L2 SV EVOLUTION TD / TP 2016-2017 1 Partie1 Sélection Exercice 1 : Ocelles de paons Dans une étude d’avril 2011, les chercheurs Roz Dakin et Robert Montgomerie ont réalisé des expériences sur le nombre d’ocelles (extrémité de la plume de la traîne, en forme d’œil) présents sur la traîne des paons mâles (cf. image de couverture), dans le but de tester le choix des femelles. Le nombre moyen d’ocelles sur une traîne de paon varie entre 140 et 150. Les résultats sont résumés dans le tableau suivant. Succès reproducteur Lot 1 Lot 2 Lot 3 Lot 4 Résultats attendus -+ ++ Résultats réels -+ + Une étude plus poussée a montré qu’il existait un seuil à 138 ocelles entre un succès reproducteur avéré et une baisse du succès reproducteur. Légendes : Lot 1 : paons dont on a ôté 20 ocelles Lot 2 : paons dont on a ôté 10 ocelles Lot 3 : paons témoins Lot 4 : paons auxquels on a ajouté 20 ocelles + : succès reproducteur avéré ++ : succès reproducteur amélioré - : baisse du succès reproducteur - - : forte baisse du succès reproducteur Questions Q 1 : Expliquer les résultats attendus à la lumière de vos connaissances. Q 2 : Expliquer la différence entre résultats attendus et réels ; qu’est-ce que cela signifie ? Exercice 2 : Pinsons des Galapagos Le document ci-dessous présente la phylogénie des pinsons des Galapagos. On s'intéresse aux travaux d'Abzhanov et al. (2006) sur les pinsons des Galapagos et l'expression de deux gènes pendant le développement, en rapport avec la taille du bec. La Calmoduline (CaM) est une protéine se liant au calcium et pouvant ensuite interférer sur l'expression d'autres protéines. Le facteur BMP4 a lui aussi une importance lors du développement. Des mesures ont été réalisées chez des embryons de pinsons, et des expressions variables du gène CaM ont été réalisées chez des embryons de poulet. Les résultats sont présentés ci-dessous. Doc 1 : a, b : photos des embryons de poulet manipulés ; c,d : coupe histologique du bec avec utilisation d'un marqueur de la calmoduline (qui apparaît plus sombre que les tissus). L'embryon a correspond à la coupe c et l'embryon b à la coupe d. 2 Doc 2 : variabilité intraspécifique et expression de BMP4 : L'arbre ci-après correspond à la phylogénie du genre Geospiza et à l'expression naturelle de la calmoduline chez les embryons de ces espèces. Q1 : Analyser les documents 1 et 3 et conclure. Q2 : Docs 2 et 4 : A quel paramètre du bec (longueur, épaisseur ou largeur) l'expression de BMP4 est-elle liée ? 3 Doc 3 : Phylogénie du genre Geospiza et expression de CaM chez les différentes espèces du genre ← becs embryonnaires Doc 4 : phylogénie du genre Geospiza et expression naturelle du facteur BMP4 chez les embryons de ces espèces. 4 Q3 : Recopier le schéma-tableau ci-dessous (sans les figures bien sûr) et le compléter en y notant les taux d'expression (faible, moyen, fort) respectifs des gènes CaM et BMP4, et en y ajoutant la conséquence sur le bec (+ épais, - épais, court, moyen, long etc...) Exercice 3: Réflexions sur le sex-ratio Pourquoi un signal sexuel supposé indiquer la qualité génétique d'un mâle représente-t-il un coût ? Comment la préférence des femelles pour les mâles « extrêmes » se maintient-elle ? Pourquoi n'est-elle pas éliminée par la sélection ? Considérer une population de 10 individus à effectif stable d’une génération à l’autre. A la 1ère génération on compte 9 femelles et un mâle. Représenter par un schéma la répartition des gènes nucléaires parentaux à la 2ème génération (G2), puis calculer le nombre moyen de descendants engendrés en G2 par chaque individu de G1. En déduire quel sexe est génétiquement avantagé. Quelle en sera la conséquence, génération après génération ? Si un même mâle peut féconder plusieurs femelles, pourquoi les parents ne produisent-ils pas plus de filles que de fils ? 