Concepts récents et dynamique de la maladie psychosomatique

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Concepts récents et dynamique de la maladie
psychosomatique. Applications en odontostomatologie
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Christiane Mascrès : Docteur en chirurgie dentaire, DSO, PhD, professeur titulaire
Faculté de médecine dentaire, université de Montréal, département de stomatologie. CP 6128,
succursale Centre-Ville Montréal (Québec) H3C 3J7 Canada
23-449-A-10 (1995)
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Plan
La médecine psychosomatique au coeur du paradigme de la médecine moderne
Maladie psychosomatique en stomatologie
Conclusion
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La médecine psychosomatique au coeur du paradigme de la médecine
moderne
La maladie peut se définir comme une division de " soi avec soi " [82]. Selon les écoles de pensée, le
" soi " adopte une signification différente. Ainsi dès l'Antiquité, on discutait déjà de l'influence de l'âme
sur le corps. Deux écoles de pensée de tradition médicale opposée se dressaient comme rivales.
L'école de Cos, selon la tradition hippocratique, voulait que la maladie soit moins un processus
extrinsèque qu'un développement lié à la nature du malade [18], [42]. Elle était intimement liée au
tempérament de celui-ci qui s'exprimait au niveau des " humeurs ", exsudats corporels et
manifestations psychiques [18]. Cette assertion a influencé aussi bien la prévention (on se souvient du
" mens sana in corpore sano " d'Hippocrate [20]), que le traitement de la maladie. L'école de Cos
traitait l'homme dans sa totalité, souvent par des cures psychosomatiques dans des bâtiments
d'incubation [18], [42]. Déjà avant Hippocrate, la médecine soignait donc l'âme pour obtenir la santé du
corps.
L'école de Cnide était au contraire à tendance analytique et mécaniste, et l'organe malade était traité
isolément du contexte holistique des autres appareils physiologiques et de la personne [18], [42] .
Le débat entre ces deux écoles de pensée est toujours d'actualité puisqu'il contient à la fois le noyau
de la médecine classique et le germe des tendances nouvelles qui sont en train de progresser, donc
celui de la médecine à venir.
Descartes a fort bien décrit la relation entre l'âme et " les esprits animaux " [18], [42], l'interactionnisme
entre esprit et corps, tout en avançant le premier une théorie cérébrale des émotions [18]. Si " psyché
" et " soma " sont complémentaires en état de santé, ils le sont aussi en état de maladie, et forment
l'unité inséparable nommée " la vie " [20]. Cette notion d'unité symbolique était déjà solidement ancrée
en médecine à ses débuts, lorsque celle-ci appartenait à une ère magique animiste, le César
guérissant la maladie " pseudosomatique " d'un attouchement de son gros orteil [18], [20].
Accepter l'efficacité de ce traitement magique implique qu'on reconnaisse une étiologie psychique à
la maladie et, après Descartes, la reconnaissance de l'effet de l'émotion.
On connaît en effet, depuis Eschyle, l'effet physique de la passion, de la tristesse, de la colère, etc.
[21] . Ces émotions adoptent le langage du corps qui réagit en somatisant, ou présente des
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[21]
. Ces émotions adoptent le langage du corps qui réagit en somatisant, ou présente des
symptômes plus graves souvent chroniques, dans le cas de maladies psychosomatiques [74]. Un
malade ne souffre pas cependant en tant que " collection de symptômes ", mais comme un individu,
le corps étant un " lieu de passage entre un envers et un endroit " [56]. La maladie conçue par le
patient, moins somatopsychique que psychosomatique (c'est le terme innové par Heinroth, interniste
et psychiatre, en 1818) [74], implique donc un passage du classique paradigme " biomédical ", à un
paradigme " bio-psycho-socio-médical " plus ouvert.
Paradigme biomédical
Encore actuellement, l'acte médical est un acte vétérinaire qui devrait d'abord être scientifique.
Encore actuellement, la médecine psychosomatique est considérée par les médecins organistiques
comme une hérésie [20]. Les dossiers médicaux ne contiennent pas le type d'informations
nécessaires aux études psychosomatiques [25]. Les médecins sont d'ailleurs encouragés par leur
formation à commettre des erreurs de type 1 (créer une non-maladie), plutôt qu'une erreur de type 2
(passer à côté d'une vraie maladie) [105].
Le paradigme étant d'abord un " lieu de choix " [100], selon le paradigme biomédical, la médecine se
consacre à la sémiotique et à la thérapeutique, c'est-à-dire à la classification et au déchiffrage des
symptômes. Le médecin, savant dans son laboratoire, écoute le corps et en déchiffre le langage.
Constater lui importe plus qu'alléger, puisqu'il réduit l'être humain à un objet d'étude [54], [55], [79]. La
médecine divisionniste, pointilliste, pratiquée depuis Virchow, se concentre d'abord sur la pathologie
d'organes. On en vient ensuite à la spécialisation à l'intérieur d'un même appareil physiologique, puis
à une sur-spécialisation à l'intérieur d'une même discipline [48]. Le spécialiste devenu sans culture
générale tape sur le même clou en ignorant la forêt. Le choix des traitements standard est suscité par
les résultats des examens de laboratoire. Le " bon médecin ", de plus en plus rare, pose son
diagnostic après anamnèse, palpation et déduction logique. L'autre ne s'écarte pas des normes
biologiques et s'en tient souvent à la prescription de médicaments.
Le refuge préféré du médecin est souvent effectivement le côté technique de sa profession, où la
dimension magique est répudiée au profit d'une idéologie scientiste limitée. Trop souvent l'idéal
médical est simpliste, et la relation médicale un passage à l'acte déguisé. Avoir une maladie équivaut
à détecter le parasite, le traiter et en guérir [56], [82].
L'époque où la maladie pouvait être considérée comme un accident purement technique, donc partie
intégrante du paradigme biomédical, semble cependant révolue. Le patient - et parfois son médecin est confronté avec un besoin d'autre chose. La médecine retourne à la pathologie holistique, où les
niveaux différents de l'homme global aspirent à des traitements multiples. Cet abandon du paradigme
biomédical que nous vivons actuellement n'est possible que par un retour inconditionnel à
l'enseignement d'Hippocrate, où il n'existait de maladie que psychosomatique.
La compréhension de cette philosophie de la maladie implique le glissement d'un paradigme devenu
étriqué à une conception plus généreuse et plus humaine de l'être malade. La maladie somatique
appelle certes une aide technique, mais l'attente de la personne va au-delà de cette demande.
Maladie psychosomatique
L'homme étant sujet et objet, tout phénomène chez lui est psychosomatique
[18]
.
Ainsi toute maladie incluant la phase terminale, la mort [70] , si elle n'est pas somatopsychique, est
psychosomatique. Ce truisme n'est concevable qu'après effraction du cadre des sept maladies
psychosomatiques classiques inventoriées par Alexander [2] .
Les maladies psychosomatiques se définissent comme polyétiologiques avec un rôle prépondérant
accordé aux facteurs psychologiques. La focalisation sur un organe ou un appareil physiologique
particulier se fait par anachorèse à partir d'une prédisposition biologique ou héréditaire (le facteur X
d'Alexander [2]), impliquant donc le terrain de l'individu [42] . La médecine psychosomatique où
s'inscrivent ces maladies est, davantage que la science exacte " biomédicale " qu'elle voudrait être,
une science humaine qui nous oriente vers la médecine de la personne dans sa globalité, et qui
s'inscrit sous l'égide psychanalytique et pavlovienne.
Pour fuir une tension, une émotion incontrôlable, une situation psychologique intolérable, le malade
se réfugie dans la maladie physique. Le corps devient alors un alibi [56] . Le trouble fonctionnel qui est
la plainte principale du malade est signalé à répétition sans qu'on puisse observer de lésions à
proprement parler [29] . Devant ce tableau clinique qui lui échappe, le médecin peut se sentir dépassé.
Le symptôme signalé se répète et sa récidive conduit à la chronicité, ce qui provoque un rejet du
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Le symptôme signalé se répète et sa récidive conduit à la chronicité, ce qui provoque un rejet du
praticien, et, le symptôme étant perçu comme le signe d'autre chose, une propension chez celui-ci à
envoyer le malade à un " expert des signes ", spécialiste de la santé mentale [5].
