Thierry Branchat Université de Rouen 2012/2013 Master Mention Histoire Spécialité Valorisation du Patrimoine Mémoire Les matériaux traditionnels de construction comme patrimoine : l’exemple du torchis Directrice de mémoire : Mme Le Gras, maître de conférences en géographie à l’Université de Rouen Sommaire Sommaire ................................................................................................. p.1 Lexique ..................................................................................................... p.3 Liste des abréviations ............................................................................... p.4 Introduction .............................................................................................. p.5 Partie 1 : Le torchis, une des manières de construire en terre ................. p.9 1.1. Histoire et géographie des constructions en terre .................................. p.9 1.1.1. « Les premiers habitats » ................................................................................ p.9 1.1.2. Les premières constructions en terre ............................................................ p.10 1.1.3. Les édifices monumentaux antiques bâtis en terre ....................................... p.12 1.1.4. Les constructions en terre aujourd’hui.......................................................... p.13 1.1.5. Les différentes mises en œuvre de la terre en France ................................... p.16 1.2. Qu’est-ce que le torchis ?...................................................................... p.20 1.2.1. Présentation du matériau............................................................................... p.20 1.2.2. Fabrication du torchis ................................................................................... p.21 1.2.3. Mise en œuvre du torchis .............................................................................. p.23 1.2.4. Qualités du torchis et avantages liés à son utilisation ................................... p.26 1.3. Les constructions en torchis dans le paysage ...................................... p.28 1.3.1. La notion de paysage .................................................................................... p.28 1.3.2. Paysages ruraux, paysages urbains ............................................................... p.29 1.3.3. Cas particuliers en Seine-Maritime............................................................... p.31 1.3.4. Land Art et constructions en torchis ............................................................. p.34 Partie 2 : Le torchis, un élément du patrimoine bâti vernaculaire ......... p.37 2.1. Protection et valorisation du patrimoine bâti vernaculaire .................. p.37 2.1.1. Institutions internationales ............................................................................ p.37 2.1.2. Institutions en France .................................................................................... p.42 2.2. Protection et valorisation du torchis en France.................................... p.56 2.2.1. Le groupe de sauvegarde et de relance du torchis en Pas-de-Calais............. p.56 2.2.2. Autres initiatives autour du torchis ............................................................... p.59 1 Partie 3 : Propositions de valorisation patrimoniale autour du torchis .. p.66 3.1. Création d’un groupe normand de valorisation du torchis .................. p.66 3.2. Construction d’un écoquartier en torchis ............................................. p.67 3.2.1. L’exemple du Domaine de la Terre .............................................................. p.67 3.2.2. Un écoquartier en torchis .............................................................................. p.72 3.3. Création d’une maison du torchis ........................................................ p.74 3.3.1. Réhabilitation ou création d’un édifice ......................................................... p.74 3.3.2. Les activités proposées ................................................................................. p.75 3.4. Réalisation d’une route du torchis ....................................................... p.79 3.4.1. Un travail préalable d’inventaire .................................................................. p.79 3.4.2. La route du torchis ........................................................................................ p.79 3.5. Création du Festival « Autour du torchis ».......................................... p.80 3.5.1. Les exemples du festival Grains d’Isère et du festival ArchiTerre ............... p.80 3.5.2. Le festival « Autour du torchis » .................................................................. p.84 Conclusion .............................................................................................. p.87 Bibliographie/Webographie ................................................................... p.89 Annexe 1................................................................................................. p.93 Annexe 2................................................................................................. p.95 Annexe 3................................................................................................. p.98 Annexe 4............................................................................................... p.100 Annexe 5............................................................................................... p.103 2 Lexique Architecture : Art de concevoir et de construire un bâtiment dans le respect des contraintes fonctionnelles, esthétiques, techniques, et réglementaires déterminées ; science de l’architecte. (Définition du Petit Larousse illustré, 2011). L’architecture dite vernaculaire est l’architecture propre à un terroir. Fondation : Une fondation est une personne morale de droit privé. Selon la loi du 23 juillet 1987, une fondation reconnue d’utilité publique est précisément « l'acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident de l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une œuvre d'intérêt général et à but non lucratif ». Patrimoine culturel : Le terme patrimonium signifie en latin « héritage du père ». « le patrimoine culturel constitue un ensemble de ressources héritées du passé que des personnes considèrent, par-delà le régime de propriété des biens, comme un reflet et une expression de leurs valeurs, croyances, savoirs et traditions en continuelle évolution. Cela inclut tous les aspects de l’environnement résultant de l’interaction dans le temps entre les personnes et les lieux ». (Définition inscrite dans la Convention de Faro sur la valeur du patrimoine culturel pour la société, 2005). Paysage : « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ». (Définition inscrite dans la Convention européenne du paysage, 2000). Torchis : Un matériau de remplissage composite apposé sur une structure porteuse en bois. Il est composé d’une terre argileuse, d’eau, de fibres végétales et parfois animales. Scénographie d’exposition : Art d’organiser et de présenter une exposition dans un espace délimité, à l’aide de moyens techniques et de compétences artistiques. 3 Liste des abréviations ABF : Architecte des Bâtiments de France AUE : Architecte et Urbanistes de l’Etat CAPEB : Confédération des Artisans et Petites Entreprises du Bâtiment CAUE : Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement CIAP : Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine CRATerre : Centre de Recherche et d’Application Terre DRAC : Direction Régionale des Affaires Culturelles ENSAG : Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble FFB : Fédération Française du Bâtiment ICOMOS : Conseil international des Monuments et des Sites INPI : Institut National de la Propriété Intellectuelle ISCEAH : Comité Scientifique International sur le Patrimoine de l’Architecture de Terre MCC : Ministère de la Culture et de la Communication MPF : Maisons Paysannes de France ONU : Organisation des Nations Unies PNR : Parc Naturel Régional STAP : Services Territoriaux de l’Architecture et du Patrimoine UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture WHEAP : Programme du Patrimoine Mondial pour l’Architecture de Terre 4 Introduction Le terme « patrimoine » est un héritage du latin, patrimonium signifiant « héritage du père ». D’un point de vue culturel, le patrimoine désigne, selon la convention de Faro datant de 2005, « un ensemble de ressources héritées du passé que des personnes considèrent, par-delà le régime de propriété des