Comment faut-il traduire pour l`Union européenne

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Comment faut-il traduire pour l'Union européenne ?
Analyse sur la traduction du traité de Maastricht
du point de vue d’une étudiante de traduction
Dissertation au proséminaire de Susanna Tuomi
Département des langues romanes (Section traduction)
Université de Helsinki
Décembre 2003
Pauliina Auvinen
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Table des matières
1 Introduction .............................................................................................................2
2 Démocratie et la politique plurilingue de l’UE .......................................................3
3 Corpus et méthodes .................................................................................................5
3.1 Corpus........................................................................................................................ 5
3.2 Problèmes de choix du corpus ................................................................................... 6
3.3 Méthodes.................................................................................................................... 7
3.3.1 Alignement......................................................................................................................... 7
3.3.2 Théorie d'équivalence de Catford...................................................................................... 8
4 Analyse des changements .......................................................................................9
4.1 Changement de niveau (CN)...................................................................................... 10
4.2 Changements de catégorie ......................................................................................... 11
4.2.1 Changement d'unité (CU).................................................................................................. 11
4.2.2 Changement de construction (CC) .................................................................................... 13
4.2.3 Changement de classe (CCL) ............................................................................................ 15
4.2.4 Changement intrasystémique (CI)..................................................................................... 16
4.3 Omission (OM) .......................................................................................................... 17
4.4 Ajout (AJ) .................................................................................................................. 18
4.5 Changement typologique (CT) .................................................................................. 19
4.6 Changement sémantique (CS) ................................................................................... 19
5 Conclusion ..............................................................................................................21
Bibliographie..............................................................................................................25
Annexe I : Le corpus aligné .......................................................................................26
Annexe II : Table des occurrences des changements.................................................35
2
1 Introduction
La législation de l'Union européenne, comment doit-elle être traduite ? Pour un
étudiant de traduction qui veut se spécialiser à la traduction pour l'UE, les conseils
donnés peuvent paraître confus et l'idée de traduction pour l'Union européenne risque de
devenir trop compliquée. Il est souvent dit que les traducteurs doivent absolument être
des vrais professionnels et qu'ils doivent connaître les règles de la traduction pour l’UE.
Mais quelles sont ces mystérieuses règles ? Dans ce qui suit, nous allons présenter les
commentaires très différents de deux spécialistes.
Nous avons consulté le conseiller linguistique du Service linguistique du Conseil
de l'Union européenne, Hellevi Malm, et selon elle, la vieille règle de respecter la
ponctuation ne s'emploie plus, et aujourd'hui dans l'UE, les textes sont traduits avec une
précision d'un paragraphe. En d’autres mots, dans le Service linguistique du Conseil, un
paragraphe est considéré comme une unité de traduction. A l'intérieur d'un paragraphe,
le traducteur peut changer la construction des propositions et des phrases conformément
aux règles de sa propre langue, à condition que le contenu informatique du passage soit
exactement le même qu'en langue source. Hellevi Malm souligne que mots, points et
virgules ne sont pas comptés mais l'objectif est d'atteindre la plus grande équivalence
possible par rapport à la langue source, en utilisant des phrases claires, courtes et
correctes en langue cible. Cela exige bien sûr que le traducteur, ainsi que le réviseur,
analysent le texte pour qu'ils comprennent parfaitement son information essentielle.
Dans le Service linguistique du Conseil, les traducteurs ne traduisent pas mot à mot, et
par exemple, les locutions compliquées et typiquement françaises sont totalement
supprimées de la version finnoise.
Pourtant, la traductrice de la Commission européenne, Irene Haaranen, a constaté
dans sa conférence du 8 avril 2003 que dans la traduction pour l'Union européenne, le
traducteur n'a droit de rien changer dans la traduction. Selon elle, il doit respecter la
ponctuation et traduire les textes en utilisant des constructions, mots et expressions aussi
près de l'original que possible. Elle a dit que si la ponctuation et l'ordre des mots sont
changés dans la traduction, il sera impossible de discuter des traités dans les réunions de
l'Union européenne, où on réfère à ces textes notamment à l'aide du numéro de la ligne.
De plus, si l'original et la traduction ne sont pas identiques, il sera une tâche pénible
3
plus tard pour les traducteurs de tracer tous les passages que doivent être modifiés après
les réunions.
Dans cette dissertation, nous avons pour but d'étudier quelles ont été les méthodes
de traduction utilisées dans les services de traduction de l'UE à l’époque de la traduction
du traité de Maastricht, et notamment dans le Service linguistique du Conseil de l'Union
européenne où sont traduits tous les traités de l'Union. D'un point de vue objectif, nous
allons observer, en comparant la version française et la version finnoise de ce traité,
quels sont les différences et les changements considérés comme acceptables dans les
services de traduction. Par changement nous faisons référence à l’écart de l’équivalence
formelle, et c'est notamment ce terme que nous allons utiliser dans notre travail. La
question posée est donc suivante : combien de libertés les traducteurs ont-ils pris dans
leur travail, c’est-à-dire, quels changements ont-ils effectués dans la traduction par
rapport au texte original ? De plus, nous allons vérifier laquelle des idées présentées cidessus est le plus proche de la réalité : traduction avec une précision d'un paragraphe ou
d’une ligne. Comme il a été assez facile de répondre à cette deuxième question, dans ce
travail, nous nous sommes concentrée principalement sur l'analyse des changements.
Cette dissertation se compose de cinq chapitres distincts. Dans le chapitre 2 nous
commencerons par l'explication de quelques concepts dont la compréhension est
essentielle pour la lecture de notre travail : démocratie et la politique plurilingue de
l'UE. Le corpus, la critique du choix du corpus et les méthodes utilisées seront présentés
dans le chapitre 3. Ensuite, dans le chapitre 4, nous présenterons la théorie
d'équivalence de Catford et sa classification des changements avec des exemples de
notre corpus. Dans le dernier chapitre, nous conclurons les résultats de notre travail
ainsi que proposerons quelques idées pour une étude plus avancée du thème.
