mt cardio 2007 ; 3 (2) : 93-101 Cardiopathies congénitales de l’adulte : conduite diagnostique Laurence Iserin1,2, Magalie Ladouceur1 1 Unité de cardiopathie congénitale de l’adulte, Pôle cardiovasculaire, hôpital européen Georges Pompidou, 15 rue Leblanc, 75015 Paris Service de cardiologie pédiatrique, hôpital Necker Enfants Malades, Paris <[email protected]> 2 Résumé. Le diagnostic de cardiopathie congénitale native à l’âge adulte n’est pas inhabituel, et est en général assuré par l’échographie Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. transthoracique, qui fait partie de la consultation de cardiologie congénitale, ou par l’échographie transœsophagienne. Il peut s’agir de lésions simples, comme la communication interauriculaire (CIA), le canal artériel ou la sténose pulmonaire, ou plus complexes, comme la maladie d’Ebstein ou la double discordance. Dans tous les cas, ces patients, qui peuvent cumuler pathologies congénitales et acquises (hypertension artérielle, parfois maladie coronaire, troubles du rythme et évolutivité des lésions artérielles pulmonaires), sont à haut risque de complications, médicales comme chirurgicales. Le bilan préthérapeutique plus complet des lésions fait souvent appel à d’autres techniques (scanner et IRM). Le cathétérisme cardiaque diagnostique a une part peu importante en dehors de l’évaluation des résistances pulmonaires en cas d’hypertension artérielle pulmonaire. Le cathétérisme interventionnel se développe pour les lésions simples (fermeture de CIA, de canal artériel ou dilatation au ballon des sténoses pulmonaires). Cependant, la plupart des patients ont déjà été opérés dans l’enfance. Le diagnostic de la cardiopathie initiale est rarement méconnu, le diagnostic des complications peut être difficile chez des patients complexes opérés par des techniques parfois anciennes (fuite pulmonaire résiduelle des tétralogies de Fallot, dysfonction des ventricules droits systémiques). Environ 50 % des patients devront avoir un suivi régulier car un certain nombre de patients auront besoin d’une réopération à l’âge adulte, ou d’une procédure interventionnelle de cathétérisme ou de rythmologie. Mots clés : CIA, cathétérisme interventionel, sténose pulmonaire Abstract. Diagnosis of congenital heart disease. Diagnosis of congenital heart disease (CHD) in adulthood is not unusual. Adult CHD is often suspected by clinical examination and confirmed by echocardiography (which is part of the clinic for adult patients with congenital heart defects). Lesions can be simple, such as atrial septal defect, arterial duct, native coarctation or pulmonary stenosis. The patient can also survive into adulthood with a complex defect as Ebstein disease or double discordance. TOE can reliably assess intra cardiac defects. In adults complete assessment is generally achieved with MRI or CT scanners in experienced centers. Use of cardiac catheters for diagnosis is mainly for pulmonary resistance assessment. Interventional catheterism is an increasingly used technique (ASD or duct closure, balloon dilatation of pulmonary stenosis). The managment of these patients is frequently complex because of the evolution of native disease (calcifications of abnormal congenital valves, arrythmias, pulmonary artery disease), or because of acquired cardiac pathology as systemic hypertension, and sometimes coronary artery disease. The majority of patients with CHD have been operated on in infancy. Initial diagnostics are often known, but sequellae and complications can be specific. About 50% of these patients require careful follow up, as some of them will need further operations, interventional catheterism or interventional antiarrythmic procedures in adulthood. Key words: atrial septal defect, interventional catheterism, pulmonary stenosis doi: 10.1684/mtc.2007.0087 Bases épidémiologiques mtc Tirés à part : L. Iserin L’incidence des cardiopathies congénitales (CC) est d’environ de 5 à 8 pour mille naissances vivantes. Avant l’avènement de la chirurgie cardiaque à cœur ouvert, 60 % des enfants atteints de cardiopathies congénitales mourraient. De nos jours, 70 à 80 % atteignent l’adolescence et l’âge adulte et on estime leur nombre aux États-Unis à plus d’un million [1]. La majorité des patients ayant une cardiopathie congénitale bénéficient actuellement d’une cure chirurgicale mt cardio, vol. 3, n° 2, mars-avril 2007 dans la première année de