Si le malade psychosomatique parle avec ses viscères à un niveau de communication qui emploie
d'abord les organes internes [33], ce langage est la traduction désadaptée de ses émotions. La
maladie psychosomatique devient alors une maladie organique (avec troubles fonctionnels), mais
modifiée par les traits de personnalité, l'armure du caractère, ou la névrose du patient. Le malade est
psychosomatique, et non sa maladie [48].
Un certain nombre de charnières ont permis à la médecine moderne un glissement hors du
paradigme biomédical dont la philosophie et la pratique systématique deviennent désuètes et
inadaptées à la réalité de la vie actuelle.
L'une se concentre sur l'effet physiologique des émotions. Elle inclut l'effet du stress, lui-même
générateur d'émotions. La seconde s'appuie sur le rôle de l'inconscient dans la maladie. C'est dans
l'inconscient et à partir du développement psychique de la personnalité qu'on retrouve les racines de
l'émotion. La dernière, enfin, est concentrée sur l'apprentissage et le conditionnement corticoviscéral
selon les lois pavloviennes qui ont servi de base au mouvement comportemental, ainsi que sur le
conditionnement des émotions.
Physiologie de l'émotion
Reprenant les données de Claude Bernard sur la constance du milieu interne et l'influence
physicochimique du corps sur l'équilibre mental, le physiologiste Cannon a étudié l'effet fonctionnel
des émotions comme l'angoisse ou la dépression sur l'homéostasie, par l'intermédiaire du système
nerveux autonome (ou végétatif). Par exemple, les symptômes somatiques sympathicotoniques
accompagnant l'angoisse, ainsi que les symptômes sympathicomimétiques qui accompagnent la
dépression, font partie de la réaction d'alarme de Cannon [42], [82] .
A partir de cette découverte capitale, l'étiologie neurovégétative des maladies psychosomatiques a
pu être analysée : une modification de l'équilibre physiologique, là où Freud situait l'inconscient,
génère le trouble fonctionnel, signe de la maladie psychosomatique ou psychophysiologique.
Stress et émotion
Le stress, en déclenchant des émotions, perturbe la physiologie de l'individu. Toute émotion mal
assumée provient d'un stress lui aussi mal assumé. La notion de stress générateur d'émotions a été
formulée par Selye à partir de ses expériences sur des rats de laboratoire. Chez ces animaux, à
l'aide de contraintes physiques ou " sociales ", il a provoqué des réactions de l'axe
hypophysosurrénalien, la réaction d'alarme initiale entraînant une phase d'adaptation, puis, si la
cause persiste, une phase de décompensation conduisant à l'épuisement [99].
Le stress pluriétiologique, composé de celui qu'infligent l'environnement, la société, le travail, la
famille, etc., induit chez l'humain des réactions comparables. Des individus cotant haut, par exemple,
sur l'échelle de Holmes et Rahe, ont de fortes chances d'être malades dans les 6 mois à venir [108].
Les stimuli dans leur ensemble, et surtout les facteurs psychosociaux, ont une influence sur la
résistance immunologique qui détermine ou non la maladie. Des facteurs sociaux pouvant être
considérés comme négligeables chez une personne qui réagit " normalement " deviennent ainsi des
causes possibles de maladie.
De plus, le filtre du système limbique fait percevoir le stress, les difficultés existentielles, d'une façon
non stéréotypée et variable selon l'individu. Le bon fonctionnement ou le dérèglement d'un organisme
sont ainsi liés à la façon dont l'individu se comporte face à la vie, selon qu'il l'empoigne ou la subit
[102]
. La personne, selon son tempérament ou l'orientation de son bagage cognitif, aura tendance à
s'enfuir, à figer ou à combattre [76]. Ces trois options ont été décrites par Cannon, et L'éloge de la
fuite a été érigée en philosophie par Laborit [51].
La physiologie du cerveau par où passent les émotions et la faculté d'être malade et d'en guérir,
régule donc le système immunitaire. Un stress perçu comme nocif devient alors iatrogène et diminue
le fonctionnement de celui-ci. La solitude, une légère perturbation du mode de vie sont, par exemple,
associées à une baisse de l'activité des lymphocytes tueurs [76]. Le sujet se ressent alors vulnérable
et susceptible à la maladie [19], [21], [42], [76], [79], [120].
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Les émotions vont ainsi entraîner des modifications biochimiques par l'intermédiaire d'une
perturbation des centres diencéphalo-hypophysaires régulateurs des métabolismes. La maladie
psychosomatique peut alors s'installer, grâce à la libération émotionnelle des automatismes par
rapport aux centres coordinateurs [18].
Racines de l'émotion
Les perturbations des noeuds d'émotions décrits par Bower [79], les émotions trop fortes,
contagieuses, étouffantes, leur amplification ou leur distorsion, peuvent se transformer en
traumatismes physiologiques.
Ce serait une erreur cependant de limiter l'émotion à un comportement dû à une sécrétion du
système limbique ou des glandes surrénales. En effet, l'expression de l'émotion fait partie intégrante
du caractère de l'individu, de son éventuelle névrose. Elle appartient ainsi, selon nous,
intrinsèquement au domaine psychanalytique.
Le cercle se boucle avec Freud qui, le premier, a ouvert une " voie royale " en soupçonnant une
origine psychologique inconsciente aux perturbations organiques de l'hystérie de conversion, où le
symptôme physique résoudrait un conflit intérieur, un refoulement, une névrose.
Freud a tenté de poser, en effet, " la pulsion de mort " comme fil d'Ariane entre le psychisme et le
corporel, entre " soma " et " psyché " [8] , la décrivant comme un signal d'alarme à l'intérieur du moi,
ou une réédition d'une névrose infantile dont on peut retracer la genèse en reconstituant les étapes
de la croissance de l'enfant dans sa relation avec sa mère.
Mais c'est essentiellement la personnalité du sujet, la structure profonde de son moi, qui déterminent
sa réactivité face au stimulus. La maladie qualifiée de " rupture existentielle " [82] mobilise le
préconscient et l'inconscient. On a constaté en effet que des symptômes somatiques activés par les
événements de la vie du sujet émergent au début d'une psychanalyse [101].
Le symptôme pathologique qui permet ainsi à l'inconscient d'utiliser le soma pour expliquer son
désarroi intègre une valeur de symbole [20], [22]. Une personne avec une personnalité sadique anale
souffrira peut-être un jour, par exemple, d'un cancer de l'intestin [5]. On est aussi souvent tenté de
conclure que la personne refoule ses affects, et les somatise pour combler ses besoins libidinaux et
ceux de punition.
Lorsque l'émotion ne peut s'exprimer, l'action concomitante du système nerveux autonome reste
bloquée. Malgré ses essais infructueux, le sujet finalement ne peut plus s'adapter. Comme l'affirme
Delay citant Sacha Nacht [18], l'énergie pulsionnelle que les fonctions du moi ne peuvent intégrer, finit
alors par les désorganiser. L'énergie non libérée se transforme en angoisse et le refoulement
chronique conduit à la maladie.
Ainsi par exemple, lorsqu'une agression compétitive est vécue dans un milieu de travail, elle génère
des névroses neurovégétatives, responsables de migraine, d'hypertension artérielle, ou d'arthrite
rhumatoïde. Selon Alexander, le couple anxiété/culpabilité conduisant à une dépendance infantile,
devient responsable d'asthme bronchique, de colite ulcéreuse ou d'ulcère gastroduodénal ; la
dépression, enfin, entraînerait dysménorrhée et troubles de la fonction sexuelle [2].
Cette idée d'associer une émotion particulière avec une maladie spécifique comme l'a tenté
Alexander et, à un niveau encore plus pointu, Dunbar, est apparue en son temps révolutionnaire. Elle
est actuellement relativement dépassée. En effet, il est certainement plus logique et plus proche des
mécanismes physiologiques de lui préférer la loi de la massivité de Klotz [48], comme fondement
explicatif de la dynamique de la maladie. D'après cet auteur, les stimuli pathogènes affectent
l'organisme dans son ensemble, et c'est l'organe déjà atteint par une déficience héréditaire ou
acquise qui va être le siège de la maladie, selon la loi de moindre résistance.
