réflexion sur la gestion des étangs

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RÉFLEXION SUR LA
GESTION DES ÉTANGS
H. RAEYMAEKERS °
INTRODUCTION
Les écosystèmes aquatiques et semi-aquatiques
sont sans aucun doute parmi les plus menacés de
notre environnement. Le drainage, la pression démographique toujours plus forte, l’accroissement de la
demande touristique et de loisirs, nos modes de
consommation et de production constituent autant de
facteurs de disparition ou de pollution de ces milieux.
Les zones humides et certainement plus encore
les milieux de transition entre celles-ci et les zones
terrestres, les écotones (1), sont souvent caractérisés
par une richesse indéniable, tant d’un point de vue
biologique que paysager.
Parce que ces écosystèmes sont riches et de plus
en plus rares, il convient de les préserver.
Seule une gestion intégrée, impliquant la prise en
compte des différentes fonctions et usages des cours
d’eau et des milieux y associés engendre cette
préservation à long terme. Longtemps, la fonction
hydraulique fut privilégiée par les gestionnaires en
accordant la priorité à l’écoulement et à l’évacuation
des eaux, y compris les eaux usées. Aujourd’hui, les
fonctions biologique, économique, sanitaire, récréative, culturelle et paysagère doivent aussi entrer en
ligne de compte. La mise en place d’une gestion
intégrant la réponse aux besoins actuels tout en
maintenant la capacité de répondre à des besoins
futurs, éventuellement différents est, dans cette optique, nécessaire.
Suite aux visites de terrain afin d’étudier la
végétation des pièces d’eau du bassin hydrographique de la Molignée (RAEYMAEKERS et al., 2003) et
de visites complémentaires réalisées en 2000, quelques réflexions sont émises sur la gestion de 32
pièces d’eau dans le bassin hydrographique de la
Molignée. Toutes les pièces d’eau du bassin n’ayant
pas été visitées (2) , cet aperçu ne se veut en aucun
cas exhaustif quant aux problèmes de gestion qui se
posent aux propriétaires, pour la plupart privés.
°
(1)
(2)
(3)
Comité scientifique de la Conservation de la Nature et de la
Protection des Eaux, asbl, 5000 Namur.
Interface entre deux écosystèmes voisins se différenciant de
chacun d'eux par des caractéristiques écologiques particulières
Certaines pièces d’eau de très petite taille, les étangs de
pisciculture à l’exception de l’ésociculture (3) de Behoûde, et
quelques pièces d’eau dans des propriétés privées auxquelles
nous n’avons pas eu accès n’ont pas fait l’objet d’observations.
Pisciculture de brochets (Esox lucius).
1
GESTION DES BERGES
STABILISATION DES BERGES
Suite à l’action de différents facteurs (piétinement
par les animaux, érosion, galeries d’animaux fouisseurs), les berges et digues des étangs, comme celles
des cours d’eau, nécessitent de temps à autre des
travaux de stabilisation.
Dans l’optique d’une gestion intégrée, les techniques de stabilisation par réimplantation d’une végétation adaptée doivent être favorisées. Ces techniques
existent et sont maintenant bien maîtrisées. Elles ont
notamment été présentées dans divers ouvrages
(DETHIOUX 1989a, 1989b, 1989c et 1991; VERNIERS
1993, 1995; VERNIERS et al. 2001). L’implantation
d’une couverture végétale appropriée, apte à stabiliser
la berge par un bon enracinement et un degré de
recouvrement optimal permet en outre de diminuer la
quantité de sédiments entraînés dans les eaux, de
favoriser la biodiversité végétale et animale de ces
zones et de soigner l’aspect paysager des berges. Le
choix des espèces, pour le pied de berge ou pour celleci doit en tous cas se baser sur une observation in situ
des espèces présentes dans la zone.
Dans le bassin hydrographique de la Molignée, les
pièces d’eau sont souvent gérées par des propriétaires
Photo 1. Décombres sur les berges de l'étang de Ftêre.
privés. Les techniques végétales de réaménagement
de stabilisation des berges sont alors
peu utilisées. Ainsi, par exemple, la
rénovation d’une berge de l’étang de
Ftêre a été réalisée durant l’été 1996
par le déversement de matériaux divers
(cailloux, terre) sans chercher à fixer
cette berge par de la végétation. La
colonisation naturelle par les végétaux
y fut assez lente et le résultat peu
satisfaisant des points de vue technique, biologique et paysager (photos 1 et
2).
