pendant la journée, une trop grande biomasse végétale peut représenter un danger pour les populations piscicoles au cours de la nuit, créant des déficits temporaires en oxygène. Le développement excessif d’herbiers aquatiques dans une pièce d’eau traduit, rappelons-le, une pollution de type organique. Des solutions sont donc recherchées afin de limiter, voire de supprimer totalement cette végétation aquatique. L’emploi d’herbicides a pu être constaté, notamment à l’étang de Seuli. Ce type de pratique doit être évité. D'autre part, l'identification des sources de la pollution et la recherche de solutions pour les limiter au maximum constituent une priorité environnementale. ENVAHISSEMENT DES PLANS D’EAU Plusieurs étangs du bassin versant présentent un développement important d’espèces végétales aquatiques : potamot de Berchtold, potamot à feuilles capillaires, élodée à feuilles étroites ou différentes espèces d’algues filamenteuses. Les étangs de Behoûde, des Closières, de la forge d’Anthée, de Ftroûle, de Montaigle et de Moulins sont concernés (photos 5 et 6). La présence abondante d’une végétation aquatique n’entrave souvent les activités habituellement pratiquées dans les pièces d’eau que dans les zones les moins profondes des étangs. Ici encore, la conception asymétrique des pièces d’eau intégrant des zones de profondeurs variées peut permettre de concilier la présence d’un milieu écologique diversifié avec la pratique d’activités telles que la pêche ou la baignade. Photo 5. Développement d'herbiers aquatiques à l'étang des Closières. L’utilisation d’herbicides, parfois constatée, présente plusieurs inconvénients majeurs et doit être évitée. Rappelons que l’utilisation d’herbicides dans les cours d’eau est interdite en Région wallonne. Contrairement à la possibilité d’un Photo 6. Herbiers aquatiques à l'étang de Ftroûle. 5 usage ciblé des herbicides dans les écosystèmes terrestres (sur des surfaces de coupe, injection dans les organes souterrains…), l’application d’herbicides en milieux aquatiques représente une solution totale, éliminant l’ensemble de la végétation aquatique. Les conséquences directes et indirectes sont nombreuses. Il s’ensuit une perte indéniable de biodiversité, temporaire ou parfois définitive. Le risque de perte d’espèces rares n’est pas non plus négligeable. Nous pensons évidemment aux espèces aquatiques mais aussi à celles se développant sur les vases exondées en bordure d’étangs. Parmi celles-ci, plusieurs sont caractérisées par la présence d’une seule station dans les pièces d’eau du bassin versant (Potamogeton lucens à Behoûde, Callitriche stagnalis au Bois de Rosée, Nymphaea alba à Moulins, Ranunculus trichophyllus aux Closières, Elodea nuttallii à Flavion) ou de quelques stations (RAEYMAEKERS et al., 2003). A l’étang de Seuli, deux espèces rares (Callitriche hamulata et Nitella flexilis) ont notamment disparu ces dernières années suite à l’application d’un herbicide. D’autre part, en supprimant la nourriture de base, l’ensemble de la chaîne alimentaire de l’étang est ainsi perturbée et peut conduire à un déséquilibre de l’écosystème. Rappelons aussi que la végétation aquatique constitue un support de choix pour de nombreux organismes ainsi que pour les œufs de nombreux poissons (brochet, tanche, brème, perche, ablette, rotengle). Enfin, suite à l’action de l’herbicide, les plantes éliminées constituent une importante quantité de matière organique qui sédimente avant d’être minéralisée. Cette minéralisation engendre une production d’éléments qui sont autant de facteurs d'entrophisation des eaux (nitrates, phosphates...). L’enlèvement « manuel », autrefois pratiqué, notamment dans les vastes propriétés où la main d’œuvre pour la gestion des domaines était encore importante, devient très rare de nos jours. L’utilisation d’outils adaptés doit toutefois toujours être préféré à l’emploi d’herbicides. Ce faucardage mécanique avec exportation doit en tous cas se faire de manière raisonnée, sans excès et en s’assurant du maintien d’une partie de la végétation aquatique. L’effet du dragage des fonds d’étangs peut aussi être bénéfique. INTRODUCTIONS DE PLANTES L’introduction de plantes dans les pièces d’eau pose de nombreux problèmes environnementaux, y compris dans le bassin de la Molignée. Ainsi, aux étangs de Moulins, le nénuphar blanc (Nymphea alba) occupe une grande partie de