Histoire (succinte) de la prévention des infections associées aux soins, de la promotion de la qualité et de la gestion des risques Jacques Fabry Université de Lyon Pendant des millénaires… … les soins de santé n’ont pas été explicitement associés à des effets négatifs particuliers, sauf sur trois points: – Le risque des complications locales lors des traitements chirurgicaux. – Le risque de voir se diffuser des « pestes » dans les lieux de « soins ». – Le risque lié aux prescriptions de « médicaments », surtout pensé sur le registre de l’empoisonnement. 1 2 3 4 5 6 7 “ Avant la période antiseptique 16 décès sur 35 cas, soit 1 décès pour 2 cas et demi ; durant la période antiseptique 6 décès pour 40 cas soit 1 décès pour 6 cas et demi ” Joseph Lister. 8 Florence Nightingale 9 Années de commercialisation Apparition des premières résistances Sulfamides 1936 1940 Pénicilline G 1943 1946 Streptomycine 1943 1959 Chloramphénicol 1947 1959 Tétracycline 1948 1953 Erythromycine 1952 1988 Ampicilline 1961 1973 Ciprofloxacine 1987 2006 Antibiotiques Les épidémiologistes s’en mêlent… A partir des années 70. Influence du CDC: SENIC, NNIS Pas de risque zéro (déni) Diversité des modèles épidémiologiques des risques infectieux. • Confirmation du caractère globalement multifactoriel des IN: caractéristiques des patients, densité et qualité des soins, variété des microorganismes… • • • • 10 Facteurs de risque liés au patient et à sa condition pathologique Abus d’antibiotiques Dynamique microbiol Qualité des soins. Mise en œuvre des méthodes validées requises Pertinence et densité des soins. Bonne utilisation des technologies médicales Vigilance Culture de sécurité Formation Organisation, gestion, ledadership et supervision,produits, architecture, etc... Complexité des IAS La sécurité des patients devient un enjeu majeur de politique public de santé et de la gestion des établissements de santé. 15 13 16 Sécurité sanitaire • 1952: Affaire de la poudre Baumol: 73 morts et 290 handicapés (contrôle de fabrication). • 1954: Drame du Stalinon: 98 morts de nombreux handicapés (renforcement des contrôles). • 1960: Epidémie de phocomélie liée à la Thalidomide: lois sur les essais précliniques). • Révélée en 1971: Affaire du distilbène: pharmacovigilance et veille sanitaire. • 1973: Drame du talc Morhange: contrôle des produits cosmétiques. • 1976-2009: Prescription abusive d’Isoméride (Médiator): 200 décès environ. • < 1980: Prescription d’Hormone de croissance contaminée: environ 120 décès MCJ. 17 Sécurité sanitaire • Mai 1985: la presse se fait l’écho de négligences ou de fautes ayant conduit à la diffusion large de produits sanguins contaminés par le VIH. • 1985-2000: Les vaches sont folles! A ce jour 204 victimes humaines de la MCJ. • 1988-93: Contamination M. xenopi par des endoscopes mal stérilisés: 58 spondylodiscites. • 2002: Depuis la Chine et via le Canada, 8 273 cas de SARS dont 775 décès. • 2007+: Par vagues successives, arrivent les ERG, EPC et autres bactéries hautement résistantes... • 2012: Prothèses PIP défectueuses: 30 000 femmes. 18 Cette perception de la permanence des risques, de leur écho dans la société et de leur complexité a conduit à envisager: – de nouveaux engagements politiques: plans, régulations, dispositions divers, financement… – de nouvelles approches du problème: • à côté des acquis de l’hygiène et de l’épidémiologie des risques infectieux, • les approches de la qualité issues du monde de la production industrielle, • la gestion des risques issue initialement du monde de la finance, puis des industries à haut risque. • • • • • • • • • • • • 1988: Décret relatif à l'organisation: les CLIN et leur rôle 1991: Circulaire: ratios de personnels spécialisés 1992: Publication des 100 Recommandations 1995-2000: Premier Plan Gouvernemental IN 1998: Décision de coordination européenne (IN et RAB) 1999: Première accréditation hospitalière 1999: Nouveau décret relatif à la lutte contre les IN 2001: Décret sur le signalement. Création du RAISIN 2004: Alliance OMS sur la sécurité des patients 2005-2008: Deuxième programme national IN 2009-2013: Stratégie nat. + 3ème Programme (PROPIN) de Coordination de la Lutte 2012: Circulaire surcontre laCentre lutte contre les EIAS les Infections Nosocomiales Sud-Est 11 Taylor Frederick W. Taylor (1856-1915), ingénieur, propose une organisation scientifique du travail pour le bénéfice de l’employeur et des employés. • Division des tâches, gain de temps, recherche du rythme idéal, conditions de travail, supports logistiques, technostructure d’encadrement (management fonctionnel centré production). Evaluation = Inspection = Sanction • 21 Hawthorne 12 Usine de la Western Electric Co, filiale de Bell Telephon (maintenant ATT), 46 000 employés produisant 106 téléphones / an (1905-1983) • Création d’un Département Qualité pour optimiser la production et la réponse à la demande des clients. • Walter Shewhart (1891-1968), W. Edwards Deming (1900-1993), Joseph Juran (1904-1980), Armand Feigenbaum (1920-), Philip Crosby (1923-2001), Koaru Ishikawa (1915-1989)… ont travaillé dans ce département. • 22 Hawthorne: ce qu’ils ont trouvé… • Résultats faibles des contrôles ou inspections. • Méthodes d’analyse quantitative des variations de la qualité des produits avec une statistique appropriée. • Méthodes d’analyse qualitative des situations (a priori ou a posteriori): les 5 M (machine, main d’œuvre, matières, méthodes, milieu). • Le caractère « systémique » des défaillances: 94% liées au système, 6% avec une cause «spéciale». • Plus: assurance-qualité, « zéro défaut », « cercles de qualité », audits qualité, diagramme cause-effet, benchmarking, etc. 23 14 Gestion des risques • USA, après 1945: développement du « Risk management » en milieu financier, en lien étroit avec la gestion du risque assurantiel et même comme alternative possible à l’assurance. Intérêt pour les processus de sécurité et développement dans les industries à haut risque: aviation, nucléaire… Evolution comparable dans les hôpitaux US (>70’). Création de l’ ASHRM. • Evolution vers l’analyse et l’action : Gestion des plaintes et EI, Projet d’ACQ, Audits, indicateurs et autres outils d’évaluation… Décret, circulaire, Guide HAS, etc. 15 Erreurs latentes Erreurs patentes Défenses en profondeur Les dimensions de la sécurité (d’après REASON) • 20 siècles d’observation et de prise de conscience de la réalité des risques associés aux soins. • Un siècle de vrais progrès des connaissances fondamentales avec des améliorations limitées. • 1970+: Une évaluation plus objective du problème avec des données épidémiologiques et microbiologiques, puis l’apprentissage des méthodes de la qualité et de la gestion des risques. • Une génération de mise en place de stratégies organisées: plans, référentiels, audits, surveillance, accréditation, formation, tableau de bord et indicateurs, processus qualité… avec le soutien des associations de patients. Dans la course à la qualité, il n'y a pas de ligne d'arrivée (David Kearns) 27