Simplice Feikoumo La Baule, 25 ans après La Démocratie au cœur de l’Afrique 2 2 Introduction Par « l’acte général » de la conférence de Berlin du 26 février 1885, ayant pour objet « la résolution de manière pacifique des conflits liés aux questions territoriales en Afrique », l’hégémonie européenne sur les territoires conquis se consolide. Avec sa vision de construire un vaste empire colonial, la France étend sa domination en Afrique subsaharienne : Bénin (Dahomey), Burkina Faso (Haute Volta), Cameroun, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Côte d’Ivoire, Gabon, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo. En Afrique du Nord, l’Algérie colonisée en 1830, la Tunisie annexée en 1881, le Maroc, protectorat en 1912. La Grande Bretagne louche sur l’Afrique orientale et l’Égypte, tandis que la Belgique, l’Allemagne et l’Italie qui n’ont pas le goût de la colonisation, s’intéressent au reste du continent. Ce fut un paradoxe pour la Belgique, dont le souverain, Léopold II était d’ailleurs à l’origine en 1876, de la création d’une association internationale africaine qui a pour but de partir à la conquête du continent africain. Le traité politique de Berlin qui définit le partage de 2 3 l’Afrique entre les puissances colonisatrices sans le faire mentionner, s’articule autour de la réglementation de libre échange commercial entre les territoires dominés par lesdites puissances, met l’accent sur la protection des « indigènes » et leur émancipation, encourage les parties en présence à faciliter la navigation dans le fleuve Congo et, accorde le droit de propriété privée au roi Léopold II sur le Congo, d’une superficie d’environ 2, 5 millions km². Dès lors que la machine de la colonisation est en marche, chaque puissance déroule sa batterie de puissance sur l’ensemble des territoires conquis et ce, jusqu’à la décolonisation ou période de l’indépendance. Dans la dynamique de la colonisation, la France organise ses territoires d’Afrique en deux fédérations : – l’Afrique Occidentale Française (AOF) créée en 1895, a pour capitale Dakar et, est composée du Sénégal, de la Mauritanie, du Soudan français (Mali), de la Haute-Volta (Burkina Faso), de la Guinée française (guinée Conakry) du Niger, de la Côte-d’Ivoire et du Dahomey (Bénin). – l’Afrique Equatoriale Française (AEF) est instituée en 1910 avec pour capitale Brazzaville ; elle regroupe le Gabon, le Moyen Congo (Congo Brazzaville), l’Oubangui Chari (Centrafrique) et le Tchad. Par ailleurs, le Cameroun qui est passé sous tutelle française en 1919 puis en 1945 en la faveur des deux grandes guerres, rejoint le groupe de l’AEF. Placés sous la domination européenne, les territoires d’Afrique sont entièrement au service de leur pays de tutelle. Dans les territoires sous domination française, se développent des services d’intérêts généraux publics, se succèdent des initiatives coloniales de participation au 42 développement économique de la France, s’intensifient la production, l’exportation des matières premières et les cultures de rentes pour les industries françaises, la mobilisation des hommes de troupe lorsqu’il s’agit des deux grandes guerres du siècle dernier (1914 à 1918 et 1939 à 1945). Pour être en conformité avec l’idée de l’acte de Berlin de 1885, les pays colonisateurs mettent en pratique leurs promesses de participer à l’amélioration des conditions de vie des populations autochtones de manière physique et administrative. Sur le plan physique, les puissances occidentales développent la construction des infrastructures : routes, ponts, écoles, hôpitaux, bâtiments administratifs, développent les sources d’énergie. Sur le plan administratif, ils nomment leurs représentants, des gouverneurs dans les territoires respectifs ; Ils procèdent ainsi à la réorganisation de la structure administrative traditionnelle qui s’efface au profit de l’administration européenne donc française. Sur les plans administratif et politique, l’issue de la décision de la conférence de Brazzaville du 30 janvier au 08 février 1944, entérinée par le référendum constitutionnel du 13 octobre 1946, donnent l’occasion aux deux fédérations des territoires africains, de se « fondre » dans une association dite de l’Union Française, œuvre de la IVème république qui compte par cette démarche, continuer à exercer une domination sur les acquis d’outre – mer. Pour le général de Gaulle, Il n’est pas question d’accorder un iota d’autonomie ou d’indépendance aux colonies françaises mais plutôt, un droit de vote à l’assemblée nationale française. Cependant, la loi