biens, comme un reflet et une expression de leurs valeurs, croyances, savoirs et traditions en continuelle évolution. Cela inclut tous les aspects de l’environnement résultant de l’interaction dans le temps entre les personnes et les lieux ». En France, la notion de patrimoine culturel, et surtout l’idée de protéger ce patrimoine se sont développées au moment de la Révolution, à la fin du XVIIIe siècle. Elles émergent précisément avec l’abbé Grégoire, un prêtre, député du clergé aux états généraux de 1789, qui deviendra ensuite évêque et siègera à la Convention, parmi les Montagnards, qui « dans un rapport adressé à la Convention le 11 janvier 1794 […] dénonce les destructions intempestives de monuments et d'œuvres d'art par les armées républicaines. »1 Depuis lors la notion de patrimoine est très liée, en France aux grands édifices, comme en témoignent, la création du poste d’Inspecteur des Monuments Historiques dès 1830 puis la loi du 31 décembre 1913 sur les Monuments Historiques. Puis au cours du XXe siècle et jusqu’au début du XXIe siècle, la notion de patrimoine s’est étendue au patrimoine naturel, avec la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels, au patrimoine industriel dans les années 1990 (pour le cas de la France, ce fut plus précoce en Angleterre par exemple) ou encore au patrimoine immatériel, avec la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel signée en 2003, à Paris, par certains des Etats membres de l’UNESCO, qui l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture. Quant au patrimoine architectural, il ne se limite pas non plus aux seuls monuments historiques mais intègre également le petit patrimoine 1 MANIERE F. 5 composé des éléments de l’architecture vernaculaire. Ce terme vient du latin vernaculum qui signifie indigène. Jean-Charles Moreux évoque une « architecture folklorique »2. Il note que « chaque pays géographique a sa marque folklorique propre »3 et que celle-ci « lui est donnée par les matériaux (pierre, argile, bois et paille), taillés, corroyés, modelés, assemblés et ornés selon les usages et les traditions locales. »4 Il écrit encore : « La mise en œuvre des matériaux, le plan, la coupe et l’élévation de l’habitation deviennent dans chaque pays des « constantes ». »5 C’est donc la multiplicité des « pays géographiques » qui fait la diversité des modes de bâtir. L’architecture folklorique ou vernaculaire, se définit alors comme une architecture qui utilise les ressources présentes sur le territoire sur lequel le projet architectural est destiné à s’implanter. Mais également comme une architecture dont la méthode de construction s’appuie sur des savoir-faire locaux que Jean-Charles Moreux identifie à un folklore, se basant sur l’étymologie de ce terme - folk signifiant « peuple » et lore, « savoir »6. Par ailleurs, les matériaux de construction propres à cette architecture vernaculaire sont des matériaux naturels (bois, terre, pierre, etc.) trouvés le plus souvent sur le site de construction de l’édifice. Ce double critère confère aujourd’hui à ces matériaux une grande qualité en matière de protection de l’environnement. En effet, cette protection est désormais un enjeu incontournable de la construction. De plus, les matériaux naturels possèdent des qualités propres en matière d’isolation, de résistance au feu, etc. qui les rendent attractifs. Enfin, la question des filières locales est aussi très prégnante quand on parle de développement durable, notamment en raison des économies d’énergie et financières, liées au transport, que ces filières génèrent. Certaines positions parfois extrêmes entrent même en contradiction avec toute volonté de préserver le patrimoine bâti. Ainsi, l’architecte Françoise-Hélène 2 MOREUX J.-C., 1999. 