5 Partie2 Phylogénie Mur osseux entourant l’oreille moyenne Allongement du crâne Habitat marin Narines repoussées en arrière du museau Epaississement de la queue Nageoires caudales Echolocation Fanons Perte des membres postérieurs 1 1 1 1 1 1 0 1 1 1 1 1 1 1 1 0 0 0 1 1 0 0 0 0 0 0 0 1 1 1 1 1 0 0 0 0 1 1 1 0 1 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Dauphin souffleur Hippopotame Ambulocetus Indohyus Kutchicetus Rhodocetus Pakicetus Baleine à bosse Dorudon Exercice 4 : Evolution des Baleines On s’intéresse à l’évolution de la lignée des Cétacés (baleines et dauphins). Soit la matrice taxons/caractères suivante, dans laquelle les genres fossiles sont en italique. L’aspect de ceux-ci est représenté ci-après. 1 1 1 1 1 1 1 0 1 1) Comment peut-on savoir que les fossiles représentés vivaient ou non en habitat marin ? 2) L’hippopotame n’est pas un Cétacé. Que permet son inclusion dans la matrice et dans l’arbre ? 3) Reconstituer l’arbre phylogénétique correspondant à la matrice. Y placer les caractères propres aux différents groupes formés. 6 7 Partie3 Exercices et problèmes récapitulatifs Exercice 1 : QROC a. Expliciter les arguments de la théorie Darwinienne de l’évolution puis énoncer les apports de la théorie neutraliste et de la théorie du gène égoïste. b. Qu’est-ce qu’un isolement reproductif prézygotique ? donner un exemple. Exercice 2 : Relations hôte-pathogène Les Wolbachia sont des bactéries endocellulaires transmises maternellement (cytoplasme des ovocytes) et provoquant chez Drosophila simulans le phénomène d'incompatibilité cytoplasmique (IC) : Ceci se traduit par une forte mortalité embryonnaire lors d'un croisement entre mâle infecté et femelle non infectée. Le tableau ci-dessous résume le phénomène (s : sain, w : infecté par Wolbachia) Fécondité du croisement (%) ♂s ♂w ♀s 100 0 ♀w 80 80 Q1 Expliquer la différence de résultat entre ♂s x ♀w et ♂w x ♀s. Quel en est l’intérêt pour Wolbachia ? Entre 1985 et 1995 l’infection se répand en Californie. Une étude réalisée en 2002 montre que jusqu’à 95% des individus sont infectés. Des mesures de la fécondité des drosophiles sont alors réalisées sur les populations californiennes. Le résultat est présenté ci-dessous. Q2 Analyser ces résultats et conclure. Q3 Qui, de l’hôte ou du pathogène, est le plus susceptible d’être le responsable de ce résultat ? Justifier votre hypohèse. 8 Exercice 3 : Pollinisation des Stapéliées par les mouches Des plantes succulentes africaines de la tribu des Stapéliées, de la famille des Apocynacées, qui vivent dans des milieux arides, attirent mouches et moucherons pour que ceux-ci assurent leur pollinisation, comme beaucoup d'autres plantes à fleurs assurent leur pollinisation par le biais des hyménoptères (abeilles, bourdons, etc). Ici les mouches sont généralement attirées par des odeurs de putréfaction émises par les fleurs de stapéliées, et sans doute parfois aussi par la couleur et les motifs floraux, qui miment celles des charognes en décomposition dans lesquelles les mouchent pondent normalement leurs oeufs. Quand le diptère s'approche du centre de la fleur, il tente d'atteindre le nectar ou de placer ses ovipositeurs sur la fleur de manière à y pondre ses œufs. Pour ce faire l'insecte se retrouve coincé dans la structure centrale de la fleur et, dans son processus de libération, il se débat et tire l'ensemble des pollinies, qui se fixent sur son corps. Les insectes les transportent d'une fleur à l'autre et assurent ainsi la pollinisation. Fleur de Stapelia pulvinata sur laquelle deux mouches sont en train de pondre. L’abdomen des mouches qui déposent leurs œufs est tourné et incliné vers le centre de la fleur, qui constitue la partie la plus odorante. Il y a une différence importante entre le système de pollinisation par les mouches sur les stapéliées et celui, par