Aussi, une information claire et
précise sur les techniques de base, les
ouvrage de référence et les services
compétents en la matière devrait être
conçue et diffusée auprès des propriétaires de cours d’eau non classés et de
Photo 2. Berges de l'étang de Ftêre après « réaménagement ».
pièces d’eau.
2
IMPACT DU BÉTAIL
Les berges de certaines portions de cours d’eau
du bassin sont fortement endommagées par un piétinement par le bétail. Ce problème se pose toutefois
peu pour les étangs visités lors de cette étude. De
nombreuses communes, peu conscientes de l’impact
du piétinement excessif sur l’environnement, ont été
dispensées, sur base de propositions motivées de
leurs Conseils communaux et sur avis de la Députation permanente, de l’application de l’article 8 de
l’Arrêté royal du 5 août 1970, imposant la pose de
clôtures le long des cours d’eau lorsque celui-ci passe
dans une pâture. Dans le bassin de la Molignée, il
s’agit des anciennes communes de Anthée,
Biesmerée, Corenne, Denée, Ermeton-sur-Biert,
Falaën, Flavion, Florennes, Furnaux, Morville, Rosée,
Serville, Sosoye, Stave et Weillen.
Par ailleurs, il est évident que la présence d’un
cours d’eau ou d’une pièce d’eau doit aussi profiter
aux éleveurs, en permettant au bétail d’aller s’abreuver. Cela constitue un gage de respect du cours d’eau
par l’agriculteur. L’impact du piétinement sur les
berges des cours d’eau du bassin de la Molignée
devrait être réduit en délimitant mieux les zones
d’accès aux cours d’eau. Outre l’amélioration de
l’état des berges, cela contribuerait au maintien
d’une qualité d’eau en limitant la mise en suspension
de sédiments.
INTÉRÊT DES BERGES EN PENTE DOUCE
ET DES ZONES D'ATTERRISSEMENT
Les milieux aquatiques et milieux associés présentent souvent un intérêt biologique élevé. Nous
attirons ici particulièrement l’attention sur les zones
de contact entre écosystèmes aquatiques et terrestres. Les écotones, transitions entre unités écologiques adjacentes, présentent des caractéristiques propres dont une biodiversité remarquable. Leurs autres
intérêts se manifestent essentiellement à 2 niveaux :
valeur paysagère et contrôle de la qualité de l’eau.
Les berges en pente douce, temporairement
asséchées en été, laissent ainsi apparaître de la vase
exondée sur laquelle se développent souvent des
espèces végétales rares à l’échelle du bassin : Ranunculus peltatus, Rorippa palustris, Juncus
compressus, Veronica scutellata, Ranunculus
trichophyllus.
Les zones d’atterrissement en queue d’étang
(étangs de Ftroûle, de Seuli, de Behoûde et de la
Forge d’Anthée) et les berges en pente douce (étangs
de Ftêre, des Closières, de Ftroûle et la petite mare
des Nowes) méritent en tous cas une attention toute
particulière en matière de gestion ou d’aménagement.
La petite pièce d’eau des Nowes fut réaména-
gée en 1998. La berge en pente douce a été complètement remodelée par remblai. Si ce réaménagement
n’a eu probablement que peu d’influence sur l’intérêt
herpétologique du site, il s’agit là de la disparition d’un
très beau transect végétal et de quelques espèces
végétales rares voire très rares à l’échelle du bassin,
notamment Juncus compressus et Veronica
scutellata. Le comblement partiel de cette mare de
très faible profondeur n’entraînant pas de modification sensible du relief du sol, aucune demande de
permis ne fut nécessaire. Ainsi, la topographie de
telles pièces d’eau, raison même de leur grand
intérêt, constitue peut-être aussi leur plus grande
faiblesse. Une information claire et une sensibilisation relative à l’intérêt des mares devraient être
réalisées.
