Master Mention Histoire Spécialité Valorisation du

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Thierry Branchat
Université de Rouen 2012/2013
Master Mention Histoire Spécialité Valorisation du Patrimoine
Mémoire
Les matériaux traditionnels de construction comme
patrimoine : l’exemple du torchis
Directrice de mémoire : Mme Le Gras, maître de conférences en géographie à l’Université de
Rouen
Sommaire
Sommaire ................................................................................................. p.1
Lexique ..................................................................................................... p.3
Liste des abréviations ............................................................................... p.4
Introduction .............................................................................................. p.5
Partie 1 : Le torchis, une des manières de construire en terre ................. p.9
1.1. Histoire et géographie des constructions en terre .................................. p.9
1.1.1. « Les premiers habitats » ................................................................................ p.9
1.1.2. Les premières constructions en terre ............................................................ p.10
1.1.3. Les édifices monumentaux antiques bâtis en terre ....................................... p.12
1.1.4. Les constructions en terre aujourd’hui.......................................................... p.13
1.1.5. Les différentes mises en œuvre de la terre en France ................................... p.16
1.2. Qu’est-ce que le torchis ?...................................................................... p.20
1.2.1. Présentation du matériau............................................................................... p.20
1.2.2. Fabrication du torchis ................................................................................... p.21
1.2.3. Mise en œuvre du torchis .............................................................................. p.23
1.2.4. Qualités du torchis et avantages liés à son utilisation ................................... p.26
1.3. Les constructions en torchis dans le paysage ...................................... p.28
1.3.1. La notion de paysage .................................................................................... p.28
1.3.2. Paysages ruraux, paysages urbains ............................................................... p.29
1.3.3. Cas particuliers en Seine-Maritime............................................................... p.31
1.3.4. Land Art et constructions en torchis ............................................................. p.34
Partie 2 : Le torchis, un élément du patrimoine bâti vernaculaire ......... p.37
2.1. Protection et valorisation du patrimoine bâti vernaculaire .................. p.37
2.1.1. Institutions internationales ............................................................................ p.37
2.1.2. Institutions en France .................................................................................... p.42
2.2. Protection et valorisation du torchis en France.................................... p.56
2.2.1. Le groupe de sauvegarde et de relance du torchis en Pas-de-Calais............. p.56
2.2.2. Autres initiatives autour du torchis ............................................................... p.59
1
Partie 3 : Propositions de valorisation patrimoniale autour du torchis .. p.66
3.1. Création d’un groupe normand de valorisation du torchis .................. p.66
3.2. Construction d’un écoquartier en torchis ............................................. p.67
3.2.1. L’exemple du Domaine de la Terre .............................................................. p.67
3.2.2. Un écoquartier en torchis .............................................................................. p.72
3.3. Création d’une maison du torchis ........................................................ p.74
3.3.1. Réhabilitation ou création d’un édifice ......................................................... p.74
3.3.2. Les activités proposées ................................................................................. p.75
3.4. Réalisation d’une route du torchis ....................................................... p.79
3.4.1. Un travail préalable d’inventaire .................................................................. p.79
3.4.2. La route du torchis ........................................................................................ p.79
3.5. Création du Festival « Autour du torchis ».......................................... p.80
3.5.1. Les exemples du festival Grains d’Isère et du festival ArchiTerre ............... p.80
3.5.2. Le festival « Autour du torchis » .................................................................. p.84
Conclusion .............................................................................................. p.87
Bibliographie/Webographie ................................................................... p.89
Annexe 1................................................................................................. p.93
Annexe 2................................................................................................. p.95
Annexe 3................................................................................................. p.98
Annexe 4............................................................................................... p.100
Annexe 5............................................................................................... p.103
2
Lexique
Architecture : Art de concevoir et de construire un bâtiment dans le respect des
contraintes fonctionnelles, esthétiques, techniques, et réglementaires déterminées ;
science de l’architecte. (Définition du Petit Larousse illustré, 2011).
L’architecture dite vernaculaire est l’architecture propre à un terroir.
Fondation : Une fondation est une personne morale de droit privé. Selon la loi du
23 juillet 1987, une fondation reconnue d’utilité publique est précisément « l'acte
par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident de
l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une œuvre
d'intérêt général et à but non lucratif ».
Patrimoine culturel : Le terme patrimonium signifie en latin « héritage du père ».
« le patrimoine culturel constitue un ensemble de ressources héritées du passé que
des personnes considèrent, par-delà le régime de propriété des biens, comme un
reflet et une expression de leurs valeurs, croyances, savoirs et traditions en
continuelle évolution. Cela inclut tous les aspects de l’environnement résultant de
l’interaction dans le temps entre les personnes et les lieux ». (Définition inscrite
dans la Convention de Faro sur la valeur du patrimoine culturel pour la société,
2005).
Paysage : « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le
caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs
interrelations ». (Définition inscrite dans la Convention européenne du paysage,
2000).
Torchis : Un matériau de remplissage composite apposé sur une structure
porteuse en bois. Il est composé d’une terre argileuse, d’eau, de fibres végétales et
parfois animales.
Scénographie d’exposition : Art d’organiser et de présenter une exposition dans
un espace délimité, à l’aide de moyens techniques et de compétences artistiques.
3
Liste des abréviations
ABF : Architecte des Bâtiments de France
AUE : Architecte et Urbanistes de l’Etat
CAPEB : Confédération des Artisans et Petites Entreprises du Bâtiment
CAUE : Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement
CIAP : Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine
CRATerre : Centre de Recherche et d’Application Terre
DRAC : Direction Régionale des Affaires Culturelles
ENSAG : Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble
FFB : Fédération Française du Bâtiment
ICOMOS : Conseil international des Monuments et des Sites
INPI : Institut National de la Propriété Intellectuelle
ISCEAH : Comité Scientifique International sur le Patrimoine de l’Architecture
de Terre
MCC : Ministère de la Culture et de la Communication
MPF : Maisons Paysannes de France
ONU : Organisation des Nations Unies
PNR : Parc Naturel Régional
STAP : Services Territoriaux de l’Architecture et du Patrimoine
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la
Culture
WHEAP : Programme du Patrimoine Mondial pour l’Architecture de Terre
4
Introduction
Le terme « patrimoine » est un héritage du latin, patrimonium signifiant « héritage
du père ». D’un point de vue culturel, le patrimoine désigne, selon la convention
de Faro datant de 2005, « un ensemble de ressources héritées du passé que des
personnes considèrent, par-delà le régime de propriété des biens, comme un reflet
et une expression de leurs valeurs, croyances, savoirs et traditions en continuelle
évolution. Cela inclut tous les aspects de l’environnement résultant de
l’interaction dans le temps entre les personnes et les lieux ». En France, la notion
de patrimoine culturel, et surtout l’idée de protéger ce patrimoine se sont
développées au moment de la Révolution, à la fin du XVIIIe siècle. Elles émergent
précisément avec l’abbé Grégoire, un prêtre, député du clergé aux états généraux
de 1789, qui deviendra ensuite évêque et siègera à la Convention, parmi les
Montagnards, qui « dans un rapport adressé à la Convention le 11 janvier 1794
[…] dénonce les destructions intempestives de monuments et d'œuvres d'art par
les armées républicaines. »1
Depuis lors la notion de patrimoine est très liée, en France aux grands édifices,
comme en témoignent, la création du poste d’Inspecteur des Monuments
Historiques dès 1830 puis la loi du 31 décembre 1913 sur les Monuments
Historiques.
Puis au cours du XXe siècle et jusqu’au début du XXIe siècle, la notion de
patrimoine s’est étendue au patrimoine naturel, avec la loi du 2 mai 1930 relative
à la protection des monuments naturels, au patrimoine industriel dans les années
1990 (pour le cas de la France, ce fut plus précoce en Angleterre par exemple) ou
encore au patrimoine immatériel, avec la Convention pour la sauvegarde du
patrimoine culturel immatériel signée en 2003, à Paris, par certains des Etats
membres de l’UNESCO, qui l’Organisation des Nations Unies pour l’Education,
la Science et la Culture. Quant au patrimoine architectural, il ne se limite pas non
plus aux seuls monuments historiques mais intègre également le petit patrimoine
1
MANIERE F.
5
composé des éléments de l’architecture vernaculaire. Ce terme vient du latin
vernaculum qui signifie indigène.
Jean-Charles Moreux évoque une « architecture folklorique »2. Il note que
« chaque pays géographique a sa marque folklorique propre »3 et que celle-ci « lui
est donnée par les matériaux (pierre, argile, bois et paille), taillés, corroyés,
modelés, assemblés et ornés selon les usages et les traditions locales. »4 Il écrit
encore : « La mise en œuvre des matériaux, le plan, la coupe et l’élévation de
l’habitation deviennent dans chaque pays des « constantes ». »5
C’est donc la multiplicité des « pays géographiques » qui fait la diversité des
modes de bâtir. L’architecture folklorique ou vernaculaire, se définit alors comme
une architecture qui utilise les ressources présentes sur le territoire sur lequel le
projet architectural est destiné à s’implanter. Mais également comme une
architecture dont la méthode de construction s’appuie sur des savoir-faire locaux
que Jean-Charles Moreux identifie à un folklore, se basant sur l’étymologie de ce
terme - folk signifiant « peuple » et lore, « savoir »6.
Par ailleurs, les matériaux de construction propres à cette architecture vernaculaire
sont des matériaux naturels (bois, terre, pierre, etc.) trouvés le plus souvent sur le
site de construction de l’édifice. Ce double critère confère aujourd’hui à ces
matériaux une grande qualité en matière de protection de l’environnement. En
effet, cette protection est désormais un enjeu incontournable de la construction.
De plus, les matériaux naturels possèdent des qualités propres en matière
d’isolation, de résistance au feu, etc. qui les rendent attractifs. Enfin, la question
des filières locales est aussi très prégnante quand on parle de développement
durable, notamment en raison des économies d’énergie et financières, liées au
transport, que ces filières génèrent.
Certaines positions parfois extrêmes entrent même en contradiction avec toute
volonté de préserver le patrimoine bâti. Ainsi, l’architecte Françoise-Hélène
2
MOREUX J.-C., 1999.
3
Ibid.
4
Ibid.
5
Ibid.
6
Ibid.
6
Jourda déclare qu’il est « urgent de réduire la quantité de ressources figées peu ou
mal utilisées, urgent de réduire la quantité d’énergie nécessaire à leur
maintenance. »7 Il faut ici comprendre par ressources figées, les matériaux de
construction. Mais réduire de cette façon le patrimoine bâti à un ensemble de
ressources figées est une démarche tout à fait radicale car elle ne considère ce bâti
que comme une potentialité et nie sa valeur culturelle, architecturale, historique,
etc.
Par ailleurs, si l’usage de ces matériaux connaît un regain actuellement, grâce à
leurs qualités écologiques – on les nomme aussi écomatériaux – c’est aussi parce
qu’ils confèrent au bâtiment un caractère d’authenticité. « L’authentique maison
normande »8 par exemple serait une maison en pan de bois et torchis.
L’authenticité ainsi revendiquée, et qui confère à chaque édifice un caractère
unique, s’oppose à l’homogénéisation des constructions survenue après la
Seconde guerre mondiale et due à la nécessité de reconstruire rapidement le pays.
Parmi ces matériaux de l’architecture traditionnelle, on trouve notamment la terre
crue qui se décline, en France, en quatre techniques constructives dont le torchis.
La terre crue est celle que l’on trouve au sol, sous la couche de terre végétale, et
que l’on utilise directement, en opposition à la terre cuite qui peut notamment
prendre la forme de briques – pour édifier les murs -, de tuiles – utilisées pour la
toiture – ou encore de boisseaux – notamment utilisés pour les conduits de
cheminées. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la période du déclin de
l’architecture de terre crue en Occident, c’est-à-dire le XIXe siècle avec les
Révolutions industrielles, a été une période de renouveau et de réutilisation
massive de la terre cuite dans l’architecture, comme en atteste par exemple le
développement des briqueteries.
Aujourd’hui, la tendance est inverse et une grande attention est à nouveau portée
aux matériaux utilisés avant le XIXe siècle. Le torchis sera en particulier l’objet de
cette étude, laquelle commencera par une présentation générale du matériau, se
7
JOURDA F.-H., 2007.
8
VERNON A., 2003.
7
poursuivra par une inscription du torchis dans le contexte plus général de la
protection et de la valorisation du patrimoine bâti vernaculaire et, enfin,
s’achèvera par une série de propositions de valorisation autour du torchis, à la fois
comme élément de ce patrimoine et comme matériau d’avenir pour la
construction. Ces propositions s’inscriront dans le cadre régional de la
Normandie, dont le torchis est l’un des éléments les plus emblématiques de
l’architecture traditionnelle.
8
Partie 1 : Le torchis, une des manières de construire en terre
1.1. Histoire et géographie des constructions en terre
1.1.1. « Les premiers habitats »
Les résultats des fouilles archéologiques autant que les découvertes de grottes
ornées, comme celle de Lascaux, découverte en 1940 dans le département de la
Dordogne, nous ont longtemps laissé penser que les premiers hommes vivaient
dans des grottes, ce qui est d’ailleurs à l’origine de l’appellation « homme des
cavernes ». Cependant, selon Frédéric Belnet : « une chose est sûre, nos ancêtres
ne vivent pas au fin fond des cavernes obscures […] finalement peu nombreuses
(ou même absentes de régions entières). »9 Il explique ensuite l’origine de cette
idée reçue : « Si les préhistoriens y trouvent plus facilement qu’ailleurs des
vestiges d’occupation, c’est parce qu’épargnés par les intempéries, ces derniers
s’y conservent mieux »10. De plus, les grottes sont des monuments naturels
visibles dans le paysage qui « s’imposent comme sites à fouiller »11 alors que la
localisation des sites de plein air n’est pas aussi évidente. Finalement, à l’instar de
la grotte Chauvet, située en Ardèche et découverte en 1994, les grottes faisaient
alors plutôt office de « sites rituels »12 que d’habitats.
Le plus ancien habitat de plein air connu à ce jour est situé au Kenya, au bord du
lac Turkana, et date d’environ 2,5 millions d’années. Il a été découvert en 1969.
Mais seuls des ossements d’animaux et des débris de taille de pierres y ont été
retrouvés. Le site actuel ne donne donc aucune véritable information sur les
matériaux utilisés pour son édification, si ce n’est qu’ils étaient dégradables,
puisqu’ayant disparus.
9
BELNET F., 2012.
10
Ibid.
11
Ibid.
12
Ibid.
9
Près de Nice, dans les Alpes-Maritimes, le site de Terra-Amata a été découvert à
la fin des années 1950, lors de travaux de terrassement. Il est plus récent que le
site kenyan puisqu’il date d’environ 400 000 ans. Situé à l’époque sur une plage,
il comporte une vingtaine de huttes faites de branchages et pouvant chacune
accueillir quinze à vingt personnes. Des cendres fossilisées y ont été retrouvées,
ce qui témoigne d’une certaine domestication du feu par ceux qui y vivaient.
D’ailleurs, à cette période les campements temporaires cèdent la place à des
habitations plus durables – sans qu’on puisse parler pour autant de sédentarisation.
Ces habitats se sont construits au gré des ressources présentes sur les différents
territoires fréquentés par les premiers hommes ; l’utilisation de ces ressources
locales s’est maintenue par la suite. L’une de ces ressources étant la terre, qui a été
utilisée dans le monde entier et mise en œuvre de différentes manières.
1.1.2. Les premières constructions en terre
Dans le nord de la Syrie, le site de Dja’de el Mughara, situé sur la rive gauche de
l’Euphrate, a été l’objet de fouilles archéologiques menées par des membres de la
Maison de l’Orient et de la Méditerranée. Il s’agit d’un centre de recherche
français, à la fois rattaché au Centre National de la Recherche Scientifique
(CNRS) et à l’Université Lumière Lyon 2. Ces fouilles ont permis de dévoiler, en
2006, un mur en terre vieux de 11 000 ans qui constitue la plus vieille
construction en terre connue à ce jour. Un pan de ce mur est d’ailleurs décoré de
motifs géométriques, comme en témoigne la photographie ci-dessous :
10
© E. Coqueugniot/CNRS Photothèque
Source : CNRS le journal, n°216, janvier-février 2008
En Cisjordanie, sur le site archéologique de Jéricho, une brique en terre crue a été
retrouvée. Elle date de -8 000 à -7 000 avant J.-C. et on y distingue des traces de
doigts laissées par le maçon qui l’a façonnée. Il s’agit là de la plus ancienne
brique de terre crue mise au jour.
Ces deux éléments d’architecture en terre – le mur de Dja’de el Mughara et la
brique de Jéricho – remontent au Néolithique. Et c’est à cette période que
l’homme s’est sédentarisé. On peut donc noter le lien – est-il de causalité ? – entre
ces deux faits historiques que sont l’apparition et le développement de l’art de
bâtir en dur (en l’occurrence en terre) et la sédentarisation de l’homme. De plus,
Eric Coqueugniot, qui était le responsable de la mission archéologique sur le site
de Dja’de el Mughara, explique que l’habitation, dont l’un des murs est représenté
sur la photographie ci-dessus, « était vraisemblablement une maison à usage
collectif, un « bâtiment communautaire » »13. Cette phrase nous laisse donc à
penser que c’est approximativement à la même époque que les hommes se
sédentarisent et que les premières villes apparaissent. C’est ce qui amène Laetitia
Fontaine et Romain Anger à penser que « l’architecture de terre accompagne les
développements de notre civilisation depuis ses débuts. »14 Car c’est également à
cette époque que l’homme adopte un nouveau mode de subsistance, basé sur deux
activités principales : l’agriculture et l’élevage.
13
LAMOTTE C., 2008.
14
FONTAINE L. & ANGER R., 2009.
11
1.1.3. Les édifices monumentaux antiques bâtis en terre
Parmi les édifices les plus remarquables de l’Antiquité bâtis en terre, on trouve les
pyramides, auxquelles Laetitia Fontaine et Romain Anger consacrent une partie de
leur ouvrage, intitulé Bâtir en terre. En effet, si les célèbres pyramides de Gizeh,
en Egypte, ont été bâties en pierre, certaines l’ont été en terre crue, au moins
partiellement. En Mésopotamie par exemple, des pyramides à étages qui portent le
nom de ziggourats étaient érigées avec des briques de terre crues, recouvertes
ensuite de briques de terres cuites. La plus grande de ces ziggourats est située dans
l’actuel Iran, sur le site de Tchoga Zanbil. Elle a été bâtie vers 1250 avant J.-C. et
s’élevait à 53 mètres de haut – elle s’élève aujourd’hui à 25 mètres. Depuis 1979,
l’ensemble du site est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.15
En Chine, à Xi’an, le mausolée de l’empereur Qin Shi Huangdi est un immense
complexe funéraire qui s’étend sur 56 km2. L’élément principal de ce mausolée
est une pyramide édifiée en terre. C’est à proximité de cette pyramide que 8 000
soldats de terre cuite et grandeur nature ont été retrouvés en 1974. Le mausolée
date du IIIème siècle avant J.-C. ; il est inscrit à la liste du patrimoine mondial de
l’UNESCO depuis 1987. L’empereur Qin Shi Huangdi est considéré comme
l’unificateur de la Chine ; c’est également sous son règne que commence la
construction de la Grande Muraille. Une partie de cette gigantesque fortification
est construite en terre, c’est notamment le cas « près de Jiayuguan, dans la
province de Gansu »16. La terre y était alors le seul matériau disponible. On peut
voir sur la photographie ci-dessous une portion de la Grande Muraille construite
en terre :
15
2012, « Inventaire de l’architecture de terre du patrimoine mondial ».
16
FONTAINE L. & ANGER R., 2009.
12
© Gwydion Williams (Flickr, creative commons)
Source : Inventaire de l’architecture de terre du patrimoine mondial
On pourrait encore citer de nombreux autres édifices ou sites remarquables bâtis
en terre. En effet, « 15% des œuvres architecturales inscrites sur la liste du
patrimoine mondial de l’UNESCO sont construites en terre »17. Parallèlement à
ces constructions monumentales, la terre crue a également été un matériau très
employé dans l’architecture du quotidien, c’est-à-dire utilisée pour l’élévation de
constructions plus modestes.
1.1.4. Les constructions en terre aujourd’hui
Le département – ou ministère – de l’énergie des Etats-Unis considère que la
moitié de la population mondiale actuelle vit dans un habitat en terre crue et ce
type d’habitat est présent sur tous les continents18. Pour Laetitia Fontaine et
Romain Anger, cela s’explique par le fait que, dans « toutes les régions du monde,
les hommes et les femmes exploitent les matériaux locaux pour construire leur
habitat, et la terre est souvent le seul disponible »19.
17
FONTAINE L. & ANGER R., 2009.
18
Ibid.
19
Ibid.
13
Mais, au XIXème siècle, dans les pays directement impactés par les Révolutions
industrielles, l’utilisation de nouveaux matériaux comme le béton entraîne une
uniformisation des pratiques architecturales, en opposition aux anciens modes de
bâtir, qui différaient jusqu’alors selon les traditions locales. Les innovations
toujours plus nombreuses semblent alors interdire tout retour aux méthodes de
constructions traditionnelles. A cet égard, l’exemple du béton est saisissant.