2 Démocratie et la politique plurilingue de l’UE
Déjà en fondation de la Communauté européenne il était décidé que les langues
des États membres seraient les langues officielles de la communauté. Au début, il y
avait quatre langues officielles : français, allemand, hollandais et italien. Au fur et à
mesure de chaque élargissement de la communauté, et plus tard de l’Union européenne,
de nouvelles langues ont été ajoutées dans les traités. Dès le 1er mai 2004, il y aura dix
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nouveaux États membres dans l’Union européenne, ce qui veut dire qu’il y aura
également neuf nouvelles langues officielles du sud et de l’est de l’Europe : letton,
lituanien, polonais, slovaque, slovène, tchèque, hongrois, maltais et estonien (Direction
générale de la traduction de la Commission de l'Union européenne (2003)).
L’élargissement de l’UE en une institution de 25 États membres produira certainement
de changements dans les modes de travail, et non pas le moins dans ceux des services de
traduction.
La question des langues est délicate dans l’Union parce que la langue est
étroitement liée à l’identité des États membres, et le fait d'aborder cette question risque
d’évoquer de graves conflits politiques entre eux. Néanmoins, la politique plurilingue de
l’UE a souvent fait les gens se demander pourquoi il y a un système de langues
tellement compliqué dans l’Union. Pourquoi ne serait-il pas possible qu'elle fonctionne
seulement en deux ou trois langues comme les organisations internationales ?
L’explication se fait par la nature de l'Union : les institutions de l’Union sont capables
de produire de la législation qui, après sa publication dans le Journal officiel, devient
directement applicable aux citoyens dans tous les États membres. L’ignorance du
contenu de la loi n’est pas une excuse de ne pas la respecter, ainsi que les citoyens
doivent être capables de la lire en leur propre langue. Il faut qu’elle soit comprise par
tout le monde et non seulement par les diplomates ou par les linguistes car c’est
uniquement comme cela que peut être assuré l’égalité de tous les citoyens de l’union
devant la loi. Il est surtout question de la sincérité et de la démocratie. (Wagner, Bech &
Martínez (2002 : 2–3))
A cause de cette démocratie, le traité instituant la Communauté européenne ainsi
que le traité sur l’Union européenne sont équivalents en toutes les langues officielles.
C’est-à-dire qu’aujourd’hui, les onze versions en différentes langues ont toutes le même
effet juridique et elles sont considérées comme des versions officielles et originaires de
la législation communautaire. En fait, il est conseillé de ne pas les nommer traductions
mais y référer par le mot version ; ainsi par exemple : version finnoise. (Wagner, Bech
& Martínez (2002 : 8)) Il est évident qu’au prochain élargissement, l’Union n’est pas
prête à renoncer au plurilinguisme et avec cela, à un des droits fondamentaux de ses
citoyens – le droit de communiquer avec l’Union en sa langue maternelle. Pour ces
raisons, il sera évidemment nécessaire d’éduquer constamment des traducteurs
5
compétents pour produire des textes en toutes ces langues. Il est encore important
d'ajouter que dans cette dissertation, nous n’allons pas essayer de vérifier si les versions
française et finnoise sont équivalentes ou pas, car comme nous avons déjà vu, elles le
sont officiellement. Au contraire, nous allons voir en détail, quels sont les changements
acceptés entre les deux versions, ce qui pourra guider les traducteurs et les étudiants de
traduction à faire de bons choix dans leur travail.
3 Corpus et méthodes
3.1 Corpus
Pour le corpus, nous avons choisi des extraits du traité de Maastricht : les mêmes
extraits en français et en finnois (Annexe I). Ce traité nous a semblé intéressant parce
qu'avec lui a été fondée l'Union européenne, et parce qu'avec lui, beaucoup de nouveaux
termes et concepts ont été lancés dans le langage de l’UE. Le traité de Maastricht a été
rédigé en français, et ensuite, il a été traduit en finnois dans le Service linguistique du
Conseil de l’UE. Il est adéquat pour notre étude aussi parce qu'il s'agit effectivement
d'un texte original et disons – pour éviter le mot traduction – d'un texte rédigé en
finnois, imitant la version originale française. Il faut préciser encore que nous avons
voulu étudier notamment l'équivalence de la version originale française et de la version
finnoise produite après celle-ci, et non pas, par exemple, l'équivalence de la version
finnoise et anglaise, également produite après l'originale en française. L'étude de deux
versions postérieures par rapport à l'original pourrait très bien faire l'objet d'une autre
étude intéressante sur ce thème. Il faut rappeler encore qu’en fait, même la version
originale française est une sorte de traduction. En effet, même si le texte a été rédigé en
français, il a été traité dans les réunions de l'UE en toutes les langues de l'Union, et c'est
uniquement après de dizaines de négociations qu'a été produite la version finale en
français.
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3.2 Problèmes de choix du corpus
Nous avons voulu étudier notamment la version originale du traité de Maastricht
et pour cela, nous avons choisi pour le corpus uniquement des articles qui n'ont pas été
modifiés au cours des années. En choisissant le corpus, nous étions convaincue que le
choix de ce traité comme extrait était bon parce que ce traité fait partie de la législation
produite à l'époque de l'Union européenne et non pas avant la fondation de celle-ci.
Pourtant, nous nous sommes rendu compte du fait qu'il faudra émettre certaines réserves
sur notre choix.
La Finlande a joint l'Union européenne en 1995, et le traité de Maastricht a été
traduit en finnois en 1992, en même temps que dans les pays qui ont fondé l'Union.
