Risque embolique des endocardites infectieuses

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Revue
mt cardio 2005 ; 1 : 236-42
Risque embolique
des endocardites infectieuses
Gilbert Habib1, Ariel Cohen2
1
Hôpital de la Timone, département de cardiologie, boulevard Jean-Moulin, 13005 Marseille
<[email protected]>
Hôpital Saint-Antoine, service de cardiologie, 184, rue du Faubourg Saint-Antoine,
75012 Paris
2
Résumé
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
Les embolies constituent une complication fréquente et grave (20 à 40 % des cas) de
l’endocardite infectieuse et sont associées à une morbidité et une mortalité élevées. Les
embolies peuvent cependant être silencieuses dans 20 % des cas et doivent être recherchées
par des examens non invasifs systématiques. La prédiction du risque embolique est un enjeu
majeur dans l’endocardite infectieuse, car elle peut conduire à proposer un traitement
chirurgical précoce pour prévenir ce risque. La prédiction individuelle du risque embolique
reste très difficile, mais les prédicteurs de risque les plus puissants sont la taille et la mobilité de
la végétation mesurées en échocardiographie. La valeur de 15 mm doit être retenue, car elle
est associée à la fois à un risque embolique majoré et à un mauvais pronostic, mais le risque
embolique est majoré pour les végétations de longueur supérieure à 10 mm. L’échocardiographie joue donc un rôle capital pour le diagnostic, mais aussi pour l’évaluation du risque
embolique et du pronostic dans l’endocardite infectieuse.
Mots clés : endocardite infectieuse, échocardiographie, embolie, pronostic, végétation
Abstract. Embolic events in infective endocarditis
Embolic events are a frequent and life-threatening complication of infective endocarditis and
are associated with a high morbidity and mortality. Embolic events may be silent in 20 % of
patients and detected only with systematic non invasive imaging. The prediction of embolic
risk is crucial in infective endocarditis and may lead to early surgical management. However,
the individual prediction of the embolic risk remains a challenge. The best predictors of
embolism are the size and mobility of vegetations, as measured by two-dimensional echocardiography. Large vegetations (> 15 mm) are associated with both a higher risk of embolic
events (already for vegetation length > 10 mm) and death. Thus, echocardiography plays a key
role in the diagnostic and prognostic assessment of patients with endocarditis, and in the
prediction of embolic events.
Key words: infective endocarditis, echocardiography, embolism, prognosis, vegetation
L
mtc
Tirés à part : G. Habib
236
es embolies constituent une des
plus graves complications de l’endocardite infectieuse (EI) [1]. Elles sont
en rapport avec la migration de végétations valvulaires dans la circulation
générale. Malgré des modifications
épidémiologiques importantes [2] et
des progrès considérables dans le domaine du diagnostic et du traitement
de l’EI, les complications emboliques
restent fréquentes et associées à une
morbidité et une mortalité élevées [3].
mt cardio, vol. 1, n° 3, mai-juin 2005
La prédiction du risque embolique est
donc un enjeu majeur dans l’EI [4].
L’échocardiographie occupe une
place privilégiée dans la prise en
charge de l’EI, à la fois pour son évaluation diagnostique et pronostique.
L’apport de l’échographie transœsophagienne (ETO) a encore amélioré sa
sensibilité et sa spécificité. La valeur
de cet examen pour prédire le risque
embolique reste cependant débattue.
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A
B
Figure 1. Embolies splénique (A) et cérébrale (B) (flèches) asymptomatiques détectées au scanner au cours d’une endocardite infectieuse.
Le but de cette revue est de faire le point sur le risque
embolique actuel dans l’EI, d’en rappeler les déterminants
et de préciser le rôle de l’échographie dans son évaluation
et sa prévention.
Incidence et conséquences
des accidents emboliques
dans l’endocardite infectieuse
Les événements emboliques (EE) sont associés à un
excès important de morbidité et de mortalité dans l’EI [3].
La fréquence des EE dépend de la localisation de
l’infection au sein des cavités cardiaques, alors que leurs
conséquences cliniques varient grandement en fonction
du siège de l’embolie. Les EE sont le plus souvent localisés
dans le cerveau et la rate pour les EI du cœur gauche, dans
les poumons pour les EI du cœur droit et sur pacemaker.