3 Ibid. 4 Ibid. 5 Ibid. 6 Ibid. 6 Jourda déclare qu’il est « urgent de réduire la quantité de ressources figées peu ou mal utilisées, urgent de réduire la quantité d’énergie nécessaire à leur maintenance. »7 Il faut ici comprendre par ressources figées, les matériaux de construction. Mais réduire de cette façon le patrimoine bâti à un ensemble de ressources figées est une démarche tout à fait radicale car elle ne considère ce bâti que comme une potentialité et nie sa valeur culturelle, architecturale, historique, etc. Par ailleurs, si l’usage de ces matériaux connaît un regain actuellement, grâce à leurs qualités écologiques – on les nomme aussi écomatériaux – c’est aussi parce qu’ils confèrent au bâtiment un caractère d’authenticité. « L’authentique maison normande »8 par exemple serait une maison en pan de bois et torchis. L’authenticité ainsi revendiquée, et qui confère à chaque édifice un caractère unique, s’oppose à l’homogénéisation des constructions survenue après la Seconde guerre mondiale et due à la nécessité de reconstruire rapidement le pays. Parmi ces matériaux de l’architecture traditionnelle, on trouve notamment la terre crue qui se décline, en France, en quatre techniques constructives dont le torchis. La terre crue est celle que l’on trouve au sol, sous la couche de terre végétale, et que l’on utilise directement, en opposition à la terre cuite qui peut notamment prendre la forme de briques – pour édifier les murs -, de tuiles – utilisées pour la toiture – ou encore de boisseaux – notamment utilisés pour les conduits de cheminées. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la période du déclin de l’architecture de terre crue en Occident, c’est-à-dire le XIXe siècle avec les Révolutions industrielles, a été une période de renouveau et de réutilisation massive de la terre cuite dans l’architecture, comme en atteste par exemple le développement des briqueteries. Aujourd’hui, la tendance est inverse et une grande attention est à nouveau portée aux matériaux utilisés avant le XIXe siècle. Le torchis sera en particulier l’objet de cette étude, laquelle commencera par une présentation générale du matériau, se 7 JOURDA F.-H., 2007. 8 VERNON A., 2003. 7 poursuivra par une inscription du torchis dans le contexte plus général de la protection et de la valorisation du patrimoine bâti vernaculaire et, enfin, s’achèvera par une série de propositions de valorisation autour du torchis, à la fois comme élément de ce patrimoine et comme matériau d’avenir pour la construction. Ces propositions s’inscriront dans le cadre régional de la Normandie, dont le torchis est l’un des éléments les plus emblématiques de l’architecture traditionnelle. 8 Partie 1 : Le torchis, une des manières de construire en terre 1.1. Histoire et géographie des constructions en terre 1.1.1. « Les premiers habitats » Les résultats des fouilles archéologiques autant que les découvertes de grottes ornées, comme celle de Lascaux, découverte en 1940 dans le département de la Dordogne, nous ont longtemps laissé penser que les premiers hommes vivaient dans des grottes, ce qui est d’ailleurs à l’origine de l’appellation « homme des cavernes ». Cependant, selon Frédéric Belnet : « une chose est sûre, nos ancêtres ne vivent pas au fin fond des cavernes obscures […] finalement peu nombreuses (ou même absentes de régions entières). »9 Il explique ensuite l’origine de cette idée reçue : « Si les préhistoriens y trouvent plus facilement qu’ailleurs des vestiges d’occupation, c’est parce qu’épargnés par les intempéries, ces derniers s’y conservent mieux »10. De plus, les grottes sont des monuments naturels visibles dans le paysage qui « s’imposent comme sites à fouiller »11 alors que la localisation des sites de plein air n’est pas aussi évidente. Finalement, à l’instar de la grotte Chauvet, située en Ardèche et découverte en 1994, les grottes faisaient alors plutôt office de « sites rituels »12 que d’habitats. Le plus ancien habitat de plein air connu à ce jour est situé au Kenya, au bord du lac Turkana, et date d’environ 2,5 millions d’années. Il a été découvert en 1969. Mais seuls des ossements d’animaux et des débris de taille de pierres y ont été retrouvés. Le site actuel ne donne donc aucune véritable information sur les matériaux utilisés pour son édification, si ce n’est qu’ils étaient dégradables, puisqu’ayant disparus. 9 BELNET F., 2012. 