Dans un interview paru en Eurotutkimus 10/1998 (Tekes/Suomen EU-T&K-sihteeristö
(1998)), la conseillère linguistique dans le domaine de l'UE, Aino Piehl, a constaté que
les traductions finnoises des premières années de l'adhésion de la Finlande dans l'UE
étaient mauvaises. Selon elle, cela peut résulter du fait que nombre des traductions
avaient été faites par des traducteurs freelance et non pas par les traducteurs de l'UE, et
du fait que ces traductions n'avaient pas été révisées proprement. Piehl a également fait
remarquer que les traducteurs finlandais n'étaient pas encore habitués à la langue
bureaucratique de l'UE qui diffère totalement de celle du finnois. Sari Maamies, la
chercheuse du Centre national de la recherche sur les langues de Finlande (Kotimaisten
kielten tutkimuskeskus), a signalé que depuis des années, de forts efforts on été faits en
Finlande pour que la langue de l'administration soit plus lisible et claire. Ce n'est pas le
cas, par exemple, du français qui est une des langues dont les constructions compliquées
servent de l'exemple pour le langage de l'UE. (Suorsa (2002 : 22))
Le problème de mauvaise lisibilité des textes de l'UE a été remarqué même dans
les institutions de l'Union, et des campagnes pour une meilleure lisibilité ont été lancées
aussi bien dans les États membres que dans les institutions. L'Accord interinstitutionnel
du 22 décembre 1998 sur les lignes directrices communes relatives à la qualité
rédactionnelle de la législation communautaire était une des actes concrètes et sérieuses
menées par l'Union, et elle a été complétée par exemple par la campagne « Fight the
FOG » lancée par les traducteurs de la Commission de l'UE.
7
Ces campagnes ont pour but d'assurer, en premier lieu, que même les textes
sources soient plus lisibles pour que les traducteurs puissent faire de meilleures
traductions. Peut-être donc que ces trois faits, textes source mieux rédigés, traducteurs
plus expérimentés et traductions mieux révisées, ont contribué à produire des
traductions finnoises plus correctes que dans les premières années de l'adhésion de la
Finlande. Les commentaires de Piehl nous ont suscité l'intérêt et nous ont fait poser les
questions suivantes : Le traité de Maastricht est un des premiers textes traduits en
finnois donc est-ce que cela veut dire que cette traduction est mauvaise ? Les idées ontelles changées au fil des années ? Les changements jugés acceptables dans la traduction
du traite de Maastricht seraient-ils tous toujours acceptables si celui était traduit de
nouveau aujourd'hui ? Nous revenons au problème de choix du corpus dans la
conclusion.
3.3 Méthodes
3.3.1 Alignement
Nous avons commencé notre étude par l'alignement des deux versions de nos
extraits pour pouvoir mieux distinguer les changements effectués. Cette technique nous
a permis également d'observer la ponctuation dans les deux versions. La version alignée
du corpus est jointe à la fin de cette dissertation (Annexe I). Après alignement, nous
avons étudié les extraits minutieusement, mot par mot et phrase par phrase, et noté
toutes les occurrences des changements dans une table qui est également jointe à la fin
de cette dissertation (Annexe II). Nous avons basé notre choix de terminologie
linguistique principalement sur l'œuvre d'Anna Kokko-Zalcman (1989) mais nous avons
également consulté les œuvres de Joëlle Gardes-Tamine (1998) et de Delatour et al.
(1991).
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3.3.2 Théorie d'équivalence de Catford
Pour pouvoir étudier l'équivalence des versions française et finnoise du traité de
Maastricht, nous avons eu besoin d'un cadre théorique. Dans les années 1960, l'Anglais
J.C. Catford a crée une théorie qui se base sur l'équivalence du texte source et du texte
cible. Plus exactement, sa conception d'équivalence est telle qu'une traduction est
équivalente au texte source si une unité du texte source et une unité du texte cible sont
interchangeables dans une certaine situation. Il s’agit donc de l’équivalence textuelle qui
est le contraire de l'équivalence formelle. (Catford (1965 : 27)) La théorie de Catford
semble très adéquate pour le cas de l'Union européenne car dans l’UE, la législation
communautaire est la même en toutes les langues officielles, et ainsi n’importe quelle de
ces langues peut être utilisée dans une certaine situation, par exemple dans la Cour de
justice des Communautés européennes. De plus, la théorie de Catford nous a offert une
classification très détaillée des changements linguistiques, c'est-à-dire, des écarts de
l'équivalence formelle, effectués dans le procédé de traduction, et nous en avons profité
pleinement lors de l'analyse des changements (voir le chapitre suivant). Il faut rappeler
que, en principe, les changements n'ont pas été effectués arbitrairement mais ils sont dus
à une différence fondamentale entre les divers systèmes de langue, c'est-à-dire entre les
langues naturelles comme le français ou le finnois. Dans la traduction, il est nécessaire
de respecter le système et les conventions textuelles de la langue cible ce qui peut
effectivement produire des changements.
La théorie de Catford est purement descriptive. Elle a été critiquée parce que
Catford prend les traductions telles quelles, c’est-à-dire, il n'examine pas si elles sont
correctes ou pas. En fait, il présume donc que les traductions sont toujours correctes.
(Vehmas-Lehto (1999 : 52)) La situation est la même dans l’UE où les traductions des
traités ont été officiellement déclarées équivalentes, autrement dit correctes, et pour
cela, nous avons utilisé cette théorie malgré la critique. Néanmoins, Vehmas-Lehto
constate encore que dans la théorie de Catford, la conception d'équivalence est
indifférée : il n'est pas claire si Catford réfère à la situation de communication ou à la
situation décrite oralement ou en écrit (Vehmas-Lehto (1999 : 53)).
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4 Analyse des changements
Dans ce chapitre, nous présentons tous les types de changements trouvés dans le
corpus, en respectant principalement la classification de Catford (1965 : 73–82). Pour
une idée simplifiée de cette classification, nous proposons la consultation de l’œuvre de
Vehmas-Lehto (1999 : 47–53). Dans la classification de Catford, les changements sont
divisés en deux types principaux dont l'un est encore divisé en quatre sous-types :
* Changement de niveau (CN)
* Changements de catégorie
- Changement d’unité (CU)
- Changement de construction (CC)
- Changement de classe (CCL)
- Changement intrasystémique. (CI)
À la classification ci-dessus, il manque pourtant quelques changements essentiels que
nous avons perçus dans notre corpus, et nous les avons ajoutés à la fin de ce chapitre :
omission (OM), ajout (AJ), changement typologique (CT) et changement sémantique
(CS). Nous donnons ici au moins un exemple de chaque cas, et la liste complète des
occurrences des changements est jointe à la fin de cette dissertation (Annexe II).