L’invention du ciment est attribuée à l’ingénieur français issu de l’Ecole Nationale
des Ponts et Chaussées, Louis Vicat, en 1818. Les premières usines françaises de
ciment apparaissent au milieu du siècle. Puis, en 1867, le jardinier et inventeur
français Joseph Monier fait breveter sa nouvelle invention, le béton armé. En
1928, l’ingénieur Eugène Freyssinet parvient à améliorer encore la technique
concernant ce matériau et invente le béton précontraint.
Ainsi, en l’espace de cent ans, de nouveaux matériaux sont apparus et ont
remplacé les matériaux traditionnels qui étaient utilisés jusqu’alors, et ce depuis
des siècles. En outre, selon Jean-Charles Moreux cette technicité très élaborée et
l’utilisation de ces nouveaux matériaux ont conduit certains architectes à
rechercher « dans le « fonctionnalisme » un répertoire de formes nouvelles. »20
Cela acheva sans doute de rendre désuets et caduques les matériaux traditionnels
de construction et, plus largement, l’architecture vernaculaire. De plus après la
Seconde Guerre mondiale, l’urgence de la reconstruction a entraîné l’usage
généralisé de ces nouveaux matériaux et les savoir-faire traditionnels se sont
perdus.
Cependant, les deux chocs pétroliers, en 1973 et en 1979, entraînent les sociétés
dans une grave crise à la fois économique et sociale. De surcroît, cette crise est
écologique car l’impact des activités humaines sur l’environnement et la
biodiversité se fait sentir, notamment par le réchauffement climatique et la
raréfaction des ressources naturelles. La crise est d’autant plus profonde qu’elle se
manifeste à l’échelle mondiale.
En réaction, l’Organisation des Nations Unies (ONU) crée, en 1983, la
Commission mondiale sur l’environnement et le développement. En avril 1987,
cette commission publie une synthèse de ses travaux dans un document intitulé
20
MOREUX J.-C., 1999.
14
Notre avenir à tous. Ce document est couramment appelé « Rapport Brundtland »,
du nom de la femme politique norvégienne qui a présidé la commission, Gro
Harlem Brundtland. On y trouve, pour la première fois, la définition du principe
de « développement durable », traduction du terme anglo-saxon « sustainable
development » : « Le développement durable est un mode de développement qui
répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations
futures de répondre aux leurs. »
Dans ce contexte, dans le domaine de l’architecture, on constate un véritable
renouveau des matériaux traditionnels qui sont, à plusieurs égards, plus
respectueux de l’environnement, comme cela sera développé par la suite pour le
cas du torchis.
Mais le patrimoine bâti en terre reste méconnu aujourd’hui ; on peut citer deux
idées reçues erronées à leur égard :
 Elles ne sont présentes qu’en milieu rural ;
 Elles sont l’apanage des édifices les plus modestes.
Or, on trouve nombre d’habitations en terre dans les centres historiques des
grandes agglomérations. Par exemple, « la ville de Lyon est riche de vestiges
gallo-romains en adobe et en torchis. » De plus, « l’agglomération lyonnaise
concentre une proportion de bâtiments en pisé « urbain » inégalée en Europe. »21
Deuxièmement, la terre est un matériau qui a souvent été utilisé pour « bâtir de
nombreuses demeures nobles et bourgeoises. Les manoirs du Val de Saône et de
la Haute-Loire en sont des témoins les plus frappants. »22 En Espagne, on trouve
un exemple encore plus frappant, une preuve encore plus intangible que cette
deuxième idée reçue est une contre-vérité : l’Alhambra de Grenade, qui porte dans
son nom même cette preuve. En effet, Al Hamra signifie en arabe « la Rouge » en
référence à la couleur des murs partiellement construits en pisé.
21
2012, « Inventaire de l’architecture de terre du patrimoine mondial ».
22
FONTAINE L. & ANGER R., 2009.
15
1.1.5. Les différentes mises en œuvre de la terre en France
La terre en tant que matériau de construction est une ressource transformée, c’està-dire qu’il s’agit d’une matière première qui doit être mise en œuvre. Cette mise
en œuvre peut prendre différentes formes, c’est pourquoi il existe plusieurs
techniques constructives qui utilisent la terre. Hugo Houben et Hubert Guillaud en
recensent douze principales, dans leur ouvrage intitulé Traité des constructions en
terre. Laetitia Fontaine et Romain Anger ont réuni ces douze techniques dans une
« roue » présentée ci-dessous :
Source : Bâtir en terre, du grain de sable à l’architecture, p. 26.
Ces différentes techniques constructives sont liées à l’état hydrique de la terre.
Celles numérotées de 1 à 5 sur la roue ci-dessus correspondent à la mise en œuvre
d’une terre sèche ou humide, c’est-à-dire présentant un taux d’humidité inférieur à
20%. Les techniques numérotées de 6 à 10 utilisent une terre dite plastique, c’est16
à-dire ayant une teneur en eau située entre 15 et 30%. Enfin, celles numérotées de
8 à 10 et de 11 à 12 correspondent respectivement à la mise en œuvre d’une terre
visqueuse et à la mise en œuvre d’une terre liquide23. On comprend donc ici
comment la géographie influe sur l’architecture : les premières techniques (de 1 à
5) sont utilisées dans les régions les plus sèches voire arides tandis que les
suivantes sont plutôt utilisées dans les régions tempérées.
Dans l’architecture traditionnelle française, quatre de ces techniques de mise en
œuvre de la terre existent : l’adobe, le pisé, la bauge et le torchis. La carte cidessous propose une répartition géographique de ces quatre techniques sur le
territoire métropolitain :
Source : Bâtir en terre, du grain de sable à l’architecture, p. 37.
Une adobe est une brique de terre crue séchée. Pour la fabriquer, il faut tout
d’abord mélanger terre et eau et malaxer ce mélange jusqu’à obtenir une pâte à
consistance plastique – en effet, l’adobe correspond au numéro 8 de la roue des
techniques. Il existe ensuite trois façons de faire : le mélange peut-être façonné à
23
FONTAINE L. & ANGER R., 2009.
17
la main, ou moulé, soit de façon artisanale, soit de façon mécanique – si la terre a
une trop forte teneur en eau, elle ne résistera pas au démoulage et s’affaissera. La
technique qui consiste à façonner l’adobe à la main est sans doute été la première
manière de faire, avant l’usage des moules. Mouler manuellement ces briques est
la technique couramment utilisée en France. La production mécanisée d’adobe est
apparue au XXème siècle, aux Etats-Unis ; mais on trouve peu d’exemples de cette
mécanisation ailleurs.
L’étape suivante est celle du séchage des briques ainsi obtenues. Il existe alors un
risque de fissuration si la terre choisie est trop argileuse. Un moyen de régler ce
problème est d’ajouter au mélange terre/eau du sable ou des fibres végétales.
Enfin, une fois sèches, les briques sont prêtes à l’emploi. Leur taille est variable ;
elle dépend du moule utilisé. Leur forme peut être rectangulaire ou carrée.
La brique de terre crue vieille de 10 000 ans évoquée plus haut – celle retrouvée
sur le site de Jéricho – est une adobe. En France, cette technique a surtout été
utilisée dans le Sud-ouest (cf. la carte ci-dessus), où les adobes étaient moulées de
façon artisanale. La photographie ci-dessous représente des briques de terre crue
ou adobes :
Source : www.maison-construction.com/la-terre
La technique du pisé consiste à remplir des coffrages par plusieurs couches
successives de terre. Il faut ensuite comprimer la terre à l’aide d’un outil appelé
« piloir » – aujourd’hui, dans le cadre d’une production mécanisée du pisé, le
piloir a été remplacé par un fouloir pneumatique, qui apporte une plus grande
18
rapidité d’exécution. Enfin, il ne reste plus qu’à décoffrer la portion de mur ainsi
réalisée. Quant à la terre utilisée, elle peut contenir « des cailloux et des graviers.
[…] Les terres plus fines peuvent également être compactées dans des coffrages à
condition qu’elles ne contiennent pas trop d’argile, qui provoque de la fissuration
lors du séchage. »24 Par ailleurs, le pisé correspond au numéro 5 de la roue des
techniques ; la terre utilisée doit donc avoir un taux d’humidité inférieur à 20%.
C’est pourquoi il n’est pas besoin de mélanger la terre à de l’eau, avant de remplir
les coffrages.
Le degré de technicité est plus important pour le pisé que pour l’adobe, la bauge
ou le torchis. Cette technique est d’ailleurs apparue plus tardivement ; la plus
ancienne trace de construction en pisé remonte en effet au IXème avant J.-C.
Cependant, il s’agit sans doute du matériau de terre qui a le plus bénéficié du
regain d’intérêt pour les matériaux traditionnels évoqué plus haut. C’est
certainement en raison des possibilités qu’il offre. Il permet notamment de réaliser
de longs murs rectilignes voire courbes, « grâce aux évolutions récentes des
coffrages. »25
La bauge est un mélange de terre, d’eau et de fibres végétales, ces dernières
permettent d’éviter les fissurations. Il convient d’abord de façonner ce mélange en
boules et d’empiler celles-ci, à la main ou à l’aide d’une fourche, pour former un
mur. Les parois du mur doivent ensuite être battues, à l’aide d’un bâton, pour
reboucher les fissures puis taillées, à l’aide d’un outil tranchant, pour donner un
aspect lisse à l’ensemble. Au contraire du pisé, la bauge ne nécessite pas de
coffrage. Mais, de ce fait, l’édification d’un mur est plus longue et doit se faire par
couches, entre chacune desquelles un temps de séchage est nécessaire, sous peine
d’un affaissement de l’ensemble ; la terre utilisée ayant une consistance plastique
en raison du mélange à l’eau effectué au préalable. En effet, la bauge correspond
au numéro 7 de la roue des techniques. Ce laps de temps entre l’édification de
deux couches peut varier entre une et quatre semaines.
24
FONTAINE L. & ANGER R., 2009.
25
Ibid.
19
En France, l’usage de cette technique est attesté « par des fouilles archéologiques
depuis l’époque gauloise »26. Cependant les plus anciens édifices en bauge encore
en élévation datent du XVIème siècle. La bauge a principalement été utilisée en
Bretagne, dans le Cotentin et dans la région des pays de la Loire. Par exemple, les
bourrines vendéennes étaient édifiées en bauge. A Saint-Hilaire de Riez, la
bourrine du Bois-Juquaud a été convertie en un écomusée qui a obtenu le label
« Musée de France » en 2004.
Enfin, la quatrième technique traditionnelle de construction en terre présente en
France est le torchis.
1.2. Qu’est-ce que le torchis ?
1.2.1. Présentation du matériau
Dans leur ouvrage, Laetitia Fontaine et Romain Anger font un point sur l’histoire
du torchis : c’est « une des plus anciennes techniques de construction, développée
au Proche-Orient vers la fin du Xème millénaire avant J.-C. La technique du torchis
est ensuite exploitée par les civilisations néolithiques du Danube, qui l’étendent à
toute l’Europe continentale boisée à partir du VIème millénaire avant J.-C. »
L’adjectif « boisée » ci-dessus nous apprend déjà que le torchis est indissociable
d’un autre matériau, le bois, comme nous le verrons par la suite.
Le terme « torche » désigne « des fibres nouées en torsade et destinées à allumer
les fagots de bois »27. Et c’est ce terme qui a sans doute donné son nom à la
technique du torchis, qui consiste justement à nouer des fibres végétales entre
elles, avant de les mélanger à de la terre. L’origine du terme est latine, torquere
signifiant tordre. Le terme « teurque », proche du terme latin, semble confirmer
cette étymologie puisqu’il est « parfois utilisé, notamment en Normandie, pour
désigner le mélange de paille et de terre argileuse. »28
26
27
28
www.asterre.org/construire-en-terre/la-bauge
DEWULF M., 2007.
Ibid.
20
Concrètement, le torchis est un matériau composite ; c’est un mélange de terre, de
fibres végétales (paille ou foin) et d’eau. La terre utilisée n’est pas la terre
végétale que l’on trouve en surface du sol mais un limon argileux, présent en
dessous. Dans une vidéo mise en ligne par le Conseil Général de SeineMaritime29, Dominique Meslin, artisan maçon, explique que la terre est « un
limon argileux » et que la paille « est l’armature […] la ferraille du béton
armé ».En effet, le caractère argileux de la terre entraîne des fissurations lors du
séchage ; comme dans le cas de la bauge, l’ajout de la paille permet d’éviter les
fissurations lors du séchage. A l’inverse du pisé, la terre idéale pour le torchis ne
contient ni cailloux ni graviers et peu de sable.
Cependant, Laetitia Fontaine et Romain Anger notent qu’il existe « des torchis
sans paille » 30 et donnent l’exemple de la Bresse où ce mélange n’est pas utile car
la terre ne fissure pas au séchage en raison de sa faible teneur en argile. De plus,
aux fibres végétales sont parfois ajoutées des fibres animales. Enfin, du sable peut
également venir compléter ce mélange. Ces trois exemples nous montrent que la
composition du torchis n’est pas invariable mais diffère selon les caractéristiques
des matériaux locaux et les traditions locales.
Il correspond au numéro 10 sur la roue des techniques ; c’est-à-dire que la terre
doit être plastique voire visqueuse, avec une teneur en eau comprise entre 15 et
35%. Il est donc nécessaire de mélanger la terre à de l’eau, pour obtenir cette
consistance plastique. Des quatre techniques constructives en terre crue présentes
dans l’architecture traditionnelle française, le torchis est donc celle qui nécessite
le plus d’eau, devant l’adobe, la bauge, puis le pisé.
1.2.2. Fabrication du torchis
La fabrication du torchis est un véritable savoir-faire qui nécessite un temps assez
long ; « le malaxage des fibres végétales avec l’argile et l’eau est en effet
particulièrement difficile. »31. Cependant, on trouve en France des « filières de
29
SeineMaritimetv, 2011.
30
FONTAINE L. & ANGER R., 2009.
31
DEWULF M., 2007.
21
production de « torchis prêt à l’emploi » »32, c’est-à-dire des entreprises qui
produisent puis commercialisent un torchis prêt à être mis en œuvre :
 La briqueterie d’Allonne, dans l’Oise ;
 L’entreprise Meslin, à La Haye-Aubrée, dans l’Eure ;
 La briqueterie Lagrive, à Glos, dans le Calvados ;
 L’entreprise Maudens, à Marle, dans l’Aisne.
Le torchis alors n’est plus fabriqué à proximité du chantier ; il y est livré, en vrac
ou en sac. Mais en raison de la rareté de ce service, la fabrication artisanale du
torchis est privilégiée sur beaucoup de chantiers. Comment s’organise-t-elle ?
Tout d’abord, il convient d’extraire la terre, ce qui à pour effet de l’assécher. Il
faut ensuite la « mouiller de façon à en faire une boue. »33 Cette phase et dite de
« trempage » ou de « pourrissage ». Deux écueils se présentent lors cette phase :
 La quantité d’eau ne doit pas être ni trop faible ni trop forte. Dans le premier
cas, le mélange ne se ferait pas bien ; dans le second, la terre perdrait de son
imperméabilité et le torchis se fissurerait lors du séchage. Par ailleurs, la
fissuration du torchis peut également être due à une trop forte teneur en argile
dans le mélange ou encore « un séchage trop rapide »34, par l’effet du soleil ou
du vent.
 Le mélange doit être homogène pour conserver les caractéristiques de la terre.
Une fois le mélange opéré, il faut y ajouter les adjuvants, c’est-à-dire
principalement les fibres végétales. Vient ensuite l’étape du malaxage. Il se fait
traditionnellement à la main ou « par un long piétinement.35 » Cependant, selon
Michel Dewulf, « on ne peut se permettre aujourd’hui (sauf dans le cadre d’une
démonstration) de procéder de cette manière ». Il évoque trois raisons à cela : le
temps (trop long), la pénibilité et le coût (trop élevé en raison de la main-d’œuvre
32
DEWULF M., 2007.
33
Ibid.
34
Ibid.
35
Ibid.
22
nécessaire) et préconise l’utilisation d’un malaxeur mécanique. Une fois le
mélange réalisé, le torchis est prêt à être mis en œuvre.
1.2.3. Mise en œuvre du torchis
La roue des techniques nous apprend que le torchis n’est pas un matériau porteur
puisque c’est un matériau de garnissage. De ce fait, il est nécessaire de faire appel
à un autre matériau pour ériger une structure porteuse, traditionnellement en bois
sur laquelle le torchis sera ensuite appliqué. La photographie ci-dessous représente
une maison en pan de bois et torchis, située dans l’Orne et dont la restauration a
obtenue le prix René Fontaine-Maisons paysannes de France, en 2005 :
© Maisons paysannes de France
Source : Patrimoines en devenir n° 3, p. 8.
La structure porteuse d’une maison à pan de bois et torchis se compose de
plusieurs éléments. Tout d’abord, les poutres principales supportent la charpente.
Elles sont reliées entre elles par d’autres pièces de bois, le tout formant l’ossature
(le « squelette ») de l’édifice. Sur cette ossature est fixé le colombage, composé de
pièces de bois (aussi nommées « pans » et « colombes »). Ces pièces peuvent être
fixés verticalement ou de manière à former un décor, par exemple en croix de
23
Saint-André, comme c’est le cas sur la photographie ci-dessous, où figure un
manoir situé dans l’Eure :
© DR
Source : Patrimoines en devenir n° 3, p. 2.
Ensuite, il existe trois manières principales de hourdir le torchis sur cette
structure porteuse (par ailleurs, le torchis n’est qu’un des hourdis utilisés dans
l’architecture en pan de bois, avec la pierre et les tuileaux, qui sont des « petites
tuiles plates »36) :
 D’autres éléments en bois garnissent l’entre-colombage. « Il s’agit d’éclisses,
[…], de branchettes, […] ou encore de palissons » qui sont insérés par un
système d’encoches dans les pans de bois. Ces éléments sont alors si resserrés
que le torchis peut y être directement apposé.
 Il reste des espaces vides entre les colombes ; il convient alors de les combler.
Cette étape est celle du « clayonnage »37. Selon Michel Dewulf, « le cas
vraisemblablement le plus ancien reprend le principe du vannage des paniers :
des baguettes souples (de tilleul, de saule, de noisetier) sont entrelacées sur une
36
Association Pays d’Auge Expansion.
37
DEWULF M., 2007.
24
trame de barreaux (en chêne ou en châtaignier) »38. Le torchis est ensuite
hourdi sur cet ensemble.
 Enfin, le torchis peut être hourdi sur un lattis. Cette méthode est utilisée quand
le bois choisi pour l’ossature résiste mal à l’humidité. En effet, les pans de bois
ne sont plus apparents ; ils sont recouverts par des lattes, clouées ou chevillées
aux éléments de l’ossature. Cependant, « il était fréquent autrefois, notamment
dans le pays de Caux, en Normandie, que les lattes soient fixées aux éléments
de l’ossature par des liens de pailles de seigle ou encore de l’écorce de
tilleul. »39 Le bois n’étant plus apparent, cette technique donne « l’impression
que le bâtiment est construit en terre massive. »40
On comprend donc que si la composition du torchis varie selon les traditions et les
savoir-faire locaux, il en va de même pour la mise en œuvre de ce matériau. En
effet, le torchis n’échappe pas à la diversité des modes de bâtir, à la pluralité de
l’architecture vernaculaire évoquée en introduction. Ainsi, les pans de bois sont le
plus souvent apparents en Normandie ou en Alsace par exemple, alors que la
technique du lattis est plutôt utilisée en Picardie et dans l’Artois. On note
également des disparités au sein d’une même région, d’un terroir à l’autre. En
Normandie par exemple, « le pan de bois brayon [du Pays de Bray] est très
espacé, contrairement à celui du Pays de Caux. »41
La mise en œuvre du torchis nécessite par ailleurs de prendre des précautions qui
permettront de se prémunir d’éventuelles dégradations.
Tout d’abord, l’eau, que ce soit la pluie ou l’humidité du sol, entraîne une
désagrégation du torchis. Pour pallier cela, un proverbe dit qu’un mur en torchis
doit avoir « de bonnes bottes et un bon chapeau ». Concrètement, cela signifie
qu’un mur en torchis ne doit pas directement être au contact du sol – ce qui, de
plus, entraîne aussi un pourrissement des éléments en bois – mais reposer sur un
soubassement. Le chapeau du proverbe fait quant à lui référence à la toiture, qui
38
DEWULF M., 2007.
39
Ibid.
40
Ibid.
41
DE CHAMPSAVIN S.
25
doit bien protéger le mur de la pluie par un débord suffisamment important. La
pose d’un enduit à la chaux peut également protéger le torchis de l’eau.
Autre facteur à risque pour le torchis, l’usage de clous peut abîmer le torchis s’il
« ne sont pas en acier galvanisé. »42 C’est ici l’action de la rouille qu’il faut
surveiller ; celle-ci peut entraîner la fissuration des éléments en bois.