vie, ce qui ne signifie pas qu’ils sont tous guéris car certains posent des problèmes spécifiques, dont le diagnostic est parfois difficile par les méthodes échographiques simples. D’autre part, beaucoup de patients atteignent l’âge adulte sans recours à la chirurgie, que la cardiopathie soit bien tolérée et parfois même découverte à l’âge adulte, ou qu’elle soit irréparable et alors le plus souvent cyanogène. Le problème diagnostique se pose donc devant une CC de découverte tardive jamais opérée, ou au contraire 93 Dossier – Cardiopathies congénitales Dossier – Cardiopathies congénitales devant une CC opérée dans l’enfance (avec un diagnostic initial parfois même méconnu par le patient) où il s’agit d’identifier les séquelles et complications de cette chirurgie à l’âge adulte. Cardiopathies non opérées à l’âge adulte Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Dossier – Cardiopathies congénitales Diagnostic des cardiopathies congénitales de l’adulte Il est impossible d’envisager ici l’évolution spontanée de toutes les CC et nous détaillerons plus particulièrement ici celles qui sont relativement fréquentes et dont la survie est attendue à l’âge adulte. Elles peuvent être réparties en deux groupes : – anomalies bien tolérées qui peuvent être découvertes à l’âge adulte : bicuspidie aortique, coarctation, communication interauriculaire (CIA), canal artériel, communication interventriculaire (CIV), sténose pulmonaire, anomalie d’Ebstein, double discordance ; – malformations inopérables, en général complexes, cyanogènes et connues depuis l’enfance. Cardiopathies pouvant être découvertes à l’âge adulte Communications interauriculaires Les CIA (surtout de type ostium secundum, situées au centre du septum interauriculaire) sont très fréquemment découvertes tardivement en raison de l’absence de symptômes jusqu’à un âge avancé et de signes physiques discrets. En cas de défaut large, la plupart des patients sont symptomatiques à partir de 50 ans : des troubles du rythme à type de flutter et de fibrillation auriculaire apparaissent, l’hypertension artérielle pulmonaire, même modérée, impose une surcharge de travail au ventricule droit ; une insuffisance mitrale peut aussi survenir. Le diagnostic de CIA doit être évoqué en échographie devant une dilatation des cavités droites. Celle-ci est due à la surcharge volémique créée par le shunt gauche-droit auriculaire. Liste des abréviations CC : cardiopathie congénitale CIA : communication interauriculaire CIV : communication interventriculaire DTI : Doppler tissue imaging ETO : échocardiographie transœsophagienne HTA : hypertension artérielle HTAP : hypertension artérielle pulmonaire IP : insuffisance pulmonaire IRM : imagerie par résonance magnétique IT : insuffisance tricuspide OG : oreillette gauche PAP : pression artérielle pulmonaire PAPs : pression artérielle pulmonaire systolique POG : pression dans l’oreillette gauche 94 La présence d’un défect du septum interauriculaire par voie sous-costale permet de porter le diagnostic. Il faut essayer de dégager un plan sagittal permettant de voir l’abouchement à la fois de la veine cave inférieure et supérieure, en particulier pour la CIA sinus venosus. Lorsque le septum interauriculaire n’est pas vu dans cette incidence, en particulier chez les patients obèses ou longilignes, le diagnostic de CIA ne peut être porté qu’en échographie transœsophagienne. Cet examen permet de mieux étudier la région de la fosse ovale et le rapport entre le septum interauriculaire et la veine cave supérieure, et de voir l’abouchement à l’oreillette gauche des veines pulmonaires. L’estimation des pressions pulmonaires se fait sur l’IT (qui surestime souvent la PAPs en raison d’un gradient de débit sur la voie pulmonaire) et sur l’IP. Le calcul du QP/QS est possible, mais entaché d’erreur chez l’adulte en raison de la difficulté à mesurer l’anneau pulmonaire. L’échographie tridimensionnelle permet de mieux étudier la forme et les rapports anatomiques des CIA. Les shunts significatifs entraînant une dilatation importante des cavités droites (taille du ventricule droit au moins égale à celle du gauche) doivent donc être supprimés auparavant. La survenue d’une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) fixée est rare (< 8 % des CIA ostium secundum et plus fréquente dans le cas des sinus venosus) mais plus fréquente chez les femmes et favorisée par les grossesses