Portunus : un simulateur mécatronique (seconde partie) Michel OURY [1] L’un des intérêts de Portunus est de permettre la mise au point de travaux pratiques de simulation traitant en totalité la chaîne d’énergie du point de vue de l’électricien, c’est-à-dire incluant à la fois la machine tournante, sa charge et sa commande électronique. Les signaux de mise à l’état ouvert ou fermé des interrupteurs pourront être simplement générés par les machines d’état inclues dans une boucle de traitement synchronisée sur une horloge. Nous vous proposons dans ce second volet d’étudier la mise au point d’un travail pratique de simulation de la mise en rotation à vitesse variable d’une machine d’induction grâce à un onduleur à transistors. Le problème On souhaite commander une machine asynchrone triphasée 1 à partir d’une source de tension constante de 500 V. On utilise à cette fin un onduleur triphasé de telle façon que les tensions composées entre phases de la machine, U12, U23 et U31, aient l’allure de celles de l’écran 2 . L’onduleur est constitué de trois bras de transistors et des diodes de protection contre les surtensions 3 . On souhaite définir la stratégie de commande des transistors de l’onduleur de façon à pouvoir faire varier la vitesse de la machine asynchrone entre 0 et sa vitesse nominale de 1 500 tr/min avec plusieurs configurations de couple, et de telle façon que les tensions composées soient toujours du type de celles de l’écran 2 . La machine sera choisie en fonction des couples de charge et du moment d’inertie ramené sur l’arbre. mots-clés contrôle et métrologie, électronique, logique, postbac La modélisation de la machine La machine asynchrone, dans Portunus, est définie par un modèle équivalent par phase, tel que celui du tableau 4 . Les équations caractéristiques qui en découlent sont donc celles données en 5 . Portunus est en anglais, mais il est très facile d’identifier les résistances statoriques et rotoriques par phase, les inductances de fuite (stray signifie littéralement « parasite ») de flux au stator et au rotor, ainsi que le couple sur l’arbre (shaft torque). L’inductance principale (main inductance) est souvent nommée inductance de magnétisation, et l’on constate que cette machine est quasi parfaite (hormis ses pertes Joule au stator et au rotor), puisqu’elle n’a pas de pertes fer. Seuls les « paramètres » sont accessibles à l’utilisateur, et on peut disposer, en sortie, de la vitesse de rotation et du couple utile sur ­l’arbre. Du point de vue mécanique, il n’y 1 Le câblage de la machine triphasée 3 L’onduleur est constitué de trois bras à transistors bipolaires 48 technologie 150 Mai -juin 20 07 2 Les tensions composées aux bornes de la machine a pas de frottements, et l’on peut définir le moment d’inertie J de la machine. Il est également possible de définir des valeurs initiales pour les courants statoriques et rotoriques (dans deux phases seulement bien évidemment, puisque le courant dans la troisième s’en déduira par calcul), la vitesse de rotation initiale et la position angulaire de l’arbre (ce qui est intéressant dans le cas d’une étude de positionnement, par exemple). Lorsque l’on place le schéma de la machine sur la feuille, on peut désigner les points visibles, soit les entrées des trois phases (nommées A, B, C dans Portunus) et l’arbre. Cette particularité de Portunus est très intéressante, puisque l’on dispose également du modèle d’une source de couple, que l’on pourra utiliser pour charger la machine dans une seconde partie du TP. 4 Les grandeurs caractéristiques de la machine asynchrone 6 Les paramètres accessibles On voit donc bien toute la richesse d’exploitation de ce logiciel qui associe sur un seul et même schéma, et de façon très simple, l’électronique de puissance et les machines électriques avec leurs charges. Dans un premier temps, notre machine sera configurée selon les paramètres de l’écran 6 , et tournera à vide de charge. Sa seule contrainte mécanique sera donc son moment d’inertie J de 0,1 kg . m2. La modélisation des semi-conducteurs Les transistors seront modélisés à l’aide de caractéristiques linéarisées, avec une tension de saturation à l’état ON de 0,2 V. Leur résistance à l’état ON (état passant) sera de 0,001 W et à l’état OFF (état bloqué des diodes) de 100 kW. Les diodes de protection seront modélisées avec une caractéristique de même type et présenteront à l’état passant une chute de tension de 0,7 V. Pour obtenir