Enfin, le bois utilisé comme support d’accrochage du torchis est important :
certains résistent moins bien à l’humidité, d’autres « sont plus propices […] à
l’attaque des insectes xylophages »43.
1.2.4. Qualités du torchis et avantages liés à son utilisation
Un édifice bâti en torchis possède certaines qualités que n’auraient pas apporté
d’autres matériaux. En cas de séisme par exemple, le torchis, grâce à des
« qualités de souplesse, de résistance mécanique, […] offre une plus grande
sécurité qu’un immeuble en béton. »44 En outre, le torchis « bénéficie d’une bonne
résistance au feu »45.
Le torchis possède également des qualités écologiques à la fois liées à sa nature
même et à sa mise en œuvre ; il est donc considéré comme un écomatériau. C’est
le sens de la phrase de Véronique Bocquet, architecte du Parc naturel régional des
Boucles de la Seine : « le torchis répond à l’objectif de agir local et penser
global »46. L’architecte reprend ici le mot de René Dubos, prononcé lors de la
première conférence sur l’environnement organisée par l’Organisation des
Nations Unies (ONU), à Stockholm, en 1972. Il faut ici comprendre que la
démarche de construire aujourd’hui, en torchis, un bâtiment (échelle locale)
s’inscrit pleinement dans une démarche respectueuse de l’environnement et de la
planète (échelle globale), et ce pour plusieurs raisons.
42
DEWULF M., 2007.
43
Ibid.
44
Ibid.
45
Ibid.
46
SeineMaritimetv, 2011.
26
Tout d’abord, la terre, qui est le principal composant du torchis, est par essence
recyclable. En effet, « il s’agit d’une roche meuble d’origine détritique (issue de
l’altération des roches antérieures) »47.
Mais plus largement, le torchis présente une réelle efficience énergétique. Il est
notamment performant en termes d’isolation thermique, ce qui permet une
réduction considérable de la consommation de moyens de chauffage, plus ou
moins coûteux et polluants. Plus précisément, on distingue deux types de torchis :
 Un torchis lourd qui contient « beaucoup de terre et peu de paille »48 et qui
« privilégie l’inertie et l’accumulation thermique (chaleur l’hiver ou fraîcheur
l’été) »49 ;
 Un torchis allégé contenant « beaucoup de paille et un peu de terre »50 et qui
privilégie l’isolation. « Il est neuf fois plus isolant que le torchis traditionnel,
car il renferme beaucoup d’air statique. »51
Pour garantir cette efficience énergétique, l’AsTerre, l’association nationale des
professionnels de la terre crue, préconise de hourdir le torchis allégé sur la paroi
extérieure du mur et le torchis lourd sur la paroi intérieure.
Par ailleurs, l’énergie grise, qui est la somme de toutes les énergies nécessaires à
la production, la fabrication, l’utilisation et le recyclage, est très faible pour ce
matériau, à plus forte raison dans le cadre traditionnel.
De plus, le recours aux filières locales, qui est inévitable pour le torchis, permet de
réduire le coût des transports qui explosent dès lors que les produits sont importés
depuis un autre pays, voire un autre continent. Mais, plus que le coût financier, les
transports génèrent des dépenses énergétiques et des émissions de gaz à effet de
serre qui peuvent donc être limitées par l’activation de ces filières locales.
47
Guide technique du bâti à pan de bois et torchis.
48
http://www.asterre.org/construire-en-terre/le-torchis
49
Ibid.
50
Ibid.
51
Ibid.
27
1.3. Les constructions en torchis dans le paysage
1.3.1. La notion de paysage
Le torchis est un élément du patrimoine bâti vernaculaire et marque les paysages
dans lesquels il figure. Françoise Chenet-Faugeras52 définit la notion de paysage ;
elle affirme qu’elle est inhérente à la ville. Elle dresse tout d’abord un historique
des occurrences du terme « paysage » et note qu’il faut attendre le XIXe siècle
pour qu’il soit associé à celui de « ville ». Jusqu’alors, le paysage se définissait
surtout comme une représentation de la campagne. Pour étayer son affirmation,
l’auteure explique en effet que le paysage a d’abord été une construction urbaine,
c’est-à-dire la représentation d’un territoire rural par un citadin. Par ailleurs,
toujours selon Françoise Chenet-Faugeras, les théories des architectes de la
Renaissance ont été l’occasion d’une réflexion des citadins sur leur
environnement immédiat. La ville, qui était alors le lieu à partir duquel on
représentait des paysages, devient un lieu que l’on peut représenter (notamment
par l’usage de la perspective).
Gustavo Giovannoni, architecte et ingénieur italien de la première moitié du
XXème siècle, distingue essentiellement « deux esthétiques des grandes villes »53
(dans le sens de perceptions visuelles de la ville). L’une est l’esthétique
« moderne »54 ; l’autre est celle des villes anciennes, due aux « caractères
régionaux et locaux pour ce qui est du style, des volumes et de la couleur »55. Le
terme d’ « esthétique » étant ici lié à celui de « perception », on peut le rapprocher
de celui de « paysage ».
En 2000, la convention européenne du paysage est ratifiée à Florence ; il s’agit du
premier traité international exclusivement consacré à ce domaine. La notion de
paysage y est définie ainsi : « une partie de territoire telle que perçue par les
52
CHENET-FAUGERAS F., 1994.
53
GIOVANNONI G., 1998.
54
Ibid.
55
Ibid.
28
populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou
humains et de leurs interrelations ».
Dans cette définition, le paysage n’est plus la représentation d’un territoire mais la
perception d’un territoire. Dans ce contexte, le terme de « représentation » était lié
au domaine artistique. En effet, un paysage était d’abord la représentation
artistique, sous forme d’une peinture par exemple, d’un territoire. Le terme de
perception renvoie plutôt à une pratique immédiate du territoire, c’est-à-dire sans
passer par la médiation de l’art.
De plus, la convention de Florence ne fait plus la différence entre ville et
campagne mais entre facteurs naturels et facteurs humains. Le terme de
« paysage » peut donc être compris comme la perception d’un espace urbain, rural
voire naturel.
1.3.2. Paysages ruraux, paysages urbains
Pour Gabriella Battaini-Dragoni, Directrice Générale de l’Education, de la Culture
et du Patrimoine, de la Jeunesse et du Sport du Conseil de l’Europe, la convention
de Florence « souligne l’importance de prendre en compte et de protéger tous les
types de paysages »56 Il faut ici comprendre que l’architecture vernaculaire a
façonné les paysages ruraux et qu’elle constitue un patrimoine à protéger au
même titre que des « monuments plus prestigieux »57.
Le torchis est donc un élément de cette architecture vernaculaire et caractérise les
paysages dans lesquels il s’inscrit. Par ailleurs, Brigitte Sabattini, Maître de
conférences à Aix-Marseille Université, note que « le poids du paysage devient
[…] prépondérant dans la différenciation »58 entre espace urbain et espace rural,
plus que le critère du mode de vie, par exemple. Dans ce sens, le torchis est plutôt
représentatif d’un paysage de campagne ou d’une commune rurale que d’un
paysage urbain.
56
BATTAINI-DRAGONI G., 2008.
57
Ibid.
58
SABATTINI B., 2008.
29
Cependant, le torchis n’est pas l’apanage du monde rural et l’on trouve dans
certaines villes des constructions anciennes en torchis. C’est notamment le cas à
Provins, une ville de Champagne réputée pour ses foires au Moyen Age et inscrite
depuis 2001 sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Ci-dessous une
photographie d’une bâtisse provinoise « à pan de bois et remplissage de
torchis »59 :
©Esther Westerveld (Flickr, creative commons)
Source : Inventaire de l’architecture de terre du patrimoine mondial
59
2012, « Inventaire de l’architecture de terre du patrimoine mondial ».
30
1.3.3. Cas particuliers en Seine-Maritime
Les clos-masures constituent l’habitat traditionnel du pays de Caux. Le terme
« masure » vient du bas latin mansura, qui signifie « demeure ». Plus précisément,
le clos-masure est une ferme – comprenant des bâtiments d’exploitation et
d’habitation, une cour plantée d’arbres et une mare – ceinte par des haies d’arbres
plantés sur des talus. Le torchis est l’un des matériaux utilisés dans la construction
des bâtiments de ces clos-masures, dont un est représenté sur la photographie
aérienne ci-dessous :
Source : www.caue76.org
Le géographe Paul Vidal de la Blache avait perçu, dès le début du XX ème siècle,
dans son Tableau de la géographie de la France, la valeur paysagère de ce type
d’habitat: « Dans un paysage apparemment classique de grande culture, les closmasures, constitués de hêtres, de chênes ou de fresnes plantés sur talus, structurent
le paysage et l’enrichissent […] En constituant la clôture de chaque corps de
ferme, le clos-masure crée l’architecture du Pays de Caux. » Or, « depuis la
seconde moitié du XXème siècle, le monde agricole et l’espace rural ont subi des
transformations
d’exploitation. »60
60
importantes
C’est
du
fait
pourquoi
de
les
CAUE de Seine-Maritime.
31
la
modernisation
bâtiments
qui
des
modes
composaient
traditionnellement les clos-masures « ont progressivement perdu leur fonction au
profit de bâtiments modernes, mieux adaptés aux entreprises agricoles, aux
normes sanitaires et à la taille des machines agricoles. »61 La photographie ciaprès représente un bâtiment de clos-masure, dont on perçoit aisément les
transformations et les dégradations. Le toit de chaume a été remplacé par des
tôles ; le hourdi de torchis a quasiment disparu, laissant largement apparaître la
structure porteuse :
Source : www.caue76.org
Délaissés, les clos-masures sont alors soumis à la pression foncière et parfois
remplacés, en entrée de villes et de villages, par des zones d’activités et des
lotissements, sans souci de la qualité paysagère.
Pourtant, les clos-masures, qui confèrent au paysage cauchois son identité
particulière, constituent à ce titre un élément emblématique du patrimoine bâti
vernaculaire seinomarin. Il convient donc de protéger et de valoriser ce
patrimoine ; c’est tout le sens de la candidature à l’inscription des clos-masures
sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, portée par le Conseil Général
de Seine-Maritime. Pour pouvoir y être inscrits, « les sites doivent avoir une
valeur universelle exceptionnelle et satisfaire à au moins un des dix critères de
sélection. »62 Les clos-masures pourraient répondre à celui-ci : « être un exemple
éminent d’établissement humain traditionnel, de l’utilisation traditionnelle du
61
CAUE de Seine-Maritime.
62
whc.unesco.org/fr/criteres/
32
territoire ou de la mer, qui soit représentatif d’une culture (ou de cultures), ou de
l’interaction humaine avec l’environnement, spécialement quand celui-ci est
devenu vulnérable sous l’impact d’une mutation irréversible. »63
Si elle ne peut prétendre à une valeur universelle exceptionnelle, la ferme des
Bouillons est la dernière ferme présente sur le territoire de la commune de MontSaint-Aignan. Elle en constitue donc à ce titre un élément rare du patrimoine bâti.
La ferme des Bouillons se compose d’une dizaine de bâtiments, répartis sur quatre
hectares. La maison d’habitation de la ferme, comme le montre la photographie
ci-après, possède une architecture à pan de bois et remplissage de torchis, sur un
soubassement de briques :
Source : www.grand-rouen.com/la-ferme-des-bouillons-sauvee
Cette ferme est actuellement menacée de destruction. Elle a été vendue au début
de l’année 2012 à Immochan, filiale immobilière du groupe Auchan, à laquelle un
permis de démolir a été octroyé pour ce bien, par la mairie de Mont-Saint-Aignan.
En réaction, au mois de décembre de la même année, une association a été créée
pour lutter contre la destruction programmée de ce patrimoine et redonner à la
ferme sa vocation originelle. Depuis le 6 décembre, la ferme est même occupée
par des membres de cette association. On trouve en annexe 1 le troisième numéro
de La Gazette des Bouillons, diffusée par l’association pour sensibiliser les
habitants de Mont-Saint-Aignan à cette cause.
63
whc.unesco.org/fr/criteres/
33
On retrouve, à travers l’exemple des clos-masures et celui de la ferme des
Bouillons, la difficulté mentionnée plus haut à dissocier espace rural et espace
urbain. Dans les deux cas, le paysage évoque la campagne et la ruralité mais dans
un contexte d’urbanisation des territoires qui le met en danger.
Le torchis est un des éléments qui confèrent à la ferme des Bouillons et aux closmasures une valeur patrimoniale et paysagère importante. Mais l’enjeu de leur
sauvegarde est aussi celui de leur usage futur. En effet, pour Gabriella BattainiDragoni, pour préserver ce patrimoine que constitue l’habitat rural, il est
nécessaire de « l’adapter pleinement au quotidien des habitants d’aujourd’hui et
conserver les pratiques et les modes de vie locaux. »64
1.3.4. Land Art et constructions en torchis
Le Land Art, abréviation de Landscape Art – que l’on peut traduire par « art
paysager » – est un mouvement artistique né aux Etats-Unis, initié dans le cadre
de l’exposition Earthworks qui s’est tenue à New York en 1968. La même année,
l’artiste Robert Smithson publie The Sedimentation of the Mind : Earth projects,
ce qui fait de cet américain le premier véritable théoricien du Land Art. Mais la
paternité du terme est attribuée à Gerry Schum, qui l’utilisa pour titrer l’un de ses
films.65 Dès la fin des années 1960 donc, « le paysage n’est plus seulement décrit
à l’aide de textes ou représenté par des images, mais utilisé comme matériau
artistique à proprement parler. »66 En effet, les artistes du Land Art utilisent la
nature comme atelier de travail et, le plus souvent, des matériaux naturels pour
façonner leurs œuvres. Une fois réalisées, celles-ci s’inscrivent dans le paysage et
révèlent son caractère.
Mais beaucoup de ses œuvres sont éphémères, en raison des matériaux utilisés, et
il faut qu’un média – vidéo, photographie, etc. – intervienne pour en conserver la
trace. Andy Goldsworthy, qui est considéré comme l’un des principaux artistes du
Land Art, a écrit à ce sujet : « Chaque œuvre pousse, subsiste, se dégrade 64
BATTAINI-DRAGONI G., 2008.
65
LAILACH M., 2007.
66
Ibid.
34
composantes intégrales d'un cycle que le photographe montre à leur point
culminant, balisant le moment où l'œuvre est la plus vivante. Il y a une intensité
dans une œuvre à son sommet qui j'espère s'exprime dans l'image. L'évolution et
le délabrement sont implicites »67.
Andy Goldsworthy est un sculpteur britannique. Il utilise le plus souvent des
matériaux trouvés à l’emplacement même où il construit ses œuvres, qui prennent
une forme arrondie. La photographie ci-dessous représente une sculpture en terre,
réalisée par Andy Goldsworthy et intitulée Striding Arch :
Source : www.striding arches.com
Ainsi, deux liens principaux peuvent être établis entre cette tendance de l’art
contemporain qu’est le Land Art et les constructions en torchis et, plus largement,
l’architecture vernaculaire :
 L’utilisation de matériaux naturels et sélectionnés sur le lieu d’implantation de
l’œuvre artistique ou architecturale ;
 L’intégration dans le paysage de cette œuvre.
En effet, si la question de l’intégration dans le paysage est l’essence même du
Land Art, elle est également très importante en architecture. Elle est d’ailleurs
67
GOLDSWORTHY A., 2001.
35
évoquée dès l’article 1 de la loi sur l’architecture de 1977 : « L’architecture est
une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des
constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect
des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public. »
Le terme d’« insertion harmonieuse » pouvant ici être confondu avec celui
d’intégration.
Par ailleurs, les deux liens mentionnés plus haut sont interdépendants. En effet,
l’œuvre s’intègre d’autant mieux dans le paysage et révèle d’autant plus les
richesses d’un territoire qu’elle est conçue avec la matière qui le constitue. En ce
sens, les constructions en torchis s’apparentent à des œuvres du Land Art et
l’architecture vernaculaire peut-être considéré comme une catégorie du Land Art
que l’on pourrait appeler « Land Architecture ».
36
Partie 2 : Le torchis, un élément du patrimoine bâti
vernaculaire
2.1. Protection et valorisation du patrimoine bâti vernaculaire
2.1.1. Institutions internationales
L’UNESCO a été fondée en novembre 1945, dans la foulée de la création de
l’Organisation des Nations Unies (ONU), en juin de la même année. Après la
Seconde Guerre mondiale, l’UNESCO fédère une quarantaine d’Etats et se fixe
comme objectif d’éviter une nouvelle guerre mondiale en tissant des liens de
solidarité entre les pays. En effet, il est écrit en préambule de l’Acte Constitutif de
l’UNESCO que, « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est
dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix. »
L’article premier de cet acte décrit en ces termes la mission principale de cette
nouvelle structure : « L’Organisation se propose de contribuer au maintien de la
paix et de la sécurité en resserrant, par l’éducation, la science et la culture, la
collaboration entre nations, afin d’assurer le respect universel de la justice, de la
loi, des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction
de race, de sexe, de langue ou de religion, que la Charte des Nations Unies
reconnaît à tous les peuples. »
En 1972, l’UNESCO adopte une convention pour la protection du patrimoine
mondial culturel et naturel qui prévoit notamment la création d’un comité
intergouvernemental de la protection du patrimoine mondial naturel et culturel. Ce
comité du patrimoine mondial, dont l’existence est effective à partir de 1976, a
deux missions principales :
 La gestion de la Liste du patrimoine mondial et de celle du patrimoine mondial
en péril. La création de ces listes était prévue dans la convention de 1972. Seul
le comité peut inscrire un site sur l’une de ces listes, ou l’en retirer. Pour cela,
il s’appuie néanmoins sur l’expertise d’organisations non-gouvernementales.
37
981 sites figurent à ce jour sur la Liste du patrimoine mondial et 44 sur la Liste
du patrimoine mondial en péril ;
 La gestion du Fonds du patrimoine mondial. Ce fonds est doté par les Etats
signataires de la convention de 1972 et par des donateurs privés ; il permet de
financer la protection des sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. De
plus, des fonds spécifiques d’assistance internationale sont alloués en priorité
aux sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en péril.
Ci-dessous l’emblème du patrimoine mondial, notamment utilisé pour identifier
les sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Il « représente
l’interdépendance de la diversité biologique et culturelle dans le monde […] Alors
que le carré central symbolise les résultats de compétence humaine et
d’inspiration, le cercle célèbre les cadeaux de la nature. L’emblème est rond,
comme le monde, un symbole de protection globale pour le patrimoine de
l’humanité. »68 :
Source : whc.unesco.org
La création du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS,
acronyme de International Council on Monuments and Sites) est la deuxième des
treize résolutions adoptées, « sur proposition de l’UNESCO »69, lors du deuxième
congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques,
qui s’est tenu à Venise en 1964. L’ICOMOS est une organisation nongouvernementale (ONG) qui « a pour mission de promouvoir la conservation, la
68
whc.unesco.org/fr/embleme/
69
www.icomos.org/fr/a-propos-de-licomos/mission-et-vision/historique
38
protection, l’utilisation et la mise en valeur des monuments, des ensembles bâtis et
des sites. »70 L’ICOMOS partage avec l’UICN (Union Internationale de
Conservation de la Nature) et le Centre international d’études pour la conservation
et la restauration des biens culturels (ICCROM, acronyme de International Center
for the Study of the Preservation and Restoration of Cultural Porperty), une
fonction consultative auprès du Comité du patrimoine mondial au moment
d’inscrire un site sur le Liste du patrimoine mondial. Par ailleurs, c’est sous
l’égide de l’ICOMOS que sont organisées, depuis 1972, les Conférences
internationales « Terra » sur l’étude et la conservation du patrimoine bâti en terre.
L’ICOMOS se décompose en comités nationaux ; on en dénombre plus de cent
dix. Les membres de ces comités sont des professionnels de la conservation et de
la valorisation du patrimoine architectural et paysager, au sein de collectivités
locales, d’associations ou encore d’entreprises. Le comité français a été créé en
1965 et œuvre à l’application de la convention de 1972, aux niveaux national et
international. Par ailleurs, l’ICOMOS est à l’origine de la création de 28 comités
scientifiques internationaux qui sont tous spécialisés dans un secteur en particulier
du patrimoine culturel (architecture vernaculaire, art rupestre, fortifications et
patrimoine militaire, etc.) L’ISCEAH (acronyme de International Scientific
Committee on Earthen Architectural Heritage) est quant à lui consacré à l’étude et
la conservation de l’architecture de terre. Ci-dessous est représenté le logo de
l’ICOMOS :
Une des missions de l’ICOMOS est de participer à l’élaboration d’un cadre
théorique pour la préservation et la valorisation du patrimoine. Pour cela, elle
adopte des chartes et des résolutions et publie des déclarations. En 1982, par
exemple, la Déclaration de Dresde, ville presque entièrement détruite lors de la
Seconde Guerre mondiale, porte sur la reconstruction des monuments détruits par
la guerre.