cadre Deferre de 1956 qui 2 5 promeut une grande autonomie à tous les territoires africains, instituant par la même occasion la responsabilisation des cadres exécutifs locaux, apporte un profond bouleversement dans la vie politique des colonies. La marche vers l’indépendance des territoires semble être acquise par cette loi qui vient couronner les mouvements de résistance de Madagascar (en 1946), et de l’Algérie (en 1947). La campagne référendaire menée par le général de Gaulle en été 1958, aboutit à l’adoption de la constitution de la Vème République dans laquelle s’intègre la communauté avec les colonies, à l’exception de la Guinée Conakry. Dans son discours prononcé à Dakar en décembre 1959, de Gaulle rompt avec sa position de Brazzaville d’il y a 15 ans, et se prononce en la faveur des indépendances africaines ; l’acte se concrétise l’année suivante, en 1960. Un peu plus tôt, dans le nord du continent, les tractations entre les grandes puissances (Etats Unis, France, Grande Bretagne et Italie) au sujet de la Cyrénaïque, province orientale de la Libye, s’intensifient mais sans succès. Après l’échec du plan anglo-italien dit compromis Bevin-Sforza à l’assemblée des Nations Unies en mai 1949, une résolution votée le 21 octobre de la même année, conduit à l’indépendance de la Libye, le 24 décembre 1951 ; s’en suivent le Maroc, le 02 mars 1956, la Tunisie le 20 mars 1956 ; l’Egypte indépendante depuis le 26 août 1936 regarde à distance l’Algérie qui doit attendre l’accord d’Evian du 18 mars 1962 pour se décerner le statut d’Etat indépendant. Dans la corne de l’Afrique, en Afrique orientale et australe, les britanniques, portugais, espagnols et italiens font face eux aussi, aux mouvements de libération et finissent par se 62 replier. Au-delà de la décennie 1960, la quasi-totalité des colonies d’Afrique, deviennent des nations indépendantes, et les nouvelles autorités ont désormais la lourde mission d’animer la vie socio politique de leurs pays. 2 7 82 1ère Partie Les trois décennies post indépendances 2 9 10 2 Chapitre I Le poids de l’indépendance, l’ombre de la guerre froide 1.1. Les legs coloniaux 1.1.1. L’administration Le départ précipité des occidentaux laissant derrière eux une nouvelle forme d’administration et de gestion de la chose publique, sans préparation du transfert de pouvoirs et de compétences, a contribué à un affaiblissement progressif de l’ordre de l’Etat. En se retirant des territoires africains, le colonisateur, en commençant par la France, a laissé comme héritage tout ce qui constitue la colonne vertébrale de la souveraineté d’un Etat. On y trouve par ici des domaines qui surplombent jalousement toute une cité ou localité, signe d’une modernisation avancée aux confins d’un paysage encore traditionnel et mal loti, par là des structures de bases qui apportent aux populations autochtones des services dont ils ont besoins : santé, éducation, commerce des produits importés de première nécessité. 2 11 Derrière de grandes superficies envahies des centaines de pieds de grumiers, loge une gigantesque bâtisse qui fait office de lieux de culte ; le protestantisme et le catholicisme se partagent les quelques nouveaux fidèles qui viennent à peine de renoncer à leurs dieux traditionnels. Le colonisateur a imprimé un rythme de travail aux communautés africaines ; les autorités religieuses enseignent la foi chrétienne, font apprendre aux jeunes filles et garçons en déperdition scolaire, l’alphabétisation et les petits métiers pour leur réinsertion dans la vie sociale ; aux hommes, en âge actif, sans éducation, il leur est réservé des services subalternes dans les paroisses, les services sociaux et résidences des fonctionnaires blancs etc… Pour les pros indépendantistes africains, l’accession de leurs pays à la souveraineté internationale dans les années 60, marque un tournant décisif pour la prospérité de ce continent. Le processus dit de décolonisation, « met fin à une longue période de dépendance des territoires colonisés vis-à-vis de la communauté occidentale. » C’est pour les leaders locaux, l’occasion de s’affirmer en s’arrogeant toutes les responsabilités de présider à la destinée de ces pays et, d’offrir aux peuples un mieux-être, à la dimension de leurs attentes. Héritiers des Etats indépendants, les dirigeants africains se retrouvent face aux dures réalités de leurs responsabilités. Sur le plan administratif, ne disposant pas de ressources intérieures nécessaires à la réalisation de leur mission, très tôt les novices africains en politique perdent l’équilibre dans la gestion