10 Ibid. 11 Ibid. 12 Ibid. 9 Près de Nice, dans les Alpes-Maritimes, le site de Terra-Amata a été découvert à la fin des années 1950, lors de travaux de terrassement. Il est plus récent que le site kenyan puisqu’il date d’environ 400 000 ans. Situé à l’époque sur une plage, il comporte une vingtaine de huttes faites de branchages et pouvant chacune accueillir quinze à vingt personnes. Des cendres fossilisées y ont été retrouvées, ce qui témoigne d’une certaine domestication du feu par ceux qui y vivaient. D’ailleurs, à cette période les campements temporaires cèdent la place à des habitations plus durables – sans qu’on puisse parler pour autant de sédentarisation. Ces habitats se sont construits au gré des ressources présentes sur les différents territoires fréquentés par les premiers hommes ; l’utilisation de ces ressources locales s’est maintenue par la suite. L’une de ces ressources étant la terre, qui a été utilisée dans le monde entier et mise en œuvre de différentes manières. 1.1.2. Les premières constructions en terre Dans le nord de la Syrie, le site de Dja’de el Mughara, situé sur la rive gauche de l’Euphrate, a été l’objet de fouilles archéologiques menées par des membres de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée. Il s’agit d’un centre de recherche français, à la fois rattaché au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et à l’Université Lumière Lyon 2. Ces fouilles ont permis de dévoiler, en 2006, un mur en terre vieux de 11 000 ans qui constitue la plus vieille construction en terre connue à ce jour. Un pan de ce mur est d’ailleurs décoré de motifs géométriques, comme en témoigne la photographie ci-dessous : 10 © E. Coqueugniot/CNRS Photothèque Source : CNRS le journal, n°216, janvier-février 2008 En Cisjordanie, sur le site archéologique de Jéricho, une brique en terre crue a été retrouvée. Elle date de -8 000 à -7 000 avant J.-C. et on y distingue des traces de doigts laissées par le maçon qui l’a façonnée. Il s’agit là de la plus ancienne brique de terre crue mise au jour. Ces deux éléments d’architecture en terre – le mur de Dja’de el Mughara et la brique de Jéricho – remontent au Néolithique. Et c’est à cette période que l’homme s’est sédentarisé. On peut donc noter le lien – est-il de causalité ? – entre ces deux faits historiques que sont l’apparition et le développement de l’art de bâtir en dur (en l’occurrence en terre) et la sédentarisation de l’homme. De plus, Eric Coqueugniot, qui était le responsable de la mission archéologique sur le site de Dja’de el Mughara, explique que l’habitation, dont l’un des murs est représenté sur la photographie ci-dessus, « était vraisemblablement une maison à usage collectif, un « bâtiment communautaire » »13. Cette phrase nous laisse donc à penser que c’est approximativement à la même époque que les hommes se sédentarisent et que les premières villes apparaissent. C’est ce qui amène Laetitia Fontaine et Romain Anger à penser que « l’architecture de terre accompagne les développements de notre civilisation depuis ses débuts. »14 Car c’est également à cette époque que l’homme adopte un nouveau mode de subsistance, basé sur deux activités principales : l’agriculture et l’élevage. 13 LAMOTTE C., 2008. 14 FONTAINE L. & ANGER R., 2009. 11 1.1.3. Les édifices monumentaux antiques bâtis en terre Parmi les édifices les plus remarquables de l’Antiquité bâtis en terre, on trouve les pyramides, auxquelles Laetitia Fontaine et Romain Anger consacrent une partie de leur ouvrage, intitulé Bâtir en terre. En effet, si les célèbres pyramides de Gizeh, en Egypte, ont été bâties en pierre, certaines l’ont été en terre crue, au moins partiellement. En Mésopotamie par exemple, des pyramides à étages qui portent le nom de ziggourats étaient érigées avec des briques de terre crues, recouvertes ensuite de briques de terres cuites. La plus grande de ces ziggourats est située dans l’actuel Iran, sur le site de Tchoga Zanbil. Elle a été bâtie vers 1250 avant J.-C. et s’élevait à 53 mètres de haut – elle s’élève aujourd’hui à 25 mètres. Depuis 1979, l’ensemble du site est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.15 En Chine, à Xi’an, le mausolée de l’empereur Qin Shi Huangdi est un immense complexe funéraire qui s’étend sur 56 km2. L’élément principal de ce mausolée est une pyramide édifiée en terre. C’est à proximité de cette pyramide que 8 000 soldats de terre cuite et grandeur nature ont été retrouvés en 1974. Le mausolée date du IIIème siècle avant J.