Cependant, Alexander est considéré comme un pionnier, et sa méthodologie de l'interrogatoire du
malade qui psychosomatise est efficace. En effet, des analystes entraînés à ses techniques, et
soumettant différents types de malades psychosomatiques à des interrogatoires psychiatriques, ont
fourni des diagnostics médicaux corrects trois fois plus souvent que par chance, et deux fois plus
souvent qu'un groupe d'internistes [108].
Enfin, la topographie exacte de l'inconscient demeure encore un mystère. Selon Lagache [52] : "
L'inconscient est le physiologique. Il est donc tout ". Cette évidence à première vue simpliste, bien
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L'inconscient est le physiologique. Il est donc tout ". Cette évidence à première vue simpliste, bien
qu'elle soit calquée sur l'hypothèse de Freud, implique qu'il faudrait maîtriser déjà une bonne
connaissance des réactivités physiologiques (le biologique), et d'une façon prioritaire, pour traiter
efficacement par contrecoup les émotions et le volet psychologique de l'individu.
Maladie : apprentissage...
La disposition de l'individu à la lutte ou à la fuite dans la maladie ne s'établit pas d'une façon
aléatoire, mais par apprentissage.
En effet, cette dernière charnière qui intéresse le mouvement comportemental (behavioriste) se situe
au niveau du conditionnement et de l'apprentissage corticoviscéral, ainsi que du conditionnement des
émotions.
Le cerveau agit ainsi sur les viscères par l'intermédiaire du système nerveux autonome. L'activité de
celui-ci se perpétue par conditionnement. La reconnaissance des travaux de Pavlov sur les réflexes
conditionnés conduit à définir la maladie psychosomatique comme une pathologie corticoviscérale
d'apprentissage, et la base de la médecine psychosomatique [12], [18], [42].
L'émotion, enfin, expression d'une modification physiologique et d'une dynamique interne, peut aussi
s'apprendre, souvent selon un mode vicariant.
C'est dès les premiers mois de la vie que s'installe la matrice des troubles psychosomatiques. Elle
consiste en une régression à un stade de différenciation insuffisante entre le biologique et le
psychologique [42]. Cette intimité de structure par absence de différenciation, donc de cloisonnement,
serait le résultat d'un conditionnement ou de l'installation de réflexes conditionnés à l'irritation
sympathique et au stress émotif [12], avec des renforcements souvent de nature sociale [7], [17]. Elle
pourrait correspondre au facteur X d'Alexander, ou plus largement, créer le " terrain ".
C'est dans cette optique qu'on doit considérer le conditionnement corticoviscéral et le
conditionnement émotionnel, au cours de la maladie.
Conditionnement corticoviscéral
A partir des expériences de Pavlov, puis de Hull chez l'animal [119], on a conclu que le système
nerveux central contrôlait les organes de la vie végétative. Intégrée dans le cortex, la régulation
cérébroviscérale subit l'influence dominante de mécanismes de conditionnement qui constituent le
mode de fonctionnement de l'écorce cérébrale. Un conditionnement complexe sous forme d'une suite
en chaîne de réflexes conditionnés réalise un stéréotype dynamique conduisant à des automatismes
physiologiques pathogènes [48].
Les désordres viscéraux fonctionnels sont donc appris par conditionnement opérant (travaux de
Miller de 1967 à 1971 [29], [68]), les réactions étant renforcées par des réussites fortuites.
Il existe donc une interaction d'apprentissage entre les facteurs biologiques et psychologiques [32].
Certains auteurs répliquent cependant que le processus d'apprentissage selon le modèle S-R
(stimulus-réponse), ou S-O-R (stimulus-objet-réponse), est artificiel et strictement opposé au
processus phénoménologique [61].
En fait, l'influence de l'environnement ne se résume pas par la formule S-R. Elle s'articule aux
contraintes génétiques et historiques selon des modalités que seule l'analyse développementale
permet de préciser [35]. De ces contraintes, cependant, le behaviorisme ne tient aucun compte. En
effet, l'empreinte génétique, c'est-à-dire l'inéluctabilité déterminée par les chromosomes, ainsi que les
séquelles psychologiques cicatricielles que présente l'individu (et qui constituent son histoire), ne sont
abordées et analysées que par le mouvement psychodynamique, et non par le mouvement
comportemental.
Conditionnement émotionnel
L'émotion est apprise à travers le conditionnement classique pavlovien (par exemple : le petit Albert
conditionné par Watson à la peur des animaux à fourrure) [3].
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De plus, selon la théorie de l'apprentissage de Skinner [103], [104], les stimuli qui servent d'inducteurs
d'émotions dans le conditionnement classique de base sont les mêmes stimuli qui servent de
renforçateurs dans le conditionnement instrumental.
Cette relation est fondamentale, car elle construirait la structure biologique de base des organismes.
Malgré ce que pensait Skinner au début de ses recherches, on a depuis reconnu que le
comportement est influencé par la réponse émotionnelle individuelle. Les conclusions de Skinner
étaient uniquement basées, en effet, sur ses observations du comportement animal [107].
Il existe une relation de cause à effet entre l'apprentissage des émotions et les réactions
physiologiques. En effet, des études effectuées chez l'humain ont montré que le conditionnement
peut affecter les fonctions du système immunologique. L'impuissance apprise peut ainsi réduire
l'immunocompétence. La réponse de l'individu en anticorps va diminuer graduellement et il pourra
développer plus facilement une maladie [1]. Des stress psychosociaux diminuent aussi comme on l'a
déjà évoqué le fonctionnement immunologique. Les émotions sont induites ou véhiculées, d'une
façon générale, par le biais du langage. Les études de Bandura [4] sur le comportement verbal ont
bien démontré, en effet, que le langage appris était générateur d'émotions. Cet apprentissage prend
place sur une base verbale symbolique [35]. Dans ce cas, l'apprentissage de l'émotion peut se faire
par modelage, ou être vicariant [67].
Cependant, cette conception de l'apprentissage du langage (pour Skinner s'apprenant sur un mode
de conditionnement opérant avec renforcement) [3], ne fait pas le consensus. Elle a été critiquée en
effet par Chomsky par exemple, pour qui le langage est d'abord une " créativité linguistique ", base
du comportement oral [67].
L'effet du langage (ce que l'on dit et ce que l'on écoute) peut aussi être indirect et se faire sentir à
retardement. Il se révèle alors chroniquement pathogène, par résurgence et rumination mentale
(cognitions), et son action nocive se perpétue dans le temps.
Enfin, l'émotion peut elle-même servir de stimulus. Dans la relation émotion/comportement, en plus
d'être apprise comme on l'a vu, l'émotion peut aussi être innée. Dans ce cas, l'efficacité de son action
va dépendre de la personnalité du sujet et de son histoire psychique développementale. Cette
perturbation affective qu'est l'émotion devient alors une modification psychophysiologique spontanée,
à la fois diversifiée dans son expression, et unique selon l'individu qui la vit [107].
Cette approche qui permet une nouvelle compréhension de la maladie psychosomatique fait éclater
le concept purement biomédical de la médecine. Le domaine psychosomatique et plus largement la
médecine moderne s'expliquent désormais comme un compromis entre les processus somatiques,
psychologiques, sociaux et culturels qui constituent l'essence d'un paradigme médical en évolution.
Paradigme bio-psycho-socio-médical
La médecine ne devrait jamais cependant oublier que la maladie, considérée ou non comme toujours
psychosomatique, est avant tout du ressort biomédical. Le danger serait en effet d'oublier le
symptôme physique s'il existe et de le négliger [18] . Donc la médecine n'échappera jamais à sa
vocation qui est de guérir le symptôme, mais elle s'enrichit actuellement des dimensions sociales et
psychologiques.
La médecine psychosomatique s'inscrit comme une médecine de tous les équilibres, et elle exige la
prise en charge par la médecine traditionnelle du tempérament du sujet et de son terrain.
Ceci crée une place importante au facteur humain, tout en tenant compte du facteur social où
s'intègre l'adaptation à la société. L'amélioration de l'état du patient passe par la résolution des
conflits nés des rapports sociaux entre lui et autrui, ou au moins par leur reconnaissance cognitive
[12]
.