70
http://www.icomos.org/fr/a-propos-de-licomos/mission-et-vision/licomos-en-bref-2
39
En octobre 1999, l’ICOMOS a ratifié une charte du patrimoine bâti vernaculaire,
lors de sa 12ème assemblée générale, qui se tenait au Mexique. Cette charte est
disponible sur le site internet de l’ICOMOS et présente en annexe 2. Elle énumère
en premier lieu des principes généraux : les bâtiments vernaculaires présentent un
« caractère local » et sont le fruit d’une « expertise traditionnelle », les savoirfaire. Les collectivités sont à même de protéger ce patrimoine et les
gouvernements doivent reconnaître aux collectivités « le droit de préserver leurs
modes de vie traditionnels ».
Dans un deuxième temps, viennent les principes de conservation : les
« interventions contemporaines » sur le patrimoine bâti traditionnel doivent
respecter « leur caractère traditionnel ». Ce point précis nous permet de revenir à
la notion de paysage. En effet, il est question ici du respect d’un paysage
vernaculaire qu’il ne faudrait pas « dénaturer » par une construction nouvelle.
Selon un autre principe de conservation, un bâtiment vernaculaire fait souvent
partie d’un ensemble plus vaste et qu’il important de conserver cet ensemble
plutôt que de considérer chacun de ses éléments comme des « constructions
isolées ».
Enfin, la troisième partie de la charte indique des orientations pratiques pour la
protection du patrimoine bâti vernaculaire : un travail de recherche et de
documentation doit précéder toute intervention, les « systèmes de construction
traditionnels » et les savoir-faire qui s’y attachent sont indispensable au maintien
de ce patrimoine, c’est pourquoi il est important de les transmettre « aux nouvelles
générations d’artisans et de bâtisseurs. » Plus largement, le maintien du
patrimoine bâti vernaculaire passe par la mise en place de formations, à l’échelle
nationale. L’ICOMOS en propose plusieurs dont « des programmes d'information
qui accroissent la sensibilisation du public et des jeunes en particulier dans le
domaine de l'architecture vernaculaire ».
Cette charte, comme toutes celles ratifiées par l’ICOMOS, ne vise pas à imposer
des règles strictes et précises. Elle pose plutôt des principes et préconise des
orientations qui sont assez généraux et qui correspondent à un cadrage théorique,
délimitant le champ d’actions des autorités nationales et locales compétentes en
matière de conservation du patrimoine vernaculaire.
40
En 2007, lors de la session annuelle du Comité du patrimoine mondial de
l’UNESCO, le Programme du patrimoine mondial pour l’architecture de terre
(programme WHEAP, acronyme de World Heritage Earthen Architecture
Program) a été lancé officiellement. Ce programme est en partie financé par le
Fonds du patrimoine mondial. Il répond à un constat : le patrimoine architectural
en terre est menacé de disparition. L’UNESCO avance plusieurs exemples de
menaces : « inondations et séismes, industrialisation, urbanisation, technologies
modernes
de
construction,
disparition
des
pratiques
traditionnelles
de
conservation,.. »71 Preuve à l’appui, un quart des sites inscrits sur la Liste du
patrimoine en danger sont des sites bâtis en terre.
Le programme WHEAP se divise en trois phases : la première était une phase de
mise en marche du programme (2007-2008) ; les deux dernières correspondent
chacune à deux parties du globe. La phase 2009-2011 a porté sur l’Afrique et les
Etats arabes ; la phase 2012-1014 porte sur l’Amérique latine et l’Asie centrale.
L’objectif est de mener, dans ces régions, des projets-pilotes permettant
d’identifier les meilleures techniques de conservation et de gestion des sites
architecturaux de terre pour, ensuite étendre ses pratiques à un plus grand nombre
de sites. Du 23 au 27 avril 2012, la conférence Terra 2012, c’est-à-dire la XIème
conférence internationale sur l’étude et la conservation du patrimoine architectural
de terre, s’est tenue à Lima, au Pérou. Elle a marqué le début de la phase 20122014 du programme WHEAP, évoqué plus haut ; elle était organisée
conjointement par l’Université catholique pontificale du Pérou et l’ISCEAH. Lors
de cette conférence Terra 2012, un inventaire des biens de la Liste du patrimoine
mondiale bâtis en terre a été présenté. Cet inventaire avait été réalisé par le
laboratoire de recherche CRATerre (Centre de Recherche et d’Application Terre)
de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble (ENSAG), dans le
cadre du programme WHEAP. 150 sites y sont recensés, chacun faisant l’objet
d’une fiche descriptive particulière. « Au-delà, des éléments recueillis auprès des
responsables de ces sites ont permis d’établir des statistiques à la fois sur les
typologies rencontrées, l’état de conservation, et enfin les risques pressentis par
les gestionnaires des biens et les priorités d’intervention qu’ils suggèrent. Ces
71
http://whc.unesco.org/fr/architecture-de-terre/
41
données seront utilisées pour guider les décisions sur les activités et contenus
proposés par le programme WHEAP. »72
Toujours dans le cadre de ce programme, l’UNESCO a organisé un colloque
international sur l’architecture de terre du patrimoine mondial, qui s’est tenu les
17 et 18 décembre 2012, au siège parisien de l’organisation. Les différentes
séances ont porté sur « la gestion et la conservation de l’architecture de terre des
villes historiques, des sites archéologiques et des paysages culturels et, au-delà,
sur quelques-uns des défis majeurs auxquels doit faire face l’architecture de terre
du patrimoine mondial »73, à savoir les conflits et les catastrophes naturelles.
L’objectif était de réunir des « experts en conservation de l’architecture de terre,
des gestionnaires de sites, des chercheurs et des institutions spécialisées, dans le
but de partager les connaissances et expériences acquises dans le domaine. »74 Ils
étaient une quarantaine d’intervenants au total, pour 240 participants. Le colloque
a également été l’occasion de faire un état des lieux des avancées du programme
WHEAP.
2.1.2. Institutions en France
En France, la protection et la valorisation du patrimoine bâti vernaculaire sont
deux missions dont l’importance est reconnue. Pour les mener à bien, il existe un
certain nombre de structures publiques (services de l’Etat, collectivités
territoriales, syndicats mixtes, etc.) et privées (fondations, associations).
L’Etat, en effet, par le biais du Ministère de la Culture et de la Communication
(MCC), est engagé dans les politiques de protection et de valorisation de ce
patrimoine. On trouve, au sein du MCC, une direction générale des patrimoines,
qui regroupe, depuis 2010, la direction des musées de France, la direction des
archives de France et la direction de l’Architecture et du Patrimoine. Cette
direction générale est l’une des quatre entités principales qui constituent le MCC,
avec le secrétariat général, la direction générale de la création artistique et la
72
http://craterre.org/actualites:inventaire-de-l-architecture-de-terre-du-patrimoine-mondial/
73
http://whc.unesco.org/fr/evenements/964
74
http://whc.unesco.org/fr/evenements/964
42
direction générale des médias et des industries culturelles. La direction générale
des patrimoines comprend notamment le service de l’architecture et le service du
patrimoine. Le premier « développe la politique en matière de qualité
architecturale des constructions et des espaces urbains et paysagers, élabore les
dispositions relatives à l’exercice de la profession d’architecte et contribue à la
qualité des opérations de maîtrise d’ouvrage publique. »75 Le second, le service du
patrimoine, est « responsable de la politique de protection, de conservation,
d’entretien, de restauration et de valorisation du patrimoine monumental,
archéologique et ethnologique et des espaces protégés. »76 Ce service est luimême composé « de la sous-direction des monuments historiques et des espaces
protégés, de la sous-direction de l’archéologie et de la mission de l’Inventaire
général du patrimoine culturel. »77
Les Directions Régionales des Affaires Culturelles(DRAC), créées en 1977, sont
des services déconcentrés du MCC. Elles sont chargées d’appliquer en région la
politique culturelle définie par le ministère. Les DRAC ont trois missions
principales. D'abord, elles ont en charge de définir et d'élaborer des partenariats
avec les collectivités territoriales visant à l'aménagement des territoires et à
l'élargissement des publics. Ensuite, les DRAC ont des compétences quant à
l'éducation artistique et culturelle. Par exemple, elles attribuent des aides
financières aux écoles de musique agréées. Elles participent à la promotion des
matières artistiques et culturelles dans les milieux scolaires et universitaires et
dans tous les autres lieux d'accueil destinés aux enfants et aux jeunes. Enfin, elles
ont une mission de structuration du secteur économique de la culture. Pour mener
à bien cette mission, elles conseillent les entreprises culturelles, soutiennent le
développement du mécénat, prennent des mesures pour l'application de la
législation. Ces trois missions principales concernent tous les secteurs d'activité
évoqués plus haut et les DRAC sont chargées de les remplir, sous l'autorité du
préfet de région et du Secrétaire Général aux Affaires Régionales (SGAR).
75
http://www.culturecommunication.gouv.fr/index.php/Ministere/Les-directions/La-direction-
generale-des-patrimoines
76
Ibid.
77
Ibid.
43
Par ailleurs, depuis 2010, les DRAC ont fusionné avec les Services
Départementaux de l’Architecture et du Patrimoine (SDAP). Ces SDAP sont alors
devenus des Services Territoriaux de l’Architecture et du Patrimoine (STAP),
c’est-à-dire des unités territoriales des DRAC. Ces services sont dirigés par des
Architectes et Uranistes de l’Etat (AUE), qui portent le titre d’Architecte des
Bâtiments de France (ABF). Trois grandes missions guident l’action des STAP :
 Conseiller et promouvoir un urbanisme et une architecture de qualité
 Contrôler et expertiser les projets menés dans les espaces protégés
 Assurer la conservation des Monuments Historiques
Concrètement, entre autres actions, les STAP sont chargés d’émettre des avis du
point de vue architectural sur les demandes d’autorisation au titre du code de
l’urbanisme ou encore de veiller à la sensibilisation des autorités locales et du
public à la qualité des constructions et à la mise en valeur des espaces naturels et
bâtis.
Le label « Villes et Pays d’Art et d’Histoire », créé en 1985 est le fruit d’un
partenariat entre l’Etat et les collectivités territoriales. Il est attribué à des
communes ou regroupements de communes qui par là s’engagent dans une
démarche de valorisation du patrimoine et de sensibilisation à l’architecture. Le
label est déposé à l’Institut National de la Propriété intellectuelle (INPI) ; son logo
est présenté ci-dessous :
Source : www.pays-auge.fr
44
L’obtention du label ouvre droit à une subvention pour le recrutement d’un
animateur de l’architecture et du patrimoine et pour la mise en place d’un Centre
d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine (CIAP), complétées par des
aides publications et à la formation de guide-conférenciers.
Une convention est signée entre la collectivité territoriale en question et le MCC.
La création d’un CIAP est l’un des trois objectifs principaux fixés par cette
convention avec la sensibilisation des habitants à leur cadre de vie et l’incitation à
un tourisme de qualité d’une part, et l’initiation du jeune public (par le biais des
services éducatifs) à l’architecture, au patrimoine et à l’urbanisme, d’autre part.
En 1977, la loi sur l’architecture prévoit la création d’une nouvelle structure à
l’échelle départementale, le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de
l’Environnement, qui a un statut d’association. L’article 7 en définit ainsi les
missions :
 « Le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement a pour mission
de développer l'information, la sensibilité et l'esprit de participation du public
dans le domaine de l'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement. »
 « Il contribue, directement ou indirectement, à la formation et au
perfectionnement des maîtres d'ouvrage, des professionnels et des agents des
administrations et des collectivités qui interviennent dans le domaine de la
construction. »
 « Il fournit aux personnes qui désirent construire les informations, les
orientations et les conseils propres à assurer la qualité architecturale des
constructions et leur bonne insertion dans le site environnant, urbain ou rural,
sans toutefois se charger de la maîtrise d'œuvre. »
 « Il est à la disposition des collectivités et des administrations publiques qui
peuvent le consulter sur tout projet d'urbanisme, d'architecture ou
d'environnement. »
L’article 7 précise par ailleurs que le CAUE « peut déléguer ses missions aux
services d'assistance architecturale fonctionnant exclusivement dans le cadre des
parcs naturels régionaux. »
45
Les Parcs Naturels Régionaux (PNR) ont un statut de syndicat mixte. Ils ont été
institués par un décret de 1967. Le premier PNR est créé en 1968, dans le
département du Nord ; c’est le PNR Scarpe - Escault. On en compte aujourd’hui
quarante-huit dont quarante-six sur le territoire métropolitain ; ils recouvrent 13%
du territoire soit plus de sept millions d’hectares.
Les PNR sont créés à l’initiative d’un ou plusieurs Conseil(s) Régional(aux)
souhaitant élaborer un projet de conservation et de valorisation du patrimoine
naturel et culturel, sur un territoire qui forme, par son histoire, de sa géographie,
une entité particulière et remarquable. Il faut ensuite rédiger une charte ; cette
tâche est alors confiée à « un organisme local […] qui préfigure en général
l’organisme de gestion du futur parc. »78 Cette charte est ensuite transmise au
préfet de Région qui fait la demande de classement « parc naturel régional »
auprès du ministre en charge de l’environnement. Le classement « parc naturel
régional » est effectif pour douze années, renouvelable. Mais il est soumis à
conditions. Il faut qu’il s’agisse d’un « territoire à dominante rurale dont les
paysages, les milieux naturels et le patrimoine culturel sont de grande qualité,
mais dont l’équilibre est fragile. »79 Si le classement est effectif, la marque « parc
naturel régional » est attribuée au territoire en question et la charte peut y être
appliquée. Cependant, le PNR ne disposant pas de pouvoirs réglementaires, ce
sont les communes signataires de la charte qui seront chargées d’appliquer les
dispositions qui y figurent. Le logo des PNR est issu de la charte graphique
élaborée à l’échelle nationale, il se décline différemment selon chaque parc :
78
http://www.parcs-naturels-regionaux.fr/fr/approfondir/gestion-territoire.asp?op=gestion-
territoire-procedure-creation
79
http://www.parcs-naturels-regionaux.fr/fr/approfondir/qu-est-ce-qu-un-parc.asp
46
Source : www.global-et-local.eu
Source : www.aurh.asso
« Parc naturel régional » est donc une marque déposée par l’Etat à l’INPI, comme
le label « Villes et Pays d’Art et d’Histoire ». En outre, la marque peut être
attribuée à des produits ou à des services et peut se décliner. Ainsi, le PNR du
Perche est à l’origine de la marque « Savoir-faire pour la restauration du
patrimoine bâti percheron », qui existe depuis décembre 2012. Là encore, une
charte a été rédigée. L’objectif poursuivi est de « promouvoir auprès du public des
savoir-faire respectueux de l’architecture rurale du Perche »80. La charte présente
ainsi cette architecture vernaculaire :
« L’architecture traditionnelle du Perche et
les matériaux qui la composent, constituent l’une des principales richesses du
territoire percheron, le témoin de son histoire et des savoir-faire d’autrefois. […]
Cette architecture est aussi déterminante pour la qualité du cadre de vie quotidien
et s’intègre parfaitement au paysage forgeant l’identité du Perche notamment
grâce à la présence des matériaux locaux. »
« C’est une architecture constituée d’éléments naturels souvent issus de ressources
locales comme le bois, le sable, la pierre, le chanvre et l’argile par exemple. Elles
sont mises en œuvre selon des techniques éprouvées par plusieurs générations
d’artisans et qui tiennent compte de l’environnement et des facteurs micro-locaux
dans lesquels cette architecture traditionnelle s’insère. Pour respecter l’identité des
bâtiments, les savoir-faire du bâti percheron se transmettent de générations en
générations, d’artisans à apprentis pour ainsi pérenniser ces techniques de
construction. »
80
http://www.parc-naturel-perche.fr/La-marque-parc-Savoir-faire-pour-la-restauration-du-
patrimoine-b_ti-percheron.asp
47
En 1996, soit trois ans avant la ratification de la charte du patrimoine bâti
vernaculaire par l’ICOMOS, le constat de la nécessité de protéger ce patrimoine
avait été à l’origine de la création, en France, de la Fondation du Patrimoine. En
effet, au printemps de cette année, le sénateur Jean-Paul Hugot présente au
Parlement un rapport relatif au projet de loi sur la Fondation du Patrimoine, au
nom de la commission sénatoriale des affaires culturelles dont il est alors le viceprésident. Ce rapport insiste sur la nécessité de créer une structure vouée à la
mobilisation du secteur privé en faveur du patrimoine. Ce projet de loi est adopté
et la loi créant la Fondation du Patrimoine est votée le 2 juillet 1996. Par un décret
en Conseil d’Etat en date du 18 avril 1997, cette structure nouvelle est reconnue
d’utilité publique. Dès sa création, cinq missions principales sont attribuées à la
Fondation du Patrimoine :
 Sensibiliser la population à la nécessité d’un effort commun en faveur du
patrimoine national ;
 Contribuer à l’identification des édifices et des sites menacés de disparition ;
 Susciter et organiser le partenariat entre les associations qui œuvrent en faveur
du patrimoine, les pouvoirs publics nationaux et locaux et les entreprises prêtes
à engager des actions de mécénat ;
 Participer à la réalisation de programmes de restauration ;
 Favoriser la création d’emplois et la transmission des métiers et savoir-faire.
A travers ces cinq missions transparaît l’objectif essentiel de la Fondation du
Patrimoine : sauvegarder et valoriser le patrimoine rural non protégé. Cet objectif
a été fixé en juillet 1997 par le Conseil d’administration. Néanmoins, la loi du 2
juillet 1996 n’interdit pas à la Fondation du Patrimoine de participer à la
restauration d’édifices classés ou inscrits au titre des Monuments Historiques.
Le siège de la Fondation du Patrimoine est situé aux 23-25 de la rue Charles
Fourier, dans le XIIIème arrondissement de Paris. L’équipe du siège est composée
de salariés répartis en cinq services : la direction du financement des projets
privés,
la
direction
du
financement
des
projets
publics,
le
service
« communication externe », le service « presse et internet » et le service
« organisation et gestion comptable ». Mais la Fondation du Patrimoine
48
fonctionne en grande partie sur le principe de la décentralisation ; elle compte une
délégation régionale dans chaque région de la France métropolitaine et une
délégation pour les Antilles et la Guyane.
Pour réaliser les missions de la Fondation du Patrimoine citées plus haut, les
délégués régionaux, qui sont bénévoles, peuvent s’appuyer sur une équipe
composée à la fois de salariés (les chargés de missions) et de bénévoles (délégués
départementaux, correspondants techniques, correspondants locaux,…). Au total,
la Fondation du Patrimoine en région compte près de quatre cent cinquante
bénévoles, dont les vingt-quatre délégués régionaux, et environ soixante-cinq
salariés.
La Fondation du Patrimoine dispose de plusieurs moyens d’actions pour
sauvegarder et valoriser le patrimoine bâti de proximité. La souscription, qui est
une forme de mécénat populaire, est la forme principale que prend l’aide de la
Fondation du Patrimoine aux porteurs de projets publics, collectivités territoriales
ou associations. Etant reconnue d’utilité publique, la Fondation du Patrimoine est
habilitée à recueillir des dons destinés à financer un projet public. Pour cela, la
Fondation du Patrimoine signe une convention de souscription avec le maître
d’ouvrage. Il s’agit ensuite de mobiliser le mécénat populaire. Chacun peut dès
lors remplir un bulletin de souscription et faire un don en faveur d’un projet de
restauration ; les donateurs étant le plus souvent des personnes ayant un lien
direct, affectif, avec le bâtiment à restaurer. Par exemple, pour le cas d’une église,
on comptera beaucoup de donateurs habitant le village dans lequel elle est située.
La Fondation du Patrimoine accorde aux donateurs un reçu qui leur permet une
déduction fiscale, à hauteur de 66% du don pour les personnes physiques, de 60%
pour les sociétés et à hauteur de 75% si la déduction est faite de l’impôt sur la
fortune. Les dons collectés sont ensuite reversés au maître d’ouvrage (déduction
faite de 3% pour frais de gestion).
Si la campagne de mécénat s’est avérée exemplaire, la Fondation du Patrimoine
peut accorder une subvention, grâce au fonds des successions en déshérence, dont
une partie lui est attribuée par la loi. Depuis sa création, la Fondation du
Patrimoine a soutenu plus de quatre milles projets par le biais de conventions de
souscription. Par exemple, à Rouen, la Fondation du Patrimoine s’est engagée
dans une campagne de souscription aux côtés de l’Association pour la Sauvegarde
49
du Moulin de la Pannevert pour permettre d’entreprendre des travaux de
restauration de ce moulin, dont l’origine remonte au XIIIème siècle :
Le moulin de la Pannevert, le long du Robec. Commune de Rouen.
Source : Fondation du Patrimoine.
Les propriétaires privés désireux de restaurer leur bien immobilier peuvent
demander le label de la Fondation du Patrimoine. Mais il existe plusieurs critères
d’éligibilité, concernant le type d’immeuble. Peuvent être labélisés :
 Les immeubles non habitables constituant le petit patrimoine de proximité,
situés en zone rurale et urbaine.
 Les immeubles habitables les plus caractéristiques du patrimoine rural
 Les immeubles habitables et non habitables situés dans les Zones de Protection
du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) ou les Aires de
Mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP), qui leur ont
succédé.