ce résultat, il suffit de placer sur la feuille de schéma une caractéristique de type « Equivalent Line », que l’on nommera seuil, comme sur l’écran 7 . Une caractéristique de même type permettra de définir les résistances et la tension Vcesat 5 Les équations définissant le modèle de fonctionnement d’une machine asynchrone Mai -juin 20 07 [1] Professeur agrégé de génie électrique au lycée Jean-Perrin de Saint-Ouen-l’Aumône (95). Courriel : [email protected] technologie 150 49 des transistors. On place ensuite une diode, puis un transistor, et on affecte à chacun son modèle, seuil ou transistor, comme sur l’écran 8 . Pour le moment, on n’aborde pas encore les états initiaux des transistors TR1, TR2, etc. La résistance à l’état bloqué de ces interrupteurs peut également être fixée à 500 kW, ou modifiée, comme c’est le cas sur l’écran 8 . Il suffit alors de faire du copiercoller pour dupliquer la diode et le transistor en 6 exemplaires et aboutir au schéma de l’écran 3 . La stratégie de commande Le premier travail que l’on va demander aux étudiants est de déterminer l’état initial dans lequel doivent se trouver les 6 transistors pour qu’à l’instant 0 les tensions composées U12, U23 et U31 soient celles de l’écran 2 . Par exemple, pour que la tension U12 soit à E = 500 V à l’instant 0, il faut que les transistors TR1 et TR5 soient passants. Cela fait, il sera possible d’indiquer ces états passants ou bloqués par les valeurs des informations de Contrôle (CTRL) et de les porter dans les propriétés des composants (clic droit sur un composant, puis Propriétés). Les signaux de contrôle peuvent être : des sorties de générateurs (par exemple, SINE1.OUT), des expressions boolé­ ennes (par exemple, U12.V>100 && U23.V>50) ou des variables définies par l’utilisateur. Ces signaux de contrôle ressemblent donc bougrement aux réceptivités du Grafcet. Il ne reste plus qu’à définir la succession des états passants et bloqués des 6 transistors de l’onduleur, au rythme d’une horloge qui fixera la vitesse de rotation de la machine. Ce travail pourra se faire justement sous forme d’un grafcet, car les règles de fonctionnement de la machine d’état de Portunus sont celles du Grafcet. Seule la représentation des étapes, en cercle et non en carré, diffère de celle du Grafcet. Bien entendu la machine d’état, n’étant pas un grafcet, n’est pas tenue de suivre les normes de celui-ci, 50 technologie 150 7 Les caractéristiques des semi-conducteurs mais la succession étape-transition est respectée : les actions activées dans une étape restent activées tant que l’on ne dévalide pas l’étape, etc. Si l’on choisit un générateur d’horloge à la fréquence F, il va être pos­ sible de rendre passants ou bloqués les différents transistors de l’onduleur, au rythme de l’horloge. Quant au signal rectangulaire, il peut être symétrique ou non en sortie de l’horloge. Nous avons choisi un signal rectangulaire classique, variant entre 0 et + 5 V, et nommé Horloge 9 . Pour obtenir des tensions triphasées aux bornes de la machine de fréquence 50 Hz, on peut soit choisir une horloge de fréquence 300 Hz et définir des réceptivités sur les fronts montants ou descendants, soit choisir une horloge à 150 Hz et retenir pour chaque réceptivité alternativement un front montant et un front descendant. Les réceptivités seront donc tantôt Horloge.OUT=5, tantôt Horloge.OUT=0. Il est également possible de définir une étape initiale, pour laquelle on peut activer certains composants et à partir de laquelle le séquencement débutera. Notre grafcet remis en forme de machine d’état aura donc l’allure de l’écran 10. 8 La caractérisation d’un transistor 9 Le tracé du signal d’horloge 0/5 V, de fréquence F = 150 Hz (multiplié par 10 en amplitude) 10 Le séquencement de la commande de l’onduleur Mai -juin 20 07 À chaque étape, certains transistors sont donc rendus passants et d’autres sont bloqués 11 . À un instant t, pendant la simulation, l’étape active est marquée d’un pion bleu en son centre ; les transistors sont distingués par une flèche d’émetteur rouge s’ils sont passants, bleue s’ils sont bloqués ; une diode est rouge lorsqu’elle est passante, bleue à l’état bloqué. On peut arrêter temporairement la simulation à tout instant pour examiner l’état des semi-conducteurs et de la machine tournante ou de la machine d’état, puis reprendre la séquence. L’écran 12 décrit l’état de l’onduleur au bout de 43 ms : tous les transis- tors sont bloqués