Nous nous sommes rendu compte de qu'au fait, les changements effectués par les
traducteurs sont soit obligatoires, soit facultatifs. En d'autres mots, dans certains cas, le
changement effectué n'aurait pas pu être remplacé par une autre construction, et dans
d'autres cas, le traducteur aurait pu choisir une construction formellement équivalente
mais pour une raison inconnue, il en a choisi une autre. Le plus probablement il a fait
son choix parce que cette autre construction lui a semblé plus naturelle que l'originale
en langue cible. Dans cette dissertation nous n'avons pourtant pas la possibilité de nous
concentrer sur la motivation des traducteurs ainsi que nous devons nous contenter à
constater simplement que pour n'importe quelle raison, le traducteur a choisi le
changement.
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4.1 Changement de niveau (CN)
Un changement de niveau est une stratégie locale qui consiste à faire un
changement de niveau linguistique. Il existe quatre niveaux linguistiques : grammaire,
lexique, phonologie et graphologie. Pourtant, selon Catford, uniquement les
changements entre la grammaire et le lexique sont possibles car, pour pouvoir être
équivalents, les éléments linguistiques source et cible doivent être de même
« substance ». (Catford (1965 : 73)) Les changements de niveau sont très fréquents dans
la traduction du traité de Maastricht, et il y en a aussi bien d'obligatoires que de
facultatifs. Nous avons trouvé deux types de changement de niveau, et dans ce qui suit,
ceux-ci seront présentés avec des exemples.
Dans l'exemple 1, le changement est évidemment obligatoire car les deux
systèmes de langue sont complètement différents. Ici, le sens de la préposition doit être
exprimé par un cas particulier du système des cas de la langue finnoise ; il s'agit donc
d'un changement du niveau lexical au niveau grammatical (mot–suffixe).
Exemple 1 : (Annexe I, page 31, ligne 40 en français, ligne 41 en finnois)
français : dans un esprit (syntagme prépositionnel : [préposition]+[nom])
finnois : henge-ssä (syntagme nominal : [nom+suffixe de l'inessif])
Une autre occurrence d'un changement de niveau que nous avons perçue est facultative.
Ici, le traducteur a voulu faire une opposition entre un complément d'objet direct partiel
et total ; en français il a utilisé l'article indéfini, ce qui rend le COD partiel, et en finnois
il a utilisé le cas nominatif du système des cas de la langue finnoise, ce qui rend le COD
total.
Exemple 2 : (Annexe I, page 32, ligne 48 en français, ligne 48 en finnois)
français : Le Conseil arrête des actions communes. (syntagme nominal/COD
partiel : [article indéfini]+[syntagme nominal])
finnois : Neuvosto hyväksyy yhteiset toiminnat. (syntagme nominal/COD
total : [syntagme nominal/cas nominatif]
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4.2 Changements de catégorie
Il existe quatre types de changement de catégorie. Néanmoins, il est important de
tenir compte du fait que le même changement peut être classé de façon différente selon
le point de vue choisi. Dans la table sur les occurrences des changements (Annexe II),
nous avons classé les changements dans la catégorie la plus évidente même si parfois,
une autre solution pourrait également être retenue.
4.2.1 Changement d'unité (CU)
Un changement d'unité est un procédé de traduction qui consiste à changer
d'unités dans la traduction, comparée au texte de départ, les unités étant des phrases, des
propositions, des syntagmes, des mots et des morphèmes (Catford (1965 : 79)). Dans
notre corpus, nous avons trouvé aussi bien des changements obligatoires que facultatifs.
Les changements d'unité les plus courants dans notre corpus sont les changements entre
un syntagme et un mot, ce qui s'explique souvent par la facilité de former des mots
composés en finnois. Tous les types de changements d'unité que nous avons perçus sont
présentés ci-dessous dans l'ordre selon leur fréquence, du plus fréquent au moins
fréquent. De nos occurrences, il n'est pas possible de tirer la conclusion qu'en français
les unités soient plus courtes qu'en finnois ou vice-versa car parmi nos occurrences, la
distribution des changements en diminutifs (D) et augmentatifs (A) est presque parfaite
(C'est nous qui avons choisi d'utiliser les termes diminutif et augmentatif pour expliquer
la différence entre les changements.) :
* syntagme–mot (D)
* mot–syntagme (A)
* syntagme–proposition (A)
* mot–proposition (A)
* proposition–syntagme (D)
* proposition–mot (D)
* morphème–mot (A).
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Dans l'exemple suivant, un syntagme est remplacé par un mot. Le changement est
facultatif car la traduction formellement équivalente kaksi kertaa serait également
correcte.
Exemple 1 : (Annexe I, page 30, ligne 10 en français, ligne 10 en finnois)
français : deux fois par an (syntagme nominal : [adjectif numéral]+[nom])
finnois : kahdesti vuodessa (syntagme adverbial : [adverbe])
Dans l'exemple ci-dessous, un mot est remplacé par une proposition. Ce changement
peut être considéré comme obligatoire car il ne serait pas possible de respecter la
construction française sans avoir recours à d'autres changements dans la phrase.
Exemple 2 : (Annexe I, page 26, ligne 27 en français, ligne 28 en finnois) :
français : engagé (syntagme verbal : [verbe/participe passé])
finnois : joka on aloitettu (proposition relative)
Pour mieux illustrer cet exemple, nous présentons encore ces passages dans un contexte.
Les versions française et finnoise du traité de Maastricht sont suivantes :
« RÉSOLUS à franchir une nouvelle étape dans le processus d'intégration
européenne engagé par la création des Communautés européennes »
« OVAT PÄÄTTÄNEET toteuttaa uuden vaiheen siinä Euroopan
yhdentymiskehityksessä, joka on aloitettu luomalla Euroopan yhteisöt ».