Par ailleurs, le bâtiment ne doit pas forcément être ouvert aux visiteurs, mais il
doit être visible depuis la voie publique.
Concernant le type de travaux, ils doivent impérativement porter sur l’extérieur du
bâtiment et avoir reçu un avis favorable de l’ABF. Ce dernier peut éventuellement
faire des prescriptions ; celles-ci doivent alors être respectées pour que le label
puisse être octroyé.
50
De plus, les travaux doivent, autant que faire se peut, chercher à retrouver l’état
originel du bâtiment. Ici, la Fondation du Patrimoine semble être plus exigeante
que l’ICOMOS qui, dans sa charte du patrimoine bâti vernaculaire, pose en
principe de conservation le fait que « les modifications apportées dans le temps
aux bâtiments doivent être appréciées et comprises comme des éléments
importants de l’architecture vernaculaire. » Cependant, la Fondation du
Patrimoine, par ce critère sélectif, cherche avant tout à éviter que des éléments
non traditionnels (des descentes d’eau pluviales en PVC, par exemple) viennent
ôter à l’édifice son caractère vernaculaire.
Le label permet aux propriétaires de déduire de leur revenu global imposable 50%
du montant des travaux de restauration voire 100% de ce montant s’ils ont par
ailleurs obtenu au moins 20% de subventions publiques. Si l’immeuble est donné
en location, la déduction est de 100% du montant des travaux de restauration et
porte sur les revenus fonciers du propriétaire. La durée de validité du label est de
cinq ans ; les travaux peuvent ainsi être échelonnés. Si le propriétaire n’est pas
imposable ou s’il acquitte un impôt sur le revenu inférieur à mille trois cents
euros, l’aide procurée par l’obtention du label prend la forme d’une subvention.
On parle alors d’un label Sans Incidence Fiscale (label SIF). Ci-dessous, un
exemple de bâtiment à valeur patrimoniale, situé dans l’Eure et pour la
restauration duquel le label a été accordé :
Manoir restauré après l’obtention du label. Commune d’Ailly, dans l’Eure.
Source : Fondation du Patrimoine.
51
Enfin, les propriétaires privés qui souhaitent restaurer un bien inscrit ou classé au
titre des Monuments Historiques peuvent également solliciter l’aide de la
Fondation du Patrimoine. Cette aide ne prendra pas la forme d’un label mais
d’une aide dans la constitution d’un dossier de mécénat.
Les deux exemples ci-dessus de restauration soutenue par la Fondation du
Patrimoine en Haute-Normandie concernent des bâtiments typiques de
l’architecture traditionnelle normande, tant par leur forme que par les matériaux
utilisés.
Vieilles Maisons de France (VMF) est une association nationale créée en 1958 et
reconnue d’utilité publique en 1963. Elle est composée de 95 délégations
départementales et a comme objectifs la sauvegarde et la mise en valeur du
patrimoine bâti et paysager. Pour atteindre ces objectifs, l’association dispose de
plusieurs moyens d’actions, dont :
 Une revue, publiée depuis 1959 ;
 Un label, créé en 1967 et destiné à des bâtiments « se distinguant par leurs
qualités architecturales et artistiques et présentant un caractère évident
d’authenticité » et « des restaurations (le cas échéant) effectuées dans le respect
des normes architecturales et régionales, sans altération notable du caractère de
l’édifice. »81 L’obtention de ce label peut constituer un premier pas vers la
protection au titre des Monuments Historiques ;
 Un prix de sauvegarde, décerné depuis 1980 à des édifices ayant fait l’objet
d’une restauration exemplaire et qui s’accompagne d’une aide financière. En
2013, dix-neuf restaurations ont ainsi été saluées.
Par ailleurs, l’association est à l’origine de la fondation VMF, abritée par la
Fondation du Patrimoine. Cette fondation a trois missions principales : « la
conduite de projets de sauvetage du patrimoine en péril, le soutien aux artisans, la
réalisation d’inventaires du patrimoine dans le monde. »82
81
http://www.vmfpatrimoine.org/nos-actions/label-vmf/
82
http://www.vmfpatrimoine.org/association/qui-sommes-nous/
52
Maisons paysannes de France (MPF) est une association nationale de sauvegarde
du patrimoine rural bâti et paysager. Elle a été créée en 1965 et est reconnue
d’utilité publique depuis 1985. Elle est née du constat d’une perte des techniques
de construction traditionnelles : « On ne restaure plus avec les matériaux locaux,
on « rénove » avec des méthodes qui cassent l’harmonie et l’équilibre de ces
maisons parfois plusieurs fois centenaires. »83 Dans ce contexte, l’association s’est
fixé les missions suivantes:
 « promouvoir la maison paysanne traditionnelle, en favorisant son entretien et
sa restauration tout en respectant l'identité propre de chaque région et dans
l'esprit de sauvegarder son caractère écologique »84 ;
 « Protéger le cadre paysager et humain des maisons paysannes et de leur
environnement »85 ;
 « Encourager à la création d’une architecture contemporaine de qualité, saine et
s’intégrant avec harmonie dans son environnement. »86
Pour mener à bien ses missions, l’association se fixe comme objectifs de :
 « Sensibiliser le public à l'architecture traditionnelle (appelée également
"architecture originelle") et aux paysages ruraux, patrimoine en devenir que
nous voulons transmettre aux générations futures »87 ;
 « Offrir au grand public et aux professionnels la plus large information
possible sur cette architecture et sur ses possibilités de restauration et de
qualités environnementales »88 ;
 « Obtenir
des
pouvoirs
publics
toutes
les
mesures
législatives
ou
règlementaires nécessaires, aussi bien pour la restauration des maisons
83
http://www.maisons-paysannes.org/historique/historique-de-maisons-paysannes-de-france
84
http://www.maisons-paysannes.org/missions-de-l-association/missions-de-l-association
85
Ibid.
86
Ibid.
87
Ibid.
88
Ibid.
53
anciennes que pour le caractère et l'implantation des constructions nouvelles et
pour la préservation des paysages. »89
L’association, dont le siège est situé à Paris, au 8 passage des Deux Sœurs, dans le
IXème arrondissement, se compose d’un conseil d’administration et d’un bureau
national. L’équipe du siège est composée de cinq salariés, de bénévoles
administratifs, de trois architectes-conseils et de bénévoles experts (pour les
questions de paysages et d’agriculture, juridiques et d’économies d’énergie).
Enfin, les délégations départementales sont animées par des bénévoles, dont les
missions sont entre autres, d’organiser des visites-conférences autour du thème de
l’architecture locale, de participer aux évènements locaux ayant attrait au
patrimoine bâti et paysager ou encore de rédiger des publications sur ce
patrimoine.
Plus largement, l’association atteint ses objectifs en réalisant un certain nombre
d’actions. Tout d’abord, depuis sa création, elle publie une revue trimestrielle, par
laquelle elle diffuse des informations sur l’architecture rurale des différents
départements et des conseils de restauration, d’aménagement, etc. L’association
publie également des fiches conseils qui apportent chacune des connaissances sur
un ou plusieurs éléments du patrimoine bâti et paysager. On trouve par exemple
des fiches consacrées aux toits ou à l’intérieur de l’habitation. Cette mission de
conseil se manifeste encore par la possibilité offerte aux propriétaires d’un
bâtiment rural, et désireux de le restaurer ou de l’aménager, de solliciter auprès de
l’association une aide à la conduite de projet. Cette aide est soit apportée par les
délégués départementaux, soit par les architectes-conseils présents au siège de
l’association.
Le concours Maisons Paysannes de France-René Fontaine organisé annuellement
par l‘association en est l’action-phare, soutenue par la Fondation du Patrimoine.
Le règlement de ce concours est disponible en annexe 2. L’objectif est de
récompenser les plus belles restaurations d’édifices ruraux. Il peut s’agir
d’habitations, mais aussi de fours à pain, de lavoirs, etc. Cinq prix au total sont
décernés : le Prix de la maison de bourg, le Prix de la maison de village, le Prix du
89
http://www.maisons-paysannes.org/missions-de-l-association/missions-de-l-association
54
sauvetage, le Prix du savoir-faire et, enfin, le Grand Prix. Le lauréat du Grand Prix
pour l’édition 2012 était l’association Patrimoine et Culture en Bassée, pour la
restauration d’une maison de Villeneuve-la-Petite, en Seine-et-Marne, en vue d’y
installer un musée d’art et de tradition populaire. La photographie ci-dessous
représente le bâtiment restauré en question :
Source : www.patrimoine-environnement.fr
Enfin, MPF participe à des actions nationales en partenariat avec d’autres
structures. Par exemple, elle a pris part, notamment aux côtés des Ministères de
l’Agriculture et de la Culture, à l’étude menée entre 2006 et 2009 qui a porté sur
l’évolution du bâti agricole depuis les années 1960. L’objectif était alors de mieux
connaître ce bâti et son état de conservation pour en élaborer un projet de
valorisation. Autre exemple, MPF a participé au groupe de travail « chargé
d’identifier les obstacles au développement économique de la filière « produits de
construction et matériaux bio-sourcés [c’est-à-dire d’origine naturelle] » »90 puis
d’élaborer un plan d’actions pour les contourner. Ce groupe a été créé suite à une
consultation publique sur le développement de filières vertes d’avenir, lancée en
2009 par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et
de la Mer. Cette question des filières vertes montre combien les matériaux
90
http://www.developpement-durable.gouv.fr/Produits-de-construction-et
55
traditionnels de construction sont autant un patrimoine à préserver qu’une
ressource pour l’avenir.
2.2. Protection et valorisation du torchis en France
Le torchis est un des éléments de l’architecture vernaculaire que les structures
précitées considèrent comme un patrimoine à protéger et à valoriser. A ce titre,
plusieurs réflexions, plusieurs actions, développées ici, ont été et sont menées le
concernant.
2.2.1. Le groupe de sauvegarde et de relance du torchis en Pas-de-Calais
Dans le Pas-de-Calais, les acteurs locaux se sont réunis au sein d’un groupe de
sauvegarde et de relance du torchis, en 2005. Ci-dessous, le logo du groupe :
Source : www.associations-patrimoine.org
On retrouve, au sein de ce groupe : la DRAC et le STAP, le CAUE, le PNR des
Caps et Marais d’Opale, la Fondation du Patrimoine, l’association MPF, mais
aussi la Confédération des Artisans et Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) et
Chambre des Métiers et, enfin, l’association régionale Campagnes vivantes, dont
l’un des objectifs est également la valorisation du patrimoine. En 2011, ces
différentes structures ont élaboré une charte éthique et pratique, disponible en
annexe 4. Cette charte recense notamment les objectifs que ce fixe le groupe ;
certains concernent le torchis en tant qu’élément du patrimoine :
56
 « Valoriser le patrimoine traditionnel public et privé en torchis sur le Pas-deCalais » ;
 « Promouvoir la terre crue et son image par des actions de communication ».
Mais d’autres sont résolument tournés vers l’avenir et correspondent à une volonté
de relancer l’usage du torchis, pour la restauration d’édifice ancien mais aussi et
surtout dans le cadre de constructions nouvelles :
 « Investir le champ de l’innovation et du développement durable avec ce
matériau » ;
 « Favoriser les projets de constructions neuves en terre crue dans le
département » ;
 « Soutenir et développer la professionnalisation par l'artisanat spécialisé
traditionnel et contemporain » ;
 « Mettre en place des partenariats nationaux et internationaux pour la recherche
et l’expérimentation ».
En parallèle, le groupe s’est fixé des objectifs en matière de diffusion des savoirs
autour du torchis :
 « S’adresser à un public large à savoir : le grand public, les artisans animés par
la CAPEB, les architectes, les maîtres d'ouvrages (particuliers, élus, bailleurs
sociaux, associations, scolaire, …) » ;
 « Sensibiliser et former différents acteurs ».
Concrètement, le groupe fonctionne sur la base d’un programme d’actions
pluriannuelles ; il se réunit semestriellement pour échanger sur les actions menées,
qui sont réparties entre les membres, en sous-groupes de travail. Depuis sa
création, le groupe a mené plusieurs actions, dont :
 Un inventaire des édifices en pan de bois et torchis, avec « l’appui scientifique
de la Mission de l’Inventaire du Patrimoine Culturel »91. Cet inventaire a pour
91
http://www.parc-opale.fr/carto/recenser.php
57
l’instant porté sur le territoire du PNR des Caps et Marais d’Opale et sur celui
de communes du secteur de Montreuil-sur-Mer ;
 Une cartographie, sur la base de l’inventaire, accessible depuis le site internet
du PNR des Caps et Marais d’Opale et où figurent les édifices représentatifs de
l’architecture en pan de bois et torchis mais également les édifices dénaturés ou
en ruines. La cartographie est interactive en cela qu’il est possible à qui le
souhaite de signaler l’existence d’une construction en torchis et de l’ajouter à la
carte ;
 Une bibliographie Torchis/Terre, réalisée par le CAUE et accessible depuis le
site internet de la structure ;
 L’acquisition d’un malaxeur mobile, mis à la disposition de l’association
Rivages Propres Côte d’Opale (qui met en place des chantiers d’insertion),
permet de fournir un torchis prêt à l’emploi ;
 La réalisation :
- D’un Guide technique du bâti à pan de bois et torchis ;
- D’un livret pédagogique, « le manuel du torchis à l’école ».
Au sein de la DRAC du Nord-Pas-de-Calais, le conseiller pour l’architecture, le
cadre de vie et le développement durable gère la coordination des actions de
promotion de la qualité architecturale et du cadre de vie et mène un suivi du
secteur professionnel « architecture-paysage ». Pour remplir ces missions, il
organise les Rencontres Régionales des Réseaux du Cadre de Vie. L’objectif est
de réunir tous les acteurs régionaux de l’architecture et du cadre de vie autour
d’un thème ciblé qui permet d’évoquer les enjeux liés au développement durable.
Le thème de la troisième de ces rencontres était la matérialité de l’architecture – la
note d’intention présente dans le dossier du participant de cette rencontre est
disponible en annexe 5. Marie-Cécile Lombart, alors architecte au CAUE du Pasde-Calais, est intervenue pour évoquer le groupe torchis, qui constitue une
démarche partagée. Son intervention est ainsi résumée dans le dossier du
participant de cette rencontre :
« Depuis ses origines, l’homme a construit avec les matériaux de proximité. Il en
est résulté la présence historique de nombreuses constructions en terre crue en
58
France et plus particulièrement en torchis (combinant le bois, le limon argileux et
la paille) dans de nombreux secteurs du Nord et du Pas-de-Calais.
La construction en terre crue est restée très courante jusqu’à la Seconde Guerre
Mondiale. Elle a été mise à l’écart dès les années 1950, où l’on a préféré les
matériaux industriels facilement disponibles sur tout le territoire et dont la mise en
œuvre plus rapide était davantage en phase avec l’urgence de la construction. Ces
matériaux étaient fabriqués avec une énergie alors bon marché, dans des fours
énergivores et à base de produits pétroliers peu coûteux.
Au moment où les réflexions sur un développement plus respectueux de l’homme
et de la planète sont à la base de nouveaux comportements, il importe de
sensibiliser et promouvoir la restauration du patrimoine « pans de bois/torchis »
mais aussi de révéler la terre crue comme matériau écologique d’avenir. Dans le
Pas-de-Calais, un groupe constitué de multiples acteurs associatifs ou
institutionnels […] s’est engagé dans une série d’actions susceptibles d’initier un
nouvel intérêt pour ce matériau, dont les nombreuses qualités méritent un réel
soutien des politiques et des professionnels. »
2.2.2. Autres initiatives autour du torchis
Toujours dans la région Nord-Pas-de-Calais mais dans le département du Nord
cette fois, l’association Yser Houck a, entre autres buts, celui de « faire des
recherches sur les monuments, les constructions locales ; recherche de l'époque,
des procédés de constructions et répertoire des bâtiments dignes d'être admirés et
conservés. »92 Les membres de l’association participent aussi à « des opérations
de rénovation de bâtiments »93. L’une de ces opérations a concerné une
construction en pan de bois et torchis, datant de 1669 et située dans la commune
de Volckerinckhove. Elle accueille désormais l’office du Tourisme du Coin de
l’Yser.
Par
ailleurs,
l’association
Yser
Houck
« organise
régulièrement
des
démonstrations de fabrication et de pose de torchis »94. En outre, elle a réalisé et
92
http://yserhouck.free.fr/Textes/Presentation.htm
93
http://yserhouck.free.fr/Textes/Presentation.htm
94
http://yserhouck.free.fr/Textes/torchis.htm
59
mis en ligne une brochure très détaillée sur le torchis, qui comprend
essentiellement :
 Une présentation des constructions en terre crue puis, plus précisément, en pan
de bois et torchis ;
 Des textes concernant la pratique, c’est-à-dire la préparation du chantier, la
fabrication et la pose du torchis puis la pose de l’enduit ;
 Des explications sur les « pathologies de l’habitat traditionnel à pan de bois et
torchis » et des « recommandations pour sa restauration » ;
 Une bibliographie et un répertoire d’adresses utiles concernant ce matériau.
Les initiatives visant à protéger les édifices en torchis et à valoriser le torchis et
les savoir-faire qui s’y attachent, fleurissent également en Normandie, région où
ce matériau est l’un représentatifs de l’architecture traditionnelle.
En Basse-Normandie, l’association Savoir-Faire et Découverte « a pour objectif
de faciliter l'accès aux savoir-faire artisanaux, artistiques et agricoles
écologiquement responsables. »95 La motivation ici n’est donc pas celle de
valoriser le patrimoine bâti vernaculaire mais l’envie de faire découvrir des
pratiques respectueuses de l’environnement. L’association propose ainsi de
découvrir des savoir-faire durables, à trois degrés différents : des stagesdécouvertes de courte durée pour apprendre les rudiments d’un savoir-faire
particulier, des formations pour permettre à des professionnels d’évoluer dans leur
métier et, enfin, des formations visant à la reconversion professionnelle.
Si le siège de l’association est situé dans l’Orne, les deux cents maîtres de stages
sont présents dans quinze régions métropolitaines. Ainsi, des stages-découvertes
« Les murs en torchis : construire ou rénover un mur » d’une durée de deux jours
sont organisés dans l’Eure par un artisan spécialisé, Roland Khil. Ce même artisan
propose également, toujours dans le cadre de l’association Savoir-Faire et
Découverte, des stages « Les enduits naturels (extérieurs à la chaux/intérieurs à la
terre) sur des murs en torchis ».
Le Pays d’Auge, dans le Calvados a obtenu le label « Pays d’art et d’histoire » en
1999. Dans la continuité, une convention a été signée avec le MCC, définissant un
95
http://www.lesavoirfaire.fr/presentation.php
60
programme d’actions. Pour le mettre en œuvre, un service patrimoine a été créé au
sein de l’association Pays d’Auge Expansion, qui préexistait. Les actions
développées par ce service répondent aux missions inhérentes au label et qui ont
été mentionnées plus haut, notamment l’initiation du jeune public à l’architecture.
Par exemple, le service éducatif propose des journées thématiques pour les publics
scolaires, dont une porte sur l’architecture augeronne. Celle-ci se divise en deux
temps : un parcours-découverte à travers les rues de la ville d’Orbec et, ensuite,
deux ateliers pédagogiques, l’un sur le pan de bois et l’autre sur le torchis. Ces
journées s’inscrivent pleinement dans les programmes d’enseignement et
permettent d’atteindre des objectifs pédagogiques. Ceux liés à l’atelier portant sur
le torchis sont :
 Découvrir les techniques de la construction à pan de bois ;
 Acquérir du vocabulaire architectural ;
 Installer du torchis sur une structure en pan de bois.
Le service Pays d’art et d’histoire du Pays d’Auge propose aussi des visites
découvertes, encadrées par des guides-conférenciers. Une brochure disponible en
ligne et destinée aux visiteurs, propose plusieurs séries de visites dont une,
« Villes et villages augerons » a pour thème particulier l’architecture traditionnelle
augeronne. Cette série comporte cinq visites :
 Beaumont-en-Auge, où « les maisons en pan de bois servent d’écrin aux
vestiges du prieuré et aux bâtiments du collège royal créé en 1741 » ;
 Beuvron-en-Auge, qui « offre à ses visiteurs un remarquable panorama de la
construction en pan de bois, du manoir de la fin du Moyen Age aux maisons
des XVIIIe et XIXe siècles » ;
 Blangy-le-Château. « En parcourant ses rues, vous découvrirez l’art de bâtir en
Pays d’Auge depuis la fin du Moyen Age : la maîtrise parfaite de la
construction en pan de bois,… » ;
 Orbec, à découvrir « au fil des maisons en pan de bois ou en brique, des hôtels
particuliers, des édifices religieux et des moulins » ;
61
 Pont-l’Evêque, où « maisons en pan de bois et hôtels particuliers témoignent
autant du riche passé de la cité que du souci actuel de sauvegarder un
patrimoine de grande qualité. »
En outre, une autre série de visites, intitulée « Manoirs et châteaux du Pays
d’Auge », inclut une visite des manoirs en pan de bois : au choix, le manoir de
Bellou, celui de Coupesarte, celui du Champ-Versant (représenté sur la
photographie ci-dessous) ou le manoir de Canapville :
Source : www.calvados-accueil.com
Par ailleurs, le service Pays d’art et d’histoire du Pays d’Auge est à l’origine d’un
livret pédagogique intitulé L’architecture à pan de bois, disponible en ligne et qui
décrit les spécificités augeronnes de cette architecture traditionnelle.