-C. ; il est inscrit à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987. L’empereur Qin Shi Huangdi est considéré comme l’unificateur de la Chine ; c’est également sous son règne que commence la construction de la Grande Muraille. Une partie de cette gigantesque fortification est construite en terre, c’est notamment le cas « près de Jiayuguan, dans la province de Gansu »16. La terre y était alors le seul matériau disponible. On peut voir sur la photographie ci-dessous une portion de la Grande Muraille construite en terre : 15 2012, « Inventaire de l’architecture de terre du patrimoine mondial ». 16 FONTAINE L. & ANGER R., 2009. 12 © Gwydion Williams (Flickr, creative commons) Source : Inventaire de l’architecture de terre du patrimoine mondial On pourrait encore citer de nombreux autres édifices ou sites remarquables bâtis en terre. En effet, « 15% des œuvres architecturales inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO sont construites en terre »17. Parallèlement à ces constructions monumentales, la terre crue a également été un matériau très employé dans l’architecture du quotidien, c’est-à-dire utilisée pour l’élévation de constructions plus modestes. 1.1.4. Les constructions en terre aujourd’hui Le département – ou ministère – de l’énergie des Etats-Unis considère que la moitié de la population mondiale actuelle vit dans un habitat en terre crue et ce type d’habitat est présent sur tous les continents18. Pour Laetitia Fontaine et Romain Anger, cela s’explique par le fait que, dans « toutes les régions du monde, les hommes et les femmes exploitent les matériaux locaux pour construire leur habitat, et la terre est souvent le seul disponible »19. 17 FONTAINE L. & ANGER R., 2009. 18 Ibid. 19 Ibid. 13 Mais, au XIXème siècle, dans les pays directement impactés par les Révolutions industrielles, l’utilisation de nouveaux matériaux comme le béton entraîne une uniformisation des pratiques architecturales, en opposition aux anciens modes de bâtir, qui différaient jusqu’alors selon les traditions locales. Les innovations toujours plus nombreuses semblent alors interdire tout retour aux méthodes de constructions traditionnelles. A cet égard, l’exemple du béton est saisissant. L’invention du ciment est attribuée à l’ingénieur français issu de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, Louis Vicat, en 1818. Les premières usines françaises de ciment apparaissent au milieu du siècle. Puis, en 1867, le jardinier et inventeur français Joseph Monier fait breveter sa nouvelle invention, le béton armé. En 1928, l’ingénieur Eugène Freyssinet parvient à améliorer encore la technique concernant ce matériau et invente le béton précontraint. Ainsi, en l’espace de cent ans, de nouveaux matériaux sont apparus et ont remplacé les matériaux traditionnels qui étaient utilisés jusqu’alors, et ce depuis des siècles. En outre, selon Jean-Charles Moreux cette technicité très élaborée et l’utilisation de ces nouveaux matériaux ont conduit certains architectes à rechercher « dans le « fonctionnalisme » un répertoire de formes nouvelles. »20 Cela acheva sans doute de rendre désuets et caduques les matériaux traditionnels de construction et, plus largement, l’architecture vernaculaire. De plus après la Seconde Guerre mondiale, l’urgence de la reconstruction a entraîné l’usage généralisé de ces nouveaux matériaux et les savoir-faire traditionnels se sont perdus. Cependant, les deux chocs pétroliers, en 1973 et en 1979, entraînent les sociétés dans une grave crise à la fois économique et sociale. De surcroît, cette crise est écologique car l’impact des activités humaines sur l’environnement et la biodiversité se fait sentir, notamment par le réchauffement climatique et la raréfaction des ressources naturelles. La crise est d’autant plus profonde qu’elle se manifeste à l’échelle mondiale. En réaction, l’Organisation des Nations Unies (ONU) crée, en 1983, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement. En avril 1987, cette commission publie une synthèse de ses travaux dans un document intitulé 20 MOREUX J.-C., 1999. 