18-Biblio-juin-2014_Mise en page 1 22/05/14 14:54 Page141 Librairie différentes théories, et c’est ce qui fait tout l’intérêt des deux recueils : on voit à l’œuvre un vrai philosophe, toujours soucieux d’évaluer ce qui reste actuel dans les théories passées, et ce qui, à l’inverse, trahit une méconnaissance de dimensions fondamentales du social. tions ou des changements d’intérêt, parfois soulignés par Honneth luimême, entre des textes espacés de vingt ou trente ans. Ce léger manque d’unité ne constitue cependant pas un obstacle important pour l’appréciation des deux ouvrages, qui restent remarquables en tant que témoins de la confrontation des théories d’un philosophe contemporain avec les grands auteurs du passé. Aurélien Allard Si les deux recueils possèdent de larges points communs, ils se distinguent cependant sur un point crucial. Alors que la confrontation avec les auteurs français se fait toujours avec une relative distance, les articles consacrés à Marx et aux auteurs de la tradition de l’école de Francfort sont beaucoup plus engagés. Dans ces textes, Honneth tente manifestement de se poser en héritier de cette tradition et cherche dans les échecs de ses prédécesseurs une leçon pour le présent ; l’alternance entre critique violente et fidélité réaffirmée donne à ces textes une tonalité très personnelle. Didier Fassin (sous la dir.) Juger, réprimer, accompagner. Essai sur la morale de l’État Paris, Le Seuil, 2013, 416 p., 24 € Qu’y a-t-il de commun entre une audience au tribunal administratif, un entretien avec une conseillère de mission locale et une commission disciplinaire en prison ? À première vue, ce sont des activités de peu d’intérêt, souvent routinières. L’exercice du pouvoir qui les caractérise est strictement réglementé. Le plus souvent d’ailleurs, ces activités sont opaques. On n’en retient qu’un résultat, non la manière d’y parvenir. Or la plongée dans le réel opérée par la méthode ethnographique change totalement la perspective. Nous entrons dans l’activité de l’État par une approche transversale et concrète. Nous voyons par cet effet de loupe ce que font réellement ses agents, qu’ils soient juges, éducateurs ou gardiens. Le maître mot de cette démarche, écrit Didier Fassin, est la notion d’« économie morale », qui représente « la production, la Les deux ouvrages possèdent ainsi une réelle cohérence grâce à l’omniprésence des convictions théoriques de Honneth ; cependant, les deux livres regroupant des textes étalés sur une trentaine d’années, les articles peuvent apparaître parfois légèrement disparates. Certains textes, notamment ceux consacrés à Claude Lévi-Strauss ou à Maurice Merleau-Ponty dans le Déchirement du social, semblent ainsi davantage des écrits de circonstances que des commentaires réellement liés aux thèmes privilégiés par Honneth, et détonnent par rapport au caractère souvent très personnel des autres articles. De même, le lecteur pourra reconnaître des tensions, des hésita141