Prix Pfizer 2009 $$ Une interview de pipette

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NR. 5 | OKT. 2009
Prix Pfizer 2009
Une interview de pipette1
Parmi les 21 lauréats du Prix Pfizer, pipette a choisi «Caspase-8 is activated by cathepsin D initiating
neutrophil apoptosis during the resolution of inflammation» (La cathepsine D active la caspase-8 et
induit l’apoptose des neutrophiles durant la résolution de l’inflammation) car le laboratoire analytique
pourrait assister le médecin dans le diagnostic et le traitement de certains états inflammatoires. Le
docteur Sébastien Conus, lauréat du Prix Pfizer 2009, nous en explique les raisons. Son travail a été
publié dans le Journal of Experimental Medicine [1].
Dr Conus, pouvez-vous nous expliquer
le terme d’apoptose et pourquoi vous
vous y intéressez?
Le système immunitaire peut générer
une variété énorme de cellules et molécules capables de reconnaître spécifiquement et éliminer une quantité apparemment illimitée de pathogènes
étrangers. Bien que l’accumulation
de ces cellules et molécules spécialisées aux sites inflammatoires aide à
éliminer efficacement ces agents pathogènes, celles-ci peuvent également
amplifier la réponse inflammatoire en
endommageant les tissus environnants par libération de médiateurs
toxiques. Par conséquent, l’existence
de mécanismes contrôlant très précisément le nombre de cellules inflammatoires est essentielle, en particulier
sous des conditions inflammatoires,
durant lesquelles ces cellules stimulées
libèrent leurs médiateurs toxiques.
L’apoptose, ou mort cellulaire programmée, est un mécanisme inné par
lequel un organisme élimine de telles
cellules potentiellement dangereuses.
Au contraire de la nécrose, l’apoptose
est le mécanisme le plus physiologique
et le plus efficace pour éliminer ces
cellules accumulées aux sites d’infection et éviter une réponse inflammatoire accrue. Les cellules apoptotiques
sont ensuite phagocytosées par d’autres cellules telles que les macrophages, un processus qui est associé
à la libération de médiateurs antiinflammatoires. L’apoptose contrôle
donc à la fois la durée et l’intensité
d’une réponse inflammatoire. De plus,
l’apoptose est un mécanisme important qui maintient, sous des conditions physiologiques, l’homéostasie
tissulaire des cellules.
Une dérégulation de l’apoptose des cellules, comme par exemple les neutrophiles, a souvent été associée à des
maladies inflammatoires aiguës ou
chroniques telles que chocs septiques,
appendicites aiguës, colites ulcéreuses
et arthrites rhumatoïdes. Par conséquent, une compréhension plus approfondie des mécanismes régissant la
mort programmée de ces cellules pourrait fournir de nouvelles cibles thérapeutiques afin d’améliorer la qualité de
vie de ces patients ou même de les soigner.
J’ai toujours été très intéressé de pouvoir étudier les conséquences de dérégulations dans l’apoptose des cellules à
l’intérieur d’un organisme ainsi que
des implications immunologiques et
patho-immunologiques.
le syndrome de Papillon-Lefèvre. Cette
affection rare apparaît chez de jeunes
enfants et est caractérisée par une inflammation grave des gencives et une
peau sèche et squameuse qui s’infecte
facilement. Des mutations perte-defonction de la cystatine B, un inhibiteur cytosolique des cystéines cathepsines (par exemple cathepsine B et C),
provoquent la maladie de UnverrichtLundborg, une forme autosomale récessive héréditaire de l’épilepsie. Une
déficience de la cathepsine D provoque
chez l’humain une dégénérescence
neuronale souvent fatale. Une déficience en cathepsine K provoque une
maladie osseuse rare appelée pycnodysostose ou pycnose dont les signes cliniques observés sont le nanisme avec
des fractures spontanées.
Y a-t-il des individus souffrant d’un déficit génétique en cathepsine?
Les cathepsines peuvent détruire des
tissus ou des cellules si elles ne sont
pas proprement gardées sous contrôle.
Par exemple, à cause d’une altération
de leur expression (surexpression dans
le cancer), de leur activité protéolytique (quantité non balancée entre les
protéases et leurs inhibiteurs endogènes) et de leur localisation (sécrétion
augmentée en dehors des cellules),
elles sont souvent impliquées dans différentes pathologies telles que cancer,
asthme bronchique, Alzheimer, arthrite rhumatoïde et fibrose pulmonaire.
Des déficiences héréditaires des cathepsines peuvent donc être pathogéniques. Par exemple, la cathepsine C
est requise pour activer les granzymes
par clivage protéolytique. Les patients
déficients en cathepsine C présentent
Est-il possible de produire, par génie
génétique, la cathepsine D? Et pourraiton en donner l’accès aux patients
septiques?
Oui, il est théoriquement possible d’exprimer des cathepsines par thérapie
avec des anticorps capables de cibler
les cellules comme les neutrophiles
(liposomes contenant la protéine capable d’induire l’apoptose, la cathepsine D dans notre cas, avec à leur
surface des anticorps anti-CD16 pour
cibler spécifiquement les neutrophiles). Cependant, pour des patients
septiques, il n’est pas nécessairement
bon de supprimer les neutrophiles car
ceux-ci sont importants pour éliminer
l’infection bactérienne. De plus, dans
les patients avec choc septique, beaucoup d’autres facteurs entrent en jeu,
Interview menée par le Dr Nydegger, rédacteur de
pipette, le vendredi 3 avril 2009.
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comme par exemple des problèmes
dans la circulation pour avoir un choc.
Ce que l’on propose dans notre étude
est que l’apoptose des neutrophiles est
nécessaire pour résoudre une réponse
immunitaire innée in vivo.
Par contre, on peut imaginer qu’il serait bénéfique de supprimer les neutrophiles ou d’autres cellules dans
le cas d’inflammations chroniques
(exemple l’arthrite rhumatoïde) car ils
sont responsables en tout cas partiellement de l’inflammation. Dans le cancer, il serait également bénéfique d’éliminer par un tel procédé les cellules
cancéreuses.
Peut-on doser la cathepsine par un test
de laboratoire?
Oui, il est possible et relativement facile de quantifier la présence de cathepsine par ELISA dans des fluides
biologiques tels que le sang. Par exemple, un taux augmenté de cathepsine L
a été mesuré dans le sérum de patientes atteintes de cancer des ovaires,
ce qui fait que la cathepsine L est un
marqueur tumoral dans ce type de cancer. Similairement, on a démontré que
les cathepsines B, H et L sont des marqueurs tumorauxdans le plasma sanguin chez des patients atteints de mélanomes. Finalement, la cathepsine D
a été démontrée être un marqueur tumoral dans le cancer du sein par un
marquage immunohistochimique.
Correspondance:
Dr Sébastien Conus
Senior Research Associate
Institut de pharmacologie
Université de Berne
Friedbühlstrasse 49
CH-3010 Berne
Référence
Référence
1 Conus S, Perozzo R, Reinheckel T, et al.
Caspase-8 is activated by cathepsin D initiating neutrophil apoptosis during the resolution of inflammation. J Exp Med. 2008;
205(3):685–98.
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