la pièce d’eau. Il s’agit toutefois d’une espèce ne représentant qu’une menace faible pour les autres espèces végétales. Ludwigia grandiflora est présente à l’étang de Flavion. Il s’agit là d’une espèce posant un problème bien plus aigu (LAMBINON , 1997). Ludwigia grandiflora, espèce originaire d’Amérique du Sud, introduite pour la première fois en Europe vers1820 (Sud de la France), est fort appréciée dans les jardins aquatiques (photo 7). Quelques pieds furent introduits à Flavion dans les années 1980 et l’espèce couvre actuellement plus de 600 m² de la pièce d’eau (photo 8). Grâce à ses exigences limitées, sa possibilité d’implantation jusqu’à 3 mètres de profondeur et sa capacité de reproduction (un simple fragment de tige peut reconstituer une plante), cette espèce se révèle particulièrement compétitive par rapport aux plantes 6 indigènes. Elle forme en outre rapidement des herbiers aquatiques très denses qui influencent la qualité physico-chimique des eaux qui se traduit notamment par une baisse de la teneur en oxygène dissous. Sa présence abondante à Flavion constitue donc à la fois une perturbation de l’équilibre écologique de la pièce d’eau mais aussi un risque potentiel de dispersion vers des zones dont l’intérêt biologique pourrait être menacé. La prolifération du Ludwigia grandiflora est bien connue en France où de nombreuses zones humides ont été colonisées. Les différentes études menées sur le sujet montrent qu’il est impossible de se débarrasser complètement de l’espèce et qu’il faut plutôt tenter d’en contrôler le développement. L’arrachage manuel des pieds, avec exportation, n’est possible qu’en début de colonisation, pour de petites superficies. L’étang de Flavion pourrait se prêter à ce type de gestion. Il est important, pour un bon contrôle, d’opérer de manière répétée et régulière. Un entretien annuel constitue la meilleure Photo 7. Ludwigia grandiflora, une espèce introduite à Flavion. Photo 8. Envahissement de l'étang de Flavion par Ludwigia grandiflora. garantie. L’utilisation d’herbicides doit être en tous cas évitée pour les raisons déjà évoquées. En parallèle, toute introduction d’espèces exotiques devrait être évitée dans les pièces d’eau. Le Ludwigia grandiflora n’est en effet pas la seule espèce posant ce type de problèmes. Ici encore, l’éducation et la sensibilisation du public peut jouer un rôle important. 7 QUALITÉ DE L'EAU Le maintien d’une bonne qualité de l’eau dépend des options de gestion prises sur la totalité du bassin versant. Dans les pièces d’eau du bassin de la Molignée, le niveau de pollution est faible. Leur situation, à proximité de sources ou en des sites du cours où le pouvoir auto-épurateur du ruisseau a agi est, à cet égard, un facteur de première importance. Les étangs dans lesquels a été observée la meilleure qualité d’eau sont alimentés par des ruisselets prenant leur source au milieu de vastes zones boisées (Etangs du Bois de Rosée, Vivier Gaillard). D’autres étangs, alimentés aussi par des ruisselets, mais prenant leur source dans des zones soumises à une influence de zones de culture ou de pâture présentent des teneurs en nitrates plus élevées. On connaît la grande importance des têtes de source dans le maintien d’une bonne qualité de l’eau sur l’ensemble d’un bassin versant (voir BOUXIN dans le présent ouvrage). Les têtes de sources boisées devraient être protégées. Pour certains ruisseaux, des possibilités de reboisement des têtes de source pourraient être étudiées, en concertation avec les utilisateurs principaux que sont les agriculteurs. Enfin, rappelons qu’en terme de qualité des eaux, et lors de plantations d’arbres en bordure de cours d’eau ou d’étangs, il est toujours préférable de favoriser les essences feuillues indigènes et bien adaptées aux conditions locales de l’environnement (Alnus glutinosa, Fraxinus excelsior). A ce sujet, la consultation du fichier écologique des essences avant toute plantation est à recommander (WEISSEN et al., 1991). Ainsi, la présence d’un massif d’épicéas en bordure directe d’un étang des Closières constitue un facteur environnemental défavorable (photo 9). La densité du couvert forestier ainsi que la vitesse lente de décomposition de la fane de l'épicéa engendrent respectivement une perte de diversité de la végétation herbacée, une réduction de la population de macro-invertébrés, une diminution de la