D’autre part, lors de la conception de nouvelles
pièces d’eau, une attention toute particulière devrait
être portée au profilage des berges et du fond. La
conception de celles-ci se révèle souvent peu imaginative. Rappelons que de plus en plus de particuliers
réalisent aujourd’hui des pièces d’eau dans leur
propriété. Berges en pente élevée et au tracé rectiligne, uniformité de la profondeur et des substrats de
fond sont autant de facteurs peu favorables à la
biodiversité. Tout aménagement devrait être pensé
en terme de diversité (la diversité des habitats ayant
une action prépondérante sur la diversité des espèces).
3
GESTION DES ROSELIÈRES
A l'amont immédiat des étangs de Behoûde et de
Seuli se trouvent des roselières. Par la forte prédominance du roseau commun (Phragmites australis) celles-ci ne présentent qu’un intérêt botanique restreint. En
contrepartie, le caractère attractif de ces zones vis-à-vis
d’une avifaune diversifiée n’est plus à démontrer. Elles
nécessitent donc une gestion appropriée. Dans les deux
cas, des ligneux (surtout des saules) se développent en
leur sein. Il s’agit d’une évolution fréquente dans ce type
de milieux : l’accumulation de tiges sèches constitue un
amas de litière freinant la repousse des roseaux et créant
des zones de plus en plus sèches sur lesquelles se
développent des arbres. A moyen terme et sans intervention de gestion, ce phénomène engendre la disparition de la roselière. L’enlèvement des massifs de ligneux
et un fauchage régulier – par exemple, le fauchage en
rotation d’un tiers de la roselière tous les 3 ans – avec
exportation des matériaux récoltés devraient assurer le
maintien de ces milieux à long terme.
A Seuli, l’envahissement de la roselière par les
ligneux est déjà bien avancée. Les massifs de saules sont
nombreux et étendus. Des peupliers de 8 mètres s’y sont
développés. Le maintien de la roselière y nécessiterait
une intervention assez rapide. Celle-ci est également
bordée par une frange de quelques mètres de la renouée
du Japon (Fallopia japonica), espèce végétale introduite et très envahissante (photo 3).
Le meilleur moyen de lutte connu consiste à
faire deux fauches par an (mi-juin, mi-octobre)
et à laisser sécher les tiges coupées sur une
zone sèche. Cette technique nécessite une
application à long terme, étalée sur plusieurs
années. Le fauchage et le raclage du sol
comme il a été effectué représente une solution probablement peu efficace pour le site en
question mais aussi un risque de propagation
de l’espèce vers les zones où les terres ont été
évacuées. La renouée du Japon se multiplie
en effet essentiellement par voie végétative à
partir de fragments de racines présents dans
les terres de déblais notamment (photo 4).
Photo 3. Fallopia japonica en bordure de la zone humide de
l'étang de Seuli.
Photo 4. Raclage du sol à Seuli, un risque supplémentaire de propagation de
Fallopia japonica.
4
GESTION DES PLANTES AQUATIQUES
L’envahissement des plans d’eau par de la végétation aquatique est un problème fréquemment rencontré dans les pièces d’eau du bassin. Celui-ci peut
être le résultat d’une prolifération d’espèces indigènes mais aussi d’une introduction d’espèces exotiques se révélant parfois extrêmement envahissantes.
Souvent, cette prolifération d’herbiers aquatiques est mal perçue car elle peut gêner considérablement l’utilisation habituelle des pièces d’eau (pêche,
baignade, canotage…). D’autre part, si les plantes
aquatiques sont productrices d’oxygène pendant la
journée, une trop grande biomasse végétale peut
représenter un danger pour les populations piscicoles
au cours de la nuit, créant des déficits temporaires en
oxygène. Le développement excessif d’herbiers aquatiques dans une pièce d’eau traduit, rappelons-le, une
pollution de type organique.
Des solutions sont donc recherchées afin de
limiter, voire de supprimer totalement cette végétation aquatique. L’emploi d’herbicides a pu être constaté, notamment à l’étang de Seuli. Ce type de
pratique doit être évité. D'autre part, l'identification
des sources de la pollution et la recherche de solutions pour les limiter au maximum constituent une
priorité environnementale.
