FRANCE – Quel impact du Brexit sur l`économie

publicité
N°16/178 – 30 juin 2016
FRANCE – Quel impact du Brexit sur l’économie ?
 La France comme l’ensemble des pays de
l’Union européenne va être affectée par la
sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
britanniques vers l’UE, plus ou moins forte en
fonction de l’accord négocié avec l’UE et une
baisse des investissements directs étrangers.
 L’impact restera toutefois modéré. À court
terme joueront les turbulences des marchés
et une dégradation du climat des affaires.
Quelles conséquences peut-on attendre pour la
France ?
 À moyen terme, la croissance sera impactée
par un ralentissement des exportations et
des investissements étrangers.
Des effets immédiats négatifs mais
modérés
 Au total, l’impact négatif sur la croissance
française serait assez mesuré et étalé dans
le temps, de l’ordre de 0,4% en cumulé en
2016-2019, si la sortie se fait avec un accord
de libre-échange (ALE), et de 0,6% sans
ALE.
 Les grandes lignes de notre prévision
restent donc à peu près inchangées. On
attend la poursuite d’une reprise graduelle
et mesurée, avec une bonne tenue de la
consommation privée et un léger ralentissement de l’investissement.
Il est très difficile de savoir selon quelles modalités
le Royaume-Uni va sortir de l’UE. Dans notre
scénario, un processus de négociation entre le
Royaume-Uni et l’UE s’engage en septembre,
après l’élection d’un nouveau leader du parti
conservateur. Mais la durée des négociations
(deux ans, voire plus) et les contours de l’accord
(libre circulation des biens, mais interrogations sur
la libre circulation des personnes, des services…)
restent très incertains et d’autres scénarios sont
évidemment possibles.
L’économie britannique va être clairement affectée
par le Brexit, via différents canaux : une forte
baisse de la livre, qui peut améliorer la compétitivité des exportations mais qui va nettement
renchérir les importations et aggraver un déficit
commercial déjà important ; une baisse de la
consommation, via l’inflation importée ; à plus long
terme,
une
diminution
des
exportations
Études Économiques Groupe
http://etudes-economiques.credit-agricole.com
Dans un premier temps, le Brexit entraîne une
forte baisse de la livre, une chute des bourses et
des mouvements marqués sur les taux obligataires. Les marchés financiers vont connaître une
grande volatilité au cours des prochains mois. De
plus, le Brexit suscite de nombreuses interrogations : risque de contagion à d’autres pays de l’UE
qui pourraient envisager une sortie de l’UE, risque
de renforcement de la montée des populismes et
de l’euroscepticisme, fortes incertitudes sur le
processus de négociation, sa durée, son impact
final.
Tous ces éléments vont renforcer l’attentisme des
agents économiques en Europe et notamment en
France. Notre pays connaît un mouvement de
reprise qui reste pour l’instant graduel et fragile. La
croissance est pénalisée par un certain nombre de
freins, notamment le déficit structurel de compétitivité, qui ne se résorbera que progressivement, le
niveau élevé du taux de chômage, la poursuite de
la consolidation budgétaire et les incertitudes sur
les pays émergents.
Le Brexit et ses effets induits sont donc autant de
facteurs négatifs supplémentaires, qu’il ne faut pas
surpondérer, mais qui vont renforcer les comportements prudents et attentistes des entreprises
françaises. Les dépenses d’investissement et de
stocks, qui amorçaient une reprise plus pérenne,
risquent de ralentir à nouveau au cours des
prochains trimestres. Dans ce contexte la croissance de l’investissement resterait assez modérée
en dépit de l’amélioration des profits induite
notamment par le CICE et le pacte de
France : Quel impact du
Brexit sur l’économie ?
Olivier ELUERE
[email protected]
Ludovic MARTIN
[email protected]
responsabilité ainsi que par la mesure de suramortissement de l’investissement industriel qui
suscite actuellement un effet d’aubaine. L’investissement des entreprises progresserait de 4,9% en
2016, puis de 3,6% en 2017.