faune piscicole et une acidification de l'eau et du sol ainsi qu'une altération de la structure du sol (BAAR et al., 1996). Photo 9. Plantation d'épicéas à proximité de l'étang des Closières. OUVRAGES DE VIDANGE La présence d’un moine en bon état facilite la gestion d’un étang. La vidange d’un étang est parfois souhaitable, voire nécessaire, par exemple pour l’enlèvement de la vase ou le suivi des populations piscicoles. Une attention toute particulière doit donc être apportée au maintien en bon état des ouvrages 8 de vidange existants. Signalons que, s'il est évident que les étangs de carrières ne disposent pas de ce type d’aménagement, les moines font aussi défaut dans deux étangs du Bois de Rosée et au Vivier Gaillard. D’autre part, beaucoup d’étangs ont une contenance de plusieurs milliers de mètres cubes. La rupture d’une digue ou l’instabilité du sol naturel peut donc précipiter dans le cours d’eau des débits importants et causer de gros dégâts dans la vallée. La réalisation d’un étang doit donc prendre en compte : - d’abord la sécurité, - ensuite les contraintes liées à la gestion courante de l’étang (régler le niveau, opérer une vidange). - la formation des renards, - l’apparition de fuites dues à des problèmes de liaison entre les diverses composantes de l’étang (digue, terrain naturel, ouvrage,…), - la présence de venues d’eau dans les terrains environnants à l’aval de l’étang. On ne peut ici traiter complètement du vaste sujet de la sécurité. Il faut néanmoins souligner que les dangers sont multiples : instabilités de la digue, des berges, des terrains immergés et des terrains environnants, formation de renards*, submersion de la digue par l’eau. A l’encontre de la pratique courante, on doit considérer que la réalisation d’un étang et d’une digue sont affaires de spécialistes. Souvent, l’évacuation des eaux est gravement négligée alors qu’elle représente la première cause d’accidents. Un étang doit disposer d’exutoires remplissant trois fonctions distinctes : - contrôle du niveau de l’eau, - vidange de l’étang, - exutoire de sécurité en cas de crue. On terminera en rappelant que, en dehors des cas où l’urgence impose d’agir autrement, toutes les modifications de niveau doivent être réalisées lentement (par exemple 20 cm par jour) afin de ne pas déstabiliser les massifs constitués par les berges naturelles et la digue. Les deux premières fonctions peuvent être assurées par un moine. La troisième fonction est essentielle car la submersion d’une digue en terre provoque sa ruine et parfois sa rupture brutale. Cette fonction peut être assurée par un déversoir de crue capable d’évacuer tout débit susceptible de parvenir dans l’étang en maintenant l’eau sous un niveau de sécurité. Malheureusement, sur le terrain, les déversoirs de crue sont souvent inexistants ou insuffisants. Il ne suffit pas que l’étang soit sûr lors de sa mise en service, il doit le rester durant toute son existence. Par conséquent, des examens réguliers doivent être menés dans des conditions favorables afin de détecter : Il va sans dire qu’il convient de procéder à la vidange de tout étang où est apparu un signe inquiétant. En ce qui concerne les anciennes sablières du bassin (Le Crucifix au nord de Sosoye et 2 carrières au nord-ouest de Onhaye), hormis l’enlèvement des détritus, il convient tout d’abord de maintenir des parois verticales, fort appréciées par certaines espèces d’oiseaux et d’insectes, notamment en effectuant tous les 2 à 3 ans un enlèvement des espèces ligneuses colonisatrices. Les zones humides de faible profondeur (petites mares et bordure des grands plans d’eau) doivent être maintenues. Un fauchage tous les 3 ans avec exportation devrait permettre la pérennité de ces zones d’atterrissement au grand potentiel biologique. L’ensoleillement optimal du plan d’eau doit aussi être visé en limitant la recolonisation forestière tout en conservant quelques massifs épars. Le maintien ou la mise en place de tas de cailloux à proximité des plans d’eau représente un atout indéniable pour l’hibernation de bon nombre de batraciens. Enfin, les zones de végétation rase (anciens chemins tassés, aires de stockage…) devraient être maintenues en l’état par fauchage voire raclage occasionnel du sol. _________ (*) Pour rappel, les astériques suivant certains mots renvoient au glossaire en fin de fascicule 9 ETANGS DE CARRIÈRES Les