ENVAHISSEMENT DES PLANS D’EAU
Plusieurs étangs du bassin versant
présentent un développement important
d’espèces végétales aquatiques : potamot
de Berchtold, potamot à feuilles capillaires, élodée à feuilles étroites ou différentes espèces d’algues filamenteuses. Les
étangs de Behoûde, des Closières, de la
forge d’Anthée, de Ftroûle, de Montaigle
et de Moulins sont concernés (photos 5 et
6).
La présence abondante d’une végétation aquatique n’entrave souvent les
activités habituellement pratiquées dans
les pièces d’eau que dans les zones les
moins profondes des étangs. Ici encore,
la conception asymétrique des pièces
d’eau intégrant des zones de profondeurs variées peut permettre de concilier
la présence d’un milieu écologique diversifié avec la pratique d’activités telles
que la pêche ou la baignade.
Photo 5. Développement d'herbiers aquatiques à l'étang des Closières.
L’utilisation d’herbicides, parfois
constatée, présente plusieurs inconvénients majeurs et doit être évitée. Rappelons que l’utilisation d’herbicides dans les
cours d’eau est interdite en Région wallonne.
Contrairement à la possibilité d’un
Photo 6. Herbiers aquatiques à l'étang de Ftroûle.
5
usage ciblé des herbicides dans les écosystèmes
terrestres (sur des surfaces de coupe, injection dans
les organes souterrains…), l’application d’herbicides
en milieux aquatiques représente une solution totale,
éliminant l’ensemble de la végétation aquatique. Les
conséquences directes et indirectes sont nombreuses. Il s’ensuit une perte indéniable de biodiversité,
temporaire ou parfois définitive. Le risque de perte
d’espèces rares n’est pas non plus négligeable. Nous
pensons évidemment aux espèces aquatiques mais
aussi à celles se développant sur les vases exondées
en bordure d’étangs. Parmi celles-ci, plusieurs sont
caractérisées par la présence d’une seule station
dans les pièces d’eau du bassin versant (Potamogeton lucens à Behoûde, Callitriche stagnalis au Bois
de Rosée, Nymphaea alba à Moulins, Ranunculus
trichophyllus aux Closières, Elodea nuttallii à
Flavion) ou de quelques stations (RAEYMAEKERS et
al., 2003). A l’étang de Seuli, deux espèces rares
(Callitriche hamulata et Nitella flexilis) ont notamment disparu ces dernières années suite à l’application d’un herbicide.
D’autre part, en supprimant la nourriture de base,
l’ensemble de la chaîne alimentaire de l’étang est
ainsi perturbée et peut conduire à un déséquilibre de
l’écosystème. Rappelons aussi que la végétation
aquatique constitue un support de choix pour de
nombreux organismes ainsi que pour les œufs de
nombreux poissons (brochet, tanche, brème, perche,
ablette, rotengle).
Enfin, suite à l’action de l’herbicide, les plantes
éliminées constituent une importante quantité de
matière organique qui sédimente avant d’être minéralisée. Cette minéralisation engendre une production d’éléments qui sont autant de facteurs
d'entrophisation des eaux (nitrates, phosphates...).
L’enlèvement « manuel », autrefois pratiqué, notamment dans les vastes propriétés où la main d’œuvre
pour la gestion des domaines était encore importante,
devient très rare de nos jours. L’utilisation d’outils
adaptés doit toutefois toujours être préféré à l’emploi
d’herbicides. Ce faucardage mécanique avec exportation doit en tous cas se faire de manière raisonnée,
sans excès et en s’assurant du maintien d’une partie
de la végétation aquatique. L’effet du dragage des
fonds d’étangs peut aussi être bénéfique.
INTRODUCTIONS DE PLANTES
L’introduction de plantes dans les pièces d’eau
pose de nombreux problèmes environnementaux, y
compris dans le bassin de la Molignée. Ainsi, aux
étangs de Moulins, le nénuphar blanc (Nymphea
alba) occupe une grande partie de la pièce d’eau. Il
s’agit toutefois d’une espèce ne représentant qu’une
menace faible pour les autres espèces végétales.