La responsabilité de la sociologie entre en grande part dans l'élaboration de la maladie. Celle-ci se
développe sur des bases constitutionnelles d'orientation biologique, caractérisées par des facteurs
acquis, ainsi que sur des bases institutionnelles, uniquement sociologiques et incluant l'histoire du
patient. On décrit ainsi des névroses institutionnelles qui cristallisent les rapports entre l'individu et
son groupe [18]. L'individu avec sa vulnérabilité propre subit souvent des tensions excessives de la
part du milieu. S'il doit vivre un rôle social qu'il juge trop difficile par exemple, il peut se réfugier dans
la maladie.
Celle-ci se décrit comme un comportement de vie, caractérisé par des fuites passives devant l'activité
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Celle-ci se décrit comme un comportement de vie, caractérisé par des fuites passives devant l'activité
et la responsabilité normale de l'adulte, et une régression vers un état de dépendance pareil à celui
de l'enfant, ou vers des automatismes archaïques. L'individu malade est ainsi soulagé de son fardeau
social. Les médecins deviennent substituts de la famille, et l'hôpital substitut de foyer [33], [48].
Les facteurs sociaux générateurs de stress émotionnels sont dans l'ensemble bien plus nombreux
que les facteurs raciaux [42], [47]. C'est dire que la société influence davantage la maladie que la
culture ne le fait. Les facteurs sociaux, démontrés chez la souris, comme l'influence psychosociale de
la surpopulation, de la désorganisation sociale, de la confrontation avec dominance, sur
l'hypertension artérielle [108], s'appliquent bien sûr à l'homme. Ils impliquent aussi, chez l'homme, le
milieu environnant, le climat, l'alimentation, le logement, le surmenage et les conflits au travail, le
divorce, etc. [48], [102]. Le déracinement hors des groupes naturels ou choisis [82], l'absence de foyer,
de travail, d'argent, d'amour, peuvent contribuer à la maladie et entraver sa guérison [56] . L'instabilité,
l'isolement social augmentent la susceptibilité à la maladie, alors qu'appartenir à un groupe cohérent
protège, en particulier du suicide. Les relations sociales même mauvaises agissent donc comme...
garde-fou [19].
Ainsi se créent des groupes à grand risque d'être malades, parmi les pauvres et les chômeurs [75],
les migrants [120]. On détecte plus souvent des cancers du col de l'utérus chez les femmes avec un
statut socio-économique peu élevé [105] . L'importance de l'aspect psychosocial va aussi augmenter
avec l'inefficacité des traitements [75].
La maladie devient souvent la seule raison de vivre. Dans le ghetto moral où elle l'enferme, d'autant
plus évident qu'il est souvent alexithymique, le malade psychosomatique, souvent hypocondriaque,
n'est plus rien sans sa maladie, n'a plus d'existence légale ni sociale [56], [79]. Elle va persister à la
vie, à la mort.
Cependant, dans un environnement écologique et social identique, toute le monde ne tombe pas
malade. C'est, comme on l'a vu, au niveau biologique et psychologique que se fait la sélection [42]. La
spécificité des propriétés réactionnelles du malade dépend de ses prédispositions cellulaires
(exemple : le diabète), enzymatiques (exemple : l'hypertrichose), et de l'aiguillage chronaxique des
émotions. La réponse au stress n'est pas stéréotypée comme l'a laissé croire Selye, puisqu'elle
dépend de la faiblesse de certains organes et de la dynamique cérébroviscérale propre à l'individu
[48]
.
L'approche psychodynamique est donc une synthèse effectuée par rapport à un malade particulier.
La discipline médicale psychosomatique est d'abord une pluridiscipline holistique qui a besoin de
l'aide de l'Autre. En plus du somaticien, elle implique la participation des représentants de sciences
humaines, psychologie, psychologie expérimentale, psychosociologie, sociologie, psychanalyse et
anthropologie [42].
La personne pourra ainsi être évaluée dans sa continuité et sa totalité, et sans doute guérir [48], ce
qui est la preuve ultime de l'influence de la maladie psychosomatique sur la maturation des
paradigmes médicaux.
La maladie est un fait biologique (réaction somatique à un agresseur identifiable), psychologique
(impliquant l'effet conditionné de l'émotion), et social (incluant la famille, le groupe étendu et restreint,
le travail et les rôles sociaux et culturels, etc.). Elle se définit donc plus volontiers comme un
complexe bio-psycho-social [119], qui oblige les intervenants en sciences de la santé à maîtriser les
notions cognitives multiples que nous venons d'exposer, et qui expliquent sa dynamique.
En effet, les événements émotionnels intimes vécus par le patient, associés aux phénomènes de
régression souvent dus aux contraintes de l'environnement, interviennent dans la responsabilité des
troubles fonctionnels, puis des lésions organiques psychosomatiques qu'on observe [33].
Le médecin-dentiste, aussi bien que le médecin interniste, sont impliqués dans la reconnaissance de
la maladie psychosomatique dont le diagnostic, par ignorance de ces données, est trop souvent
erroné.
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Maladie psychosomatique en stomatologie
La cavité buccale, la tête et le visage sont très souvent le siège de plaintes d'origine
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La cavité buccale, la tête et le visage sont très souvent le siège de plaintes d'origine
psychosomatique. Cependant, la littérature est à la fois pauvre et redondante sur le sujet. Le dentiste
généraliste est généralement mal averti de ce panneau de la médecine. Le chercheur, de son côté,
possède rarement les connaissances d'assez de spécialistes (dentiste, interniste, psychiatre ou
psychologue) pour conduire une recherche clinique à une conclusion statistiquement significative.
Il s'ensuit donc une méconnaissance de la dynamique de la somatisation, et lorsque les symptômes
sont poussés à l'extrême, des maladies psychosomatiques siégeant dans la sphère buccodentaire.
Le DSM IIIR, qui est le livre classique de diagnostic psychiatrique, n'aborde pas, dans son
recensement des maladies psychosomatiques, les symptômes de la sphère buccale [73]. De plus, le
dentiste n'est pas encore entraîné, au cours de sa formation, à pratiquer une évaluation psychiatrique
ou psychologique [66]. Le patient reçoit ainsi souvent un diagnostic erroné. Il multiplie les
consultations qui sont inefficaces car inadaptées [15]. Il change de praticiens qui défilent dans sa vie,
car son problème ne trouve pas de solutions, malgré les traitements éprouvés qui fonctionnent chez
les autres [91], les surtraitements, les interventions ou les opérations qui ne guérissent rien, puisqu'il
n'y a pas eu intervention sur la bonne étiologie.
La patiente - il s'agit dans la plupart des cas d'une femme - présente une condition chronique qui peut
récidiver depuis l'adolescence. Les périodes de récidive coïncident souvent avec une crise de
détresse psychosociale, parfois compliquée par des épisodes d'anxiété ou de dépression [73].
Les symptômes se déclarent souvent au niveau de la bouche, car c'est la cavité primitive, le premier
lieu d'échanges, de douleur, de plaisir [111], noeud de symboles chez l'individu. Si l'expression
d'émotions profondes est bloquée, la personne peut réagir par une hystérie de conversion qui
implique la cavité buccale. Elle mange avec boulimie, fume, bruxe, adopte des habitudes buccales
nocives [9].
Cette expression somatique de conflits psychologiques au niveau de la sphère buccale adopte ainsi
des allures multiples. On a compté 232 manifestations différentes, allant de l'odontalgie au lichen
plan et à la glossodynie, par exemple, chez un échantillon de 197 sujets [16].
Comme l'affirmait Winnicott, on a alors besoin de science-fiction, plutôt que d'une application rigide et
compulsive de la théorie médicale prenant pour base la perception de la réalité [118]. Ce n'est pas
dire que le symptôme somatique au niveau de la sphère buccale appartient au programme de
l'imaginaire, mais que, pour le détecter et y croire, il faut s'imprégner des notions psychomédicales
présentées ci-dessus, et sans lesquelles la somatisation au niveau de la sphère buccale pourrait
demeurer pour le généraliste un mystère obscur.