sauf TR3 et TR5, et la diode D1 est passante. L’ensemble séquenceur (machine d’état), onduleur et machine tournante étant en état de fonctionnement normal, il est maintenant possible de poser des questions aux élèves sur les valeurs des courants et tensions appliqués à cette machine, ainsi que sur le temps de montée à la vitesse nominale, aussi bien à vide qu’en charge. Aujourd’hui, seuls les transistors bipolaires sont disponibles, mais, avec la version 1.4, actuellement en bêta-test, de nombreux autres ­modèles (Mosfet, IGBT…) seront disponibles. Le fonctionnement à vide En fonctionnement à vide, seul le moment d’inertie total ramené sur l’arbre de la machine J est pris en compte dans le calcul du couple d’une machine parfaitement équilibrée. Une fois passée la phase de démarrage pendant laquelle la machine accélère, on doit donc trouver un couple quasi nul et une vitesse égale à la vitesse de synchronisme. Comment se procurer le logiciel ? Portunus est distribué par : Cedrat 11 La définition des actions associées aux étapes 12 L’état du système au bout de 43 ms 15, chemin de Malacher, Inovallée 38246 Meylan Cedex Tél. : +33 (0)4 76 90 50 45 Fax : +33 (0)4 56 38 08 30 Courriel : [email protected] Site : www.cedrat.com On peut consulter la présentation de Portunus à cette adresse : http://www.cedrat.com/software/ portunus/pdf/Portunus_info_leaflet.pdf On pourra vérifier que, si la fréquence de commande des transistors diminue (par exemple dans un rapport de 3, passant de 150 Hz à 50 Hz dans le séquenceur), la vitesse sur l’arbre est également divisée dans le même rapport 13 14. On observe toutefois que la machine est beaucoup plus instable pendant la phase transitoire d’accélération au démarrage, sous sa pleine tension nominale. D’autres commandes du séquenceur peuvent donc être imaginées. Il est en effet possible de charger des fichiers de fonctions x(t) dans 13 À vide, la machine tourne à 1 500 tr/min avec un couple nul sur l’arbre 14 Si la fréquence du séquenceur est divisée par trois, celle de la machine également Mai -juin 20 07 technologie 150 51 une table à deux dimensions, t et x(t), et de se servir de cette table comme générateur de fonction. Le fonctionnement en charge Pour charger la machine, il suffit de monter sur l’arbre un couple résistant, c’est-à-dire une source de couple dont on définit la valeur (positive) grâce à la fenêtre des propriétés 15 16. On peut également programmer ce couple pour qu’il varie en fonction du temps en associant une variable à chaque paramètre d’un modèle : il suffit de créer une fonction temporelle et d’associer sa sortie (OUT) au paramètre de la source de couple 17 18. En intercalant un multimètre triphasé entre la sortie de l’onduleur et la machine, on accède à toutes les valeurs des tensions et des courants ligne. Ainsi, grâce aux blocs fonctionnels, on pourra calculer graphiquement toutes les équations mathématiques 15 La charge résistante sur l’arbre 16 La définition du couple 20 Les contrôles utilisateur 19 La construction d’un schéma-bloc de calcul 17 La construction de la table de variation du couple en fonction du temps 18 L’association de la table de variation du couple à la charge en sortie 52 technologie 150 Mai -juin 20 07 portant sur les tensions et les courants instantanés ainsi que sur leur primitives, dérivées, etc. 19 En effet, les blocs de calcul, outre les fonctions mathématiques standard – somme différence, multiplication et division –, permettent également l’intégration, la dérivation et la création d’une fonction de transfert (en s et en z) par définition des polynômes du numérateur et du dénominateur de celle-ci. On y trouve également les modules de limitation, d’hystérésis, d’échantillonnage blocage, de gain… De la même façon, grâce aux éléments d’interaction, il est tout à fait possible de modifier le rapport ­cyclique de l’horloge de commande au cours du temps de façon à obtenir une commande MLI. Dans la fenêtre Modules, il suffit de cocher la case « User interactions » pour avoir accès à une nouvelle fenêtre dans laquelle on peut choisir un afficheur à aiguille, un curseur potentiométrique (pour faire varier le rapport cyclique à la main, par exemple), une horloge à aiguille, un afficheur à 7 segments, des interrupteurs, etc. 20 Il est impossible de décrire ici toutes les possibilités de ce nouveau logiciel, qui, s’il tient ses promesses, devrait encore s’enrichir et s’améliorer dans sa version 1.4.