exemple, par des abeilles sur d'autres plantes à fleurs : alors que les abeilles trouvent presque toujours de la nourriture sous forme de nectar dans le calice de la fleur, le nectar parfois trouvé par les mouches chez les stapéliées a souvent plus une fonction d'appât pour le piège floral que de réelle nourriture. Parfois, les mouches sont totalement leurrées par l'odeur et « croient » être sur une charogne : elles pondent leurs œufs dans la fleur. Ces œufs sont perdus et, même si des asticots naissent, les larves n'auront aucune source de nourriture et mourront. Les mouches en revanche peuvent se reproduire plusieurs fois en une saison. 1) Si l’on inscrit ce mécanisme de pollinisation dans la théorie des jeux, où mouche et stapéliée sont les 2 joueurs, quel est le coût de la pollinisation pour la Stapéliée ? pour la mouche ? Quels en sont les bénéfices retirés et par qui ? 9 2) Réaliser la matrice du jeu dans les conditions suivantes : - La Stapéliée émet des odeurs de putréfaction ou non - La mouche perçoit les odeurs de putréfaction ou non. Dans chacune des cases centrales de la matrice vous inscrirez les conséquences précises sur la fitness de chacun des 2 joueurs, dans chacune des 4 situations possibles. 3) Quelle est la stratégie la plus stable parmi les 4 et pourquoi ? 4) Quels sont les points communs et les différences entre ce jeu et le « dilemme du prisonnier » ? Exercice 4 : Les cancers infectieux, nouveaux parasites Il y a dans le monde 2 cancers contagieux, transmissibles d’un individu à l’autre : le cancer facial du diable de Tasmanie et le cancer vénérien du chien. Le diable de Tasmanie, ou sarcophile (Sarcophilus harrisii), est un marsupial carnivore vivant sur l’ile de Tasmanie, au sud de l’Australie. En 1996, un premier diable a été découvert à l’extrémité nord-est de l’île atteint d’un cancer de la gueule. Depuis cette date les observations de diables atteints de ce cancer se sont multipliées. Les animaux présentent des tumeurs volumineuses qui atteignent n’importe quelle partie de la tête, en général proches de la gueule ou même à l’intérieur. Ces tumeurs ulcéreuses handicapent les animaux, qui finissent par ne plus pouvoir se nourrir et meurent en moyenne dans les 6 mois . Des captures de diables effectuées sur 6 sites ont montré que le cancer se maintient à un haut niveau de prévalence dans la population : plus de 50% des animaux de 2–3-ans étaient contaminés. Aujourd’hui des zones entières de l’île ont été vidées de leurs diables par ce cancer, et au total 95% de la population de diables de l’île a disparue : l’espèce est actuellement au bord de l’extinction. Les animaux se transmettent leurs cellules tumorales par simple contact, ou en mordant un congénère au niveau de la tête, un comportement assez fréquent dans l’espèce : les animaux, habituellement solitaires, se battent fréquemment lors des rencontres ou se mordillent lors des accouplements. Ces cellules tumorales détachées de la tumeur d’un premier animal vont alors s’implanter au niveau d’une blessure et coloniser la gueule du nouvel animal pour former un nouveau cancer. Les analyses génétiques qui ont été conduites sur les cellules cancéreuses ont montré qu’elles sont issues d’un unique individu. Ces cellules cancéreuses présentent une perte de certains chromosomes et segments chromosomiques. En 2010 il a été montré qu’il s’agit de cellules de Schwann mutées. Il y a longtemps, la population de diables aurait été fortement réduite et se serait ensuite reconstituée à partir d’un faible nombre d’individus ayant des patrimoines génétiques presque identiques : de ce fait les individus de la population actuelle sont plus ou moins parents et présentent une très faible diversité génétique. Du coup le système immunitaire des individus fait très mal la différence, voire pas du tout, entre