En Haute-Normandie, le PNR des Boucles de la Seine Normande mène également
des actions de valorisation du patrimoine architectural local.
Il participe à la restauration d’édifices remarquables, dont certains « accueillent
maintenant des écomusées »96. Par exemple, la Chaumière aux orties (voir la
96
http://www.pnr-seine-normande.com/actions-domaine-le-patrimoine-bati-29.html
62
photographie ci-dessous), à La Haye-de-Routot, est devenue un « lieu de visite
consacré aux plantes sauvages utiles à l’homme. »97
Par ailleurs, pour sensibiliser le public au patrimoine bâti, le PNR a mis en place
« un service de conseil architectural et paysager auprès des particuliers et des
communes »98, se substituant ainsi au CAUE, comme cela a été expliqué plus
haut. Le PNR organise également des stages d’initiation à l’architecture
vernaculaire et notamment à la technique du torchis, ouverts aux particuliers. Les
stages d’initiation au torchis sont donc organisés par le PNR mais dirigés par un
artisan maçon de l’Eure, Dominique Meslin, spécialisé dans l’utilisation de la
terre crue, à savoir le torchis, mais aussi la bauge. Par ailleurs, il est membre de
l’association des artisans du torchis (c’est à ce titre qu’il intervient en tant que
maître de stage), également située dans l’Eure et de l’AsTerre, qui est
l’association nationale des professionnels de la terre crue.
Le PNR est à l’origine de la création de l’association des artisans du torchis,
comme de l’association des couvreurs chaumiers, l’objectif étant de « promouvoir
les techniques et matériaux endogènes et la qualité environnementale »99. De plus,
le PNR a mis à disposition de l’association des artisans du torchis une machine à
malaxer pour permettre la tenue de stages de formation pour les professionnels –
stages organisés en partenariat avec la CAPEB.
L’AsTerre est une association fondée en 2006 pour organiser la collaboration et la
communication entre « des partenaires qui œuvrent […] à la reconnaissance du
savoir-faire et de l’architecture en terre crue. »100 L’association se compose d’un
conseil d’administration et de trois collèges :
 « Le collège des membres de droit composé de l'Association des Artisans du
Torchis, de la CAPEB Haute Normandie déléguée par la CAPEB et du Parc
Régional Naturel des Boucles de la Seine Normande au titre de l'Association
des Parcs ;
97
http://www.lahayederoutot.com/la-chaumiere-aux-orties/
98
http://www.pnr-seine-normande.com/actions-domaine-le-patrimoine-bati-29.html
99
Fédération des Parcs naturels régionaux de France, 2001
100
http://www.asterre.org/association/genese
63
 Le collège des membres actifs : artisans, artisanes, chefs d'entreprise exerçant
une activité dans la construction en terre crue, producteurs de matériaux ;
 Le collège des membres associés : partenaires de l'acte de bâtir : architectes,
ingénieurs, associations, organismes de formation initiale et continue, parcs
régionaux, associations de valorisation du patrimoine, maisons paysannes,
CRATerre, Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement
(CAUE)... »101
Les actions menées par l’AsTerre sont liées aux quatre objectifs principaux que
s’est fixé l’association :
 « Le regroupement et la promotion des entreprises et des techniques de terre
crue ;
 La transmission des savoir-faire et le développement des formations
concernant la terre crue ;
 La mise en place de règles professionnelles relatives aux différentes techniques
de construction en terre crue, traditionnelles et contemporaines ;
 Favoriser les échanges entre les professionnels, avec les partenaires de l’acte de
bâtir, au niveau national et européen. »102
CRATerre, créé en1979, est un laboratoire de recherche habilité par le MCC dont
les recherches sont structurées « autour de trois axes :
 Matière et matériaux : Matières premières, matériaux et techniques de
construction ;
 Patrimoine : Inventaire des architectures et des cultures constructives,
valorisation, conservation et gestion des biens culturels, patrimoine mondial ;
 Habitat : Habitat économique, habitat éco-responsable, gestion des risques,
économie de la production et développement local. »103
101
http://www.asterre.org/association/genese
102
http://www.asterre.org/association/objectifs-et-missions
103
http://www.craterre.org/recherche/
64
CRATerre participe à de nombreux projets et programmes en partenariat avec des
institutions internationales, des ONG et des institutions nationales. On peut ici
reprendre l’exemple précédemment cité de l’inventaire de l’architecture de terre
du patrimoine mondial.
65
Partie 3 : Propositions de valorisation patrimoniale autour du
torchis
Ces propositions correspondront essentiellement à des actions à mener en
Normandie, dans la mesure où le porteur de ces projets serait un groupe normand
de valorisation du torchis, qui reste aujourd’hui à créer.
3.1. Création d’un groupe normand de valorisation du torchis
En prenant modèle sur le groupe de sauvegarde et de relance du torchis en Pas-deCalais (dont la charte est disponible en annexe 4), il serait intéressant de constituer
un groupe normand de valorisation du torchis. Si le groupe précédemment cité
n’opère qu’à l’échelon départemental, celui du Pas-de-Calais, le groupe normand
pourra correspondre à un territoire plus vaste, réunissant tous les acteurs de Basse
et de Haute-Normandie compétents en la matière.
Les institutions, présentes sur le territoire normand, participant à ce projet
pourront être : les Conseils Régionaux et les Conseils Généraux, les DRAC et les
STAP, les CAUE, les PNR, les villes et Pays d’Art et d’Histoire concernées, les
délégations régionales de la Fondation du Patrimoine, les délégations
départementales de l’association MPF, les délégations locales et départementales
de la Fédération Française du Bâtiment (FFB), les CAPEB régionales,
l’Association des Artisans du Torchis et l’AsTerre, l’association Savoir-Faire et
Découverte et, enfin, toute autre association ou entreprise concernée par le torchis,
soit comme matériau de construction dont l’utilisation est à promouvoir, soit
comme élément du patrimoine vernaculaire dont l’intérêt doit encourager la
protection et la valorisation.
L’objectif du groupe serait de fédérer les initiatives normandes liées au torchis et
d’en proposer de nouvelles ; le groupe formant en quelque sorte un comité de
pilotage pour chacune de ces initiatives, qui devront, par ailleurs, respecter les
principes fondamentaux énumérés par l’ICOMOS dans la charte du patrimoine
bâti vernaculaire.
66
Mais pour se fixer un cadre théorique propre, il sera plus approprié, pour le
groupe, de se doter d’une charte propre, comme l’a fait le groupe de sauvegarde et
de relance du torchis en Pas-de-Calais. On peut lire au début de la charte de ce
groupe : « La structure du groupe est informelle mais cette charte unira les
membres entre eux. » La charte apporte donc dans ce cas une légitimité à l’action
commune. La légitimité du groupe normand de valorisation du patrimoine pourra
être accrue si celui-ci se structure au sein d’une association loi de 1901, acquérant
ainsi un statut de personne morale. La charte serait alors remplacée par les statuts
de l’association, où figureraient notamment le but recherché par l’association et
les moyens mis en œuvre pour l’atteindre.
Les projets de valorisation du torchis développés ci-après pourront être portés par
le groupe normand de valorisation du torchis.
3.2. Construction d’un écoquartier en torchis
3.2.1. L’exemple du Domaine de la Terre
A partir des années 1960, l’Etat français s’est engagé dans une politique
d’aménagement du territoire bien particulière : la création de villes nouvelles. On
peut citer en exemple Val-de-Reuil, dans la région rouennaise ou encore
Villeneuve d’Ascq, près de Lille. En 1968, la décision est prise de créer l’Isle
d’Abeau, à proximité de Lyon. Cette ville nouvelle voit le jour en 1970, accueille
ses premiers habitants en 1973 et se compose de cinq communes, dont celle de
Villefontaine. Ce contexte de ville nouvelle « se prêtait particulièrement à
l’innovation et à l’expérimentation. »104
En 1982, l’architecte et urbaniste belge Jean Dethier a organisé au Centre
Pompidou, à Paris, une exposition intitulée « Des architectures de terre, ou
l’avenir d’une tradition millénaire » qui remporta un franc succès. Mais selon
l’organisateur, « il était indispensable de compléter l’exposition par une
démonstration en vraie grandeur pour que la terre n’apparaisse pas seulement
104
http://www.mairie-villefontaine.fr/Galerie-photos/Le-Domaine-de-la-Terre
67
comme une élucubration d’intellectuels. »
105
C’est pourquoi le Domaine de la
Terre a été créé, en 1985. Il s’agit d’un quartier de logements sociaux (maisons
individuelles et logements collectifs), bâtis en terre et qui accueillent environ trois
cents habitants. Ce quartier est situé à Villefontaine, commune de l’Isle d’Abeau.
Plusieurs acteurs se sont mobilisés pour mener à bien cette opération
d’aménagement du territoire : L’Etablissement public chargé de l’Aménagement
de la Ville Nouvelle de l’Isle d’Abeau (EPIDA) CRATerre, l’Ecole Nationale des
Travaux Publics d’Etat (ENTPE) de Lyon, le Centre Scientifique et Technique du
Bâtiment (CSTB) de Grenoble, l’Office Public d’Aménagement et de
Construction (OPAC) de l’Isère et le groupe SOCOTEC, un organisme de
contrôle des risques liés de la construction.
Le quartier s’étend sur plus de deux hectares et se compose de « onze îlots que se
partagent dix équipes d’architectes sélectionnées sur concours. »106 Mais les
candidats « sont novices dans la maîtrise d’une ressource mal connue »107, la terre
crue et l’enjeu est donc de « former des architectes et des artisans pour recréer une
filière disparue ».108 La question du maintien des savoir-faire s’inscrit donc au
cœur de ce projet.
La photographie ci-dessous représente l’un des bâtiments du domaine, dont les
murs sont en pisé :
105
LEFEVRE P., 2009.
106
LEFEVRE P., 2009.
107
Ibid.
108
Ibid.
68
© Mairie de Villefontaine
Source : www.mairie-villefontaine.fr
En Région Rhône-Alpes et notamment dans le Dauphiné, la terre crue était
traditionnellement utilisée dans la construction, par la technique du pisé. Mais les
constructions du Domaine de la Terre montre une certaine diversité des modes de
bâtir en terre crue. En effet, si 45% des bâtiments sont en pisé, 45% le sont en
blocs de terre et 10% le sont en torchis sur une ossature en bois. Les Blocs de
Terre Comprimée (BTC) correspondent à un usage de la terre crue comme
matériau de construction ; ils sont façonnés à l’aide d’une presse. Différents des
adobes, ils ne sont pas à considérer comme un matériau traditionnel de
construction. Le Domaine de la Terre est donc au carrefour de la tradition – « 80%
des maisons construites avant 1950 [dans la région du Dauphiné] le furent en
pisé »109 – et de la modernité – notamment par l’utilisation des BTC.
Par ailleurs, les bâtiments en pan de bois et torchis sont recouverts d’un bardage
en bois, comme c’est le cas de celui qui figure sur la photographie ci-dessous :
109
http://www.mairie-villefontaine.fr/Culture/Patrimoine/Le-village-terre
69
© Cécile Champy
Source : Retour d’expérience – le Domaine de la Terre
Les objectifs de ce programme architectural que constitue le Domaine de la Terre
sont liés aux enjeux environnemental, patrimonial et social :
 « Retrouver un matériau économe en énergie ;
 Renouer avec la tradition régionale ;
 Démontrer que la terre crue peut apporter une réponse fiable aux problèmes de
logement »110.
En 2009, dans l’article « Retour d’expérience – le Domaine de la Terre », paru
dans le n°12 du magazine Ecologik, Pierre Lefèvre dresse un bilan, après près de
vingt-cinq ans d’existence de ce quartier.
Les attentes liées aux objectifs initiaux n’ont pas toutes été également satisfaites.
Du point de vue social, Geneviève Mitha Cornier, la directrice de l’agence
Villefontaine de l’OPAC de l’Isère, considère que « c’est un quartier réputé, qui a
une bonne image et qui ne subit aucune dégradation. Il reste une référence du
point de vue de sa vocation sociale. »111 Du point de vue environnemental, les
résultats sont plus mitigés car si les bâtiments en terre bénéficient d’une meilleure
isolation thermique que des bâtiments standards, Alain Gratier, le directeur des
110
Ibid.
111
LEFEVRE P., 2009.
70
marchés à l’OPAC de l’Isère constate que « les techniques étaient trop peu
maîtrisées »112, en 1985.
Néanmoins, dès 1987, l’ONU a accordé au Domaine de la Terre le statut de
« projet-pilote de portée internationale »113. Ce quartier préfigurait en effet les
écoquartiers qui se développent en grand nombre aujourd’hui, à tel point que le
Ministère français en charge du développement durable a mis en place un label
national écoquartier, officiellement lancé en décembre 2012. Un écoquartier, pour
obtenir ce label, doit « proposer des logements pour tous dans un cadre de vie de
qualité, tout en limitant son empreinte écologique. »114 Pour cela, il doit
« respecter les principes du développement durable :
 Promouvoir une gestion responsable des ressources ;
 S’intégrer dans la ville existante et le territoire qui l’entoure ;
 Participer au dynamisme économique ;
 Proposer des logements pour tous et de tous types participant au « vivre
ensemble » et à la mixité sociale ;
 Offrir les outils de concertation nécessaires pour une vision partagée dès la
conception du quartier avec les acteurs de l’aménagement et les habitants. »115
Ci-dessous figure le logo du label écoquartier (label déposé à l’INPI) :
Source : www.developpement-durable.gouv.fr
112
Ibid.
113
Ibid.
114
http://www.developpement-durable.gouv.fr/Plan-Ville-Durable
115
http://www.developpement-durable.gouv.fr/Plan-Ville-Durable
71
Mais si le Domaine de la Terre préfigurait les écoquartiers par bien des aspects, il
demeure cependant une exception quant à l’utilisation de la terre crue comme
matériau de construction à l’échelle d’un quartier.
Aujourd’hui, impulser un autre projet de ce type pourrait apporter un nouvel
éclairage sur la terre crue comme matériau de construction.
3.2.2. Un écoquartier en torchis
Tout d’abord le choix géographique est déterminant dans un tel projet. Réaliser un
écoquartier en torchis dans une région qui n’en connaît pas ou très peu l’usage
traditionnel serait un non sens. Aussi, on peut se référer à la carte de l’architecture
de terre en France présentée plus haut pour définir les aires principales où le
torchis est un matériau traditionnel de construction et où le projet pourra donc
s’implanter : le nord-ouest (correspondant peu ou prou aux régions Nord-Pas-deCalais, Picardie, Basse et Haute-Normandie), l’Alsace, l’Aquitaine (et plus
particulièrement le département des Landes). En effet, bâtir un quartier en torchis
dans une région où la terre crue est plutôt utilisée sous la forme de la bauge
(comme c’est le cas en Bretagne et dans le Cotentin notamment) ou dans la région
Midi-Pyrénées ou l’adobe est privilégiée n’aurait que peu de sens. C’est d’ailleurs
aussi ce lien entre géographie et tradition architecturale qui explique que le
Domaine de la Terre soit très largement bâti en pisé et que le torchis, moins
présent dans la région Rhône-Alpes, ne représente que 10% des constructions, et
que les constructions en adobe et en bauge en soit exclues. C’est là encore une
rémanence de la loi de 1977 qui prévoit une « insertion harmonieuse dans le
milieu environnant » et le « respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du
patrimoine ».
A partir du postulat d’une édification de ce quartier dans l’une des deux régions
normandes, il conviendrait d’offrir une visibilité à une autre méthode
traditionnelle de construction en terre crue, surtout présente en Basse-Normandie
et plus précisément dans le Cotentin : la bauge. Pour cela, comme c’est les cas du
torchis au Domaine de la Terre, un certain pourcentage des bâtiments pourront
être construits en bauge. Cet écoquartier pourrait enfin être l’occasion de présenter
les autres possibilités de construction, traditionnelles (adobe, pisé, torchis) ou non
72
(BTC), qu’offre la terre crue, par l’édification d’un bâtiment selon chacune de ces
méthodes. Une manière de les distinguer concrètement serait de consacrer à ces
bâtiments un usage public tandis que les méthodes du torchis et de la bauge
serviraient à construire les logements.
Mais la région d’implantation dépend également de la structure qui prendra la
décision de créer cet écoquartier. Ainsi, il pourra être situé dans l’une des deux
régions normandes si c’est le groupe normand de valorisation du torchis qui en
prend l’initiative. Il serait alors le maître d’ouvrage. Ce rôle pourrait être
également assumé par une collectivité territoriale ou l’intercommunalité en
question, un organisme habilité déjà existant – un bailleur social, par exemple –
ou encore une association créée à cette fin spéciale et qui pourrait ensuite devenir
l’organe de gestion du site. Le maître d’ouvrage pourra s’appuyer sur l’Agence de
l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) qui a mis en place
l’Approche Environnementale de l’Urbanisme (AEU), une démarche qui vise à
intégrer pleinement les questions environnementales et énergétiques dans les
projets d’aménagement du territoire.
Une étude de marché préalable d’abord permettra de définir précisément le lieu
d’implantation du projet. L’étape suivante sera le lancement d’un appel à projet en
direction des architectes et des urbanistes, qui aboutira au choix d’un ou plusieurs
maître(s) d’œuvre. Viendra ensuite le temps de la programmation architecturale.
Toute cette procédure devra bien entendu respecter la législation en vigueur,
notamment le code des marchés publics et la loi relative à la maîtrise d’ouvrage
publique dite loi MOP.
La réalisation d’un tel projet d’aménagement du territoire nécessitera l’implication
de toutes les structures compétentes en la matière, au sein d’un comité de
pilotage : Les collectivités territoriales (Conseil Régional, Conseil Général,
Commune), l’intercommunalité, la DRAC, par le biais du service Architecture et
du STAP. Il faudra encore travailler en concertation avec toutes les structures
œuvrant dans le domaine des constructions en terre. On peut notamment citer le
CRATerre mais également des structures qui n’existaient pas en 1985, au moment
de la création du Domaine de la Terre, comme par exemple l’AsTerre et
73
l’Association des Artisans du Torchis. L’écoquartier pourra également s’implanter
sur le territoire d’un parc naturel régional, auquel cas ce parc pourrait aussi
devenir l’un des acteurs du projet : en Normandie par exemple, le parc des
Boucles de la Seine Normande mène déjà des actions de protection et de
promotion du torchis, comme cela a été expliqué précédemment.
Quant aux objectifs fixés, l’enjeu patrimonial sera forcément au cœur du projet,
autant par la pérennisation des savoir-faire traditionnels que par le maintien des
paysages bâtis traditionnels – que le site soit situé en zone rurale ou en zone
urbaine.
Mais l’emploi du terme écoquartier évoque bien un autre objectif du projet, tout
aussi important, celui du développement durable et, en effet, les vertus
environnementales du torchis ont été expliquées plus haut. Ainsi, l’obtention du
label pour ce nouveau quartier serait un gage de sérieux du point de vue du
développement durable, c’est-à-dire autant sur le plan environnemental que sur les
plans de l’économie et du social.
3.3. Création d’une maison du torchis
3.3.1. Réhabilitation ou création d’un édifice
Réhabilitation d’un édifice existant ou création architecturale nouvelle, la maison
du torchis sera un lieu dédié à ce matériau emblématique de l’architecture
traditionnelle ; elle sera donc représentative de la volonté de le protéger et de le
valoriser.
Cette maison pourra être installée dans les locaux d’un édifice existant réhabilité.
Deux exemples, précédemment cités, de réhabilitation d’un bâtiment en pan de
bois et torchis nous montrent qu’il s’agit d’une possibilité réelle : la chaumière de
Volckerinckhove, dans le département du Nord, réhabilitée en office de Tourisme
du Coin de l’Yser, et la chaumière de La Haye de Routot, devenue, après
restauration, la chaumière aux orties – un lieu dédié aux plantes sauvages.
Autre éventualité, la maison du torchis prendra corps dans une création
architecturale contemporaine. On peut alors imaginer que cette création soit
74
incluse dans le projet d’écoquartier en torchis évoqué plus haut. Cette création
architecturale devra quoi qu’il en soit faire l’objet d’un appel à projet en direction
des maîtres d’œuvre. Le critère principal et indispensable concernera alors la
structure du bâtiment, qui devra être en pan de bois et torchis. Un autre critère,
valable également en cas réhabilitation, sera l’accessibilité du lieu aux personnes
en situation de handicap.
3.3.2. Les activités proposées
Premièrement, la maison du torchis accueillera les réunions du groupe normand
de valorisation du torchis.
