NUTRIDOC 100 20/12/12 17:13 FICHE Page 6 PRATIQUE EN DIÉTÉTIQUE QUOTIDIENNE La maladie cœliaque La maladie cœliaque (MC) est une entéropathie auto-immune induite par l’ingestion de gluten, contenu dans le blé, l’orge, le seigle, chez des sujets prédisposés génétiquement. Sa prévalence est de 1/100 en Europe (sex-ratio femme/homme de 2/3) avec deux pics de fréquence (petite enfance, âge adulte entre 20 et 40 ans) et une concordance pour les apparentés au 1er degré de 10 % et de 75 % pour les jumeaux monozygotes. Environ 95 % des patients sont HLA DQ2 et 5 % sont HLA DQ8. Signes cliniques Les manifestations cliniques sont très variées, à l’origine d’errances diagnostiques. Les formes frustes ou pauci-symptomatiques sont beaucoup plus fréquentes (> 80 %) que les formes classiques (10-20 %) avec syndrome de malabsorption. Les manifestations digestives peuvent simuler un syndrome de l’intestin irritable (colopathie fonctionnelle) rapidement amélioré par le régime sans gluten (RSG). Environ 50 % des patients adultes ont des manifestations extradigestives, sans symptômes digestifs, au moment du diagnostic: atteintes hépatiques (augmentation isolée des transaminases), cutanéo-muqueuses (dermatite herpétiforme), ostéo-articulaires (oligo-arthrites inflammatoires, ostéopénie, ostéoporose), neurologiques (ataxie cérébelleuse, neuropathie périphérique, épilepsie, migraine), maladies auto-immunes (diabète de type 1, thyroïdite), troubles gynécologiques (aménorrhée, infertilité, fausses couches à répétition), carence en vitamine B12, anémie par carence martiale. Diagnostic Les anticorps sériques spécifiques: ce sont les IgA antitransglutaminase (TG). La TG tissulaire est l’auto-antigène contre lequel la réponse immune anormale est dirigée. Il faut doser les IgA car une carence en IgA peut être associée à la MC et faire méconnaître le diagnostic (doser dans ce cas les IgG anti-TG). La sensibilité et la spécificité de ces anticorps sont de 95-98 % et de 99 % respectivement. Seul le dosage des anti-TG est actuellement remboursé. Ces anticorps se négativent rapidement sous RSG. L’endoscopie avec biopsies duodénales: elle est réalisée lorsque les IgA anti-TG sont positifs et confirme le diagnostic avant de commencer le RSG. Les aspects macroscopiques sont évocateurs (atrophie de la muqueuse), voire normaux. Les biopsies duodénales montrent: i) une infiltration lymphocytaire de l’épithélium (premier signe), ii) une hypertrophie cryptique, iii) une atrophie villositaire. Une endoscopie de contrôle doit être réalisée après un an de RSG de façon à s’assurer de la bonne repousse villositaire. Ne pas confondre avec sensibilité au gluten non cœliaque (SG-NC) La SG-NC est définie par: i) des symptômes digestifs ou extradigestifs qui apparaissent rapidement après ingestion de gluten, disparaissent sous RSG et réapparaissent lors de la réintroduction du gluten, ii) l’élimination d’une allergie au gluten (IgE spécifiques et tests cutanés), iii) une négativité des IgA anti-TG et une positivité des IgG antigliadine (≈ 50 % des cas), iv) une augmentation des lymphocytes intra-épithéliaux moindre que dans la MC mais sans atrophie duodénale, v) une positivité du groupage HLA DQ2/DQ8 (≈ 50 % des cas). Complications Dans l’immense majorité des cas, sous RSG bien suivi, la MC ne se complique pas. Les complications sont représentées par le lymphome intestinal de haut grade, complication rare (< 3/100000 habitants/an) mais grave (survie: 13 % à 30 mois). Le RSG a un rôle protecteur du risque de lymphome. Les autres cancers sont: carcinome oropharyngé, carcinome œsophagien, adénocarcinome du grêle, cancer primitif du foie, cancer colorectal, cancer du pancréas. Traitement C’est le RSG à vie (consultation diététique), considéré comme asocial et à l’origine de problèmes d’observance (≈ 50 % en France). Il est recommandé aux patients d’adhérer à l’Association française des intolérants au gluten (AFDIAG). L’avenir sera de pouvoir se passer du RSG, par exemple en augmentant la digestion intraluminale des peptides du gluten et/ou en renforçant la perméabilité intestinale (augmentée dans la MC). Pour en savoir plus Bonaz B. Pathogénie et épidémiologie de l'intolérance au gluten. Information Diététique 2010;4:13-23. Pr Bruno Bonaz Clinique universitaire d’hépato-gastroentérologie, CHU de Grenoble Cette Fiche Pratique annule et remplace celle publiée en février 2000 (NUTRI-doc n°23) CENTRE DE RECHERCHE ET D'INFORMATION NUTRITIONNELLES N° 100 - DÉCEMBRE 2012 Définition-Épidémiologie-Génétique