des affaires publiques de leurs pays, fait marqué par le manque des cadres nationaux. L’impréparation de la décolonisation due à l’absence d’un calendrier de 12 2 désengagement du colonisateur, a affaibli toute l’organisation administrative à l’intérieur des pays africains. Les établissements scolaires, primaires et collèges ne disposent pas de relais sur place pour offrir des formations supérieures aux nationaux ; les rares élites formées dans l’hexagone ne suffisent pas à répondre aux besoins énormes d’un pays qui doit désormais faire face à ses obligations nationales. Dans les services de santé et autres blocs administratifs tenus par le personnel expatrié, on note une nette préoccupation, celle des cadres locaux qualifiés qui font défaut. Les rares techniciens formés localement sont indispensables mais sans moyens de travail, ne peuvent aller au-delà de leur limite. 1.1.2. La désorganisation du système sécuritaire Sur le plan militaire, au départ du colonisateur, la situation parait complexe, vu le caractère spécifique de cet organisme. Pour rappeler l’histoire, l’armée d’Afrique relève d’une double origine. D’abord, la conquête de l’Algérie en 1830 qui a donné naissance à un corps expéditionnaire commandé par le général Bourmont et arrive à Sidi – Ferruch. Faisant partie de l’armée d’Afrique, toutes celles des unités qui sont stationnées dans les protectorats du Maroc, de Tunisie et du Sahara. Le vote de la loi constitutionnelle de 1831, promulguée le 22 mars, « autorise la formation d’une légion d’étrangers en France, et de corps militaires composés d’indigènes et d’étrangers hors du territoire continental ». Elle stipule, dans son article 2 que « les généraux en chef, commandants les pays occupés par les armées françaises, hors du territoire 2 13 continental, pourront être autorisés à former des corps militaires composés d’indigènes et d’étrangers ». Ainsi vont être créées et se développer en Afrique, et plus précisément en Algérie, des unités composées des indigènes pour leur connaissance du terrain, de l’adversaire, mais aussi pour leur adaptabilité au climat. Les ordonnances de décembre 1841, jettent la base de l’organisation des troupes indigènes et consacrent leur régularité, en les dotant d’un statut, conforme avec celui des autres unités d’Afrique française, d’où la naissance de l’unité des tirailleurs, infanterie indigène et de spahis, la cavalerie indigène. Composée en majorité des zouaves, des étrangers et des français, les unités de l’armée d’Afrique dont la devise est « Être zouave est un honneur. Le rester est un devoir. », sont formées par des cadres français. Destinées initialement à exercer sur le territoire d’Alger et pacifier le pays, elles vont ensuite, être engagées dans des combats à l’extérieur : en Crimée, en Italie, en Chine… A la conférence de Berlin où est décidé le partage de l’Afrique entre les puissances occidentales, l’armée d’Afrique subit le fait de la colonisation. Contrairement aux pays de la méditerranée qui sont en contact avec l’occident depuis plus d’un siècle, les pays d’Afrique situés à l’intérieur, ne sont pas prêts à s’offrir à la domination coloniale. Au besoin de conquérir le maximum de territoires, la France va donc chercher à renforcer ses troupes par des supplétifs militaires africains. D’un territoire à un autre, des hommes valides sont recrutés de force, tel le cas des tirailleurs sénégalais qui ont permis l’annexion des autres territoires devant composer la future AOF. Ces opérations dites de pacification vont se poursuivre jusqu’à la guerre de 1914-18 14 2 et celle de 1939-45. Ensuite, l’armée d’Afrique, trouve son origine dans les raisons d’ordre économique. Le colonisateur, pour rentabiliser sa présence sur le territoire africain, lance des opérations d’exploitation des régions situées à proximité du littoral, fertiles, car mieux arrosées, donc plus favorables aux cultures de rentes. Les jeunes ne disposant pas de ressources, manquant d’emploi n’ont plus que l’armée comme dernier recours. Qu’elle soit de l’époque coloniale où d’indépendance, de par leur mission, l’armée d’Afrique apparait comme « …… l’ensemble des différentes organisations et moyens militaires qu’un État consacre à la mise en œuvre de sa politique de défense. » A ce titre, elles sont de par leurs organisations administrative et technique, les premiers consommateurs du budget de leur pays respectif. Cependant, avec le départ de l’administration coloniale, les faibles ressources économiques et financières des pays africains, associée à une faible capacité