Plus marginalement, les turbulences sur les
marchés financiers pourraient entraîner des effets
de richesse négatifs et ralentir la consommation
des ménages. Notons également que le pouvoir
d’achat des ménages retraités britanniques
installés en France sera réduit par la baisse de la
livre, ce qui pèsera sur la consommation, notamment dans certaines régions (Dordogne, Côte
d’Azur).
Notre prévision de croissance pour 2016-2017
est donc révisée en baisse, mais modérément.
Le coût du Brexit pour la croissance en France
serait limité, de l’ordre de 0,1-0,2% sur cette
période. Nous maintenons un scénario de
reprise graduelle et modérée, avec une
croissance du PIB de 1,5% en 2016 et 1,4% en
2017 (après 1,2% en 2015).
En dépit d’une conjoncture mondiale morose, la
croissance en France bénéficie des mesures de
soutien aux entreprises et de la conjonction de
facteurs externes (faible remontée du prix du
pétrole, taux d’intérêt très bas et taux de change
de l’euro plutôt favorable). Au premier trimestre de
2016, le rythme de croissance a surpris favorablement (+0,6% t/t). Au-delà, la croissance serait
plus mesurée (+0,3% par trimestre). La
consommation des ménages va rester soutenue,
1,9% en 2016 et 1,6% en 2017. Elle bénéficie du
niveau très faible de l’inflation qui ne remonterait
que très progressivement (0,2% en 2016 et 0,8%
en 2017), ce qui permet une progression du
pouvoir d’achat. L’investissement va un peu
ralentir en 2017 (cf. supra). La contribution du
commerce extérieur serait négative en 2016 puis
neutre en 2017. Le contexte de change reste
favorable et soutient les exportations françaises,
mais l’« effet euro » serait moins significatif qu’en
2015. On prévoit que l’euro continuerait de se
déprécier légèrement en lien avec la politique
monétaire accommodante de la BCE en 2016 et
2017 (euro/dollar à 1,09 fin 2017). Par ailleurs, la
croissance mondiale freinerait en 2016, avant
d’accélérer un peu en 2017. À noter enfin que les
créations d’emplois resteront modérées et que le
taux de chômage ne diminuerait que lentement ;
on attend 10% en 2016 et 9,8% en 2017, après
10,4% en 2015 (France y.compris DOM-TOM).
Effets à moyen terme
Sur les prochaines années, la croissance française
va être affectée par le Brexit via plusieurs canaux,
notamment les échanges de biens et services et
les investissements étrangers.
Échanges de biens et services
En 2017-2018, les importations de marchandises
du Royaume-Uni vont ralentir assez nettement du
fait du ralentissement de la croissance britannique
et de la baisse de la livre. Lorsque la sortie de l’UE
sera effective, possiblement en 2019, l’effet
pourrait être amplifié, modérément si un accord de
libre-échange (ALE) est mis en place entre le
Royaume-Uni et l’UE, fortement si il n’y pas
d’accord de libre-échange, avec notamment des
droits de douane supplémentaires. Les exportations françaises vont donc être impactées, mais
moins que celles de l’Allemagne et du Benelux. Le
Royaume-Uni est le cinquième client de la France
et représente 7% des exportations françaises de
biens (flux de 32 milliards d’euros) et 11% des
exportations de services. Les exportations d’automobiles, de machines, d’aéronautique, de chimie,
pharmacie et d’agro-alimentaire seraient plus
particulièrement touchées.
Part des principaux clients dans les
exportations françaises en 2015
18%
15%
12%
9%
6%
3%
0%
Source : Douanes, Crédit Agricole S.A.
En matière d’échanges de services, certains
acteurs financiers basés à la City pourraient
délocaliser leurs activités dans des pays sous
juridiction européenne pour préserver l’accès au
marché unique et réduire les coûts administratifs
supplémentaires. Cela bénéficierait aux autres
places financières, dont Paris. En revanche, les
flux liés aux dépenses touristiques des britanniques en France se réduiraient.
