le lien social

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LE LIEN SOCIAL
Pourquoi les individus acceptent-ils de vivre en société et d’aliéner leur liberté
individuelle ? Cette question est au cœur de la sociologie moderne. Durkheim
évoque la solidarité. D’autres insistent sur la notion de contrat. On distingue le
lien social dans les sociétés traditionnelles et dans les sociétés modernes.
LE LIEN SOCIAL DANS LES SOCIÉTÉS TRADITIONNELLES :
LA SOLIDARITÉ
Dans la communauté, le lien social s’impose à l’individu comme une évidence, c’est-àdire qu’il est indépendant de la personnalité de chacun.
q Communauté et individus
La société féodale est le type même de la communauté traditionnelle. Chaque individu
appartient, dès sa naissance, à un ordre et ce de façon définitive. Les principales institutions communautaires sont la famille, l’Église, les corporations et les communes. Ce sont
elles qui vont assurer la socialisation des
individus.
Communauté et société
Au XIXe siècle, la notion de communauté est remise à l’honneur, et Frédéric Le
Le sociologue allemand Ferdinand TönPlay (1806-1882) insiste sur le rôle des
nies (1855-1936) distingue les catégostructures familiales comme facteur préries de communauté et de société, dispondérant d’une société dominée par l’intinction qui sera reprise par de
sécurité. Nous retrouvons ici un thème
nombreux sociologues. La communauté
définit des relations sociales fondées sur
récurrent, toujours d’actualité.
q La famille comme communauté
l’affectivité et l’esprit de groupe. Dans ce
cadre, la famille, les réseaux locaux de
connaissance sont les exemples les plus
purs de la communauté. Quant à la société, elle établit des relations sociales
fondées sur l’intérêt individuel : le lien social est formel et artificiel. Le passage
de la communauté à la société s’effectue
lorsque les économies deviennent industrielles, favorisant le développement urbain. Tönnies y voit le développement
inéluctable du socialisme qui détruira,
définitivement, les liens communautaires
entre les individus.
Pour Le Play, on rencontre plusieurs
structures familiales. La famille patriarcale
est dominée par l’autorité du père, jamais
remise en cause, ce qui favorise la stabilité
de la société.
La « famille instable » se caractérise par
son individualisme. Elle est fondée sur le
contrat et elle n’a pas d’enracinement dans
la propriété.
Ce type de structure familiale est, pour
Le Play, la principale cause du désarroi spirituel de la société industrielle du XIXe siècle.
Auguste Comte (1798-1857) s’intéresse aussi à la famille, entre autre à sa structure
interne. Il défend le rétablissement de l’autorité paternelle et l’inégalité, nécessaire, entre
les membres de la famille.
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LIEN SOCIAL ET INDIVIDUALISME
Pour les philosophes des Lumières, les communautés sont considérées comme des institutions irrationnelles contraignantes pour les libertés individuelles et contraires au droit
de propriété.
q Le triomphe de l’individu
Jean-Jacques Rousseau défend la nécessité d’un « contrat social » qui unit des individus libres et égaux. Cette nécessité rejoint les préoccupations des économistes, notamment celles d’Adam Smith (1723-1790) qui démontre que le marché, en laissant jouer les
égoïsmes et les intérêts particuliers, permet d’atteindre un équilibre économique, source
d’harmonie sociale.
q Le lien social dans les sociétés
modernes
L’individu hypermoderne
Depuis les années 1960, nos sociétés
Émile Durkheim montre que l’évolution
sont entrées dans une nouvelle phase
de la société justifie le changement de
(« l’hypermodernité ») marquée par la
nature du lien social. Dans son livre De la
mondialisation, le déclin des institutions,
le triomphe de l’économie libérale, l’indidivision du travail social, le sociologue
vidualisation des mœurs. Un certain
affirme que la division du travail crée une
nombre de sociologues (Jean-Claude
solidarité entre les individus. Dans les sociéKaufman en France, par exemple) se
tés traditionnelles, où le travail est peu
sont intéressés à ces mutations. Parmi
ces analyses, on peut distinguer celle
divisé, cette solidarité est qualifiée de mécad’Ulrich Beck. Celui-ci, dans son livre
nique : la tradition joue un rôle prépondémajeur La société du risque (Aubier,
rant, l’individualisme est inconnu, car les
2001) montre que les risques actuels
individus sont unis grâce à leur ressemne sont pas seulement naturels mais
blance et la conscience individuelle est liée à
également le produit de l’activité humaine (maladie de la vache folle par
la conscience collective. Le droit privilégie la
exemple). Ainsi, « la société du risque »
sanction répressive, c’est-à-dire celle qui vise
implique l’individualisation de la vie qui
à atteindre une personne dans sa fortune et
« signifie en premier lieu la décomposimême sa vie (droit pénal actuel). Dans les
tion, en second lieu l’abandon des
modes de vie de la société industrielle ».
sociétés modernes, la division du travail insDans cette société qualifiée de « secontitue une solidarité organique entre individe modernité », l’individu ne peut plus
dus libres dont les fonctions sont à la fois
s’appuyer sur la tradition pour vivre en
différentes et complémentaires. Le droit prisociété mais doit faire preuve de « révilégie la sanction restitutive qui n’implique
flexivité » car il est contraint de prendre
des décisions par lui-même en fonction
pas la souffrance des personnes, mais la
de l’information dont il dispose.
remise en état des choses (droit civil, droit
commercial ou administratif).
Lorsque la société connaît une crise du lien social, les idées communautaristes resurgissent. Ce fut le cas au XIXe siècle ; les penseurs socialistes comme Robert Owen définirent
les bases d’utopies où l’homme est profondément lié à sa communauté. De même, après
1968, des intellectuels prônèrent le retour à la terre et la constitution de communautés villageoises. Aujourd’hui, le régionalisme, l’intégrisme religieux sont autant de nouvelles
formes de communautarisme présentées comme des solutions à la crise du lien social.
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