L'exemple suivant représente un cas unique dans notre corpus. Ici, le verbe français se
compose, en fait, d'un morphème (co) et d'un verbe (opèrent). En finnois, ce moyen
n'est pas applicable, et le traducteur doit avoir recours à un changement de niveau et
remplacer le morphème par un mot :
Exemple 3 : (Annexe I, page 29, ligne 44 en français, ligne 43 en finnois)
français : co-opèrent (syntagme verbal : [morphème]+[verbe/actif, IND, présent,
pl.3.])
finnois : toimivat yhteistyö-ssä (syntagme verbal : [verbe/actif, IND, présent,
pl.3.]+[nom+suffixe de l'inessif/complément de verbe])
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4.2.2 Changement de construction (CC)
Un changement de construction est un procédé de traduction qui consiste à
remplacer une construction de la langue source par une construction différente en
langue cible. Au niveau grammatical, la notion de construction réfère à la structure
interne de diverses unités (voir le sous-chapitre précédent). En revanche, les
constituants d'une phrase peuvent être par exemple suivants :
* sujet
* verbe
* complément, qui peut être un complément d'objet direct ou indirecte, un attribut
ou un adverbiale obligatoire exigé par le régime du verbe
* complément circonstanciel. (Catford (1965 : 77–78))
Dans notre étude, nous avons trouvé aussi bien des changements de construction
obligatoires que facultatifs. Voici un exemple d'un changement facultatif ; l'autre option
de traduction proposée ci-dessous serait également possible bien que celle utilisée dans
le traité de Maastricht soit plus courante.
Exemple 1 : (Annexe I, page 31, lignes 13–17 en français, lignes 13–16 en
finnois)
français : L'Union définit et met en œuvre une politique étrangère et de sécurité
commune couvrant tous les domaines de la politique étrangère et de
sécurité, dont les objectifs sont
finnois : Unioni määrittelee ja toteuttaa yhteisen ulko- ja turvallisuuspolitiikan,
joka kattaa kaikki ulko- ja turvallisuuspolitiikan alat ja jonka
tavoitteena on
Autre option de traduction en finnois : tavoite on
Tableau 1 :
texte
(français/finnois)
les objectifs/
tavoitteena
sont/on
français
finnois
sujet
complément
circonstanciel
verbe/copule (actif)
verbe
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Tous les exemples suivants sont des changements obligatoires qui sont très fréquents
dans la traduction du traité de Maastricht. Il s'agit des constructions françaises qui n'ont
pas d'équivalentes formelles en finnois.
Exemple 2 : (Annexe I, page 28, lignes 22–23 en français, ligne 22 en finnois)
français : l'Union est fondée sur les Communautés européennes
finnois : Unionin perustana ovat Euroopan yhteisöt
Tableau 2 :
texte
(français/finnois)
l'Union/Unionin
perustana
est fondée/ovat
sur les Communautés
européennes/Euroopan
yhteisöt
français
finnois
sujet
complément
circonstanciel
verbe (passif)
verbe/copule (actif)
complément circonstanciel sujet
Le changement de construction ci-dessus semble obligatoire car on ne dirait guère :
* Unioni perustuu Euroopan yhteisöjen päälle.
L'exemple suivant présente encore une construction unipersonnelle typique en français
mais qui est impossible de traduire par la même construction en finnois :
Exemple 3 : (Annexe I, page 33, lignes 7–8 en français, ligne 7 en finnois)
français : il se produit un changement de circonstances
finnois : olosuhteet muuttuvat
Tableau 3 :
texte (français/finnois)
il
se produit/muuttuvat
un changement de
circonstances/olosuhteet
français
sujet
verbe (unipersonnel)
séquence de
l'unipersonnel
finnois
verbe
sujet
Notre troisième exemple représente un changement typique dans les constructions
exprimant la possession :
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Exemple 4 : (Annexe I, page 32, lignes 25–27 en français, lignes 25–26 en
finnois)
français : les États membres ont des intérêts communs importants
[syntagme nominal/sujet]+[verbe/actif, IND, présent,
pl.3.]+[syntagme nominal/COD]
finnois : jäsenvaltioilla on merkittäviä yhteisiä etuja
[syntagme nominal/complément circonstanciel]+[verbe/actif, IND,
présent, s.3.]+[syntagme nominal/sujet]
Tableau 4 :
texte (français/finnois)
les États
membres/jäsenvaltioilla
ont/on
des intérêts communs
importants/merkittäviä
yhteisiä etuja
français
sujet
verbe
COD
finnois
complément
circonstanciel
verbe/copule
sujet
4.2.3 Changement de classe (CCL)
Les classes peuvent être par exemple de divers syntagmes : syntagme nominal,
syntagme verbal etc. Les parties du discours sont également des classes : nom, verbe,
adjectif etc. (Catford (1965 : 78–79)) Dans notre corpus, nous avons trouvé aussi bien
des changements de classe obligatoires que facultatifs. Dans l'exemple 1, il s'agit d'un
changement obligatoire et dans l'exemple 2, le changement a été effectué
volontairement.
Exemple 1 : (Annexe I, page 27, ligne 49 en français, ligne 49 en finnois)
français : plénipotentiaires (syntagme nominal : [nom])
finnois : täysivaltaisiksi edustajikseen (syntagme nominal : [adjectif
qualificatif/épithète d'un nom]+[nom])
Dans l'exemple ci-dessus, le traducteur a du avoir recours à un changement car le nom
utilisé en français est complètement inexistant en finnois. Néanmoins, le même sens a
été transmis parfaitement par un syntagme nominal.
16
Exemple 2 : (Annexe I, page 26, ligne 45 en français, ligne 45 en finnois)
français : DÉSIREUX (adjectif qualificatif)
finnois : HALUAVAT (verbe/actif, IND, présent, pl.3.)
Le changement dans l'exemple 2 est donc facultatif. Il est pourtant important de noter
qu'au fait, le choix de ce changement a été fait déjà sur la ligne 25 dans la version
finnoise quand le traducteur a décidé d'y ajouter un pronom relatif et changer la
construction des phrases dans tout l'avant propos du traité.