Ludwigia grandiflora est présente à l’étang de
Flavion. Il s’agit là d’une espèce posant un problème
bien plus aigu (LAMBINON , 1997). Ludwigia
grandiflora, espèce originaire d’Amérique du Sud,
introduite pour la première fois en Europe vers1820
(Sud de la France), est fort appréciée dans les jardins
aquatiques (photo 7). Quelques pieds furent introduits à Flavion dans les années 1980 et l’espèce
couvre actuellement plus de 600 m² de la pièce d’eau
(photo 8). Grâce à ses exigences limitées, sa possibilité
d’implantation jusqu’à 3 mètres de profondeur et sa
capacité de reproduction (un simple fragment de tige
peut reconstituer une plante), cette espèce se révèle
particulièrement compétitive par rapport aux plantes
6
indigènes. Elle forme en outre rapidement des herbiers aquatiques très denses qui influencent la qualité
physico-chimique des eaux qui se traduit notamment
par une baisse de la teneur en oxygène dissous. Sa
présence abondante à Flavion constitue donc à la fois
une perturbation de l’équilibre écologique de la pièce
d’eau mais aussi un risque potentiel de dispersion
vers des zones dont l’intérêt biologique pourrait être
menacé.
La prolifération du Ludwigia grandiflora est
bien connue en France où de nombreuses zones
humides ont été colonisées. Les différentes études
menées sur le sujet montrent qu’il est impossible de
se débarrasser complètement de l’espèce et qu’il
faut plutôt tenter d’en contrôler le développement.
L’arrachage manuel des pieds, avec exportation,
n’est possible qu’en début de colonisation, pour de
petites superficies. L’étang de Flavion pourrait se
prêter à ce type de gestion. Il est important, pour un
bon contrôle, d’opérer de manière répétée et régulière. Un entretien annuel constitue la meilleure
Photo 7. Ludwigia grandiflora, une espèce introduite à Flavion.
Photo 8. Envahissement de l'étang de Flavion par Ludwigia grandiflora.
garantie. L’utilisation d’herbicides doit être en tous
cas évitée pour les raisons déjà évoquées.
En parallèle, toute introduction d’espèces exotiques devrait être évitée dans les pièces d’eau. Le
Ludwigia grandiflora n’est en effet pas la seule
espèce posant ce type de problèmes.
Ici encore, l’éducation et la sensibilisation du
public peut jouer un rôle important.
7
QUALITÉ DE L'EAU
Le maintien d’une
bonne qualité de l’eau
dépend des options de
gestion prises sur la totalité du bassin versant.
Dans les pièces d’eau
du bassin de la Molignée, le niveau de pollution est faible. Leur situation, à proximité de
sources ou en des sites
du cours où le pouvoir
auto-épurateur du ruisseau a agi est, à cet
égard, un facteur de première importance.
Les étangs dans lesquels a été observée la
meilleure qualité d’eau
sont alimentés par des
ruisselets prenant leur
source au milieu de vastes zones boisées
(Etangs du Bois de Rosée, Vivier Gaillard).
D’autres étangs, alimentés aussi par des ruisselets, mais prenant leur
source dans des zones
soumises à une influence
de zones de culture ou
de pâture présentent des
teneurs en nitrates plus
élevées.
On connaît la grande importance des têtes de source dans le maintien d’une bonne
qualité de l’eau sur l’ensemble d’un bassin versant (voir BOUXIN dans le présent
ouvrage). Les têtes de sources boisées devraient être protégées. Pour certains
ruisseaux, des possibilités de reboisement des têtes de source pourraient être
étudiées, en concertation avec les utilisateurs principaux que sont les agriculteurs.
Enfin, rappelons qu’en terme de qualité des eaux, et lors de plantations d’arbres
en bordure de cours d’eau ou d’étangs, il est toujours préférable de favoriser les
essences feuillues indigènes et bien adaptées aux conditions locales de l’environnement (Alnus glutinosa, Fraxinus excelsior). A ce sujet, la consultation du fichier
écologique des essences avant toute plantation est à recommander (WEISSEN et al.,
1991). Ainsi, la présence d’un massif d’épicéas en bordure directe d’un étang des
Closières constitue un facteur environnemental défavorable (photo 9). La densité du
couvert forestier ainsi que la vitesse lente de décomposition de la fane de l'épicéa
engendrent respectivement une perte de diversité de la végétation herbacée, une
réduction de la population de macro-invertébrés, une diminution de la faune piscicole
et une acidification de l'eau et du sol ainsi qu'une altération de la structure du sol
(BAAR et al., 1996).