d’opération de ces armées, constituent un risque élevé d’instabilité. Au lendemain de l’indépendance, les nouvelles autorités africaines arrivées au pouvoir, s’inspirent du modèle colonial et instaurent des armées républicaines, constituées d’une nouvelle génération de volontaires nationaux mais aussi, d’anciens combattants de l’armée coloniale qui ont combattu sous la tutelle de l’hexagone, revenus dans leur pays, où ils entendent non seulement être les cadres des armées naissantes, mais y jouer aussi un rôle pivot. Ces armées nationales, formées sur place avec des moyens dérisoires, sont souvent dépourvues des notions du civisme, des réalités historiques, pouvant leur inculquer une 2 15 prise de conscience pour assumer pleinement cette nouvelle responsabilité au nom du patriotisme. Toutefois, la réticence de certains leaders africains d’intégrer les anciens combattants dans l’armée nationale est à l’origine de nombreuses crises qui jalonnent la période post indépendance. Dans la première période qui marque l’accession des pays africains à l’indépendance, l’armée est considérée comme apolitique et ne s’est consacrée qu’à sa mission de sécurité nationale et de défense de l’intégrité du territoire. Peu à peu, elle va s’intéresser à la gestion de la chose publique lorsque la course à l’intérêt, à la corruption commence à empoisonner le climat sociopolitique d’un pays africain. Les forces armées africaines prennent le goût de se prononcer sur les questions d’ordre politique, prétextant prendre des mesures adéquates pour lever des situations de blocage et sauver les institutions de la République. Alors, les prises de pouvoir par les armes se succèdent, sans débats sociaux ni dialogues politiques. C’est la loi du plus fort qui se radicalise dans une période moderne, avec tout son corolaire autocratique. États libres, les pays africains nouvellement indépendants, s’accordent à travailler ensemble pour relever les défis politicoinstitutionnels et économiques qui sont désormais les leurs. 1.1.3. Le cadre politique Sur le plan politique, l’environnement reste dominer par les rivalités Est-ouest en occident avec une influence notoire sur le continent africain. La fin de la deuxième guerre mondiale, la naissance des Nations Unies, le serment des chefs d’Etat et de gouvernements de l’époque de ne 16 2 recourir qu’au dialogue pour régler les conflits mondiaux n’ont pas permis de réduire sinon de tarir les sources de tensions politiques à travers le monde. Sous domination des deux blocs capitaliste et communiste qui s’opposent, les pays africains sont constitués en pays marxistes socialistes et en pays capitalistes, se déchirent sur leurs propres territoires pour entretenir les intérêts dépassant leurs frontières. 1.2. Les guerres de la guerre froide 1.2.1. Les guerres civiles, internes Avec plus de cinquante millions de morts et d’importants dégâts matériels, le monde sort meurtri des effets de la seconde guerre mondiale. Affaibli, mais les raisons idéologiques et politiques le répartissent en deux blocs. Le bloc socialiste que défend l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), le monde capitaliste que prône les Etats Unis d’Amérique (EUA) et ses alliés d’Europe de l’Ouest. Deux alliés d’antan, pendant la grande guerre 39-45, voient leur lien se détériorer. La conférence de Yalta, censée normaliser le cadre de gestion démocratique du monde après-guerre, n’a donné que l’occasion à l’ex URSS et aux Etats Unies d’Amérique (USA) d’exposer en plein jour leurs divergences. Moscou décide d’imposer le système socialiste dans les territoires conquis, l’Amérique dénonce une « politique totalitaire. » Des crises politico-militaires se succèdent en Europe et en Asie. Après le départ des Japonais, la Corée s’éclate en deux : le Nord soutenu par les soviétiques, le Sud allié des américains et devient de 1950 à 1953, le théâtre de confrontation indirecte entre les deux puissances qui 2 17 renforce chacune sa position. Par ailleurs, la guerre d’Indochine de 1946 à 1954, traduit l’inquiétude de l’Ouest face à l’idéologie de l’Est. Des alliances à visé stratégique vont se multiplier dans le bloc de l’ouest, telle l’Alliance défensive du Benelux de mars 1948, la création de l’OTAN en 1949. En guise de riposte, le bloc de l’est signe le Pacte de Varsovie de 1955 et la mise au point des bombes atomique et à hydrogène. Au côté des manœuvres politico-militaires, notons aussi l’émergence des instruments sur des questions économiques, dont le plan Marshall annoncé en juin 1945 pour la reconstruction de l’Europe et