4.2.4 Changement intrasystémique (CI)
Parfois la langue source et la langue cible ont un système de langue presque
identique et pourtant, les langues ne s'emploient pas toujours de même façon. Par
exemple, le français et l'anglais ont un système d'articles presque identique mais parfois
il y a aussi des différences entre ces deux langues. Par contre, comme le français et le
finnois ont un système de langue complètement différent, le changement ou omission
des articles français dans la traduction finnoise ne peut pas être considéré comme un
changement intrasystémique mais plutôt un changement de niveau (voir 4.1).
Néanmoins, nous avons trouvé trois types de changement intrasystémique entre le
français et le finnois.
Dans le premier exemple, l'emploi des verbes est presque identique dans les
constructions impersonnelles mais en français le verbe est un participe passé et en
finnois c'est un infinitif. Il s'agit d’expressions figées dont les constructions se diffèrent
très peu dans les deux langues. Ainsi, on peut considérer cette différence comme
changement intrasystémique. Nous en avons trouvé quatre occurrences dont trois étaient
identiques.
Exemple 1 : (Annexe I, page 28, ligne 47 en français, ligne 47 en finnois)
français : y compris
[pronom/complément circonstanciel]+[verbe/participe passé]
finnois : mukaan lukien
[adverbe/complément circonstanciel]+[verbe/infinitif II]
Dans la langue finnoise, il n'y a pas beaucoup de prépositions ou postpositions mais
dans l'exemple 2, nous présentons un cas où le français et le finnois ont un système
17
presque identique. La différence entre les syntagmes est qu'en français il y a une
préposition et en finnois, on est obligé d'utiliser une postposition. Cette différence est
également un changement intrasystémique. Nous en avons trouvé deux occurrences
identiques dans notre corpus.
Exemple 2 : (Annexe I, page 27, ligne 48 en français, ligne 48 en finnois)
français : à cet effet
(syntagme prépositionnel : [préposition]+[syntagme nominal])
finnois : tätä varten
(syntagme prépositionnel : [pronom démonstratif]+[postposition])
Encore un autre type de changement intrasystémique est possible entre le français et le
finnois, notamment celui entre le singulier et le pluriel comme dans les exemples
suivants :
Exemple 3 : (Annexe I, page 27, lignes 13–14 en français, ligne 14 en finnois)
français : marché intérieur (singulier)
finnois : sisämarkkinoiden (pluriel)
Exemple 4 : (Annexe I, page 31, ligne 16 en français, ligne 16 en finnois)
français : les objectifs (pluriel)
finnois : tavoitteena (singulier)
Dans l'exemple 3, il s'agit d'un changement intrasystémique obligatoire car le mot doit
obligatoirement être au pluriel en finnois, le mot *sisämarkkina (singulier) étant
inexistant dans cette langue. Dans l'exemple 4, le traducteur a fait le choix d'utiliser le
singulier au lieu du pluriel qui serait également correcte en finnois. De 19 changements
intrasystémiques trouvés dans notre corpus, 14 occurrences sont des changements entre
le singulier et le pluriel, et seulement un de ces changements, notamment celui de
l'exemple 3, peut être considéré comme obligatoire.
4.3 Omission (OM)
Selon Hellevi Malm, dans les services de traduction de l'UE, il est très courant et
généralement accepté que les constructions compliquées et typiquement françaises sont
omises dans la traduction des traités en finnois. L'étude du traité de Maastricht nous a
18
montré que l'omission est effectivement une des méthodes utilisées, et nous nous
sommes rendu compte du fait que les unités omises peuvent être aussi bien des mots que
des syntagmes entiers. Dans notre corpus, nous avons trouvé 21 occurrences des
omissions : 17 omissions d'un mot et 4 omissions d'un syntagme entier.
Exemple 1 : (Annexe I, page 28, ligne 4 en français)
français : dispositions (un nom omis)
finnois : Exemple 2 : (Annexe I, page 29, lignes 10–11 en français)
français : en matière de (un syntagme prépositionnel omis)
finnois : 4.4 Ajout (AJ)
Parfois il est impossible d'exprimer le même sens en utilisant des mêmes
constructions en finnois qu'en français. Souvent, le changement exigé est une omission
d'une construction utilisée en français, mais il y a des cas où une phrase tout simple doit
être traduite par une construction finnoise plus compliquée et dans ces cas, le traducteur
doit ajouter quelque chose à la traduction. Comme dans le cas des omissions, nous
avons trouvé aussi bien des mots que des syntagmes entiers ajoutés. Dans notre corpus,
il y a 28 occurrences des ajouts : dans 21 cas, l'élément ajouté est un mot; dans 3 cas, un
syntagme; et dans 4 cas, un suffixe.
Exemple 1 : (Annexe I, page 27, ligne 4 en français, ligne 5 en finnois)
français : leurs économies
finnois : kansantalouksiaan (un mot, complément d'un mot composé ajouté)
Exemple 2 : (Annexe I, page 32, lignes 30–31 en finnois)
français : finnois : niiden toteuttamista varten (syntagme nominal ajouté)
Exemple 3 : (Annexe I, page 30, ligne 11 en français, ligne 10 en finnois)
français : sous la présidence
finnois : puheenjohtajana-an (suffixe possessif ajouté)
19
Les cas où par exemple un mot est remplacé par une proposition relative pourraient
également être considérés comme ajouts mais nous les avons classés dans la catégorie
des changements d'unité (mot–proposition).
4.5 Changement typologique (CT)
Dans le corpus, nous avons trouvé deux types de changements typologiques. Dans
l'exemple 1, les mots sont écrits en majuscules en français mais ce style n’est pas
conservé dans la version finnoise. La raison nous reste inconnue parce qu’il nous
semble qu’ici, il ne s’agit pas de différence des conventions textuelles. Par contre, dans
l’exemple 2, les conventions textuelles de chaque langue ont été respectées et les
guillemets ont une forme différente. Curieusement, nous avons remarqué que dans le
cas des guillemets en français, un espace est laissé entre les guillemets et le mot, comme
habituel en cette langue, mais dans le cas des deux-points (exemple 3), l’espace avant
ceux-ci est toujours supprimé même si ce n’est pas conforme aux conventions textuelles
du français. A notre avis, le fait que l’Union est écrit en majuscules en français et unioni
en minuscules en finnois (exemple 2), ne fait pas partie des changements typologiques
mais il s’agit d’une différence entre les conventions sur les noms propres.