Les embolies cérébrales sont de loin les plus fréquentes,
parfois inaugurales, et associées au pronostic le plus mauvais ; leur incidence varie de 25 à 56 % selon les études
avec une mortalité de 21 à 81 % [5]. Les embolies coronaires sont également de très mauvais pronostic mais
exceptionnelles. À l’inverse, les embolies spléniques et
certaines embolies cérébrales sont fréquemment totalement asymptomatiques et découvertes par des examens
paracliniques systématiques [1] (figure 1).
L’incidence réelle des EE est inconnue, avec des estimations allant de 10 à 50 % des EI [6-10]. Cette grande
disparité entre les séries a plusieurs explications :
Liste des abréviations
EE : événements emboliques
EI : endocardite infectieuse
ETO : échocardiographie transœsophagienne
ETT : échocardiographie transthoracique
– inclusion des embolies silencieuses ; leur incidence
a certainement été sous-estimée dans la littérature ; dans
notre expérience, sur une série de 178 endocardites
confirmées, une exploration scanographique cérébrale et
abdominale a été pratiquée systématiquement 95 % des
cas ; l’incidence des embolies observées est de 37 %,
parmi lesquelles 21 % sont des embolies silencieuses [1] ;
– inclusion des EE survenus avant le début du traitement antibiotique. Si le risque embolique global est élevé,
le risque de survenue d’un accident embolique après
l’instauration du traitement antibiotique est beaucoup
plus faible, de l’ordre de 6 à 21 % [1, 8, 11-13], et ce
risque existe essentiellement durant les deux premières
semaines de traitement [7] ;
– attitude thérapeutique plus ou moins agressive selon
les centres et selon les périodes d’étude : la pratique d’un
traitement chirurgical plus fréquent et plus précoce dans
certains centres peut avoir modifié l’histoire naturelle de
l’EI [1] ;
– caractéristiques de la population étudiée : elles peuvent aussi interférer avec le risque embolique (âge, type de
cardiopathie sous-jacente prédominante, type de germes
rencontrés) ;
– enfin, la définition elle-même de l’EI a évolué avec le
temps et peut expliquer des disparités entre les études
[14-17].
Pour toutes ces raisons, l’incidence réelle des EE reste
inconnue et sera tantôt sous-estimée, tantôt surestimée
selon les études. L’estimation actuelle la plus exacte situe
ce risque embolique entre 30 et 50 % pour l’ensemble des
EE et entre 9 et 21 % pour les EE survenus sous traitement
antibiotique. Vu la fréquence des EE asymptomatiques et
l’influence potentielle de leur détection sur l’attitude thérapeutique, leur dépistage systématique par scanner et/ou
échographie nous paraît souhaitable lorsqu’il est possible.
mt cardio, vol. 1, n° 3, mai-juin 2005
237
Risque embolique des endocardites infectieuses
OG
OG
Ao
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VG
238
Ao
VG
A
B
C
Figure 2. Végétations aortiques (flèches) en ETO : en systole (A) et diastole (B). C) Végétations aortiques (flèches) : aspects anatomiques chez le
même patient que les figures A et B. VG : ventricule gauche, OG : oreillette gauche, Ao : aorte.
Échocardiographie
et risque embolique
L’utilisation de l’échographie pour prédire le risque
embolique a fait l’objet de multiples travaux, de résultats
souvent contradictoires. Plusieurs caractéristiques des végétations ont été soupçonnées d’être associées à un risque
embolique plus élevé, comme leur présence, leur taille,
leur mobilité, leur localisation et leur échogénicité.
Présence d’une végétation
La visualisation échographique d’une végétation constitue un critère diagnostique majeur d’EI (figure 2) [15] et
son diagnostic est le plus souvent aisé par l’échographie
transthoracique (ETT) ou l’ETO, dont la sensibilité dépasse
les 90 %. Dans la mesure où les EE sont liés à la migration
d’un fragment de végétation dans la circulation sanguine,
il paraîtrait logique de penser qu’il existe un lien entre
présence d’une végétation échographique et risque embolique. Pourtant, la signification d’une végétation détectée
par l’échographie est longtemps restée controversée [1,
7-9, 18-21].