la naissance de l’Organisation Européenne pour la Coopération Economique (OECE) d’avril 1948 destinée à appliquer le plan Marshall. A partir de 1960, le bloc occidental craignant l’appétit expansionniste du champ communiste en Afrique, confie aux pays colonisateurs, sinon à leurs leaders, mission d’empêcher l’entrée du marxisme sur le continent noir. Dès lors, la guerre idéologiques des deux puissances se transpose en Afrique avec ses jonctions de guerre froide intra étatique désignées guerres civiles qui se traduisent par des conflits tribalo-ethniques, et la guerre froide interétatique ou guerre des frontières qui elle, témoigne de la bataille pour le contrôle des ressources naturelles. L’objectif recherché par l’une des deux puissances en Afrique, est la main mise sur les appareils de l’Etat et la restriction de la vie politique. Les moyens d’action restent les violences armées. Les puissances entretiennent des tensions tribaloethniques à l’intérieur des pays, soutiennent ou financent des mouvements sécessionnistes à l’intérieur des territoires, le tout dans une dynamique des coups d’Etat. Qu’ils partent 18 2 de l’intérieur ou de l’extérieur des pays, les opérations de déstabilisation des régimes s’effectuent par des pays voisins et, les transferts d’armes se multiplient. Tous les armements provenant des puissances occidentales, contribue à activer le virus des conflits de l’ère coloniale et, tracent le chemin à la propagation des armes à différents niveaux des pays africains, avec des conséquences désastreuses. Pendant la période de la guerre froide, le continent africain totalise au moins 87 coups d’Etats, accompagnés des conflits armés tant à l’intérieur qu’aux frontières des pays. Les pays d’Afrique noire récemment indépendants : francophones, lusophones, anglophones voire hispanophones, connaissent un tournant crucial de l’ère post indépendance avec des conflits importés. 1.2.1.1. Rwanda. Depuis l’ère des temps, les agissements de velléités ethniques persistent entre Hutu et Tutsi. Ce conflit se cristallise avec l’arrivée du colonisateur. Les Twa premiers occupants, vivant de la chasse et de la culture, se constituent un statut particulier, le mettant en marge de l’organisation sociale du territoire. Les Hutu d’origine Bantoue arrivent à leur tour, imposent le nom de Rwanda ; ils mettent en place des organisations administratives du pays ; le Rwanda devient une nation regroupant des royaumes indépendants, avec pour vocation la paix. C’est dans ce contexte que les Tutsi, nomades Hamites, à la poursuite de leurs troupeaux arrivent au Rwanda ; ils sont accueillis par les autochtones hutu qui leur attribuent le nom d’alliance « Kabéja » qui signifie, « laissez les venir ». Entrés par Mubali, les Tutsi vont se fixer à Gasabo sur la rive du lac Muhazi, organisent 2 19 un modeste territoire à l’instar de l’organisation administrative du pays. De là, ils projettent de conquérir les royaumes Hutu, lesquels doivent dorénavant être exclus de l’exercice du pouvoir. Ce projet de « conquête à la tutsienne » est caractérisé par la mise à disposition des Hutu au service des Tutsi. A la fin de la première guerre mondiale, le Rwanda est placé sous mandat belge qui promeut une élite tutsi sur laquelle la Belgique va s’appuyer pour gouverner ; à la demande des Tutsi, l’appartenance ethnique est obligatoirement inscrite sur les cartes d’identité car au droit, s’attache la valeur de l’ethnie. D’ailleurs Monseigneur CLASSE a déclaré : « seul le Tutsi qui de par ses qualités supérieures et son sens de commandement était bien indiqué pour gouverner sans partage le Rwanda ». Dans le but de préparer les ressortissants tutsis à mieux gouverner, est né le Groupe Scolaire Astrida, tandis que les Hutu envoient leurs enfants dans les centre catéchistes et écoles artisanales. A l’issue de la seconde guerre mondiale, un groupe des hutuformé au séminaire, revendique des droits civiques face auxquels les dirigeants tutsis brandissent des velléités d’autonomie et d’indépendance. Le 23 mars 1957, l’élite hutu publie le « Manifeste bahutu » qui a pour titre : « Note sur l’aspect social du problème racial indigène au Rwanda » ; par cette publication, les hutu dénoncent le monopole des Tutsi sur les structures du pays. Notons qu’à la veille de la publication du « Manifeste des bahutu », Monseigneur Perraudin et trois autres vicaires apostoliques du Ruanda-Urundi, publient un message sur la justice. Dans cette plaidoirie, les auteurs fustigent les abus et injustices pratiqués par les Tutsi. Les religieux se disent 20 2