Photo 9. Plantation d'épicéas à proximité de l'étang des Closières.
OUVRAGES DE VIDANGE
La présence d’un moine en bon état facilite la
gestion d’un étang. La vidange d’un étang est parfois
souhaitable, voire nécessaire, par exemple pour l’enlèvement de la vase ou le suivi des populations
piscicoles. Une attention toute particulière doit donc
être apportée au maintien en bon état des ouvrages
8
de vidange existants. Signalons que, s'il est évident
que les étangs de carrières ne disposent pas de ce
type d’aménagement, les moines font aussi défaut
dans deux étangs du Bois de Rosée et au Vivier
Gaillard.
D’autre part, beaucoup d’étangs ont une
contenance de plusieurs milliers de mètres cubes.
La rupture d’une digue ou l’instabilité du sol naturel
peut donc précipiter dans le cours d’eau des débits
importants et causer de gros dégâts dans la vallée.
La réalisation d’un étang doit donc prendre en
compte :
- d’abord la sécurité,
- ensuite les contraintes liées à la gestion courante
de l’étang (régler le niveau, opérer une vidange).
- la formation des renards,
- l’apparition de fuites dues à des problèmes de
liaison entre les diverses composantes de
l’étang (digue, terrain naturel, ouvrage,…),
- la présence de venues d’eau dans les terrains
environnants à l’aval de l’étang.
On ne peut ici traiter complètement du
vaste sujet de la sécurité. Il faut néanmoins souligner
que les dangers sont multiples : instabilités de la
digue, des berges, des terrains immergés et des
terrains environnants, formation de renards*,
submersion de la digue par l’eau. A l’encontre de la
pratique courante, on doit considérer que la
réalisation d’un étang et d’une digue sont affaires de
spécialistes. Souvent, l’évacuation des eaux est
gravement négligée alors qu’elle représente la
première cause d’accidents. Un étang doit disposer
d’exutoires remplissant trois fonctions distinctes :
- contrôle du niveau de l’eau,
- vidange de l’étang,
- exutoire de sécurité en cas de crue.
On terminera en rappelant que, en dehors des
cas où l’urgence impose d’agir autrement, toutes
les modifications de niveau doivent être réalisées
lentement (par exemple 20 cm par jour) afin de ne
pas déstabiliser les massifs constitués par les berges
naturelles et la digue.
Les deux premières fonctions peuvent être
assurées par un moine. La troisième fonction est
essentielle car la submersion d’une digue en terre
provoque sa ruine et parfois sa rupture brutale.
Cette fonction peut être assurée par un déversoir de
crue capable d’évacuer tout débit susceptible de
parvenir dans l’étang en maintenant l’eau sous un
niveau de sécurité. Malheureusement, sur le terrain,
les déversoirs de crue sont souvent inexistants ou
insuffisants.
Il ne suffit pas que l’étang soit sûr lors de sa
mise en service, il doit le rester durant toute son
existence. Par conséquent, des examens réguliers
doivent être menés dans des conditions favorables
afin de détecter :
Il va sans dire qu’il convient de procéder à la
vidange de tout étang où est apparu un signe
inquiétant.
En ce qui concerne les anciennes sablières du
bassin (Le Crucifix au nord de Sosoye et 2 carrières
au nord-ouest de Onhaye), hormis l’enlèvement des
détritus, il convient tout d’abord de maintenir des
parois verticales, fort appréciées par certaines espèces d’oiseaux et d’insectes, notamment en effectuant tous les 2 à 3 ans un enlèvement des espèces
ligneuses colonisatrices. Les zones humides de
faible profondeur (petites mares et bordure des
grands plans d’eau) doivent être maintenues. Un
fauchage tous les 3 ans avec exportation devrait
permettre la pérennité de ces zones d’atterrissement
au grand potentiel biologique. L’ensoleillement
optimal du plan d’eau doit aussi être visé en limitant
la recolonisation forestière tout en conservant
quelques massifs épars. Le maintien ou la mise en
place de tas de cailloux à proximité des plans d’eau
représente un atout indéniable pour l’hibernation de
bon nombre de batraciens. Enfin, les zones de
végétation rase (anciens chemins tassés, aires de
stockage…) devraient être maintenues en l’état par
fauchage voire raclage occasionnel du sol.