Elle se voudra également le lieu privilégié pour mener des actions de
sensibilisation à l’intérêt de ce matériau. De fait, par les activités qu’elle
proposera, la maison du torchis correspondra peu ou prou à un CIAP, sans
toutefois en avoir l’appellation, attribuée dans le cadre des villes et pays d’art et
d’histoire. « Le CIAP […] propose au public :
 une exposition permanente didactique qui donne les clés de compréhension de
la ville ou du pays tant du point de vue de son patrimoine ancien que de son
architecture contemporaine ;
 des expositions temporaires renouvelées une fois par an au moins, qui sont le
moyen
d’approfondir
certains
thèmes
de
l'exposition
permanente,
particulièrement les aspects les plus contemporains de la vie de la cité ;
 Un centre d’information et documentation qui, en mettant à la disposition des
visiteurs les sources de connaissance et les outils nécessaires à un
approfondissement sur le sujet souhaité, leur permet de devenir autonomes ;
 des ateliers pédagogiques ouverts au jeune public (individuel et scolaire),
destinés à éduquer son regard et à l’initier à la découverte de l’architecture et
du patrimoine. »116
Hors contexte d’une ville ou d’un pays d’art et d’histoire en particulier, la maison
du torchis proposera néanmoins un espace de documentation et d’information où
116
BOUSQUET O., 2007.
75
seront à disposition du public des ressources documentaires portant sur le torchis,
le patrimoine bâti vernaculaire et plus largement sur la terre crue à la fois comme
élément de ce patrimoine et comme matériau d’avenir pour la construction.
Si des expositions temporaires sur le thème de la terre crue en général et du
torchis en particulier ont déjà été proposées au public, comme l’exposition « Ma
terre première pour construire demain » qui s’est tenue d’octobre 2009 à juin 2010
à la cité des sciences et de l’industrie, à Paris, ou encore comme l’exposition « Le
torchis : gestes d’hier, matériau de demain » qui s’est tenue du 15 mars au 30 mai
2009 au musée Quentovic d’Etaples-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, la maison du
torchis quant à elle proposera aux visiteurs une exposition permanente.
Selon Philip Hugues, « l’intérêt du public pour les expositions […] est
considérable »117 mais ses exigences le sont tout autant : « Ces visiteurs […]
attendent des responsables des lieux d’exposition et des scénographes qu’ils leur
fassent vivre une expérience agréable et instructive. »118 Pour les satisfaire,
l’auteur propose, dans sa Scénographie d’exposition, de ne pas « proposer une
trop grande quantité de données, d’images et d’objets à des visiteurs qui auront
généralement peu de temps – et de concentration – à leur consacrer, et dont
l’intérêt et le niveau de connaissances sont variés. »119 L’objectif sera donc de
parvenir à réaliser une exposition à la fois didactique et ludique.
Une partie de l’exposition consistera en une série de panneaux qui apporteront aux
visiteurs des connaissances sur la terre comme matériau de construction, sur
l’histoire de l’architecture de terre et sur la place du torchis dans cette histoire, sur
la géographie du torchis en France et à l’étranger et, enfin, sur la composition et la
mise en œuvre du torchis. On peut imaginer que ces panneaux seront eux-mêmes
fait en torchis ou que les textes soient directement apposés sur les murs du
bâtiment. On utilisera alors la méthode du transfert à sec, qui permet « d’appliquer
sur un mur des paragraphes entiers […] Le texte est imprimé en miroir sur un film
117
HUGUES P. 2010.
118
Ibid.
119
Ibid.
76
que l’on applique directement sur la paroi. Après avoir transféré le texte sur le
mur en frottant l’envers du film, on peut retirer ce dernier. »120
Par ailleurs, Philip Hugues note que l’implication des visiteurs dans l’exposition
est primordiale : « Présenter une exposition à un visiteur ou l’encourager à s’y
engager sont deux choses très différentes. L’implication est une expérience bien
plus profonde et plus riche, qui modifie et approfondit la compréhension »121.
Dans ce sens, la simple lecture des panneaux ne fera pas de leur venue à la maison
du torchis un moment intense et une expérience inoubliable pour les visiteurs et,
de fait, il ne retiendra pas ou peu les connaissances acquises. De plus, tous les
visiteurs n’ont pas les mêmes styles d’apprentissage, on en distingue trois
principaux : l’apprenant visuel, l’apprenant auditif et l’apprenant kinesthésique,
c’est-à-dire qui a besoin de toucher pour comprendre. Il s’agira donc de créer au
sein de cette exposition des interactions avec les visiteurs. Ainsi, des vidéos ou
des écrans interactifs pourront accompagner ou se substituer aux panneaux. Par
exemple, la vidéo d’un atelier d’initiation à la technique du torchis accompagnera
le panneau portant sur sa fabrication et sa mise en œuvre. Autre exemple, sur
écran interactif figurera une carte de l’architecture de terre dans le monde,
apportant des détails sur la manière de bâtir avec ce matériau selon les régions du
monde ou encore une localisation des édifices en terre inscrits sur la Liste du
patrimoine mondial de l’UNESCO.
Dans le cas d’une création architecturale nouvelle, il sera préférable que le
scénographe et le maître d’œuvre travaillent en concertation. Et la scénographie
de l’exposition devra être élaborée avant que le bâtiment ne soit construit, car
d’éventuelles contraintes pourraient survenir ensuite. Enfin, autant que possible, le
choix des matériaux nécessaires à la réalisation de l’exposition devra également se
faire dans une optique de développement durable : matériaux naturels, économes
en énergie, etc.
120
HUGUES P., 2010.
121
Ibid.
77
Enfin, la maison du torchis proposera des ateliers pédagogiques de deux types :
 Des ateliers à destination des adultes leur permettant de s’initier à la technique
du torchis et d’en acquérir les gestes.
 Des ateliers à destination du public scolaire, primaire notamment, pour les
initier à l’architecture de terre et au patrimoine :
-
sur la terre (sa nature, sa composition, son usage dans la construction,
etc.) ;
-
sur la fabrication d’une ossature en bois et d’une charpente. Ils
consisteront en l’élaboration d’une maquette ;
-
sur la fabrication et la mise en œuvre du torchis. Le torchis sera préparé
par les élèves puis appliqué sur une structure en bois ;
-
sur les avantages et les inconvénients du torchis comme matériau de
construction (qualités d’isolation, faible résistance à l’eau, etc.)
-
sur l’histoire des constructions en pan de bois et torchis ;
-
sur le lien entre Land Art et architecture vernaculaire.
Ces ateliers permettront d’appréhender de façon ludique le domaine
d’apprentissage de la culture scientifique et technologique, avec notamment une
sensibilisation au développement durable et à l’éco-construction, pour les quatre
premiers ateliers, et à la culture humaniste pour le dernier. Ces domaines
d’apprentissage sont intégrés dans le cycle 3, ce qui correspond aux classes de
CE2, CM1 et CE1. Au niveau du cycle 2, qui correspond aux classes de CP et de
CE1, ces ateliers pédagogiques s’inscriront dans le cadre du domaine
d’apprentissage « découvrir le monde ».
Un jardin composé de diverses essences locales pourra entourer la maison du
torchis, rappelant ainsi l’usage des ressources locales pour la construction de
l’édifice.
Enfin, la maison du torchis pourra être le point de départ d’une route du torchis.
78
3.4. Réalisation d’une route du torchis
3.4.1. Un travail préalable d’inventaire
Un travail d’inventaire sur le patrimoine bâti en torchis a déjà été mentionné plus
haut, dans le cadre du groupe de sauvegarde et de relance du torchis en Pas-deCalais. Ce travail a ensuite été valorisé à travers une cartographie interactive
accessible depuis le site internet du PNR des Caps et Marais d’Opale, recensant à
la fois les édifices en bon état et ceux qui sont à l’état de ruine.
En Normandie, le groupe de valorisation du torchis pourra mener un tel travail
d’inventaire, en s’appuyant à la fois sur les connaissances déjà acquises –
reprenons ici l’exemple des visites découvertes mises en place par le service Pays
d’art et d’histoire du Pays d’Auge – et sur les techniques de recherches utilisées
au sein du service Inventaire et Patrimoine des Conseils Régionaux, pour
approfondir ces connaissances et en acquérir de nouvelles. Par ailleurs, une
publicité de ce travail pourra être faite, ce qui permettra à tout un chacun de
signaler un édifice, qu’il en soit propriétaire ou non. Ce travail pourra être mené
par secteur géographique, ce qui favorisera la proximité avec le public.
3.4.2. La route du torchis
Afin de valoriser ce travail d’inventaire et d’en faire profiter le grand public, une
cartographie pourra être réalisée ; elle sera une première étape dans la réalisation
de la route du torchis, en ce sens qu’elle permettra de cibler les édifices
remarquables et les sites incontournables qui la jalonneront. Elle permettra
également d’effectuer un tracé cohérent à l’échelle des deux régions. La route du
torchis sera donc composée d’un ou plusieurs itinéraires permettant à ceux qui
l’emprunteront de découvrir la richesse et la diversité du patrimoine normand bâti
en torchis.
En Isère, Isère Tourisme, structure née de la fusion du Conseil Départemental du
Tourisme (CDT) et du service « tourisme et montagne » du Conseil Général, est à
l’origine d’un itinéraire touristique, intitulé le « chemin des bâtisseurs en pisé »122.
122
http://www.isere-tourisme.com/voir/chemin-des-batisseurs-de-pise
79
Cet itinéraire présente des constructions en pisé, fruit du travail des bâtisseurs
locaux, datant essentiellement des XVIIIe et XIXe siècles. Les visiteurs parcourent
ainsi plusieurs villages, ce qui rend cet itinéraire similaire à la série de visites
découvertes « Villes et villages augerons » organisées par le service Pays d’art et
d’histoire du Pays d’Auge.
Mais il s’agit bien, dans le premier cas, d’un parcours à l’échelle d’un pays et,
dans le second cas, d’un parcours à l’échelle départementale. La route du torchis
traversera quant à elle les deux régions normandes. On peut aussi imaginer que la
route normande du torchis devienne par la suite une route nationale, si ce travail
d’inventaire est réalisé dans chacune des régions où le torchis est
traditionnellement présent.
Par ailleurs, le festival « Autour du torchis » pourra être l’occasion de mettre en
avant les avancées de ce travail d’inventaire et de création de la route du torchis.
3.5. Création du Festival « Autour du torchis »
3.5.1. Les exemples du festival Grains d’Isère et du Festival ArchiTerre
2013 a été l’année du douzième festival Grains d’Isère, organisé pour cette édition
sur le thème « Matières à construire » alors que le thème de l’édition 2012 était
« De la matière à l’architecture » et celui de l’édition 2011, « Habiter la terre ».
Le festival est organisé par le CRATerre ; il se tient à Villefontaine (où est situé le
Domaine de la Terre) et plus précisément au sein des Grands Ateliers, « un centre
interdisciplinaire d’enseignement, de recherche et d’expérimentation dans le
domaine de la construction » selon un arrêté du 23 avril 2002. L’ENSAG, dont le
CRATerre fait partie, est l’un des membres fondateurs de ces Grands Ateliers.
Les Grands Ateliers présentent ainsi le festival : « Autour du triptyque
architecture, arts et sciences le festival convie les participants et les visiteurs à en
découvrir les potentialités.
Tous sont invités « à mettre les mains à la terre » pour en ressentir les propriétés et
spécificités.
Cette approche scientifique, artistique et culturelle, basée sur la compréhension et
la manipulation de la matière, est développée sous la forme d’animations
80
scientifiques et artistiques, de chantiers, d’expérimentations, de conférences,
d’expositions et de spectacles.
Le festival est aussi un formidable moment d’échanges associé à un temps de
réflexions afin de promouvoir au sein du grand public, des élus, des formateurs et
des professionnels un esprit de découverte et d’ouverture pour répondre aux
grands défis et enjeux du développement durable et contribuer à réconcilier
l’homme et son environnement. »123
Ci-dessous est représentée l’affiche de l’édition 2013 de Grains d’Isère :
Source : www.grainsdebatisseurs.com
Le festival s’est tenu du 29 mai au 2 juin 2013. Le programme se composait de
plusieurs manifestations, dont :
 La remise du premier prix national de l’architecture en terre crue. Ce prix a été
créé conjointement par l’AsTerre, le CRATerre et le magazine Ecologik. Il a
été remis « par Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de
la Recherche, à l’architecte Boris Bouchet et à la commune de Marsac-enLivradois pour l’Espace rural de services de proximité qui anime depuis 2012
123
http://www.lesgrandsateliers.org/actualite/27/2-actualite.htm
81
le cœur du bourg : un centre médical en bois posé sur un commerce en
pisé. »124
 « Un itinéraire de découverte de la matière terre [qui est] dispositif original qui
associe sciences, arts et architecture en cinq étapes sous la forme de
manipulations scientifiques, d’essais pratiques, d’apprentissages de gestes
techniques et d’expérimentations artistiques et plastiques. »125
L’une de ces cinq étapes correspondait aux ateliers pédagogiques et
scientifiques Grains de Bâtisseurs, issus des travaux menés par les chercheurs
du CRATerre, et qui « font découvrir au grand public, enfants et adultes, mais
aussi aux professionnels de la construction, les propriétés de la matière terre
pour comprendre pourquoi et comment il est possible de construire en terre et
plus particulièrement en pisé. »126
 Une formation à la réhabilitation du patrimoine en pisé, à destination des
« architectes et ingénieurs intervenant dans le champ du patrimoine, élus,
services techniques des collectivités locales et territoriales, chefs d’entreprises,
etc. »127
Depuis 2012, le Ministère de la Culture d’Algérie organise le festival culturel
international de promotion des architectures de terre qui se tient dans l’enceinte de
l’Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme (EPAU) d’Alger. La
première édition a eu lieu du 18 au 22 novembre 2012 et la seconde du 20 et 25
avril 2013.
Dans une note préliminaire au programme de la seconde édition du festival,
Yasmine Terki, qui en est la commissaire, en explique la raison d’être : « Face à
l’importance des enjeux mondiaux que constituent le maintient de la diversité
culturelle,
l’économie
des
ressources
naturelles
et
la
protection
de
l’environnement, auxquelles la sauvegarde du patrimoine bâti en terre et la relance
de la construction en terre contribueraient amplement, le ministère de la Culture a
124
http://www.architectes.org/actualites/premier-prix-national-des-architectures-en-terre-crue/
125
CRATerre, 2013.
126
Ibid.
127
Ibid.
82
décidé de mettre en œuvre une stratégie de réhabilitation de l’image des
architectures de terre.
Cette stratégie, dont la mise en œuvre a été confiée à un établissement public
nouvellement crée, le centre algérien du patrimoine culturel bâti en terre,
« CAPTerre », passe par l’institutionnalisation du festival culturel international de
promotion des architectures de terre. »128
Par ailleurs, le fait que ce festival soit organisé au sein de l’EPAU est significatif
de la volonté de promouvoir l’architecture de terre auprès des étudiants en
architecture et en urbanisme afin qu’ils soient sensibilisés à son usage quand ils
seront devenus eux-mêmes des professionnels de la construction
A l’occasion de la seconde édition du festival Archi Terre, plusieurs
manifestations ont été organisées :
 L’installation dans les jardins de l’EPAU d’un espace lecture où l’on pouvait
« consulter une sélection d’environs 300 ouvrages essentiellement dédiés aux
architectures de terre et à la préservation du patrimoine »129 ;
 « Quatre ateliers pratiques d’initiation aux techniques de construction en terre
[…] : l’atelier arcs et voûtes, l’atelier adobe et blocs de terre comprimée,
l’atelier pisé et l’atelier enduits en terre »130 ;
 Deux séminaires de formation, l’un sur le thème « Bâtir en terre : initiation aux
techniques de construction », l’autre sur le thème « Architectures de terre :
présent et avenir d’une tradition millénaire ». Par ailleurs, ce dernier séminaire
a été l’occasion de lancer le concours « Intervenir sur la patrimoine algérien
bâti en terre ».
128
MINISTERE DE LA CULTURE D’ALGERIE, 2013
129
Ibid.
130
Ibid.
83
L’affiche de l’édition 2013 du festival Archi Terre est présentée ci-dessous :
Source : www.sortiraalger.com
3.5.2. Le festival « Autour du torchis »
Le festival « Autour du torchis » pourra être organisé par le groupe normand de
valorisation du torchis ou éventuellement par une association créée spécialement
dans ce but.
Le festival pourra se dérouler au sein de la maison du torchis ; aussi, l’exposition
permanente proposée ci-devant pourra constituer une base commune à chacune
des éditions du festival. De plus, inaugurer la maison du torchis par la première
édition du festival pourrait constituer un bon moyen pour communiquer sur ce
nouveau lieu dédié au patrimoine.
Un festival est toujours un moment de fête, lors duquel, réunis autour d’un thème
fédérateur, les participants se rencontrent et échangent. Aussi, organiser un
festival sur le thème du torchis, avec pour chaque édition un angle d’approche
différent, permettra de réunir les acteurs de ce domaine, mais également d’attirer
un public extérieur vers ce matériau, souvent considéré par le grand public comme
emblématique de l’architecture traditionnelle mais finalement peu et mal connu.
84
Le Festival « Autour du torchis » se voudra donc plus proche du festival Grains
d’Isère que du Festival Archi Terre en cela qu’il constituera un évènement
populaire et n’aura pas pour objectif principal d’intéresser les étudiants, futurs
architectes et urbanistes, à l’architecture de terre. De plus, comme le festival
Grains d’Isère dédié plus particulièrement au pisé, il se voudra l’écho des
connaissances liées au torchis en particulier.
Le festival s’intéressera à toutes les régions françaises où le torchis est
traditionnellement présent, et non pas uniquement à la Normandie. De plus, la
dimension internationale ne devra pas être oubliée et, comme dans le cas des deux
festivals précédemment cités, la contribution d’intervenants étrangers sera
sollicitée, via l’ICOMOS par exemple.
Conférences, ateliers-débats, expositions, ateliers pédagogiques (destinés aux
adultes et au jeune public) ateliers de formation professionnelle, visites guidées ou
encore spectacles sont autant de manifestations qui pourront être organisées,
comme c’est le cas lors de chaque édition des festivals Grains d’Isère et Archi
Terre. Et, de fait, chacune de ces manifestions sera organisée de manière à
correspondre à l’angle d’approche choisi pour telle ou telle édition du festival.
Toutes ces manifestations seront organisées pour atteindre les objectifs fixés
initialement par la structure organisatrice. Ils pourront correspondre à cela :
 Sensibiliser le public à la préservation du patrimoine bâti en torchis et plus
largement du patrimoine bâti vernaculaire ;
 Réunir tous les acteurs de la protection et de la valorisation du patrimoine bâti
en torchis ;
 Encourager l’usage du torchis dans les constructions contemporaines.
Finalement, toutes ces actions proposées autour du torchis ont un objectif
commun, la valorisation de ce matériau. Et cette valorisation est loin d’être
infondée, elle est même certainement une nécessité au regard de l’importance de
préserver le patrimoine et notamment le patrimoine bâti vernaculaire, longtemps
85
resté dans l’ombre d’édifices plus imposants, des monuments historiques. C’est
une nécessité également au regard des enjeux du développement durable, puisque
les qualités environnementales de la terre comme matériau de construction sont
aujourd’hui reconnues.
86
Conclusion
La tradition de l’architecture de terre crue est vieille d’au moins 11 000 ans
comme en atteste un pan de mur mis au jour lors de fouilles archéologiques
menées en Syrie. Le torchis, matériau traditionnel de construction, est l’une des
manières de bâtir en terre crue ; c’est également l’une des quatre techniques de
construction traditionnelles en terre crue présentes en France, avec l’adobe, la
bauge et le pisé.
Le torchis apparaît donc comme un élément important du patrimoine bâti
vernaculaire, et qui marque les paysages ruraux et urbains dans lesquels il
s’inscrit. A ce titre, l’exemple des clos-masures, qui jalonnent le pays de Caux et
lui confèrent son identité paysagère propre, est significatif. Il est donc important
de valoriser ce matériau, ainsi que les savoir-faire qui s’y attachent et les édifices
remarquables qui en sont composés.
Des structures internationales participent de cette protection, par exemple avec
l’inscription de sites remarquables sur la Liste du Patrimoine mondial de
l’UNESCO ou encore avec la rédaction de chartes par l’ICOMOS, dont la charte
du patrimoine bâti vernaculaire. A l’échelle de la France, les services de l’Etat, les
collectivités territoriales, les associations ou encore les fondations abondent dans
ce sens. Ainsi, plusieurs actions ont déjà été menées, notamment celles initiées par
les membres du groupe de sauvegarde et de relance du torchis en Pas-de-Calais.
Enfin ce document contient plusieurs propositions d’actions qu’il serait
intéressant de mener à bien, comme la création d’une maison du torchis ou la
réalisation d’une route du torchis.
Par ailleurs, le torchis, comme les autres matériaux traditionnels de construction,
était tombé en désuétude dans les pays marqués par les Révolutions industrielles.