N° 16/178 – 30 juin 2016
-2 -
France : Quel impact du
Brexit sur l’économie ?
Olivier ELUERE
[email protected]
Ludovic MARTIN
[email protected]
Investissements étrangers
Après le Brexit, les entreprises françaises vont être
moins tentées d’investir au Royaume-Uni. De
même, les entreprises britanniques vont moins
investir en Europe et en France. La balance nette
des investissements du Royaume-Uni est positive
vis-à-vis de la France. En terme d’IDE entrants en
France, le Royaume-Uni est le deuxième investisseur en 2013-2014, après le Luxembourg, avec
près de 10 milliards d’euros sur deux ans. Les
effets seront graduels et étalés dans le temps mais
certains secteurs français seraient pénalisés par
une décrue des IDE britanniques (services
financiers, chimie, commerce de détail…).
Flux d'IDE en France
(moyenne 2013-2014)
9,0
8,0
7,0
6,0
5,0
4,0
3,0
2,0
1,0
0,0
Source : INSEE, Crédit Agricole S.A.
Au total, l’impact négatif de tous ces éléments
sur la croissance française serait assez mesuré
et étalé dans le temps, de l’ordre de 0,4% en
cumulé en 2016-2019 si la sortie se fait avec
ALE et de 0,6% sans ALE.
Impacts sur les taux d’intérêt et
l’immobilier
Taux d’intérêt
Les taux d‘intérêt à court terme en zone euro vont
rester légèrement négatifs en 2016-2019, du fait
de la politique monétaire très accommodante de la
BCE, mais le Brexit ne modifierait pas fortement
les tendances prévues sur les taux courts.
En revanche, les prévisions de taux à long terme
seraient révisées à la baisse. D’une part, les
incertitudes liées au Brexit provoquent un mouvement de fuite vers les actifs sans risque, comme
on l’a vu vendredi 24 juin, avec une baisse des
taux longs allemands et français et une hausse
des primes de risque sur les pays de la périphérie.
D’autre part, la BCE pourrait accélérer ses achats
de titres souverains en cas de tensions marquées
sur le marché des dettes souveraines en zone
euro. Les taux longs français sont soumis à des
forces contraires, avec des facteurs haussiers
(reprise économique en zone euro, remontée
attendue de l’inflation) et des facteurs baissiers
(politique très accommodante de la BCE et
notamment effets du QE, inquiétudes liées aux
pays émergents, effet valeur refuge pour les pays
cœurs de la ZE). Dans cette balance des risques,
le Brexit renforce le pôle baissier. Les taux OAT
dix ans seraient ainsi en hausse très faible d’ici
fin 2017.
Immobilier
Paradoxalement, l’immobilier résidentiel pourrait bénéficier du Brexit, via le canal des taux
de crédit. Le marché immobilier est en rebond
assez marqué depuis début 2015 du fait
notamment de la baisse marquée des taux de
crédit, qui a provoqué un effet d’aubaine et stimulé
les ventes. Le plan de relance dans le neuf joue
également. Mais certains facteurs négatifs persistent. Le marché immobilier n’est pas encore
véritablement « assaini ». Les prix ne sont plus
surévalués, mais ont peu baissé et demeurent très
élevés. L’environnement économique reste mitigé,
avec un taux de chômage qui ne baissera que très
faiblement. La reprise actuelle dépend donc
beaucoup du niveau des taux longs et des taux de
crédit. S’ils restent très bas au cours des prochains
trimestres, l’effet d’aubaine va se maintenir, les
ventes de logements vont rester très élevées et les
prix continuer à remonter peu à peu.
En sens inverse, le Brexit pourrait peser négativement sur le marché via les acquisitions de
logements opérées par des Britanniques. D’après
les statistiques des notaires de France, les
transactions réalisées sur le marché des
logements anciens par des acquéreurs étrangers a
atteint 5,1% en 2015. Si on se restreint aux
étrangers non-résidents, cette part atteint 1%. Elle
est donc assez faible. Mais les Britanniques
totalisent 33% des acheteurs étrangers nonrésidents, loin devant les Italiens, 15%, et les
Belges, 11%. Ils achètent notamment dans le SudOuest (Dordogne, Charente, Lot), les Alpes et la
Côte d’Azur. Avec le Brexit, les achats de
logements par les Britanniques devraient se
réduire.