NUTRIDOC 100 20/12/12 17:13 FICHE Page 7 PRATIQUE EN DIÉTÉTIQUE QUOTIDIENNE Régime sans gluten : nouveautés et aspects pratiques Une législation qui évolue Pour tous les produits industriels. Depuis novembre 2007, doivent figurer en clair sur l’étiquetage l’origine botanique des céréales contenant du gluten et la présence des quatorze allergènes majeurs (blé, crustacés, œufs, poisson, arachide, soja, lait, fruits à coque, céleri, moutarde, sésame, lupin, mollusques, sulfites), (Directive 2007/68/CE commission du 27 nov. 2007). Pour les produits diététiques sans gluten et pauvres en gluten. Avec la législation européenne, effective depuis novembre 2007, et rendue obligatoire à partir de 2012 (Codex Stan 118-1979, à compter du 1/1/2012), n’auront la mention « sans gluten » que les produits finis contenant moins de 20 mg de gluten/kg. À noter, les produits finis affichant la mention « très faible teneur en gluten » ont une teneur de 21 à 100 mg de gluten/kg et ne peuvent pas être consommés par les patients atteints d’une maladie cœliaque. En conséquence, les industriels se protègent d’une éventuelle contamination des matières premières ou au cours de la fabrication en notant les mentions suivantes: « Peut contenir », « Traces de », « Fabriqué dans un atelier contenant ». Dans le doute le patient s’abstient de consommer ces produits. L’AFDIAG* travaille avec les industriels pour affiner cette notion de traces résiduelles. Pour les médicaments. Depuis mai 2010, selon la directive de l’Afssaps, tout médicament sur lequel ne figure pas la mention « amidon de blé » peut être consommé par un patient atteint de maladie cœliaque. *AFDIAG : association française des intolérants au gluten. Toutes les informations sur leurs actions sont disponibles sur www.afdiag.fr. Adresse :15 rue d’Hauteville 75010 Paris. Tél. : 01 56 08 08 22 [email protected] Savoir lire les étiquettes Le patient doit apprendre à lire les étiquettes des produits industriels. - Amidon, amidon modifié, amidon transformé: sans précision d’origine de la céréale, sont sans gluten. - Dextrose, dextrose de blé (présents dans les jambons sous vide), maltodextrine, maltodextrine de blé, sirop de glucose, sirop de glucose de blé contiennent la mention « blé », mais ce sont des hydrolysats de première génération. Leur taux résiduel de gluten est < 0,03 %, ce qui permet de les considérer comme ayant un risque nul de provoquer une intolérance et ils peuvent être consommés par un patient atteint de maladie cœliaque. - Alginates (E401 à E404), agar-agar (E406), caroube (E410) carraghénane (E407), gomme xanthane (E415), graine de guar (E412), graine de tara (E417), gomme arabique (E414), lécithine de soja sont des additifs, gélifiants, épaississants, liants et stabilisants, tous d’origine naturelle et sans gluten. Pour les autres produits, la vigilance reste de mise; le patient doit toujours se fier à l’étiquetage « sans gluten » et dans le doute, s’abstenir. Les produits sans gluten sont pris en charge par l’Assurance maladie et remboursés partiellement : soit 45,73 €/mois par « adulte et enfant de plus de 10 ans » et 33,45 €/mois par « enfant de moins de 10 ans ». Conclusion Depuis vingt ans, la conception des produits sans gluten a beaucoup évolué (diversité des produits, amélioration des qualités organoleptiques, multiplication des canaux de distribution), mais le RSG reste toujours difficile à accepter et à réaliser au quotidien. Il perturbe la qualité de vie du patient et de son entourage. L’action commune médecin/diététicien/association de patients est indispensable et permet d’informer et d’accompagner au mieux le patient. Pour en savoir plus Chambron E. Intolérance au gluten : nouveautés et aspects pratiques. Information Diététique 2010;4:24-30. Evelyne Chambron, diététicienne, nutritionniste Service d’hépato-gastroentérologie, CHU de Grenoble Reproduction interdite sauf accord avec la rédaction Le régime sans gluten strict (RSG) reste le traitement de référence de la maladie cœliaque. Il permet une correction de la malabsorption, de l’anémie et de l’ostéoporose. Il repose toujours sur une exclusion « à vie » (même si le patient n’est pas symptomatique) des céréales contenant du gluten (blé, orge, avoine, seigle) et de tous les produits industriels pouvant en contenir sous forme de traces. L’avoine serait tolérée (dose maximale: 50 g/jour). Mais les cultures de céréales actuellement en France ne garantissent pas une non-contamination par le blé, cultivé dans les champs voisins.