carrières dont l’exploitation s’est arrêtée constituent de vastes excavations dans le sol. Les intérêts géologique et historique, en tant que témoins d’activités humaines passées ne sont pas les seuls à devoir être pris en compte. La grande diversité de milieux qui y sont représentés leur confère un intérêt biologique important. Elles constituent alors des milieux anthropiques de substitution de premier choix pour de nombreuses espèces animales et végétales. Dans la plupart des carrières, on peut observer 7 grandes catégories de milieux (COPPÉE et NOIRET, 1995) : parois verticales, zones à végétation rase et éparse, friches hautes, éboulis rocheux et pierriers, terrils, fourrés et bosquets, zones humides. Ces dernières, par leur caractère hétérogène, constituent souvent des zones de grand intérêt biologique. Enfin, l’intérêt pédagogique de ces sites est aussi très élevé concernant l’observation de la faune et de la flore et la compréhension des séries évolutives progressives (évolution d’un milieu nu vers le stade forestier via diverses étapes intermédiaires). Dans les anciennes carrières, l’élimination de déchets n’est pas rare. La présence de détritus a notamment pu être constatée au Crucifix et à Onhaye. Un effort considérable d’éducation du public semble donc nécessaire. Les pièces d’eau de carrières étant directement alimentées par les nappes souterraines, il convient d’être particulièrement attentif à cette problématique. Par leur situation et les possibilités d’accès carrossables, certaines carrières sont plus susceptibles de servir de dépôts sauvages. Pour celles-ci, des dispositifs empêchant l’accès aux véhicules motorisés pourraient être mis en place. Notons que la problématique des décharges sauvages risque de se révéler d’autant plus d’actualité par la mise en place dans de nombreuses communes de systèmes de collecte de déchets par poubelles à puces ou sacs payants, initiatives par ailleurs tout à fait louables. Les possibilités de réaménagement des anciennes carrières du bassin pourraient être étudiées. Dans un premier temps, quelques grands principes sont évoqués. 10 En ce qui concerne les anciennes sablières du bassin (Le Crucifix au nord de Sosoye et 2 carrières au nord-ouest de Onhaye), hormis l’enlèvement des détritus, il convient tout d’abord de maintenir des parois verticales, fort appréciées par certaines espèces d’oiseaux et d’insectes, notamment en effectuant tous les 2 à 3 ans un enlèvement des espèces ligneuses colonisatrices. Les zones humides de faible profondeur (petites mares et bordure des grands plans d’eau) doivent être maintenues. Un fauchage tous les 3 ans avec exportation devrait permettre la pérennité de ces zones d’atterrissement au grand potentiel biologique. L’ensoleillement optimal du plan d’eau doit aussi être visé en limitant la recolonisation forestière tout en conservant quelques massifs épars. Le maintien ou la mise en place de tas de cailloux à proximité des plans d’eau représente un atout indéniable pour l’hibernation de bon nombre de batraciens. Enfin, les zones de végétation rase (anciens chemins tassés, aires de stockage…) devraient être maintenues en l’état par fauchage voire raclage occasionnel du sol. Dans les anciennes exploitations de roches cohérentes (Jusaine, Plantisse, Aires Nord), les plans d’eau présentent un profil différent caractérisé par l’absence de zones humides peu profondes. A Plantisse, une petite zone en bordure du plan d’eau est occupée par des hélophytes (Typha latifolia). La création de telles zones, en bordure des plans d’eau, devrait être étudiée. D’autre part, la recolonisation par des espèces ligneuses est déjà importante autour de ces pièces d’eau. La limitation raisonnable de celles-là pourrait avoir un effet très bénéfique sur le milieu en donnant la possibilité à des espèces héliophiles de fréquenter les sites. La coexistence de zones ouvertes et de zones au couvert plus dense constitue un gage de diversification des niches écologiques. Enfin, la limitation du développement des espèces aquatiques par un enlèvement manuel et une exportation devrait être envisagé à Jusaine et à Plantisse. PROBLÉMATIQUE DU RAT MUSQUÉ Les rats musqués (Ondatra zibethicus L.), par le creusement de galeries dans les terres meubles, peuvent engendrer de très gros dégâts aux berges des cours d’eau et des étangs. La Région wallonne dispose d’un