Les dents étant aussi un symbole (leur perte ou leur mutilation déclenchent chez le civilisé un
sentiment d'infériorité, d'insécurité et de culpabilité), on comprend que la relation dentiste/client
provoque en premier lieu une anxiété atavique [60]. La seule anticipation des procédures dentaires
peut ainsi entretenir la plainte du patient. Le stress qu'elle crée modifie la réaction du système
nerveux autonome et augmente le taux d'adrénaline, ce qui devient préjudiciable aux tissus [57].
Les lésions buccodentaires d'origine psychogénique pourraient alors avoir deux origines principales :
directe, l'émotion dictant un comportement destructeur, et indirecte, par un mécanisme interne moins
évident qui pourrait impliquer le système nerveux végétatif par le biais des émotions [9].
Etiologie directe
Tics et habitudes
A partir d'une origine psychique ayant pour base les problèmes stressants qu'on ne peut maîtriser,
des dyskinésies peuvent s'installer dans la région buccale. Elles impliquent souvent des mouvements
linguaux conduisant à des tics.
La langue se positionne en mouvements spiralés. Les mouvements linguaux, répétés et appuyés,
peuvent ainsi dénuder les collets des dents. Les plus vulnérables se situent au niveau du bloc
incisivocanin supérieur du côté droit. Cette agression mécanique peut être considérée comme une
cause de certaines parodontolyses. Le syndrome du cure-dents manié avec trop d'énergie produit
des effets comparables.
Balters a décrit enfin " la dent du destin ", où le patient décharge sa nervosité par un tic où il coince
sa langue entre les deux incisives supérieures droites en provoquant une rotation de l'incisive latérale
[117].
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Autodestructions
Le grignotage des lèvres et des joues, ainsi que celui des ongles qui peut provoquer des
microfractures ou des usures du bord libre des dents ainsi que des résorptions apicales, sont signes
de nervosité et de maladaptation au stress quotidien. Piette recense des morsures labiales chez 0,48
à 4,7 % de la population suivant les auteurs [80].
On décrit aussi l'asthénie de Ferjol comme une automutilation volontaire jusqu'au sang [111], à ne pas
confondre avec les automutilations propres aux handicapés mentaux du syndrome de Lesch-Nyhan
[44] .
Désordres nutritionnels
L'anorexie mentale, qui est un trouble psychique caractérisé par le rejet de l'image de soi,
s'accompagne de lésions buccodentaires. Après ses crises de boulimie, la jeune fille atteinte s'oblige
à expulser son contenu gastrique, souvent à l'aide d'un objet ou d'un manche de brosse à dents qui
peuvent dilacérer la muqueuse buccale et palatine. Ces régurgitations acides répétées produisent
des érosions de l'émail, avec attrition des faces occlusales et palatines [11], [88].
Médicaments
Certains médicaments administrés pour rétablir l'équilibre psychique ont des effets secondaires au
niveau de la cavité buccale. Ainsi les amphétamines peuvent induire des ulcères buccaux, et
favoriser le bruxisme, en provoquant une hyperactivité émotionnelle du patient. Les médicaments
psychotropes, dont les tranquillisants majeurs tricycliques, produisent une sécheresse buccale
prédisposant aux polycaries, par effet secondaire cholinergique [43] .
Désordres purement psychiques
On peut découvrir dans la littérature des cas rares et exotiques, signalant un déséquilibre psychique
projeté dans la sphère buccale. Humphreys cite, par exemple, des essais de suicide par déglutition
de prothèses dentaires amovibles ; une folie à deux avec l'illusion de partager avec un conjoint la
sensation de porter une prothèse dentaire... poilue ; le syndrome de couvage, où l'homme partage
avec sa compagne les désagréments de la grossesse et les douleurs de l'enfantement, en se
plaignant aussi, par exemple, d'une odontalgie non justifiée, etc. [43].
Ces atteintes somatiques directes, bien qu'elles soient provoquées d'une façon indubitable par ou à
cause d'un problème psychiatrique ou psychologique, échappent cependant à la sphère
psychosomatique classique, qui a une dimension récidivante et chronique.
Etiologie indirecte
Le système nerveux autonome, l'axe hypophysosurrénalien selon Selye, le système réticulaire qui
gouverne les émotions, entrent, comme on l'a vu, dans la dynamique de la responsabilité
psychosomatique.
Le patient qui est, de plus, très sensible à la réalité extérieure, utilise des défenses mentales
caractérielles comme l'agressivité. Il y ajoute un comportement de fuite dans la multiplicité des
consultations, ce qui en fait un client instable et intraitable. Comme son seuil de résistance psychique
est rapidement dépassé, l'anxiété et la dépression l'incitent à des comportements compensatoires
d'adaptation. Ceux-ci se résument à des conduites de négligence, impliquant une hygiène défaillante
et l'adoption d'un régime alimentaire nocif [112], le sucre devenant le substitut des caresses [94]. On
crée ainsi une ouverture à l'installation de caries et de maladies du parodonte marginal.
Carie
Des études conduites chez le rat ont démontré qu'il existe une relation entre le stress et l'asialie
responsable de caries. De plus, le pH (acidité accrue) et la composition de la salive (chute des
anticorps) se voient aussi modifiés, ce qui est un facteur favorisant.
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anticorps) se voient aussi modifiés, ce qui est un facteur favorisant.
Une surpopulation provoquée chez le rat augmente de 14 % le taux de ses caries. Le manque
d'exercice, la contrainte, un son de cloche appuyé, un régime cariogène additionné au stress,
provoquent aussi une augmentation du taux des caries. Des groupes de rats âgés de 7 jours,
séparés de leur mère et soumis à un régime cariogène, ont présenté plus de caries que des rats
témoins laissés à leur mère, ou soumis à un jeûne programmé [94] .
D'autres études, chez l'homme, ont tenté de définir une relation entre le taux de caries et les facteurs
de personnalité. Ainsi, une recherche datant de 1958, portant sur 311 recrues de la marine, a conclu
que plus un sujet était anxieux, rigide, hostile, et plus son taux de caries était élevé [62] .
Plus récemment, une relation a pu être établie entre les stress sociaux ou psychologiques, et
l'installation de caries et de maladies du parodonte. Les sujets les plus susceptibles étaient, dans les
deux cas, des introvertis à tendance névrotique. Une relation existait aussi entre les maladies
dentaires et les plaintes médicales, ce qui a été démontré chez 1 000 cadets d'une école aéronavale
américaine, et entre les habitudes de vie et les maladies dentaires démontrées chez 1 007 sujets, les
dents bénéficiant du même type d'influence que le corps [64].
Un stress émotionnel pourrait enfin induire des changements vasculaires pulpaires [23]. L'ischémie
qui en résulte va diminuer les mécanismes de défense cellulaire, donc les capacités de
dentinogenèse, et la dynamique de la carie sera ainsi accélérée.
Parodonte marginal
Un stress, une émotion extrême ou chronique, déclenchent une production d'adrénaline. La
constriction vasculaire qui en résulte provoque une hypoxie et une diminution de l'apport de
nutriments au parodonte. L'hypothèse de Manhold soutient que le parodonte est alors la cible de ce
mécanisme purement physique [63] . Cependant, l'ischémie qui induit la récession gingivale et
l'atrophie du parodonte peut s'associer à un diagnostic de dépression ; l'oedème et les hémorragies
gingivales, à une hyperactivité émotionnelle. On a aussi mis en évidence une relation entre la
sévérité des parodontopathies et le degré d'anxiété habituelle du patient, évalué à l'aide du MMPI ("
Minnesota Multiphasic Personality Inventory ") [23].
Le stress émotionnel, l'introversion, voire la névrose du patient, modifient la réactivité du système
nerveux autonome. Le tonus des muscles lisses des vaisseaux est perturbé, provoquant l'ischémie
gingivale [14], et les phénomènes inflammatoires qui s'observent en paliers au niveau périvasculaire.
Ces arguments devraient permettre de qualifier les maladies du parodonte, essentiellement de
maladies psychosomatiques. L'indice de parodontie, par exemple, est plus élevé chez les
schizophrènes [116]. Il existe aussi une relation positive entre les maladies du parodonte et les
troubles mentaux, entre les maladies du parodonte et l'anxiété [36] .