Les séries les plus anciennes, comme celles de Steckelberg et al. [7] ou de Lutas et al. [18], n’ont pas trouvé de
lien statistique entre risque embolique et présence d’une
végétation. Il faut cependant noter que ces études n’utilisaient que l’ETT et que certains des examens échographiques étaient pratiqués après la survenue de l’EE ; certaines
végétations étaient donc probablement non détectables
parce qu’ayant déjà embolisé. Les études les plus récentes
utilisant systématiquement l’ETO ont décrit une incidence
de végétations beaucoup plus élevée et une corrélation
franche entre risque embolique et présence d’une végétation échographique [1-6]. La présence d’une végétation a
aussi été associée à un mauvais pronostic dans la série
récente de Wallace et al. [22].
Taille et mobilité des végétations
Si la relation entre taille et mobilité d’une végétation et
risque embolique paraît intuitivement évidente, cette supposition a fait l’objet de nombreux travaux dont les résultats sont contradictoires, expliquant que les recommandations successives sur ce sujet soient également très
variables [5-9, 11-13, 22-29] (tableau 1).
Sans reprendre en détail toutes les études qui sont
résumées dans le tableau 1, leurs résultats discordants
trouvent de nombreuses explications, variant selon les
études : faible nombre de patients inclus, absence d’utilisation systématique de l’ETO, absence de recherche
d’embolies asymptomatiques, prise en compte des embolies survenant avant l’institution du traitement, absence de
standardisation des critères diagnostiques [4].
Dans notre première étude [1], une relation statistique
forte a été observée entre taille des végétations et risque
embolique ; sur les 178 endocardites étudiées, un accident embolique a été noté dans 37 % des cas. En analyse
univariée, les facteurs significativement liés au risque embolique plus élevé étaient la présence, la taille et la
mobilité de la végétation, les végétations du cœur droit et
les endocardites à staphylocoque. En analyse multivariée,
les seuls paramètres indépendamment et significativement liés à un risque embolique majoré étaient la mobilité
et la longueur de la végétation (figure 3). En revanche, le
siège aortique ou mitral de la végétation n’était pas discriminant. Il faut cependant noter que cette étude présentait
pour limitation importante d’inclure les EE survenant
avant et après initiation du traitement antibiotique.
Pour résoudre cette question, nous avons mené une
étude multicentrique incluant 384 patients étudiés prospectivement, et étudié les EE survenant avant ou après
traitement [23]. Un EE a été observé chez 131 (34,1 %)
patients, dont 28 (7,3 %) après début de l’antibiothérapie.
Par analyse multivariée, les facteurs associés à un risque
de survenue d’un événement embolique sous traitement
mt cardio, vol. 1, n° 3, mai-juin 2005
Tableau 1. Relation entre taille de la végétation et risque embolique
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Auteur
Année
Lutas et al. [18]
Mugge et al. [3]
Sanfilippo et al. [19]
Steckelberg et al. [7]
Rohmann et al. [12]
Heinle et al. [9]
Werner et al. [28]
De Castro et al. [8]
Di Salvo et al. [1]
Cabell et al. [27]
Vilacosta et al. [13]
Thuny et al. [23]
1986
1989
1991
1991
1992
1994
1996
1997
2001
2001
2002
2005
% Embolies
90
Échocardiographie
ETT
ETO
ETT
ETT
ETO
ETT
ETT
ETO
ETO
ETO
ETO
ETO
Patients
(n)
77
105
204
207
118
41
106
57
176
145
211
384
Végétations
Embolies
56
91
75
38
42
73
92
80
75
80
85
83
22
31
33
13
26
49
35
44
37
23
33
34
% Embolies
90
Taille de la végétation
Embolies sous
traitement (%)
ND
19
ND
13
21
49
ND
44
9
11
13
7
Mobilité de la végétation
80
80
30/43
70
Relation entre embolie
et taille de la végétation
Négative
Positive
Positive
Négative
Positive
Négative
Positive
Négative
Positive
Positive
Positive
Positive
34/42
70
60
60
50
50
10/24
40
40
30
30
20
17/66
9/45
11/31
12/53
20
9/52
10
10
0
0
Absente
< 10 mm 10-15 mm > 15 mm
Absente
Faible
Modérée
Sévère
Figure 3. Risque embolique selon la taille et la mobilité de la végétation (d’après Di Salvo et al. [1] with permission from American College of
Cardiology Foundation).