service de piégeage afin de contrôler les populations de rats musqués. Chaque piégeur assure, au sein de son secteur, le contrôle des populations de rats musqués sur les domaines relevant de la Région. Il doit aussi le faire sur tous les cours d’eau, étangs, plans d’eau tant privés que publics où la présence du rongeur est constatée ou signalée. C’est pourquoi la collaboration du public est importante. A ce sujet, des dépliants présentant la lutte contre le rat musqué sont disponibles sur demande à la Région wallonne. CONCLUSIONS Les étangs du bassin hydrographique de la Molignée sont un héritage du passé. La réflexion sur l'utilisation et la gestion des pièces d’eau doit intégrer à la fois les notions d'objectifs actuels et celles de besoins futurs, éventuellement différents. Cette réflexion doit également intégrer l'évolution historique qui a conduit les sites étudiés dans leur état actuel. C’est le concept même du développement durable. Ces sites présentent tout d’abord un intérêt biologique certain, par la présence d’espèces végétales rares ou de groupements végétaux remarquables, comportant ainsi de nombreux habitats pouvant accueillir une faune diversifiée. Eléments importants des paysages des fonds de vallée, ils peuvent jouer un rôle hydraulique utile notamment en période de crue. Leur utilisation, ancienne ou actuelle, leur confère enfin un intérêt récréatif (pêche, baignade, canotage), économique (pisciculture) et culturel (témoins d’activités anciennes tels que les moulins). Toute gestion de ces pièces d’eau devrait intégrer ces différents facteurs. Le premier étang de Ftroûle résume assez bien toute la diversité qui peut être rencontrée dans un étang. La conception même de la pièce d’eau en est l’explication. Une zone profonde permet de remplir une fonction essentielle de toute pièce d’eau privée, la fonction récréative. Dans cette partie de l’étang, la pratique de la pêche et de la baignade est rendue possible. La partie amont de l’étang est, quant à elle, une zone beaucoup moins profonde et dans laquelle plusieurs espèces aquatiques rares se développent. La vaste zone d’atterrissement qui précède l’étang présente aussi un véritable intérêt écologique en accueillant une grande biodiversité typique des milieux humides, en jouant un rôle d’épuration et en améliorantant l’intégration paysagère de la pièce d’eau. Cette diversité doit être favorisée par la mise en place d’une gestion appropriée des pièces d’eau existantes. D’autre part, lors de la création de nouvelles pièces d’eau, une attention toute particulière doit être apportée à la conception. Le choix du site d'implantation n'est pas anodin et devrait s'intégrer dans la problématique générale de gestion des débits des cours d'eau, aussi bien en ce qui concerne les situations de crue que d'étiage. En tous cas, la construction d'étangs en travers de cours d'eau est à proscrire. D'autre part, le choix du profilage des berges et du fonds de la pièce d'eau ainsi que des espèces végétales implantées doit permettre d’intégrer la notion de diversité. L’impact de la propriété privée est important dans la vallée de la Molignée. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne les pièces d’eau (tous les étangs visités se situent en propriétés privées). De nombreux étangs pourraient certainement être mieux mis en valeur. Dans cette optique, un effort considérable doit être fait en matière d’information et de sensibilisation des propriétaires d’étangs en ce qui concerne notamment l’intérêt des milieux humides, les techniques modernes de gestion et les services publics qui pourraient les aider dans leurs démarches. 11 RÉFÉRENCES Anonyme [1992]. Impacts liés aux travaux d’aménagement sur les cours d’eau – Evaluation, méthodologie, aide à la gestion – Colloque international – Wépion 1991 – Actes définitifs. Ministère de la Région wallonne, DGRNE, Namur, 392 p. VERNIERS G. [1993]. Aménagement écologique des berges des cours d’eau navigables. Les cahiers du MET. Collection actualités. Ministère de l’Equipement et des Transports, 40 p. BAAR F., DEROOVER B., GIGOUNON P. ET AL. [1996]. LA FORÊT ET LA PROTECTION DE L'EAU. MINISTÈRE DE LA RÉGION WALLONNE, DGRNE, NAMUR, 48P. VERNIERS G. [1995]. Aménagement écologique des berges des cours d’eau – Techniques de stabilisation. GIREA – UNECED, Namur, 77 p. 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