multiples. Elle est évoquée sur le plan clinique par une désaturation d’effort, une gêne fonctionnelle importante, et à la radiographie thoracique par l’absence de surcharge vasculaire pulmonaire avec plutôt un aspect de dilatation proximale des branches et une raréfaction des vaisseaux en périphérie. En échographie, la pression artérielle pulmonaire (PAP) systolique dépasse 50 mm. La PAP diastolique est élevée, de même que les résistances pulmonaires, avec peu de débit sur la voie pulmonaire voire une inversion du shunt à travers la CIA [2]. L’HTAP modérée avec hyperdébit pulmonaire est fréquente et progresse avec l’âge (POG augmentant). En l’absence de CIA détectée, un retour veineux pulmonaire anormal doit être recherché (par une ETO ou plus facilement un scanner ou une IRM) (figures 1-3). Canal artériel Le canal artériel relie l’aorte descendante (isthme) à l’artère pulmonaire gauche. Il est responsable d’une surcharge volumique de l’OG et du ventricule gauche et doit donc être recherché devant une dilatation des cavités gauches. Il est difficilement visible chez l’adulte en 2D. On recueille surtout un jet ascendant dans l’artère pulmonaire gauche en Doppler couleur et/ou en Doppler continu en parasternal petit axe. Il s’agit d’un flux continu avec une vitesse maximale enregistrée en systole. La vitesse maximale alors mesurée permet d’évaluer la PAPs mt cardio, vol. 3, n° 2, mars-avril 2007 Dossier – Cardiopathies congénitales A B V 5 10 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 15 Figure 1. A) CIA ostium secundum avec shunt gauche-droit au Doppler couleur en 4 cavités. B) CIA large extension postérieure avec HTAP (VD dilaté et hypertrophié). (gradient systolodiastolique aorte-AP) (figure 4). En cas de canal artériel de très petite taille et asymptomatique le plus souvent, l’échographie permet de faire le diagnostic par la découverte souvent fortuite de ce flux couleur. Si le canal artériel est de calibre modeste, les patients sont asymptomatiques jusqu’à l’âge de 30 ans ou plus mais une insuffisance cardiaque, souvent annoncée par une fibrillation auriculaire et associée à une insuffisance pulmonaire et une dilatation de l’artère pulmonaire, peut finir par apparaître. Un vol coronaire est possible, puisque le shunt du canal artériel affecte systole et diastole. Si le vaisseau est très large, il peut entraîner une HTAP fixée, entraînant un shunt bidirectionnel à travers le canal et une désaturation préférentielle aux membres inférieurs. Le diagnostic est alors clinique car en échographie, la vélocité du canal étant très faible, il est très difficile de voir le canal artériel. Le diagnostic d’HTAP peut être fait en méconnaissant le diagnostic de canal artériel. Coarctation aortique La découverte tardive d’une coarctation aortique, en général lors du bilan d’une HTA n’est pas rare. Le diagnostic est clinique : asymétrie à la palpation des pouls entre Figure 2. CIA résiduelle de type ostium primum. La CIA a déjà été opérée avec un patch calcifié et le défect est au niveau des valves auriculoventriculaires. mt cardio, vol. 3, n° 2, mars-avril 2007 95 leur et continu que l’on peut porter le diagnostic. Le Doppler couleur montre un flux pulsatile dans l’aorte sus-stricturale et un flux « mosaïque » dans le rétrécissement de l’isthme et le Doppler continu enregistre un flux accéléré à double enveloppe spectrale, l’une correspondant au flux sus-strictural et l’autre au flux trans-sténotique (figure 5). La sévérité de la coarctation dépendra plus de la présence d’un prolongement diastolique du flux antérograde que du gradient systolique mesuré qui surestime la sténose (figure 3). L’IRM est largement supérieure à l’échographie pour faire le bilan de cette malformation (morphologie de la sténose et de l’aorte sus- et sousstricturale, collatéralité). Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Dossier – Cardiopathies congénitales Diagnostic des cardiopathies congénitales de l’adulte Sténose valvulaire pulmonaire Figure 3. CIA sinus venosus en ETO. La VCS est à cheval sur le défect haut situé. les membres supérieurs et inférieurs, ou asymétrie tensionnelle. La longueur de l’évolution favorise le développement d’une importante circulation collatérale, des lésions intimales des artères systémiques, d’où risques de dissection aortique, de rupture d’anévrisme dans le polygone de Willis ou de maladie coronaire précoce. La moyenne de survie spontanée de ces patients est de 35 ans en raison des complications de l’HTA. De plus, l’association à une bicuspidie aortique (un tiers des cas), augmente le risque d’endocardite et de dilatation dangereuse de l’aorte ascendante. Dix à 20 % des coarctations aortiques seraient diagnostiquées à l’adolescence ou à l’âge adulte [3]. La recherche d’une coarctation doit être systématique chez le sujet jeune hypertendu. En échographie, elle se recherche en incidence suprasternale. Chez l’adulte, il est difficile de voir la morphologie de la sténose. C’est au Doppler cou- 5 Une sténose valvulaire pulmonaire est souvent découverte devant un souffle systolique, et parfois méconnue (considérée comme un souffle anorganique). La valve peut se calcifier avec le temps, l’obstacle étant progressif ; le ventricule droit est longtemps adapté, hypertrophique et finalement une cyanose par inversion d’un shunt atrial peut majorer les symptômes d’effort, alors que la défaillance droite est rare et apparaît quand la fuite tricuspide est importante. Une sténose musculaire infundibulaire réactionnelle est souvent associée et peut ne régresser que partiellement après dilatation au ballon. L’échographie fait le diagnostic et permet de mesurer l’anneau pour la valvuloplastie percutanée. Maladie d’Ebstein La maladie d’Ebstein est définie par l’accolement du feuillet septal et parfois postérieur de la tricuspide le long de la paroi du ventricule droit, ce qui délimite une chambre intermédiaire entre l’OD et le ventricule droit. Malgré une cardiomégalie importante, le patient peut être longtemps asymptomatique et la maladie ne se révéler que par une arythmie auriculaire et/ou supraventriculaire avec syndrome de Wolff-Parkinson-White à l’âge adulte. V V 10 15 5 10 15 Figure 4. Flux couleur de canal artériel avec flux Doppler continu mais gradient faible témoignant d’une HTAP. 96 mt cardio, vol. 3, n° 2, mars-avril 2007 Dossier – Cardiopathies congénitales 5 V V 10 15 5 10 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 15 Figure 5. Coarctation modérée mais flux couleur en faveur d’une sténose isthmique avec flux Doppler et prolongement diastolique. Les patients peuvent être également dyspnéiques et la dyspnée est liée au degré de cyanose par shunt droitegauche auriculaire à travers le foramen ovale. La survie actuarielle pour les patients nés vivants est de 67 % à un an et de 59 % à 10 ans [4]. La plastie chirurgicale mobilise le feuillet valvulaire antérieur, et peut souvent chez l’adulte comporter une dérivation cavopulmonaire partielle. L’importance de la fuite tricuspide, l’évaluation de la fonction du ventricule droit, la taille du ventricule droit effectif sont des éléments fondamentaux dans la description échographique de cette pathologie, qui doit être complétée au mieux par une IRM. Doubles discordances Dans l’enfance, la cardiopathie est souvent découverte, surtout quand une anomalie y est associée (fuite tricuspide par malformation de la valve tricuspide, CIV, sténose pulmonaire ou sous-pulmonaire). Des anomalies de conduction du type bloc auriculoventriculaire complet peuvent également faire découvrir la pathologie. La survie à l’âge adulte parfois avancé est fréquente en l’absence de malformations associées. Elle peut être découverte de façon fortuite à l’échographie cardiaque ou devant des troubles conductifs. L’échographie, avec une l’analyse pas à pas de l’anatomie, permet en général de bien décrire la cardiopathie. Comme pour toutes les CC, elle doit s’appuyer sur une analyse segmentaire (analyse du situs, analyse des connexions atrioventriculaires, puis des connexions ventriculo-artérielles, et de la position des ventricules et des vaisseaux entre eux). L’aspect le plus commun est celui en situs solitus (normal) avec lévocardie. L’aspect qui doit attirer l’attention est la présence d’un ventricule situé à gauche de morphologie particulière. Il présente les caractéristiques d’un ventricule droit morphologique, à savoir des trabéculations grossières (figure 6), la présence d’une bandelette modératrice, la présence d’un infundibulum (discontinuité entre la valve d’entrée, tricus- pide et la valve de sortie ici aortique), et une valve d’entrée tricuspide. En incidence apicale 4 cavités, le ventricule situé à gauche est plus trabéculé, et sa valve auriculoventriculaire s’insère de façon plus apicale que la valve située à droite. Le ventricule