Exemple 1 : (Annexe I, page 28, lignes 12–13 en français, ligne 12 en finnois)
français : HAUTES PARTIES CONTRACTANTES
finnois : korkeat sopimuspuolet
Exemple 2 : (Annexe I, page 28, ligne 15 en français, ligne 14 en finnois)
français : « Union »
finnois : "unioni"
Exemple 3 : (Annexe I, page 27, lignes 47–49 en français, lignes 47–49 en
finnois)
français : - - ONT DÉCIDÉ d'instituer une Union européenne et ont désigné à
cet affet comme plénipoténtiaires: - finnois : - - OVAT PÄÄTTÄNEET perustaa Euroopan unionin ja tätä varten
nimenneet täysivaltaisiksi edustajikseen: - 4.6 Changement sémantique (CS)
Un type de changement sémantique que nous avons trouvé se situe purement au
niveau culturel. En France, il est courant de considérer Belgique comme un État qui se
20
divise en deux parties différentes à base de leur langue et leur culture : la Flandre et la
Wallonie. En Finlande, cette division n'est souvent pas faite, et c'est donc uniquement la
version française qui prend en compte ces différentes parties de la Belgique dans le
traité de Maastricht. Nous n'avons trouvé qu'une occurrence de ce type de changement
sémantique dans notre corpus.
Exemple 1 : (Annexe I, page 26, ligne 6 en français, lignes 6–7 en finnois)
français : SA MAJESTÉ LE ROI DES BELGES (pluriel)
finnois : HÄNEN MAJESTEETTINSA BELGIAN KUNINGAS (singulier)
Dans l'exemple suivant, le verbe français est négatif et le verbe finnois affirmatif. De
plus, le verbe français est au passé composé et le verbe finnois au présent. Le premier
changement s'explique naturellement par l'adverbe qui précède le verbe finnois ; celui-ci
exige un verbe affirmatif contrairement au français. L'autre changement est facultatif
car le traducteur aurait également pu conserver le passé composé : Kunnes neuvosto on
tehnyt ratkaisunsa, noudatetaan yhteistä toimintaa.
Exemple 2 : (Annexe I, page 33, lignes 12–13 en français, lignes 11–12 en
finnois)
français : Aussi longtemps que le Conseil n'a pas statué
([adverbe négatif]+[verbe, IND, passé composé, s.3.])
finnois : Kunnes neuvosto tekee ratkaisunsa
([verbe/actif, IND, présent, s.3.]+[nom/COD])
Nous avons trouvé seulement trois occurrences de changement de mode du verbe
(exemple 3) dans notre corpus mais il nous semble important de les noter dans la
catégorie variée des changements sémantiques parce qu'il s'agit d'un changement qui
produit effectivement un changement majeur au niveau sémantique du texte. Ces
changements ont sûrement été effectués exprès mais la raison nous reste inconnue car la
traduction formellement équivalente, notamment le conditionnel, serait parfaitement
correcte, et elle évoquerait le même sens que le conditionnel français dans ces
contextes.
21
Exemple 3 : (Annexe I, page 29, lignes 19–20 en français, lignes 19–20 en
finnois)
français : devraient être révisées
([verbe/actif, COND, présent, pl.3.]+[verbe/infinitif passé])
finnois : on tarkistettava
([verbe/actif, IND, présent, s.3.]+[verbe/participe présent])
Dans le dernier exemple, le changement de verbe change le sens de toute la phrase. La
version française semble plus convaincant que la finnoise, une impression qui est encore
soutenue par le choix des COD : total en français et partiel en finnois.
Exemple 4 : (Annexe I, page 33, ligne 44 en français, ligne 44 en finnois)
français : recherche les solutions appropriées
([verbe/actif, IND, présent, s.3.])
finnois : pyrkii löytämään asianmukaisia ratkaisuja
([verbe/actif, IND, présent, s.3.]+[verbe/infinitif III])
Nous serions tentée de prétendre que dans les exemples 3 et 4, il s'agit d'une erreur dans
la traduction mais comme nous avons choisi de respecter la présomption de Catford,
notamment celle des traductions toujours correctes, et comme notre corpus fait partie de
la législation officielle de l'UE, il n'est guère possible de critiquer la traduction ou la
remettre en cause sur ce point de notre étude.
5 Conclusion
Au début de notre dissertation, nous avons présenté deux points de vue sur la
traduction pour l’UE : traduction avec une précision d’un paragraphe et d’une ligne. Un
simple coup d'œil sur les versions imprimées du traité de Maastricht [pas celles à la fin
de la dissertation mais celles imprimées dans le Journal officiel] nous a permis de
constater que les mots équivalents en français et en finnois ne sont pas du tout toujours
sur les mêmes lignes, et cela peut arriver que dans ces deux versions il n’y a même pas
de mêmes mots, ou un mot peut être omis ou ajouté en finnois. Néanmoins, les
paragraphes commencent toujours de la même ligne dans la version originale et dans la
version traduite, et les pages contiennent toujours exactement les mêmes paragraphes,
ainsi que visuellement les deux versions se ressemblent presque parfaitement. Il est
assez facile de faire ces remarques donc peut-être qu’Irene Haaranen a voulu dire que
22
dans les réunions, il est possible de référer aux mots en disant par exemple : « le
premier verbe sur la page 2, dans le paragraphe qui commence sur la ligne 5. » Quant à
la ponctuation, tous les points, sauf les virgules, sont à la même place dans la traduction
que dans la version originale. A l’intérieur d’un paragraphe, l’emploi des virgules
respecte notamment les conventions textuelles propres de chaque langue. Ainsi, nous
pouvons constater que le traité de Maastricht est traduit avec une précision d’un
paragraphe, en d’autres mots, un paragraphe est considéré comme une unité de
traduction.
En conclusion des changements, on peut dire que dans le traité de Maastricht, les
traducteurs ont effectué aussi bien des changements obligatoires que facultatifs. Dans la
catégorie des changements de niveau, la plupart des changements sont obligatoires, le
changement le plus courant de ce type étant un changement où une préposition française
est remplacée par un suffixe du système des cas de la langue finnoise. Le traducteur
peut également faire un changement facultatif et choisir entre un COD total et partiel.