Mais le torchis connaît en quelque sorte un renouveau, depuis la prise de
conscience dans le dernier tiers du XXème siècle de la nécessité de protéger
l’environnement. En effet, le torchis est un écomatériau dont les qualités
d’isolation notamment sont avérées. C’est un matériau qui s’inscrit également
87
dans un réseau d’économie locale – reprenons ici l’exemple du torchis prêt à
l’emploi proposé par certaines entreprises. Pour ces raisons, il s’agit donc bien
tout autant d’un élément du patrimoine bâti vernaculaire que d’un matériau
d’avenir. Ce document propose plusieurs actions qui devraient permettre d’en
faire la démonstration, notamment la construction d’un écoquartier en torchis.
88
Bibliographie
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cinq guides.
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92
Annexe 1
93
94
Annexe 2
CHARTE DU PATRIMOINE BÂTI VERNACULAIRE (1999)
Ratifiée par la 12è Assemblée Générale de ICOMOS, au Mexique, octobre 1999.
INTRODUCTION
Le patrimoine bâti vernaculaire suscite à juste titre la fierté de tous les peuples.
Reconnu comme une création caractéristique et pittoresque de la société, il se manifeste
de façon informelle, et pourtant organisée; utilitaire, il possède néanmoins un intérêt et
une beauté. C'est à la fois un reflet de la vie contemporaine et un témoin de l'histoire de
la société. Bien qu'il soit œuvre humaine, il est aussi le produit du temps. Il serait indigne
de l'héritage de l'humanité de ne pas chercher à conserver et à promouvoir ces
harmonies traditionnelles qui sont au cœur même de son existence et de son avenir.
Le patrimoine bâti vernaculaire est important car il est l'expression fondamentale de la
culture d'une collectivité, de ses relations avec son territoire et, en même temps,
l'expression de la diversité culturelle du monde.
La construction vernaculaire est le moyen traditionnel et naturel par lequel les
communautés créent leur habitat. C'est un processus en évolution nécessitant des
changements et une adaptation constante en réponse aux contraintes sociales et
environnementales. Partout dans le monde, l'uniformisation économique, culturelle et
architecturale menace la survie de cette tradition. La question de savoir comment
résister à ces forces est fondamentale et doit être résolue non seulement par les
populations, mais aussi par les gouvernements, les urbanistes, les architectes, les
conservateurs, ainsi que par un groupe pluridisciplinaire d'experts.
En raison de l'uniformisation de la culture et des phénomènes de mondialisation
socioéconomiques, les structures vernaculaires dans le monde sont extrêmement
vulnérables parce qu'elles sont confrontées à de graves problèmes d'obsolescence,
d'équilibre interne et d'intégration.
Il est par conséquent nécessaire, en complément de la Charte de Venise, d'établir des
principes pour l'entretien et la protection de notre patrimoine bâti vernaculaire.
PRINCIPES GÉNÉRAUX
1. Les bâtiments vernaculaires présentent les caractéristiques suivantes :
a) Un mode de construction partagé par la communauté ;
b) Un caractère local ou régional en réponse à son environnement ;
c) Une cohérence de style, de forme et d'aspect, ou un recours à des types
de construction traditionnels ;
d) Une expertise traditionnelle en composition et en construction transmise
de façon informelle ;
95
e) Une
environnementales ;
réponse
efficace
aux
contraintes
fonctionnelles,
sociales
et
f) Une application efficace de systèmes et du savoir-faire propres à la
construction traditionnelle.
2. L'appréciation et l'efficacité de la protection du patrimoine vernaculaire
dépendent de l'engagement et du soutien de la collectivité, de son utilisation et de son
entretien continuels.
3. Les gouvernements et les autorités compétentes doivent reconnaître à toutes
les collectivités le droit de préserver leurs modes de vie traditionnels et de les protéger
par tous les moyens législatifs, administratifs et financiers à leur disposition et de les
transmettre aux générations futures.
PRINCIPES DE CONSERVATION
1. La conservation du patrimoine bâti vernaculaire doit être menée par des
spécialistes de diverses disciplines, qui reconnaissent le caractère inéluctable du
changement et du développement et le besoin de respecter l'identité culturelle de la
collectivité.
2. Les interventions contemporaines sur les constructions, les ensembles et les
établissements vernaculaires doivent respecter leurs valeurs culturelles et leur caractère
traditionnel.
3. Le patrimoine vernaculaire s'exprime rarement par des constructions isolées et
il est mieux conservé par le maintien et la préservation d'ensembles et d'établissements
représentatifs, région par région.
4. Le patrimoine bâti vernaculaire fait partie intégrante du paysage culturel et
cette relation doit donc être prise en compte dans la préparation des projets de
conservation.
5. Le patrimoine vernaculaire ne comprend pas seulement les formes et les
matériaux des bâtiments, structures et des lieux, mais également la manière dont ces
éléments sont utilisés et perçus ainsi que les traditions et les liens intangibles qui leur
sont reliés.
ORIENTATIONS PRATIQUES
1. Recherche et documentation
Toute intervention physique sur une structure vernaculaire devrait être menée avec
prudence et précédée d'une analyse complète de sa forme et de sa structure. Ce
document devrait être conservé dans des archives accessibles au public.
2. Emplacement, paysage et groupes de bâtiments
Les interventions sur les structures vernaculaires devraient être menées dans le respect
et le maintien de l'intégrité de l'emplacement, de la relation avec les paysages physiques
et culturels et de l'agencement d'une structure par rapport aux autres.
3. Systèmes de construction traditionnels
Le maintien des systèmes de construction traditionnels et du savoir-faire lié au
patrimoine vernaculaire est capital pour l'architecture vernaculaire et essentiel pour la
réfection et la restauration de ces structures. C'est par l'éducation et la formation que ce
96
savoir-faire devrait être conservé, enregistré et transmis aux nouvelles générations
d'artisans et de bâtisseurs.
4. Remplacement des matériaux et des éléments architecturaux
Les transformations qui satisfont légitimement aux exigences modernes devraient être
réalisées avec des matériaux qui assurent la cohérence de l'expression, de l'aspect, de la
texture et de la forme de l'ensemble de la construction et la cohésion des différents
matériaux entre eux.
5. Adaptation
L'adaptation et la réutilisation des constructions vernaculaires devraient être effectuées
dans le respect de l'intégrité de la structure, de son caractère et de sa forme tout en
étant compatibles avec des standards de vie acceptables. La pérennité des modes de
construction vernaculaire peut être assurée par l'élaboration par la collectivité d'un code
d'éthique qui peut servir aux interventions.
6. Changements et restauration d'époque
Les modifications apportées dans le temps aux bâtiments doivent être appréciées et
comprises comme des éléments importants de l'architecture vernaculaire. La conformité
de tous les éléments d'un bâtiment à une même période ne sera pas, en général,
l'objectif des interventions sur les structures vernaculaires.
7. Formation
Afin de conserver les valeurs culturelles de l'architecture vernaculaire, les
gouvernements, les autorités compétentes, les groupes et les organismes devraient
mettre l'accent sur :
a) Des programmes éducatifs susceptibles de transmettre les principes du patrimoine
vernaculaire aux conservateurs ;
b) Des programmes de formation pour aider les collectivités à préserver les systèmes de
construction, les matériaux et le savoir-faire traditionnels ;
c) Des programmes d'information qui accroissent la sensibilisation du public et des jeunes
en particulier dans le domaine de l'architecture vernaculaire ;
d) Des réseaux inter-régionaux d'architecture vernaculaire pour échanger des expertises
et des expériences.
CIAV :
Madrid, 30 janvier 1996
Jérusalem, 28 mars 1996
Mikkeli, 26 février 1998
Saint-Domingue, 26 août 1998
ICOMOS :
Stockholm, 13 septembre 1998
97
Annexe 3
CONCOURS
MAISONS PAYSANNES DE FRANCE – RENÉ FONTAINE
RÉGLEMENT
Art. 1 – L’association « Maisons Paysannes de France décerne chaque année
le Prix René Fontaine, destiné à couronner les extérieurs des maisons rurales les mieux
restaurées selon ses principes. Ceux-ci peuvent être explicités par le délégué
départemental de M.P.F. Les travaux doivent être achevés depuis moins de dix ans.
Art. 2 – Il doit s’agir :
• D’une maison paysanne ou d’une maison de bourg, à la limite d’une habitation
bourgeoise ou anciennement seigneuriale, à la condition qu’elle ait un caractère
très rural.
• Eventuellement d’un ensemble de bâtiments ruraux (ferme) comportant non
seulement l’habitation mais aussi les servitudes (écuries, granges…)
• Les gîtes ruraux, les auberges et tous les bâtiments installés dans des constructions
rurales anciennes.
• Des petits bâtiments, tels que des moulins, fours à pain, pigeonniers, calvaires…
• Des extensions ou des interventions contemporaines sur du bâti rural ancien déjà
existant.
Art. 3 – Pour être candidat (personne physique ou morale), il faut être maître
de l’ouvrage, c’est-à-dire propriétaire de la maison ou titulaire d’un bail
emphytéotique.
Art. 4 – Les dossiers sont à adresser à M.P.F. 8 passage des Deux Soeurs 75009
Paris et doivent y parvenir avant le 1er octobre de chaque année. Tout dossier
arrivant après cette date ne sera pas pris en compte.
Art.5 – Chaque dossier doit comprendre :
a/ Le bulletin de candidature rempli et signé.
b/ Des photographies des façades du bâtiment AVANT, PENDANT et APRES
restauration.
Les photographies devront être soit :
- des photos numériques sur CD-rom : 10x15 cm ; 6,5 mo ; (1230x1840 pix et 300 dpi)
- des diapositives (elles devront alors comporter sur la partie inférieure gauche une
marque bien visible, pour le repérage du sens de la vue).
Les photographies sur papier sont fortement déconseillées.
Chaque vue doit être légendée et doit porter :
• Le numéro du département
98
• Le nom de la commune / lieu-dit
• Un numéro d’ordre qui lui est affecté : 1, 2…
• Le nom du propriétaire
Ces visuels légendés sont indispensables ; en cas d’absence, le dossier ne sera pas
retenu.
Bien que le jugement ne porte pas sur la qualité des photos, il est du plus grand
intérêt du candidat que les photographies soient de bonne qualité.
Pour chaque vue avant travaux, doit correspondre une vue après achèvement,
prise sous le même angle et du même endroit. Il est possible d’ajouter d’autres vues
après travaux, notamment de détails.
Il est fortement conseillé de joindre des visuels d’éléments d’architecture intérieure
intéressants, tels que cheminées, menuiseries, charpentes, escaliers anciens ou
souillardes.
c/ Un plan de la maison ou, s’il y a lieu de l’ensemble des bâtiments (croquis à main
levée ou extrait du plan cadastral), sur une feuille 21x29,7 cm, et sur lequel seront
indiqués les endroits d’où les photos repérées ont été prises.
d/ Une enveloppe timbrée portant l’adresse du concurrent pour envoi de l’accusé
de réception du dossier.
Art. 6 – Il est vivement recommandé que tout dossier de candidature soit visé
par le délégué départemental de Maisons Paysannes de France. En cas d’absence
de délégué dans un département, les dossiers devront être validés par une enquête
réalisée par un représentant MPF (architecte…) nommé par le jury. Pour chaque
candidature, les délégués devront justifier des choix effectués (matériaux,
techniques utilisées…) en fonction du contexte et des contraintes locaux.
Art. 7 – Les dossiers non conformes au règlement, incomplets, illisibles, ne
seront pas pris en considération.
Art. 8 – Un jury, composé d’experts ainsi que de délégués M.P.F. et de la
Fondation du Patrimoine, examinera les dossiers et désignera les lauréats. Les
décisions du jury seront souveraines et sans appel.
Art. 9 – Les prix seront remis aux lauréats à Paris. Les bénéficiaires seront
informés par lettre au moins une quinzaine de jours avant la date de Cérémonie.
Art. 10 – Les membres du Conseil d’Administration de M.P.F. ainsi que les
membres du jury ne peuvent pas être candidats au concours « René Fontaine –
Maisons Paysannes de France ».
Art. 11 – Les dossiers de toutes les candidatures (CD-rom et diapos …)
resteront la propriété de M.P.F. qui se réserve le droit de les utiliser (publications, site
Internet, et manifestations diverses, etc.), même si le dossier n’a pas été retenu par le
jury.
Art. 12 – La participation de tout propriétaire au Concours « René Fontaine –
Maisons Paysannes de France » implique l’acceptation sans réserve du présent
règlement par le candidat.
99
Annexe 4
CHARTE ETHIQUE ET PRATIQUE DU GROUPE DEPARTEMENTAL TORCHIS
Présent sur le département du Pas-de-Calais, le torchis est, traditionnellement,
une technique de construction simple, peu onéreuse, à base de matériaux
trouvés sur place. Cependant, la fragilité relative de ce matériau, due au manque
d’entretien et la perte du savoir-faire tendent à raréfier ce patrimoine.
Fort de ce constat, un groupe de réflexion s’est formé depuis 2003 pour mettre
en place une politique de relance du torchis dans le Pas-de-Calais.
-
La structure du groupe est informelle mais cette charte unira les membres
entre eux. Les membres fondateurs s’accordent sur plusieurs principes
généraux essentiels pour la constitution de ce groupe :
La diversité des métiers exercés par les membres,
Une culture commune de mission publique,
Le devoir de protection des savoirs faire traditionnels,
Un objectif majeur de promotion du matériau terre crue/torchis.
Ils décident d’unir leurs efforts pour :

Valoriser le patrimoine traditionnel public et privé en torchis sur le Pasde-Calais,

Promouvoir la terre crue et son image par des actions de
communication,

S’adresser à un public large à savoir : le grand public, les artisans animés
par la CAPEB, les architectes, les maîtres d'ouvrages (particuliers, élus, bailleurs
sociaux, associations, scolaire, …)

Investir le champ de l’innovation et du développement durable avec ce
matériau,

Favoriser les projets de constructions neuves en terre crue dans le
département,

Sensibiliser et former différents acteurs,

Soutenir et développer la professionnalisation par l'artisanat spécialisé
traditionnel et contemporain,

Mettre en place des partenariats nationaux et internationaux pour la
recherche et l’expérimentation.
100
Champs d’action des membres fondateurs :
Tous sont lieux de ressources et sont des associations et organismes d’intérêt
public.
- Campagnes Vivantes : lieu de conseils, relais avec le monde rural,
- La Confédération des Artisans et Petites Entreprises du Bâtiment et Chambre
des Métiers : lieu de formations, relais avec les professionnels de la terre et du
torchis,
- Le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement : lieu de conseils,
de formation et d’échanges multi territoires et multi partenaires, relais avec les
professionnels de l’aménagement,
- La Direction Régionale des Affaires Culturelles et le Service Territorial de
l’Architecture et du Patrimoine : relais d’information ministérielle entre national
et local, contrôle de légalité, lien aux financements publics,
- Fondation du Patrimoine : relais aux financements privés et publics,
- Maisons Paysannes de France : relais d’information national et local, lieu de
conseils et de formation
- Le Parc Naturel Régional des Caps et Marais d’Opale : lieu d’expérimentations
et de conseils.
Champs d’action des membres associés :
Toutes les associations et tous les organismes qui pourront être amenés à
s’impliquer dans le groupe partenarial devront exercer des missions d’intérêt
public.
Actions déjà réalisées ou en cours de réalisation :
Concours photographique, repérage des patrimoines en torchis, expositions et
catalogue, appui au dispositif d’aide départementale du Conseil Général,
création d'un "stand info torchis" itinérant, interventions régulières dans les
écoles, modules réguliers de formation des artisans (CIP Patrimoine),
manifestations : "Ouvrez Grand vos Yeux", Journées Patrimoine de Pays, forums
RESTAURE, « Terres en Fête », projet de réalisation d'une œuvre artistique, achat
et gestion d’un malaxeur mobile, film sur « Les gestes du torchis » et « la terre
crue aujourd’hui », voyage de formation en Allemagne, mise en place d’une table
ronde avec les acteurs concernés sur le Pas-de Calais, conseils auprès de
particuliers, etc.
Modes de fonctionnement :
- Un programme d’actions pluriannuelles,
- Une réunion générale semestrielle,
- Des actions réparties en sous-groupes de travail, avec un membre/chef de
projet par action.
101
Engagements des membres du Groupe Départemental :
Les membres du groupe s’engagent à :
- Travailler en toute complémentarité et dans le respect des missions de chacun,
- Promouvoir le groupe et ses actions,
- Identifier les actions proposées au sein de chaque structure, dans le cadre de la
dynamique du groupe,
- Proposer, échanger et faire valider de nouvelles pistes d’action avec
désignation d’un chef de projet,
- Coordonner et harmoniser le programme collectif d’actions pluriannuelles,
- S’investir dans les actions, soit en temps passé, soit en financement ou de toute
autre façon,
- Faciliter l’échange, la réflexion et la mutualisation.
Chaque membre du groupe, chef de projet d’une action s’engage à :
- Informer et consulter et faire valider l’avancement de l’action jusqu’à la
publication
- Utiliser le logo avec la liste des membres pour toute production du groupe et
strictement dans ce cas (seul le logo du groupe et ceux des financeurs
apparaissent alors),
- Apporter au groupe son positionnement, ses expériences, ses intentions de
développement, ses attentes et ses apports spécifiques,
- Transmettre toutes informations et contacts pouvant servir à développer les
actions du groupe,
- Etablir un bilan et une évaluation de l’action auprès des autres membres,
- Participer aux réunions générales semestrielles
102
Annexe 5
NOTE D’INTENTION
Après deux rencontres mettant en avant la qualité architecturale et urbaine dans le débat sur le
développement durable (rencontre du 10 décembre 2009), puis la démarche de projet à l’échelle
de la ville et à celle du territoire (rencontre du 6 septembre 2010), la DRAC organise la troisième
rencontre autour du concept de « matérialité ».
Pour l’architecture, on entend par « matérialité » ce qui rend concrète la pensée de son
concepteur et tout ce qui correspond à la réalité du projet : l’implantation, la structure,
l’agencement, le confort d’usage, le clos et le couvert, qui lui confèrent ses aspects sensoriels et
caractérisent sa présence dans le cadre de vie et l’environnement urbain, rural ou naturel. Une
fois réalisé, le projet matérialisé s’ajoute au cadre bâti et l’enrichit… On peut donc aussi
logiquement parler de la matérialité du patrimoine architectural et de son influence sur la
mémoire des lieux, des territoires.
De tout temps, en effet, l’aménagement par l’homme s’est plus souvent posé en rupture avec le
paysage, organisant ainsi les territoires avec des résultats divers et parfois remarquables.
Jusqu’à l’ère industrielle, les ressources d’un terroir et ses conditions climatiques conditionnaient
très fortement la matérialité du bâti traditionnel. Toutefois, la généralisation de l’emploi de
matériaux fabriqués n’a pas toujours totalement effacé l’identité que lui procurent les conditions
locales ou des situations propres : la recherche de solutions adaptées pour constituer le bâti et son
organisation dans l’espace se traduisent alors par une « matérialité » spécifique. Ainsi, chaque
époque de notre histoire a produit ses propres spécificités, parfois acceptées, souvent rejetées,
avant d’être comprises ou même reconnues…
À propos du renouvellement urbain, la question de la matérialité interpelle la création
architecturale et la préservation du patrimoine, tant sous l’angle de la forme, de l’aspect, de
l’esthétique, que sous celui de l’usage, du confort et des performances techniques. La mise en
application de la loi « Grenelle II » et la recherche d’objectifs de développement durable pose sous
un nouvel angle cette question de la matérialité : économies d’énergie, matériaux performants,
énergies renouvelables, influence des facteurs environnementaux sur les constructions… L’objectif
de maintenir un bilan carbone satisfaisant conduit aussi à s’interroger sur les ressources locales
potentielles.
Au-delà des aspects techniques, le développement durable, dans sa définition originelle, implique
la recherche d’un équilibre social, économique et environnemental au regard de l’aménagement
des territoires. La mise en œuvre de règles d’urbanisme adaptées doit conduire à cet équilibre, à
lutter contre l’étalement urbain, au maintien des espaces naturels et de la biodiversité, à la
qualité du cadre de vie, au renouvellement de la ville sur la ville sous ses aspects patrimoniaux,
économiques et sociaux. La valeur des repères et de la mémoire collective revêt là toute son
importance.
Enfin, la « matérialité » est le quatrième axe de recherche développé par l’École nationale
supérieure d’architecture et de paysage de Lille (ENSAPL), évoqué lors de la dernière rencontre.
C’est pourquoi cette troisième rencontre propose d’en débattre à travers le prisme de
l’aménagement du territoire et du développement durable.
Nous poursuivrons la logique des trois échelles retenues précédemment pour évoquer ces enjeux :
le territoire, la ville et l’unité bâtie dans son contexte. Dans la Région Nord – Pas-de-Calais,
l’exemple du Bassin Minier et sa mutation en cours constitue notamment une entité territoriale
singulière, dont les acteurs sont par ailleurs très sensibles à ce questionnement. Il s’agira de
cerner ces enjeux au travers d’interventions rapportant chacune un projet ou une réalisation
exemplaire. 
103
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