Enfin, la gingivite ulcéronécrotique aiguë (GUNA), ainsi que sa complication, la stomatite de Vincent,
ont été décrites avant tout chez les soldats qui paniquaient à l'idée de quitter leur foyer [58], ainsi que
chez des sujets sous tension, stressés et nerveux, ou atteints d'une fatigue extrême. Chez ces
patients, victimes d'une épidémie plus que d'une contagion directe, la chute des anticorps circulants
objectivait une diminution des défenses immunologiques provoquée par les facteurs émotionnels
[106].
Enfin, on a observé chez des étudiants et chez des recrues de l'armée, des épidémies de GUNA au
cours des périodes d'examen. Une augmentation de la concentration locale d'épinéphrine s'associait
avec une diminution de la fonction immunitaire. Les sujets atteints se plaignaient souvent de
problèmes personnels qui compliquaient le tableau clinique. Des sentiments d'impuissance et une
pauvre image de soi leur enlevaient l'envie de combattre pour leur santé [96].
Les mécanismes pathogéniques recensés sont, en fait, plus complexes que ceux observés au cours
de la carie. En effet, le stress émotionnel modifie d'une façon comparable la quantité et la qualité de
la salive. Mais, de plus, le sujet peut adopter des habitudes nocives (tics ou altérations du régime). La
réduction de la nutrition tissulaire locale entraînera enfin une diminution de la résistance à l'infection.
En dernier lieu, selon Selye, la fonction endocrine est modifiée au cours du syndrome d'adaptation.
La lésion gingivale et parodontale s'installe ensuite et s'aggrave progressivement [116] . Certains cas
d'étiologie obscure, mais qui se révéleraient à l'interrogatoire comme étant uniquement
psychosomatiques, se qualifient comme étant des parodontalgies idiopathiques [41].
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Dysfonction de l'articulation temporomandibulaire (ATM)
Lorsqu'on a éliminé au cours du diagnostic différentiel les étiologies structurelles ou systémiques,
comme la maladie de Lyme, une spirochétose rare caractérisée par un rhumatisme articulaire dont
les signes cliniques miment ceux rencontrés au cours des douleurs myofasciales [6], on convient que
le syndrome d'algodysfonction de l'articulation temporomandibulaire (SADAM) est d'étiologie
multifactorielle, et présente le plus souvent une consonance psychogénique. L'arthromyalgie faciale
(décrite comme syndrome de Costen) qui affecte l'ATM et ses muscles fait, en effet, partie du
syndrome de douleur faciale psychogénique, dont le second volet regroupe les douleurs faciales
atypiques que nous verrons plus tard [26], [27].
Certains facteurs dentaires vont être prédisposants pour l'ATM chez des patients émotionnellement
fragiles. Parmi ceux-ci, on peut signaler des traumatismes infligés aux dents, comme les extractions
dentaires, les malocclusions, le bruxisme, spécialement chez les patients avec des traits
obsessionnels. Le bruxisme, en créant des habitudes parafonctionnelles, déclenche un déséquilibre
de l'occlusion par une excentration mandibulaire [34] . Les structures articulaires se voient alors
surchargées et compriment le ménisque. Une myosite de tension, douloureuse, apparaît au niveau
des muscles ptérygoïdiens médians, latéraux, et des muscles trapèze et sterno-cléido-mastoïdien
[109].
Parmi les facteurs étiologiques généraux incluant ceux responsables du bruxisme, les éléments
psychologiques sont déterminants.
Laskin a été l'un des premiers à décrire le SADAM comme un problème psychophysiologique, la
composante psychologique s'associant au spasme musculaire.
En effet, selon ensuite Bourassa, le stress émotionnel induirait une hyperactivité des muscles de la
mastication. Les spasmes, amplifiés par la tension nerveuse surajoutée, conduiraient à une fatigue
musculaire, responsables de la dysfonction articulaire [90].
Certains traits de personnalité caractérisent ces patientes (car ce sont dix fois plus souvent des
femmes). Elles sont souvent tendues, perfectionnistes, obsessives-compulsives, généreuses et
responsables, directives et névrotiques [31]. Des traits de dépendance ou d'agressivité peuvent aussi
les perturber. On a décrit, de plus, une relation positive entre les personnes obèses et les troubles de
l'ATM [10] .
Parmi les facteurs influents, l'anxiété aurait une étiologie majeure dans le SADAM, en induisant une
dysfonction du système nerveux autonome par le cerveau moyen et les connexions hypothalamiques
[71] , puis une ischémie musculaire entraînant de la douleur [40]. Les causes locales occlusales chez la
personne anxieuse avec une tendance hypertonique accusée, associées à un événement émotionnel
isolé, induiraient alors un conditionnement répondant. La réponse de contracture musculaire sera
donc à désapprendre au cours du traitement [86].
Enfin, les personnes déprimées, les hypocondriaques, chez lesquelles les conflits psychologiques
peuvent être convertis aisément en symptômes cliniques, se plaignent souvent du SADAM [38]. On
doit donc considérer l'ATM comme un complexe psychophysiologiquement vulnérable aux facteurs
émotionnels qui jouent un rôle étiologique significatif dans son déséquilibre.
Lejoyeux a publié une étude avant-gardiste et quelque peu ésotérique, expliquant la dynamique du
SADAM depuis l'Antiquité. Cette étude s'appuie sur cinq explications différentes. Selon l'approche
humorale d'Hippocrate, les bilieux et les nerveux, autoritaires et exigeants, seraient, de préférence
aux sanguins et aux flegmatiques, souvent atteints du SADAM.
Après Hippocrate, selon la théorie de Corman, les " rétractés ", les introvertis, les indépendants, les
solitaires (chez qui le bruxisme trouve le meilleur terrain pour se développer), les méfiants et les
irritables, composeraient un groupe de patients vulnérables.
La troisième explication fait appel à la cosmopsychologie. L'humain serait influencé par quatre
planètes, actives chez les sujets qui se plaignent du SADAM. Saturne engendre la tristesse, l'anxiété
et l'incertitude de l'avenir. Neptune induit la neurasthénie, ainsi que l'opposition Saturne-Jupiter. La
Terre l'incite à remâcher ses ennuis. Pluton, enfin, développe la dureté et la jalousie, la solitude et la
rigidité, qui entraînent la contraction des muscles.
L'explication le sennienne rend ensuite responsables des vecteurs du caractère : l'émotivité,
spécialement l'hyperactivité émotionnelle, et le retentissement du seuil de réaction à une perception.
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spécialement l'hyperactivité émotionnelle, et le retentissement du seuil de réaction à une perception.
Enfin, d'après Jung, l'émotivité et la nervosité provoquent les tensions musculaires observées.
L'énergie de l'individu peut s'orienter vers l'environnement ou vers lui-même. Selon le cas, l'ATM
gauche qui correspond au domaine de l'inconscient collectif, ou l'ATM droit qui symbolise
l'inconscient individuel, vont être atteintes indépendamment l'une de l'autre, ou ensemble. Tout échec
répété, toute émotion mal maîtrisée, se concentrent en effet dans l'inconscient. Certains types de
sujets, particulièrement les introvertis, ont ainsi un comportement émotionnel vulnérable et sont
prédisposés au SADAM. Enfin, l'ATM reste le lieu de projection de choix de la localisation des
émotions et des conflits, ce qui en fait un complexe psychophysiologique riche, et souvent difficile à
traiter selon l'école mécaniste pure [59].
Douleurs faciales atypiques
Elles font partie, avec le SADAM, du syndrome de douleur faciale psychogénique [26], [27], fortement
associé à des problèmes psychologiques existentiels et à des événements stressants de la vie.
Elles adoptent des expressions cliniques multiples.
Douleur psychogénique
Les douleurs peuvent se signaler chez des personnes souvent cancérophobes, et se situer n'importe
où au niveau de la cavité buccale, de la tête et du cou. Elles sont bilatérales et ne se manifestent pas
lorsque le sujet mange ou dort. Bien qu'elles compliquent souvent des lésions mineures de la cavité
buccale, le patient qui s'examine constamment ne constate aucun signe clinique alarmant. Ceci, avec
l'échec des traitements, entretient son anxiété, donc sa douleur [46].