droit situé à gauche donne naissance à l’aorte. Les vaisseaux sont L-malposés entre eux, c’est-à-dire que l’aorte est antérieure et à gauche de l’artère pulmonaire (figure 7). On voit naître l’artère pulmonaire du ventricule gauche située à droite en apical cinq cavités. L’évaluation de la fonction ventriculaire droite systémique est difficile. En effet, la géométrie du ventricule droit étant différente de celle du ventricule gauche, les mesures comme la FEVG par la méthode de Simpson ou la fraction de raccourcissement des parois du ventricule droit, ne sont pas des méthodes validées. De plus, les V 5 10 Figure 6. Double discordance : la valve auriculoventriculaire gauche (tricuspide) s’insère sur le septum et de façon plus apicale que la valve auriculoventriculaire droite. mt cardio, vol. 3, n° 2, mars-avril 2007 97 V 5 10 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Dossier – Cardiopathies congénitales Diagnostic des cardiopathies congénitales de l’adulte Figure 7. Double discordance situs solitus : l’aorte naît en avant et à gauche de l’artère pulmonaire. Les deux valves sont dans le même plan. La valve pulmonaire est épaisse (petite sténose pulmonaire associée). trabéculations importantes du ventricule droit rendent ces mesures difficiles. Les mesures qui ne dépendent pas de la pathologie du ventricule systémique comme la mesure de la DP/DT de l’insuffisance tricuspide ou la mesure de l’onde S d’excursion de l’anneau tricuspide en pulsé DTI sont utiles. La valve tricuspide est anatomiquement anormale, dysplasique voire avec maladie d’Ebstein dans près de 90 % des études autopsiques [5]. L’existence d’une fuite tricuspide précipite l’évolution vers la défaillance du ventricule systémique. Figure 8. Ventricule unique avec deux valves auriculoventriculaires. Il arrive exceptionnellement de faire le diagnostic à l’âge adulte de CC cyanogène réparable comme la tétralogie de Fallot (patient en général venant de pays défavorisés). Cardiopathies congénitales cyanogènes La plupart des CC laissées en situation à l’âge adulte sont inopérables dès l’enfance. Elles sont rares. Trois situations principales peuvent expliquer cette situation : – Il n’y a qu’un ventricule anatomique ou fonctionnel (ventricule unique, atrésie tricuspide). Le sang se mélange à l’intérieur dans la cavité univentriculaire et irrigue les gros vaisseaux avec une éventuelle protection pulmonaire par une sténose pulmonaire ; – la vascularisation pulmonaire est incomplète et ne se fait que par des collatérales aorto-pulmonaires (atrésie pulmonaire avec CIV) ; – il y a une HTAP fixée par une artériolite pulmonaire : c’est le syndrome d’Eisenmenger, conséquence d’un shunt gauche-droite négligé pendant de nombreuses années, avec hypertrophie intimale, puis thrombose et occlusion des artérioles pulmonaires ; d’où élévation des résistances artériolaires pulmonaires et shunt droite-gauche cyanogène. Le shunt se fait donc en échographie droit gauche et est de faible vélocité. Le ventricule droit travaille à pressions systémiques et s’adapte pendant très longtemps à cette élévation des résistances pulmonaires (qui n’ont en fait jamais baissé depuis la naissance) (figures 8, 9). 98 Figure 9. Atrésie pulmonaire avec CIV. La vascularisation pulmonaire est assurée par des collatérales qui naissent de l’aorte descendante. mt cardio, vol. 3, n° 2, mars-avril 2007 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Cardiopathies opérées C’est la cohorte de patients la plus importante. Les premières interventions réalisées à cœur ouvert datant des années 1960, les enfants opérés alors sont maintenant des adultes. La chirurgie a fait des progrès fulgurants durant ces 30 dernières années. Les patients opérés sont en général au fait de leur pathologie et ont un suivi surtout dans les CC complexes. Cependant de nombreux patients sont perdus de vue en général à la transition entre le suivi pédiatrique et le suivi d’adulte. Il arrive donc que les patients soient vus tardivement au stade de complications de leur intervention (surtout rythmiques). Disposer du compte rendu opératoire est fondamental, même si cela est parfois difficile (chirurgie ancienne). Ce chapitre a pour but de décrire brièvement les interventions les plus fréquentes réalisées et leurs aspects en échographie. Cardiopathies souvent « guéries » par la chirurgie Ce sont les malformations simples : fermeture de CIV et CIA, cure