_________
(*)
Pour rappel, les astériques suivant certains mots renvoient au
glossaire en fin de fascicule
9
ETANGS DE CARRIÈRES
Les carrières dont l’exploitation s’est arrêtée
constituent de vastes excavations dans le sol. Les
intérêts géologique et historique, en tant que témoins
d’activités humaines passées ne sont pas les seuls à
devoir être pris en compte. La grande diversité de
milieux qui y sont représentés leur confère un intérêt
biologique important. Elles constituent alors des milieux anthropiques de substitution de premier choix
pour de nombreuses espèces animales et végétales.
Dans la plupart des carrières, on peut observer 7
grandes catégories de milieux (COPPÉE et NOIRET,
1995) : parois verticales, zones à végétation rase et
éparse, friches hautes, éboulis rocheux et pierriers,
terrils, fourrés et bosquets, zones humides. Ces
dernières, par leur caractère hétérogène, constituent
souvent des zones de grand intérêt biologique. Enfin,
l’intérêt pédagogique de ces sites est aussi très élevé
concernant l’observation de la faune et de la flore et
la compréhension des séries évolutives progressives
(évolution d’un milieu nu vers le stade forestier via
diverses étapes intermédiaires).
Dans les anciennes carrières, l’élimination de
déchets n’est pas rare. La présence de détritus a
notamment pu être constatée au Crucifix et à Onhaye.
Un effort considérable d’éducation du public semble
donc nécessaire. Les pièces d’eau de carrières étant
directement alimentées par les nappes souterraines,
il convient d’être particulièrement attentif à cette
problématique. Par leur situation et les possibilités
d’accès carrossables, certaines carrières sont plus
susceptibles de servir de dépôts sauvages. Pour
celles-ci, des dispositifs empêchant l’accès aux véhicules motorisés pourraient être mis en place. Notons
que la problématique des décharges sauvages risque
de se révéler d’autant plus d’actualité par la mise en
place dans de nombreuses communes de systèmes
de collecte de déchets par poubelles à puces ou sacs
payants, initiatives par ailleurs tout à fait louables.
Les possibilités de réaménagement des anciennes carrières du bassin pourraient être étudiées.
Dans un premier temps, quelques grands principes
sont évoqués.
10
En ce qui concerne les anciennes sablières du
bassin (Le Crucifix au nord de Sosoye et 2 carrières
au nord-ouest de Onhaye), hormis l’enlèvement des
détritus, il convient tout d’abord de maintenir des
parois verticales, fort appréciées par certaines espèces d’oiseaux et d’insectes, notamment en effectuant tous les 2 à 3 ans un enlèvement des espèces
ligneuses colonisatrices. Les zones humides de faible
profondeur (petites mares et bordure des grands
plans d’eau) doivent être maintenues. Un fauchage
tous les 3 ans avec exportation devrait permettre la
pérennité de ces zones d’atterrissement au grand
potentiel biologique. L’ensoleillement optimal du plan
d’eau doit aussi être visé en limitant la recolonisation
forestière tout en conservant quelques massifs épars.
Le maintien ou la mise en place de tas de cailloux à
proximité des plans d’eau représente un atout indéniable pour l’hibernation de bon nombre de batraciens. Enfin, les zones de végétation rase (anciens
chemins tassés, aires de stockage…) devraient être
maintenues en l’état par fauchage voire raclage
occasionnel du sol.
Dans les anciennes exploitations de roches cohérentes (Jusaine, Plantisse, Aires Nord), les plans
d’eau présentent un profil différent caractérisé par
l’absence de zones humides peu profondes. A
Plantisse, une petite zone en bordure du plan d’eau
est occupée par des hélophytes (Typha latifolia).