Un groupe de 1 052 personnes avec douleurs faciales a été examiné. Dans 50 % des cas où un
diagnostic de névralgie typique trigéminée a été posé, une zone cible était circonscrite. Les facteurs
précipitant la douleur étaient la mastication, la parole, le froid et les larmes. Enfin, un stress
psychologique a été détecté comme étant à l'origine de 15 % des douleurs névralgiformes [84].
Ces douleurs psychogéniques peuvent avoir pour origine la tension musculaire que génère l'anxiété
et qui entretient celle-ci ; mais aussi devenir partie d'une hallucination, ou le noyau d'une hystérie de
conversion. A la base, se découvre un conflit émotionnel réprimé, qui s'exprime somatiquement, par
une douleur bizarre, à distribution farfelue par rapport au système nerveux anatomique. Elle est
bilatérale, et n'a de cesse pendant des jours, des semaines, des années, sans être améliorée
vraiment par des analgésiques [98].
Une enquête menée chez 30 personnes a conclu que les femmes se plaignaient davantage que les
hommes de névralgie faciale atypique. La douleur apparaissait plutôt au cours d'une dépression
masquée, après une intervention dentaire ou faciale, chez une personne avec une structure de
caractère masochiste. On considère parfois ces douleurs comme servant de défense contre l'énergie
d'une psychose [115].
Glossodynies
Les douleurs orolinguales chroniques idiopathiques sont nommées glossodynies, glossopyroses, ou
stomatodynies et stomatopyroses, selon leur localisation et la qualité du symptôme décrit.
Elles s'observent aussi chez des personnes avec un terrain dépressif, et qui symbolisent et projettent
au niveau de la cavité buccale. Par exemple, on pourrait signaler une glossodynie, si l'on a perdu son
père, par un carcinome de la langue [98]. Les personnes atteintes sont souvent des femmes
ménopausées, entre 40 et 70 ans, tendues, avec une névrose d'anxiété, et souvent cancérophobes.
L'irritation locale éventuelle joue un rôle précipitant dans l'initiation de la douleur [46].
Il semble intéressant de souligner que le mécanisme de conversion (syndrome dépressif inapparent,
symptôme physique prédominant), peut toucher tous les systèmes et être à l'origine, non seulement
de stomatodynies, mais de lombalgies, de cystalgies, de céphalées et de douleurs abdominales, etc.
[81]
.
Une étude récente portant sur 131 sujets avec glossodynie a recensé 73 % de femmes, d'âge moyen
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Une étude récente portant sur 131 sujets avec glossodynie a recensé 73 % de femmes, d'âge moyen
55 ans, et dont 60 % présentaient un syndrome psychopathologique, incluant la dépression. Cette
glossodynie s'associait souvent à une intolérance aux prothèses. La patiente se plaignait d'une
dysesthésie de la langue et de la muqueuse buccale, et décrivait des signes subjectifs (brûle, gratte,
pique, etc., une xérostomie et une cacostomie) [77].
Névrose dépressive, névrose d'anxiété, cancérophobie, s'associent encore ici à la dysesthésie
buccale, dont l'étiologie est ainsi d'abord psychogène [98] .
Les antécédents psychiatriques devraient être recherchés dans le cas de brûlures buccales, si
possible au cours d'une évaluation psychiatrique [113]. Cependant la patiente est souvent réticente à
répondre aux questionnaires, si on ne lui présente pas cette tâche comme un exercice de routine. Un
questionnaire à visée psychologique, mais moins culpabilisant, devrait apporter assez d'éléments
informatifs sur ses problèmes existentiels et sur son incapacité à composer avec son stress.
Intolérance aux prothèses
Comme on l'a vu, l'intolérance aux prothèses s'associe souvent aux dysesthésies buccales. Les
plaintes enregistrées ne sont pas toujours en relation avec la situation objective. Ainsi, sur un groupe
de 324 sujets examinés, 24 % ont montré une occlusion équilibrée malgré une intolérance à leur
prothèse, alors que 57 % des patients s'adaptaient bien, même si les défauts d'occlusion étaient
évidents. En fait, la prothèse sert là aussi de bouc émissaire à une dépression masquée ou non, ou à
un conflit psychologique plus ou moins reconnu [45].
Des patients avec implants dentaires se plaignent parfois aussi d'intolérance. Une femme de 52 ans,
par exemple, s'était fait confectionner en 6 ans 16 prothèses complètes haut et bas par 16 praticiens
différents. Avec cette réserve que la patiente était intolérante aux prothèses conventionnelles, des
implants furent placés. Elle présenta une telle résistance au scellement définitif de la prothèse
supérieure qu'il fallut prescrire des consultations psychiatriques pour la rassurer et lui faire accepter
la pose permanente [114].
D'une façon comparable, certains patients se plaignent de ne pouvoir supporter les obturations
d'amalgame. Sur 50 personnes à qui l'on avait supprimé leurs amalgames pour en neutraliser les
effets secondaires, 28 n'avaient pas éprouvé de soulagement. De plus, elles présentaient des
troubles psychiques identiques à ceux observés chez les individus intolérants à leurs prothèses
dentaires : dépression, personnalité anormale, parfois psychoses [72].
Enfin, le galvanisme buccal s'observe plus volontiers chez des patients avec des troubles mentaux, et
dont le seuil de sensibilité à la douleur est très bas [39].
Odontalgies atypiques
Quarante-quatre pour cent des odontalgies atypiques sont considérés comme des troubles
vasculaires de la pulpe dentaire ou du parodonte, et produisent un type de douleur migraineuse. Ces
douleurs sont chroniques, en relation avec les dents d'un quadrant, et dépassent la ligne médiane.
Elles sont récidivantes, persistent ou migrent ailleurs après traitement d'endodontie ou extraction.
Dans ce cas encore, il existe une forte corrélation entre ces odontalgies et un syndrome dépressif,
alors que le bruxisme s'accompagne d'une anxiété dans 45 % des cas [85].
Divers
Comme il n'est pas concevable de passer en revue les 232 manifestations buccales
psychosomatiques qui ont été décrites dans la littérature [16], nous aborderons quelques lésions à
titre d'exemples.
Lichen plan
Il s'installe sur une base psychosomatique
émotionnellement hyperactifs [46], [69].
chez
des
sujets
anxieux,
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cancérophobes,
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Aphtes récidivants
Les aphtes récidivants et la périadénite muqueuse nécrotique récidivante [49], [69] sont aussi suscités
par des problèmes émotionnels. Ainsi, presque tous les patients présentant une poussée de maladie
de Behçet (avec aphtes buccaux et génitaux, et iridocyclite) ont vécu une expérience de stress
émotionnel (familial ou monétaire), avant leur crise. Un " ego " faible et une trop forte répression des
émotions créent un terrain susceptible qui facilite les rechutes du patient [49] .
On sait depuis près de 30 ans que les ulcères aphteux ont une étiologie complexe qui implique à la
fois une hypersensibilité à Streptococcus sanguis, et un traumatisme physique ou psychologique par
exemple. Les crises émotionnelles, les semaines prémenstruelles, les périodes d'examen favorisent
aussi les récidives [9].
Lésions herpétiques
Des recherches datant déjà, effectuées chez la souris suisse, ont permis de conclure que des
décharges électriques, ou un traitement de contention répété quotidiennement, augmentaient la
susceptibilité des animaux aux infections à Herpes simplex. Cette susceptibilité était proportionnelle à
la durée de l'épreuve [83].
Une étude récente, effectuée chez 101 patients âgés de plus de 50 ans atteints du virus VZ
(varicelle-zoster), a prouvé, après analyses et comparaisons avec des témoins pairés, que des
événements négatifs existentiels stressants, considérés comme facteurs de risque pour la
réactivation du virus VZ, avaient été signalés environ 6 mois avant la crise [95].
Maladies auto-immunes
On a constaté que le syndrome de Sjögren, l'arthrite rhumatoïde aiguë, la polymyalgie arthritique, par
exemple, étaient très souvent précédés par un deuil pathologique, les autres événements étant
seulement des facteurs précipitants [78].