étaient la présence d’une végétation de longueur supérieure à 10 mm (OR = 9) ou de mobilité importante
(OR = 2,4). Dans cette série, la présence d’une végétation
volumineuse ( > 15 mm) était également un facteur pronostique indépendant puissant (risque relatif = 1,8,
p = 0,02), à côté des marqueurs pronostiques classiques
comme l’âge, l’existence d’une insuffisance rénale biologique, l’existence d’une insuffisance cardiaque ou une
atteinte d’origine staphylococcique [23]. La figure 4 montre ainsi que le risque de mortalité hospitalière augmente
avec la taille de la végétation, et la figure 5 montre que les
végétations de longueur supérieure à 15 mm sont également associées à une mortalité à long terme plus élevée.
En résumé, l’expérience publiée cumulée plaide en
faveur d’un lien entre la taille de la végétation et le risque
embolique bien que, pour certains auteurs, ce risque soit
limité aux EI mitrales [21] ou staphylococciques [13]. Une
méta-analyse parue en 1997 confirme ces résultats [30].
L’échocardiographie participe donc à l’identification
d’une population à haut risque de complications et de
mortalité, et chez qui une attitude thérapeutique agressive
mérite d’être envisagée.
Localisation des végétations
Plusieurs études ont noté que la localisation mitrale de
la végétation était associée à un risque embolique majoré
[11, 12, 20]. Mügge et al. [11] avaient observé que le
risque d’EE associé aux végétations les plus larges n’était
observé qu’en cas de localisation mitrale, sans que les
raisons évoquées soient convaincantes [12]. D’autres études plus récentes n’ont pas confirmé cette observation.
Wallace et al. [22] ont montré que la localisation de la
mt cardio, vol. 1, n° 3, mai-juin 2005
239
Risque embolique des endocardites infectieuses
p = 0,008
20
26/190
18
18/114
Mortalité hospitalière (%)
14
11/194
12
10
8/76
6/64
8
6
5/130
4
2
0
Absence
≤ 10 mm
végétation n’influençait pas la mortalité dans une série de
208 patients. De la même façon, dans la série de 211 cas
de Vilacosta et al. [13], il n’y avait pas de différence
significative d’incidence d’EE selon la localisation de l’EI.
L’atteinte multivalvulaire a aussi été associée à un
risque embolique majoré et à un mauvais pronostic. C’est
le cas de la série de Wallace et al. [22] qui a observé une
1,0
L ≤ 15 mm
0,8
L > 15 mm
0,6
84 ± 2%
69 ± 4%
p = 0,001
0,4
0,2
0
0
100
200
300
Durée de suivi (jours)
400
Figure 5. Survie à 1 an chez 384 patients atteints d’endocardite
infectieuse selon la longueur de la végétation (L) (d’après Thuny et al.
[23] with permission from Lippincott, Williams and Wilkins).
240
10-15 mm
> 15 mm
Figure 4. Mortalité hospitalière en fonction de la taille de la végétation dans une population de 384 endocardites infectieuses (d’après Thuny
et al. [23] with permission from Lippincott, Williams and Wilkins).
Survie
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16
atteinte multivalvulaire chez 20 (10 %) des 208 patients
étudiés, et montré qu’elle était associée à une mortalité
plus élevée à 6 mois. Rohmann et al. [12] ont montré que
les atteintes bivalvulaires étaient associées à un risque
d’EE de 50 % et à une mortalité de 10 %. Dans cette série,
les facteurs de risque embolique indépendants étaient la
localisation mitrale, la taille de la végétation supérieure à
10 mm, et l’atteinte bivalvulaire.
Autres marqueurs de risque embolique
échocardiographique
Peu d’études ont décrit l’évolution des végétations
sous traitement. Leur interprétation est délicate, car la
réduction de la taille d’une végétation peut être liée aussi
bien à la guérison de l’endocardite qu’à la migration d’une
partie de la végétation lors d’un EE. En outre, le traitement
chirurgical peut modifier l’histoire naturelle des végétations. Rohmann et al. [29] ont surveillé l’évolution échographique par ETO sous traitement antibiotique de 83 patients et montré que la persistance d’une végétation
volumineuse était associée à un risque embolique majoré.