La création de telles zones, en bordure des plans
d’eau, devrait être étudiée. D’autre part, la
recolonisation par des espèces ligneuses est déjà
importante autour de ces pièces d’eau. La limitation
raisonnable de celles-là pourrait avoir un effet très
bénéfique sur le milieu en donnant la possibilité à des
espèces héliophiles de fréquenter les sites. La coexistence de zones ouvertes et de zones au couvert plus
dense constitue un gage de diversification des niches
écologiques. Enfin, la limitation du développement
des espèces aquatiques par un enlèvement manuel et
une exportation devrait être envisagé à Jusaine et à
Plantisse.
PROBLÉMATIQUE DU RAT MUSQUÉ
Les rats musqués (Ondatra zibethicus L.), par
le creusement de galeries dans les terres meubles,
peuvent engendrer de très gros dégâts aux berges
des cours d’eau et des étangs. La Région wallonne
dispose d’un service de piégeage afin de contrôler les
populations de rats musqués. Chaque piégeur assure,
au sein de son secteur, le contrôle des populations de
rats musqués sur les domaines relevant de la Région.
Il doit aussi le faire sur tous les cours d’eau, étangs,
plans d’eau tant privés que publics où la présence du
rongeur est constatée ou signalée. C’est pourquoi la
collaboration du public est importante. A ce sujet, des
dépliants présentant la lutte contre le rat musqué sont
disponibles sur demande à la Région wallonne.
CONCLUSIONS
Les étangs du bassin hydrographique de la Molignée sont un héritage du passé. La réflexion sur
l'utilisation et la gestion des pièces d’eau doit intégrer
à la fois les notions d'objectifs actuels et celles de
besoins futurs, éventuellement différents. Cette réflexion doit également intégrer l'évolution historique
qui a conduit les sites étudiés dans leur état actuel.
C’est le concept même du développement durable.
Ces sites présentent tout d’abord un intérêt
biologique certain, par la présence d’espèces végétales rares ou de groupements végétaux remarquables, comportant ainsi de nombreux habitats pouvant
accueillir une faune diversifiée. Eléments importants
des paysages des fonds de vallée, ils peuvent jouer un
rôle hydraulique utile notamment en période de crue.
Leur utilisation, ancienne ou actuelle, leur confère
enfin un intérêt récréatif (pêche, baignade, canotage), économique (pisciculture) et culturel (témoins
d’activités anciennes tels que les moulins). Toute
gestion de ces pièces d’eau devrait intégrer ces
différents facteurs.
Le premier étang de Ftroûle résume assez bien
toute la diversité qui peut être rencontrée dans un
étang. La conception même de la pièce d’eau en est
l’explication. Une zone profonde permet de remplir
une fonction essentielle de toute pièce d’eau privée,
la fonction récréative. Dans cette partie de l’étang, la
pratique de la pêche et de la baignade est rendue
possible. La partie amont de l’étang est, quant à elle,
une zone beaucoup moins profonde et dans laquelle
plusieurs espèces aquatiques rares se développent.
La vaste zone d’atterrissement qui précède l’étang
présente aussi un véritable intérêt écologique en
accueillant une grande biodiversité typique des milieux
humides, en jouant un rôle d’épuration et en
améliorantant l’intégration paysagère de la pièce
d’eau.
Cette diversité doit être favorisée par la mise en
place d’une gestion appropriée des pièces d’eau
existantes. D’autre part, lors de la création de nouvelles pièces d’eau, une attention toute particulière
doit être apportée à la conception. Le choix du site
d'implantation n'est pas anodin et devrait s'intégrer
dans la problématique générale de gestion des débits
des cours d'eau, aussi bien en ce qui concerne les
situations de crue que d'étiage. En tous cas, la
construction d'étangs en travers de cours d'eau est à
proscrire. D'autre part, le choix du profilage des
berges et du fonds de la pièce d'eau ainsi que des
espèces végétales implantées doit permettre d’intégrer
la notion de diversité.
L’impact de la propriété privée est important
dans la vallée de la Molignée. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne les pièces d’eau (tous
les étangs visités se situent en propriétés privées). De
nombreux étangs pourraient certainement être mieux
mis en valeur. Dans cette optique, un effort considérable doit être fait en matière d’information et de
sensibilisation des propriétaires d’étangs en ce qui
concerne notamment l’intérêt des milieux humides,
les techniques modernes de gestion et les services
publics qui pourraient les aider dans leurs démarches.
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