Histoires de cas
Une fillette de 10 ans afro-caraïbienne s'est plainte soudainement d'une cécité d'un oeil et d'une
diplégie, au cours d'une anesthésie tronculaire régionale pour soins de dentisterie opératoire au
niveau de la 46. La fin de la séance a déclenché la fin de cette réaction de conversion qui n'a pas
récidivé [13].
Un garçon de 8 ans, avec un passé d'oreillons ayant occasionné une parotidite bilatérale, puis de
parotidite bactérienne, a présenté un oedème parotidien uni- ou bilatéral, le dimanche de 10 h à 15 h
pour ne pas aller à la messe, puis, pendant 7 semaines, tous les matins, pour ne pas aller à l'école
[87]
.
Un très grand nombre de maux inventés ou de malaises psychosomatiques réels permettent ainsi
des bénéfices primaires (diminuer l'anxiété) et secondaires (recevoir de l'attention et échapper à un
devoir désagréable).
Traitements
Depuis environ 20 ans, on assiste à une explosion des maladies psychosomatiques en médecine
dentaire. Le dentiste est cependant peu ou pas formé pour mener une évaluation psychologique [45].
Il devient donc très ardu pour lui de conclure à un diagnostic de maladie psychosomatique ; sans
méfiance, il prescrira des examens, des médicaments, des opérations inutiles. Ce surtraitement
infligé au patient provoque chez celui-ci une paranoïa agitée et une attaque agressive contre la
réputation et la compétence du praticien [41]. Son expérience des traitements et des interventions qui
n'améliorent pas son état en fait un surconsommateur en colère et négatif [43]. Sa dépression
s'accentue. L'échec de son traitement augmente son niveau de détresse émotionnelle [97]. Sa
douleur est cependant bien réelle [43], mais l'approche de celle-ci ne peut être uniquement
somatique, et l'on ne peut se contenter de multiplier les interventions au hasard.
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Il serait donc dangereux d'accéder à sa demande de mutilations, ou d'imposer soi-même un
traitement. Il convient aussi d'éviter tout retraitement qui ne soulage pas la douleur et peut l'aggraver
[45]
. D'ailleurs, tout traitement peut initier la maladie et, a fortiori, la faire perdurer [65].
Il est donc de bonne précaution de limiter les thérapies locales [30], de discuter d'abord avec le
praticien précédent, de proposer au patient un traitement alternatif moins agressif, de lui laisser aussi
du temps pour maîtriser les éventualités suggérées [45].
Bien que le patient n'accepte pas volontiers une étiologie psychologique à ses problèmes buccaux
[37]
, on peut suggérer avec diplomatie une consultation psychologique ou psychiatrique [45]. Il est
aussi nécessaire de détailler l'histoire médicale [85], de permettre au patient de se raconter, car se
raconter est déjà une démarche thérapeutique, et de lui fournir des explications logiques [53]. Les
autoexamens devraient être déconseillés, ainsi que les traitements médicamenteux locaux [50].
L'attitude du dentiste, à mi-chemin entre le concept strictement organique et celui purement
psychologique [53], devrait lui permettre de modifier ses propres comportements d'intervention. Ainsi,
un patient se plaignant d'une intolérance à sa prothèse pourrait se voir prescrire plus efficacement
une entrevue psychologique qu'un test d'allergie (" patch-test ") [77]. Enfin, les sections nerveuses ou
les alcoolisations du ganglion sphénopalatin, à la mode il y a quelques années, aggravent le tableau
clinique [28].
En fait, l'amélioration des signes cliniques se fait plus facilement par la psychothérapie [30],
[50], [54], [55]
qui s'accompagne en effet, lorsqu'elle est prescrite seule, de 60 % de succès.
[37], [44],
Le traitement dentaire, s'il s'avère nécessaire, doit bien sûr s'associer au traitement psychologique,
après une évaluation multidimensionnelle du patient. Dans le cas, par exemple, de dysfonction de
l'ATM, on obtient les résultats les plus satisfaisants en ajoutant au traitement occlusal une thérapie
cognitive avec conseils et informations [89].
La prescription de médicaments psychotropes est parfois indispensable. Un traitement
chimiothérapique peut permettre, en effet, un réaménagement psychodynamique spontané [81].
Aussi, quand le diagnostic psychosomatique est confirmé, utilise-t-on anxiolytiques et
antidépresseurs [30], [50], [54], [55], [85], selon les besoins du patient. Les antidépresseurs du type
inhibiteurs de la mono-amine oxydase, et surtout les tricycliques, sont efficaces par exemple dans le
cas d'ulcères buccaux [121], et lorsqu'une personne dépressive signale de la douleur [44].
Le déconditionnement de réflexes conditionnés nocifs [30], [93], l'apprentissage de la relaxation,
comme le " training autogène " de Schultz [54], [55], améliorent le terrain et diminuent les signes de
souffrance. Cependant, seuls les sujets très évolués affectivement et intellectuellement sont capables
de pratiquer l'auto-hypnose jusqu'à transcender leur douleur [53]. Une psychothérapie de type
analytique, complétée par une thérapie de soutien avec un suivi du malade tous les 3 mois, va, de
plus, consolider la guérison [50].
On doit aussi garder en tête que la relation dentiste-patient possède un effet placebo [92]. Il est donc
primordial que le dentiste s'exerce à la maîtrise de soi, et soit rompu à l'approche de l'autre.
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Conclusion
Le très grand nombre des somatisations observées au niveau de la cavité buccale nous a obligé à
négliger certains signes cliniques de la maladie. Notre but était avant tout d'inciter le lecteur à faire un
rapprochement entre les données psychophysiologiques, voire philosophiques, qui ont servi de bases
aux connaissances actuelles de la maladie psychosomatique, et les signes buccaux avec lesquels le
médecin-dentiste diagnosticien est appelé à composer tous les jours.
Car, lorsqu'on a admis que la cavité buccale réagit selon un schéma dynamique identique au corps
humain dans son ensemble, on devrait se sentir moins désarmé devant le comportement de certains
individus face à la maladie.
De plus, il faut garder en tête que la cavité buccale est un carrefour symbolique intense selon les lois
psychodynamiques, et un lieu de conditionnement à partir des émotions vécues ou refoulées. Ainsi,
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psychodynamiques, et un lieu de conditionnement à partir des émotions vécues ou refoulées. Ainsi,
le diagnostic de la maladie psychosomatique ou de la lésion somatisée devra impliquer la découverte
de l'étiologie. Le traitement sera ensuite rarement l'apanage du dentiste seul. Il impliquera en effet le
défrichage des symboles par psychanalyse, et le déconditionnement des habitudes nocives par
intervention comportementale.
Qu'on ait admis un lien entre la réactivité du système nerveux autonome et les mécanismes
immunitaires à partir des émotions [49] implique que l'émotion est à la base de la maladie
psychosomatique. La prévention du traumatisme émotionnel est donc la cible à centrer. La maladie
psychosomatique se place quelque part sur un " continuum " entre la maladie psychogénique pure et
la maladie somatique pure. Tout foyer d'irritation corticale peut entrer en relation avec n'importe quel
organe prédisposé, par anachorèse. C'est dire que le signe clinique peut adopter une allure
polymorphologique, à n'importe quel site biologiquement vivant.
Le dentiste dont la tâche devient ainsi mouvante et complexe doit se garder lui aussi de tout
réductionnisme. Des travaux ont démontré depuis longtemps qu'il était personnellement impliqué
dans le stress et la somatisation. Par exemple, sur 2 268 dentistes soumis à un interrogatoire, 67 %
signalaient des dorsalgies [24]. Ses interrelations répétées avec des patients tous différents l'obligent
à composer avec le stress ainsi généré et avec ses conséquences : fatigue, anxiété, irritabilité, etc.
Peu d'entre eux, de plus, et encore de nos jours, appliquent les directives ergonomiques que le bon
sens recommande [110].
Pour aider vraiment son patient et le préserver de somatiser, le praticien doit donc pratiquer d'abord
le " connais-toi toi-même ". L'affection psychosomatique est avant tout une maladie-message. Il est
sage, quand elle apparaît, de s'arrêter un instant au bord de sa vie pour se questionner si l'on a
choisi le bon chemin.
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