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Vous trouvez le contenu de cette chronique utile? Faites un don à www.richardbeliveau.org pour supporter nos recherches. JM LUNDi
LE JOURNAL DE MONTRÉAL
LUNDI 10 OCTOBRE 2016
Les travaux du docteur en biologie Yoshinori Ohsumi
sur l’autophagie ont été récompensés d’un prix Nobel
de médecine la semaine dernière. photo afp
Yoshinori Ohsumi
Un prix Nobel sur la mort et la vie
Le prix Nobel de médecine 2016 a été décerné la semaine dernière
au docteur en biologie Yoshinori ohsumi pour ses découvertes
sur l’autophagie, une forme de mort cellulaire qui joue un rôle
fondamental dans le maintien d’une bonne santé. Une bonne
occasion de rappeler que la compréhension de la mort permet
bien souvent de mieux apprécier la vie et de comprendre
pleinement l’incroyable complexité du corps humain.
Docteur en biochimie
Collaboration spéciale
Richard
Béliveau
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plus total, environ 10 milliards de
nos cellules devenues inefficaces
meurent, la plupart d’entre elles
étant fort heureusement aussitôt
remplacées par de nouvelles cellules
performantes. Ce taux de mort et de
renaissance varie considérablement
selon le type de cellules; une cellule
qui tapisse la paroi de l’intestin, par
exemple, ne vit que cinq jours, une
durée qui peut atteindre un mois
pour une cellule de la peau et quatre
mois pour un globule rouge du sang.
Avec le temps, par contre, ce potentiel de renouvellement s’amenuise et mène à une détérioration
graduelle des fonctions physiologiques et, ultimement, à la mort de
l’organisme. En somme, si nous
mourons un jour, c’est parce que
nous mourons un peu chaque jour.
Morts à La carte
Trois principaux mécanismes
sont responsables de ces morts
cellulaires:
La nécrose: Il s’agit d’une forme
de mort violente qui survient chez
les cellules qui ont subi des dommages physiques ou biochimiques.
Une infection, une blessure ou un
manque d’approvisionnement en
sang (comme lors d’un infarctus,
par exemple) peuvent tous causer
la mort cellulaire par nécrose.
L’apoptose: Elle designe plutôt
une mort programmée, c’est-à-dire
qui fait appel à une série d’événements bien précis qui permettent
d’éliminer proprement la cellule.
Ce processus est absolument
essentiel pour éliminer les cellules
devenues non fonctionnelles ou qui
présentent des anomalies potentiellement dangereuses (mutations
dans l’ADN).
L’autophagie: Comme son nom
l’indique, l’autophagie (du grec
auto, soi-même, et phagie, manger)
désigne le processus par lequel les
cellules digèrent leurs propres
composantes. Observée pour la
première fois dans les années 1960
par le célèbre savant belge Christian de Duve, l’autophagie peut
donc être considérée comme une
forme de cannibalisme cellulaire
qui permet aux cellules de se débarrasser de protéines ou de structures abîmées et qui sont devenues
non fonctionnelles.
Grâce aux travaux du savant
japonais Yoshinori Ohsumi, lauréat du prix Nobel de médecine
2016, on sait aujourd’hui que
l’autophagie joue un rôle absolument essentiel dans le maintien
des fonctions physiologiques
normales et que des perturbations dans les mécanismes qui
MoUrir… pas coMpLèteMeNt !
gouvernent ce processus
Pendant longtemps, l’autophaparticipent au développement de
gie a été considérée comme un
plusieurs pathologies. Une autophénomène relativement rare,
phagie insuffisante est associée
surtout observé en réponse à une à un excédent de déchets cellucarence en nourriture (en dégra- laires qui peuvent favoriser cerdant ses constituants, la cellule
taines maladies neurodégénéraachète du temps en utilisant
tives comme la maladie de Parl’énergie générée pour survivre à kinson.
la famine). Lorsque le stress perÀ l’inverse, l’autophagie peut
dure, la cellule atteint un point de s’avérer problématique dans
non-retour et meurt; par contre,
certaines conditions. Par exemil arrive fréquemment que l’auto- ple, les cellules cancéreuses peuphagie ne provoque pas la mort,
vent survivre en se mangeant
mais permet plutôt à la cellule de elles-mêmes jusqu’à atteindre un
faire son nettoyage et d’améliorer stade dormant; lorsque les condison fonctionnement en se débartions environnantes s’améliorent
rassant de résidus encombrants
(nouveaux vaisseaux sanguins,
qui interfèrent avec sa survie.
formation de métastases), elles
Autrement dit, au lieu de mener à peuvent alors reprendre rapidela mort, l’autophagie devient
ment leur croissance et s’avérer
alors une cure de jeunesse qui
encore plus dangereuses. On dit
améliore la performance de la
souvent que la vie ne tient qu’à
cellule. Comme le disait le philoun fil et l’autophagie représente
sophe allemand Friedrich Nietzsans doute un des meilleurs
sche: tout ce qui ne tue pas rend
exemples de ce délicat équilibre
plus fort.
entre la vie et la mort.
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