À l’inverse, Vilacosta et al. [13] ont montré que la plupart
des végétations gardaient la même taille sous traitement
antibiotique, sans signification pronostique. Dans cette
étude, l’augmentation de la taille de la végétation sous
traitement, mais également la réduction de sa taille,
étaient associées à un risque majoré d’EE. On peut donc
conclure que l’augmentation de la taille de la végétation
sous traitement est probablement associée à un risque
embolique majoré, mais que sa stabilité ou sa régression
est d’interprétation plus délicate.
mt cardio, vol. 1, n° 3, mai-juin 2005
Enfin, si la densité et l’échogénicité d’une végétation
étaient prédictives du risque embolique dans des études
anciennes [19], ceci n’a pas été confirmé par des études
plus récentes [8, 13].
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Autres marqueurs
de risque embolique
La taille et la mobilité d’une végétation n’expliquent
pas tout. D’autres facteurs, biologiques notamment, sont
probablement impliqués dans la survenue d’un événement embolique, comme par exemple les anticorps antiphospholipides, les facteurs de la coagulation ou les paramètres d’activation endothéliale [31, 32].
Certains facteurs infectieux sont vraisemblablement
aussi associés à un risque embolique accru ; par exemple,
les endocardites à Candida et à staphylocoque auraient un
risque embolique plus marqué. Le risque embolique
d’autres germes est plus discuté ; dans notre expérience,
les endocardites à Streptococcus bovis auraient un potentiel embolique plus élevé que celles dues à d’autres streptocoques [33]. Ceci a été confirmé récemment dans une
étude multicentrique internationale [23].
Enfin, les endocardites du cœur droit s’accompagneraient d’une incidence plus élevée d’accidents emboliques que celles du cœur gauche.
Implications thérapeutiques
et conclusions
La décision d’opérer précocement un patient atteint
d’EI pour prévenir le risque embolique reste difficile et à
adapter au cas par cas, mais doit être fondée sur les
considérations suivantes :
– les EE sont fréquents et graves dans l’EI, surviennent
dans 20 à 40 % des EI, mais leur incidence n’est plus que
de 10 % après instauration du traitement antibiotique ;
– ils surviennent alors plus particulièrement dans les
deux premières semaines suivant l’instauration de ce traitement ;
– les EE sont silencieux dans 20 % des EE et doivent
être dépistés par des examens d’imagerie non invasifs
systématiques ;
– la prédiction individuelle du risque embolique reste
très difficile. Le risque de nouvel EE doit toujours être mis
en balance avec le risque d’opérer un patient porteur
d’une EI durant sa phase initiale et avec les bons résultats
du traitement médical ;
– la survenue d’un EE est plus fréquente chez les
patients qui présentent une végétation de longueur
> 10 mm. Les végétations de longueur supérieure à
15 mm sont en outre associées à un mauvais pronostic.
L’échocardiographie occupe donc, outre son rôle diagnostique, une place capitale pour l’évaluation pronosti-
que des EI, et trouve sa place dans les indications thérapeutiques. Si les recommandations américaines de 1998
[34] ne tenaient pas compte de la taille de la végétation à
l’échographie pour la décision thérapeutique, les recommandations européennes de 2004 [35] et françaises de
2005 [36] concernant la prise en charge de l’EI ont le
mérite de les nuancer en accordant notamment une place
plus importante à la mesure échographique de la taille de
la végétation dans la décision chirurgicale dans l’EI.
Dans nos centres, et au vu des études les plus récentes,
une chirurgie précoce fondée sur la présence d’une végétation volumineuse nous paraît indiquée dans les situations suivantes :
– végétation volumineuse (> 10 mm) après un événement embolique ;
– végétation volumineuse (> 10 mm) associée à un
autre facteur prédictif de complication (insuffisance cardiaque, infection persistante, abcès, EI prothétique). Dans
ces situations, la présence d’une volumineuse végétation
indique une chirurgie plus précoce ;
– végétation très volumineuse isolée (> 15 mm) et
mobile, même en l’absence d’autre marqueur pronostique
ou d’antécédent embolique, en tenant compte du
contexte clinique général du patient.
Dans tous les cas, dans la mesure où le risque embolique est surtout important dans les deux premières semaines après le début du traitement, la décision d’opérer (ou
de ne pas opérer) doit être précoce, pour prévenir la
survenue d’un événement embolique.
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