Dans l’immobilier de prestige en revanche, le
Brexit pourrait conduire à une hausse des
transactions. Une partie des effectifs travaillant à la
City pourrait en effet être transférée à Paris. Ces
personnes achèteraient à Paris assez rapidement.
Ils bénéficieraient d’une forte plus-value sur la
vente de leur logement londonien (dont les prix se
sont fortement accrus, de 38%, depuis trois ans),
emprunteraient à des taux très bas et achèteraient
avant que la livre ne baisse trop fortement. 
N° 16/178 – 30 juin 2016
-3 -
France : Quel impact du
Brexit sur l’économie ?
Olivier ELUERE
[email protected]
Ludovic MARTIN
[email protected]
Moyenne annuelle
(a/a, % )
France
2014
PIB
Consommation privée
Investissement
Variation des stocks*
Exportations nettes*
Taux de chômage
Inflation (a/a)
Solde public (% PIB)
* Contributions à la croissance du PIB
Source : Crédit Agricole SA, prévisions
0,7
0,7
-0,4
0,5
-0,5
10,3
0,6
-4,0
2015
1,2
1,5
0,9
0,1
-0,3
10,4
0,1
-3,5
2016
1,5
1,9
3,1
0,1
-0,7
10,0
0,2
-3,3
Variation trimestrielle
(t/t, % )
2017
1,4
1,6
2,4
-0,1
-0,0
9,8
0,8
-3,0
T1
0,6
0,5
0,5
0,3
-0,1
10,3
-0,2
2015
T2
T3
-0,1
0,4
0,1
0,4
0,2
0,1
-0,6
0,6
0,3
-0,6
10,4 10,5
0,3
0,1
T4
0,4
-0,0
1,2
0,7
-0,6
10,2
0,2
T1
0,6
1,0
1,6
-0,2
-0,2
10,1
-0,0
2016
T2
T3
0,3
0,3
0,4
0,4
0,4
0,3
-0,2
-0,2
0,1
0,1
10,1 10,0
-0,0
0,3
T4
0,3
0,4
0,3
-0,2
0,1
9,9
0,5
T1
0,4
0,4
0,7
0,1
-0,1
9,9
0,9
2017
T2
T3
0,4
0,4
0,4
0,4
0,8
0,8
0,1
0,1
-0,1 -0,1
9,9
9,8
0,7
0,7
T4
0,4
0,4
0,8
0,1
-0,1
9,7
0,8
Crédit Agricole S.A. — Direction des Études Économiques
12 place des États-Unis – 92127 Montrouge Cedex
Directeur de la Publication : Isabelle Job-Bazille
Rédacteur en chef : Armelle Sarda
Documentation : Dominique Petit - Statistiques : Robin Mourier
Secrétariat de rédaction : Fabienne Pesty
Contact: [email protected]
Consultez les Études Économiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur :
Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com
iPad : application Etudes ECO disponible sur App store
Android : application Etudes ECO disponible sur Google Play
Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette
opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. Ni l’information contenue,
ni les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient
engager la responsabilité du Crédit Agricole S.A. ou de l’une de ses filiales ou d’une Caisse Régionale. Crédit Agricole S.A. ne garantit ni
l’exactitude, ni l’exhaustivité de ces opinions comme des sources d’informations à partir desquelles elles ont été obtenues, bien que ces
sources d’informations soient réputées fiables. Ni Crédit Agricole S.A., ni une de ses filiales ou une Caisse Régionale, ne sauraient donc
engager sa responsabilité au titre de la divulgation ou de l’utilisation des informations contenues dans cette publication.
N° 16/178 – 30 juin 2016
-4 -
Téléchargement