Etude in planta de la valeur adaptative et de l’expression des gènes spécifiques du phytopathogène Agrobacterium fabrum R. Padilla, C. Lavire, X. Nesme, L. Vial, I. Kerzaon Laboratoire d'Écologie Microbienne, UMR CNRS 5557, INRA 1427 - Université de Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1 43, Boulevard du 11 Novembre 1918, 69622 Villeurbanne cedex Introduction Selon l’hypothèse que les espèces bactériennes ont des spécificités écologiques propres, une étude de génomique comparative a montré l’existence de gènes présents uniquement dans l’espèce Agrobacterium fabrum(2), organisés en 7 régions génomiques appelées « régions spécifiques d’espèce ». Ces régions codent probablement des fonctions liées au métabolisme de composés végétaux ce qui suggère une écologie propre à cette espèce en lien avec la plante. Le but de cette étude est de déterminer si les régions spécifiques confèrent à A. fabrum une meilleure valeur adaptative dans la rhizosphère (vie commensale) et dans la tumeur (vie pathogène), et d’étudier l’expression de ses gènes. Agrobacterium est un genre de bactéries du sol capable d'établir des interactions avec les racines des plantes (vie commensale). Cependant les agrobactéries sont surtout connues pour être pathogènes des plantes en induisant la galle du collet, maladie caractérisée par la formation de tumeurs sur de nombreuses espèces végétales (vie pathogène). Or, cette maladie n’est pas systématique car elle dépend de la présence, chez la bactérie, d’une molécule d’ADN appelée plasmide Ti (tumor inducing) qui porte les gènes de virulence(1). Les formes non-pathogènes peuvent cependant le devenir suite à l’acquisition du plasmide Ti à partir des souches pathogènes. De ce fait, pour mieux lutter contre la maladie, il est important de mieux comprendre l’écologie propre des différentes espèces d’Agrobacterium, toutes réservoirs potentiels du plasmide Ti (véritable agent pathogène). Valeur adaptative ? Infection d’une plante par une agrobactérie ADN-T La valeur adaptative est un concept central en théorie de l’évolution, car… sans différence de valeur adaptative, la sélection naturelle ne peut pas agir, et donc… qui contribue à la croissance d'une population dans un environnement particulier. plasmide Ti tumeur l’adaptation ne peut pas se produire ! La valeur adaptative est alors une mesure d’adaptabilité et de succès reproducteur… agrobactérie Cellule végétale Plantes modèles Tomate Luzerne Commensale Vie : Pathogène Objectifs • Mesurer la valeur adaptative liée aux différentes régions spécifiques • Déterminer par fluorescence l’expression des gènes spécifiques Vie pathogène Vie commensale Valeur adaptative bactérienne Indice de Compétition ? Vie pathogène Valeur calculé qui reflète la compétitivité entre une souche mutante et la souche sauvage (WT). Vie commensale Souches bactériennes Indices de compétition Sauvage (WT) Souches mutantes ? Indices de compétition Mutante IC * 1 Dénombrement bactérien Ratio de sortie Dénombrement bactérien * 1 IC Ratio d’entrée * 1 Mélange Ratio 1:1 Dénombrement bactérien * Tumeur de tomate 0,1 WT/Δ1 Δ2a/WT WT/Δ2a Δ2b/WT WT/Δ2b Δ3/WT WT/Δ3 Δ1/WT WT/Δ4 Δ4/WT IC WT/Δ1 Δ2a/WT WT/Δ2a Δ2b/WT WT/Δ2b Δ3/WT WT/Δ3 Δ1/WT WT/Δ4 Δ4/WT WT/Δ5 Δ7a/WT WT/Δ7a Δ7b/WT WT/Δ7b Δ5/WT Graines de luzerne Calcul de l’Indice de Compétition : Pour les autres souches, la valeur adaptative est similaire à celle de la souche sauvage. 0,3 Serre 14 jours 28o C Plants de Tomate Les souches mutantes Δ2a, Δ3 et Δ5 possèdent une valeur adaptative statistiquement inférieure à celle de la souche sauvage. Ratio de sortie Rhizosphère Serre 21 jours 28o C Δ7b/WT Δ7b/WT WT/Δ5 Δ7a/WT WT/Δ7a WT/Δ7b Δ5/WT Les souches mutantes ne possèdent pas une des régions spécifiques. Elles sont notées avec un Δ. (ex.: Δ1, mutant de la région 1). Seule la souche mutante Δ2a possède une valeur adaptative statistiquement inférieure à celle de la souche sauvage. IC = 1 Mutant = WT IC < 1 Mutant < WT Ratio de sortie = Ratio d’entrée IC > 1 Mutant > WT Pour les autres souches, la valeur adaptative est similaire à celle de la souche sauvage. Valeur adaptative Expression par fluorescence des gènes spécifiques Observation au microscope confocal Observation au microscope confocal Contrôle du gène fluorescent (gfp) par le promoteur d’un gène spécifique Région 1a A Introduction chez la bactérie A. fabrum Région 1a D gfp Région 5 Région 5 F Promoteur du gène spécifique C Racine latérale Co-culture plante/bactérie B E Serre 14 jours 28o C Serre 21 jours 28o C Plants de tomate La fluorescence d’un gène, présent dans la Région 1a, est induite dans l’ensemble de la tumeur (A, B). La fluorescence d’un gène, présent dans la Région 5, n’est pas induite dans l’environnement tumoral (C). Expression par fluorescence ? Bactérie fluorescente Racine pivot G Zone d’élongation Graines de luzerne Si fluorescence : expression du gène au contact de la plante Bactérie non fluorescente La fluorescence d’un gène, présent dans la Région 1a, est induite au contact de l’ensemble du système racinaire (D, E). La fluorescence d’un gène, présent dans la Région 5, est induite seulement au contact des parties anciennes de la racine (F,G). Conclusion Perspectives • Trois régions spécifiques augmentent la valeur adaptative d’A. fabrum lors de la vie pathogène, dont une qui joue aussi un rôle lors de la vie commensale. • L’expression des gènes spécifiques est hétérogène au contact de la plante, selon les zones racinaires et l’environnement tumoral. • Expression des autres régions spécifiques dans l’environnement tumoral et la rhizosphère. Les résultats de cette étude suggèrent que certaines régions spécifiques confèrent une meilleure valeur adaptative à la bactérie A. fabrum Ainsi, les régions spécifiques seraient impliquées dans l’adaptation à un environnement végétal spécifique La poursuite de cette étude pourra nous permettre une meilleure compréhension de l’écologie d’A. fabrum. • Analyse de la réponse de la plante en interaction avec la bactérie, par étude des métabolites végétaux produits. Préciser le rôle écologique des régions spécifiques ! Bibliographie (1) Watson et al., 1975. J Bacteriol 123:255-264. (2) Lassalle et al., 2011. Genome Biology and Evolution, 3, 762-781.