ses propres cellules et celles d’un autre individu : la réponse immunitaire contre ce cancer est très faible. Des diables du Nord-Ouest de la Tasmanie sont génétiquement différents des autres populations et résistent un peu mieux au cancer. Il a été remarqué récemment que le cancer a induit une sexualité des diables plus précoce dans les années qui ont suivi son apparition. Auparavant les femelles commençaient à procréer vers l’âge de 2 ans et avaient environ 3 portées au cours de leur existence. Mais le cancer a souvent réduit le nombre de portée à une seule. Les femelles qui atteignent vite leur maturité sexuelle ont la possibilité de faire une portée avant l’hiver, soit 1 an plus tôt que les autres femelles. Cette sexualité précoce favorise la possibilité d’avoir au moins une, et parfois 2 portées, avant de succomber du cancer. 10 Le cancer infectieux du chien obéit à un autre scénario que celui du diable. Au départ les tumeurs canines, situées sur les organes génitaux des deux sexes, secrètent des composés inhibiteurs du système immunitaire et modulent leur propre synthèse des composés de reconnaissance immunitaire pour bloquer leur destruction par le système immunitaire de l’hôte. Mais tôt ou tard celui-ci finit par les reconnaître comme étrangères et les détruire, ceci dans les 3 à 9 mois après l’infection : généralement le cancer vénérien du chien n’est pas mortel. Mais avant d’être détruites les cellules cancéreuses se seront propagées à un autre animal lors d’un accouplement. Dans un cancer « classique » en revanche, l’évolution cellulaire tumorale se fait toujours dans le sens d’une plus grande agressivité : au fur et à mesure que l’hôte lutte contre la tumeur celle-ci évolue également pour contrer les attaques dont elle est l’objet et renforcer sa virulence. La course engagée entre les 2 acteurs conduit inévitablement à la mort de la lignée cancéreuse, souvent du fait de la mort de son hôte. Ce cancer vénérien a diffusé sur l’ensemble de la planète et contamine des chiens de tous les continents, mais aussi des loups, chacals, renards ou coyotes. On estime son apparition il y a 10 000 ans environ. Un échantillonnage de cellules cancéreuses de 40 chiens sur les 5 continents a montré que la lignée cellulaire cancéreuse avait divergé assez tôt en 2 sous-clades, chacun largement répandus. Depuis que cette lignée de cellules a quitté son propriétaire initial, elle saute d’hôte en hôte dans la population comme une allogreffe. Il a été mis en évidence que le cancer du chien manipule son hôte : la tumeur déclenche la production de molécules qui augmentent la réceptivité sexuelle des femelles, ce qui augmente les accouplements et la transmission du cancer aux mâles. Q1 Expliquer la différence possible de comportement des 2 types de cancer sur l'organisme à l'aide de vos connaissances. Q2 Expliquer pourquoi ces cancers peuvent être considérés comme des organismes parasites à part entière et non comme de simples maladies. Q3 Expliquer quelles sont précisément les pressions de sélection subies par les deux acteurs « diable » et « cancer facial », et indiquer dans quelles directions possibles cela peut pousser les populations de ces deux organismes. Q4 Dans la théorie des jeux, il existe le jeu de la poule mouillée : deux adversaires sont engagés dans un conflit à l’issue duquel ils sont tous les deux condamnés si l’un d’eux ne cède pas à l’autre avant l’issue finale. Mais celui qui cède est le lâche, « la poule mouillée ». Expliquer en quoi le couple « diable-cancer facial » suit ce jeu de la poule mouillée à l'aide d'une matrice gain/perte. Quelle est la stratégie stable ? Q5 Dans quelle(s) direction(s) pourrait évoluer ce couple dans un avenir proche au regard des données recueillies ? Q6 A quel jeu correspond plutôt le couple chien – cancer infectieux ? 11