Cette opposition est pourtant souvent déterminée par le régime du verbe utilisé et non
pas par la volonté du traducteur. Les changements d'unité sont très fréquents et il nous
semble que le traducteur peut faire le choix de l'utiliser assez librement, selon ce qu'il
estime être naturel dans sa langue maternelle. Par exemple, les participes passés du
français sont systématiquement remplacés par des propositions relatives dans la
traduction car la langue finnoise favorise les verbes personnels. Les changements
d'unité les plus courants sont les changements entre un syntagme et un mot car très
souvent un syntagme français est traduit par un mot composé en finnois. La plupart des
changements de construction sont obligatoires et normalement, ils ne semblent pas
poser de problèmes majeurs dans la traduction même si les constructions françaises
n'ont pas d'équivalentes formelles en finnois, comme dans le cas des constructions
unipersonnelles. Il s'agit de différences fondamentales dans les deux langues et les
traducteurs peuvent librement former une construction textuellement équivalente et
transmettre le sens du texte source en utilisant des moyens de la langue cible. Quant aux
changements de classe, ils sont également très fréquents dans la traduction, et ici encore,
le finnois favorise des verbes aux dépenses des adjectifs français. Il est également
important de noter que les pronoms français sont souvent remplacés par des noms en
finnois. La plupart des changements intrasystémiques sont des changements entre le
23
pluriel et le singulier. Même si le changement est presque toujours facultatif, le choix
entre ces formes est, en principe, reglé par l'emploi le plus habituel dans les deux
langues. Il y a peu d'omissions (21) et ajouts (28) par rapport aux autres changements
dans notre corpus mais à notre avis, le fait qu'il y en a prouve que le traducteur peut – et
il doit – faire des choix librement dans la traduction. L'objectif est de transmettre le sens
du texte source, et si cela exige un écart de l'équivalence formelle, même une omission
ou un ajout d'un élément sont considérés acceptables. Il faut noter que dans notre
corpus, les éléments ajoutés ou omis n'excèdent pas la longuer d'un syntagme donc les
libertés sont quand même assez limitées.
Notre objectif principal dans ce travail était de vérifier quelles ont exactement été
les méthodes de traduction utilisées dans la traduction pour l’UE à l’époque de la
traduction du traité de Maastricht. L’objectif secondaire était d’offrir des conseils aux
traducteurs et aux étudiants qui s’intéressent à la traduction de ce type de textes. Nous
devons pourtant constater que les résultats obtenus par notre étude sont assez
superficiels. Nous étions nettement surprise par le grand nombre des occurrences des
changements et par le fait que cette masse des occurrences a été impossible d’étudier en
détail dans le cadre de cette dissertation. Comme nous avons mentionné au début du
chapitre 4, parmi les occurrences, il y avait aussi bien des changements obligatoires que
facultatifs. Dans le cadre de ce travail, nous n’avons pas eu la possibilité d’étudier
chaque changement minutieusement, et ainsi de diviser les changements en deux
catégories : obligatoires et facultatifs. C’est pourtant un aspect que nous proposons pour
compléter les résultats de ce travail. Après la division, il nous serait utile de nous
concentrer uniquement sur les changements facultatifs car ce sont, au fait, uniquement
ces changements qui nous permettraient d’observer quelles libertés ont été laissées aux
traducteurs dans le procédé de traduction. Nous constatons que les résultats obtenus par
ce travail doivent être considérés comme des exemples qui donnent une idée générale de
la traduction pour l'UE, certes, ils ne nous permettent pas de faire des conclusions
définitives.
Enfin, nous évaluons l’utilité de notre travail et des résultats obtenus. Notre choix
du corpus, le traité de Maastricht, a malheureusement réduit la fiabilité et l’applicabilité
de nos résultats tels quels dans le procédé de traduction. Ce traité a été rédigé il y a onze
ans, et selon les estimations de la conseillère linguistique dans le domaine de l'UE, Aino
24
Piehl, la qualité des traductions finnoises a beaucoup amélioré au fil des années. Pour
vérifier quels changements sont acceptés dans la traduction pour l'UE aujourd'hui, et
pour vérifier si nos conseils sont toujours applicables, nous proposons une étude plus
avancée du thème. Selon Hellevi Malm, le traité établissant une Constitution pour
l'Europe sera également rédigé en français et après cela traduit en d'autres langues
officielles de l'UE. Il nous serait utile d'étudier ce traité comme nous avons étudié le
traité de Maastricht dans cette dissertation, et diviser les changements trouvés dans les
deux études en changements obligatoires et changements facultatifs. Ensuite, nous
pourrions encore comparer les changements facultatifs des deux études et voir si les
résultats se diffèrent. Ainsi nous pourrions nous assurer de la situation actuelle dans la
traduction pour l'UE, et être sûr de ne pas donner des informations fallacieuses aux
traducteurs et aux étudiants de traduction.
25
Bibliographie
Études :
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Oxford.
Delatour, Y et al. (1991) Grammaire du Français. Hachette, Paris.
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Haaranen, Irene (2003) « Kääntämisen apuvälineet. » EU ja kääntäminen. Conférence
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Kokko-Zalcman, Anna (1989) On tie... 3e éd. corrigée. [1ère éd. 1972] Suomalaisen
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Malm, Hellevi (2003) Interview sur la traduction pour l'UE par courrier électronique :
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2e éd. corrigée. [1ère éd. 1998] Yliopistopaino, Helsinki.
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http://europa.eu.int/comm/dgs/translation/enlargement/preparing_fr.htm
(consulté le 26/10/2003)
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Aino Piehl: "Neuvoa saa kysyä" » Eurotutkimus 10/1998.
http://www.tekes.fi/eu/fin/julkaisut/eurotutkimus/euro/euro1098/
(consulté le 26/10/2003)
26
Annexe I : Le corpus aligné
27
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Annexe II : Table des occurrences des changements
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