de sténose pulmonaire. Leur suivi doit être minimal en l’absence de lésions associées. Seule la cure de canal atrioventriculaire (associant une CIA ostium primum et valve auriculoventriculaire unique, associée ou non à une CIV d’admission), peut laisser une fuite mitrale qui évolue pour son propre compte et peut nécessiter une intervention à l’âge adulte. Signalons que la ligature du canal artériel peut se compliquer d’une reperméabilisation secondaire, si bien qu’on préfère aujourd’hui la section-suture ou la fermeture par cathétérisme interventionnel. La coarctation opérée, sa cure donne généralement de bons résultats et la majorité des patients mènent une vie normale dans l’enfance. Le risque de recoarctation n’est pas négligeable, mais cette dernière est accessible à une dilatation percutanée au ballon. Le risque d’hypertension artérielle résiduelle de repos ou d’effort en l’absence de recoarctation apparaît aujourd’hui assez fréquent, même en cas d’opération précoce, d’où la nécessité d’un suivi indéfini qui ne devra pas négliger la surveillance de la voie aortique (bicuspidie, aorte ascendante) et la prévention de l’endocardite. La sténose aortique opérée dans l’enfance nécessite également un suivi soigneux, car une réintervention pour resténose ou fuite aortique est nécessaire chez 20 % au moins des patients arrivés à l’âge adulte [6]. Il faut alors substituer la valve malade soit par une valve mécanique, soit, surtout chez les jeunes femmes, par la propre valve pulmonaire du patient (intervention de Ross). Cardiopathies « réparées » par la chirurgie Séquelles de chirurgie sur la voie droite Il s’agit essentiellement des réparations de la tétralogie de Fallot. Celle-ci consiste en une fermeture de la CIV et un élargissement de la voie pulmonaire par un patch, avec souvent ouverture de l’anneau pulmonaire, ce qui laisse en place une fuite pulmonaire longtemps asymptomatique. La fuite pulmonaire importante est responsable d’une dilatation et éventuellement d’une dysfonction du ventricule droit au long cours, favorisant la survenue de troubles du rythme ventriculaires sévères (rares). Une fuite importante est un jet large, bref, dilatant le ventricule droit, avec un reflux diastolique vu dans les branches pulmonaires (figure 10). Avec le temps, un nombre grandissant de patients nécessitera une valvulation de la voie pulmonaire, parfois associée à des gestes complémentaires de plastie tricuspide, ou résection d’anévrisme infundibulaire [7]. Les pathologies de la voie droite se compliquant de fuite pulmonaire sont nombreuses ; il peut s’agir de sténose valvulaire pulmonaire opérée, d’atrésies pulmonaires avec CIV ou de malpositions vasculaires avec CIV. Ainsi, tous ces patients doivent se soumettre à une surveillance clinique régulière afin de décider du timing V 5 10 Figure 10. Tétralogie de Fallot réparée : fuite pulmonaire importante en parasternal petit axe au Doppler couleur. mt cardio, vol. 3, n° 2, mars-avril 2007 99 Dossier – Cardiopathies congénitales La tétralogie de Fallot native chez l’adulte entraîne une cyanose, un souffle éjectionnel sur la voie pulmonaire, et on peut observer des malaises anoxiques chez l’adulte dus à la sténose infundibulaire dynamique. L’échographie fait le diagnostic de CIV avec mal-alignement du septum infundibulaire, aorte à cheval au-dessus de la CIV, sténose sur la voie droite. En cas de cyanose importante, il existe une hypertrophie des deux ventricules. Des explorations complémentaires sont le plus souvent nécessaires (scanner ou IRM) pour préciser l’anatomie des branches pulmonaires et des coronaires et pour détecter une collatéralité aortopulmonaire qui complique la chirurgie. Le cathétérisme cardiaque peut être dangereux chez des patients très cyanosés. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Dossier – Cardiopathies congénitales Diagnostic des cardiopathies congénitales de l’adulte d’une éventuelle valvulation pulmonaire. L’IRM devient la technique de choix pour apprécier l’importance de la fuite pulmonaire et l’anatomie des branches pulmonaires. Les techniques de valvulation percutanées ne sont disponibles actuellement que pour les patients ayant des voies pulmonaires calibrées (tube de moins de 22 mm) [8]. Les adultes d’aujourd’hui qui ont été opérés d’une transposition des gros vaisseaux l’ont été selon les techniques de plastie intra-atriale de Mustard et Senning qui dérivent le sang des veines caves au ventricule gauche connectées à l’artère pulmonaire, et le sang des veines pulmonaires au ventricule droit connecté à l’aorte (figure 11). Les patients parfois peu au courant de leur pathologie opérés tôt dans la vie peuvent se présenter avec trois types de problèmes : des arythmies auriculaires (flutter) conduites parfois rapidement au ventricule et à l’origine de syncopes ; une défaillance sinusale qui rend les thérapeutiques médicamenteuses hasardeuses et nécessite parfois la mise en place d’un stimulateur définitif ; et enfin une détérioration de la fonction du ventricule droit systémique, avec fuite de la valve tricuspide, elle aussi laissée en position systémique. Au total, environ 20 % des sujets sont symptomatiques après 20 ans [9]. Le suivi de ces patients doit être rigoureux, car la plupart d’entre eux, asymptomatiques, se croient guéris et ne consultent pas spontanément. Les malaises, syncopes ou palpitations doivent faire rechercher en urgence un trouble du rythme auriculaire. La surveillance Holter est fondamentale. En cas de ventricule défaillant, la transplantation cardiaque reste souvent la seule issue. De nos jours, cette cardiopathie est traitée par la nouvelle technique du switch artériel qui donne des résultats très encourageants, mais les patients sont de très jeunes adultes (20 ans environ). La surveillance porte essentiellement ici sur les coronaires réimplantées. Les interventions de type Fontan ou dérivations cavopulmonaires sont destinées aux cardiopathies de type univentriculaire. Le principe est de faire passer le sang veineux directement des veines caves aux artères pulmonaires sans l’aide d’une pompe ventriculaire. Les inconvénients de ces techniques sont liés au ralentissement du flux veineux circulant « lentement » dans le système : thromboses (figure 12), stase cave inférieure avec hépatomégalie habituelle et plus rarement entéropathie exsudative avec perte protidique majeure. Les troubles du rythme auriculaire sont fréquents, mal tolérés et doivent être traités activement [10]. Conclusion Les pathologies cardiaques congénitales de l’adulte forment un groupe hétérogène. Le diagnostic de CC natives à l’âge adulte n’est pas inhabituel, et est en général fait par l’échographie transthoracique ou ETO. Le bilan des lésions fait souvent appel à d’autres techniques (scanner et IRM). Le cathétérisme cardiaque interventionnel se développe en raison du risque chirurgical accru chez ces patients [11]. Cependant la plupart des patients ont déjà été opérés dans l’enfance. Leur prise en charge est relativement spécialisée, mais fait appel à de nombreux intervenants qui doivent travailler ensemble (cliniciens, échographiste, radiologues, cathétériseurs, rythmologues, chirurgiens et réanimateurs). Elle doit tenir compte des techniques chirurgicales parfois anciennes et de leurs multiples séquelles, neurologiques et pulmonaires en particulier. Chaque décision opératoire doit tenir compte du risque inhérent à la réouverture sternale, qui n’est qu’une raison parmi beaucoup d’autres qui font de la chirurgie cardiaque une discipline à risque beaucoup plus élevé que chez l’enfant. Les situations de cyanose sont aussi à très haut risque de complications multiples, en particulier iatrogène [12]. V 10 20 Figure 11. Transposition des gros vaisseaux + switch atrial en incidence 4 cavités. Flèche : chenal des veines pulmonaires. 100 Figure 12. Intervention de Fontan pour atrésie tricuspide : VD virtuel, OD ectasique, avec thrombus mural. mt cardio, vol. 3, n° 2, mars-avril 2007 1. Marelli AJ, Mackie AS, Ionescu-Ittu R, Rahme E, Pilote L. Congenital heart disease in the general population: changing prevalence and age distribution. Circulation 2007 ; 115 : 163-72. 2. Diller GP, Gatzoulis MA. Pulmonary vascular disease in adults with congenital heart disease. Circulation 2007 ; 115 : 1039-50. 3. Deanfield J, Thaulow E, Warnes C, et al. Task force on the management of grownup congenital heart disease. Eur Heart J 2003 ; 24 : 1035-84. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 4. Celermajer DS, Bull C, Till JA, et al. Ebstein’s anomaly : presentation and outcome from fetus to adult. J Am Coll Cardiol 1994 ; 23 : 170-6. 5. Bos JM, Hagler DJ, Silvilairat S, et al. Right ventricular function in asymptomatic individuals with a systemic right ventricle. 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