14 Notre avenir à tous. Ce document est couramment appelé « Rapport Brundtland », du nom de la femme politique norvégienne qui a présidé la commission, Gro Harlem Brundtland. On y trouve, pour la première fois, la définition du principe de « développement durable », traduction du terme anglo-saxon « sustainable development » : « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » Dans ce contexte, dans le domaine de l’architecture, on constate un véritable renouveau des matériaux traditionnels qui sont, à plusieurs égards, plus respectueux de l’environnement, comme cela sera développé par la suite pour le cas du torchis. Mais le patrimoine bâti en terre reste méconnu aujourd’hui ; on peut citer deux idées reçues erronées à leur égard : Elles ne sont présentes qu’en milieu rural ; Elles sont l’apanage des édifices les plus modestes. Or, on trouve nombre d’habitations en terre dans les centres historiques des grandes agglomérations. Par exemple, « la ville de Lyon est riche de vestiges gallo-romains en adobe et en torchis. » De plus, « l’agglomération lyonnaise concentre une proportion de bâtiments en pisé « urbain » inégalée en Europe. »21 Deuxièmement, la terre est un matériau qui a souvent été utilisé pour « bâtir de nombreuses demeures nobles et bourgeoises. Les manoirs du Val de Saône et de la Haute-Loire en sont des témoins les plus frappants. »22 En Espagne, on trouve un exemple encore plus frappant, une preuve encore plus intangible que cette deuxième idée reçue est une contre-vérité : l’Alhambra de Grenade, qui porte dans son nom même cette preuve. En effet, Al Hamra signifie en arabe « la Rouge » en référence à la couleur des murs partiellement construits en pisé. 21 2012, « Inventaire de l’architecture de terre du patrimoine mondial ». 22 FONTAINE L. & ANGER R., 2009. 15 1.1.5. Les différentes mises en œuvre de la terre en France La terre en tant que matériau de construction est une ressource transformée, c’està-dire qu’il s’agit d’une matière première qui doit être mise en œuvre. Cette mise en œuvre peut prendre différentes formes, c’est pourquoi il existe plusieurs techniques constructives qui utilisent la terre. Hugo Houben et Hubert Guillaud en recensent douze principales, dans leur ouvrage intitulé Traité des constructions en terre. Laetitia Fontaine et Romain Anger ont réuni ces douze techniques dans une « roue » présentée ci-dessous : Source : Bâtir en terre, du grain de sable à l’architecture, p. 26. Ces différentes techniques constructives sont liées à l’état hydrique de la terre. Celles numérotées de 1 à 5 sur la roue ci-dessus correspondent à la mise en œuvre d’une terre sèche ou humide, c’est-à-dire présentant un taux d’humidité inférieur à 20%. Les techniques numérotées de 6 à 10 utilisent une terre dite plastique, c’est16 à-dire ayant une teneur en eau située entre 15 et 30%. Enfin, celles numérotées de 8 à 10 et de 11 à 12 correspondent respectivement à la mise en œuvre d’une terre visqueuse et à la mise en œuvre d’une terre liquide23. On comprend donc ici comment la géographie influe sur l’architecture : les premières techniques (de 1 à 5) sont utilisées dans les régions les plus sèches voire arides tandis que les suivantes sont plutôt utilisées dans les régions tempérées. Dans l’architecture traditionnelle française, quatre de ces techniques de mise en œuvre de la terre existent : l’adobe, le pisé, la bauge et le torchis. La carte cidessous propose une répartition géographique de ces quatre techniques sur le territoire métropolitain : Source : Bâtir en terre, du grain de sable à l’architecture, p. 37. Une adobe est une brique de terre crue séchée. Pour la fabriquer, il faut tout d’abord mélanger terre et eau et malaxer ce mélange jusqu’à obtenir une pâte à consistance plastique – en effet, l’adobe correspond au numéro 8 de la roue des techniques. Il existe ensuite trois façons de faire : le mélange peut-être façonné à 23 FONTAINE L. & ANGER R., 2009. 17 la main, ou moulé, soit de façon artisanale, soit de façon mécanique – si la terre a une trop forte teneur en eau, elle ne résistera pas au démoulage et s’affaissera. La technique qui consiste à façonner l’adobe à la main est sans doute été la première manière de faire, avant l’usage des moules. Mouler manuellement ces briques est la technique couramment utilisée en France. La production mécanisée d’adobe est apparue au XXème siècle, aux Etats-Unis ; mais on trouve peu d’exemples de cette mécanisation ailleurs. L’étape suivante est celle du séchage des briques ainsi obtenues. Il existe alors un risque de fissuration si la terre choisie est trop argileuse. Un moyen de régler ce problème est d’ajouter au mélange terre/eau du sable ou des fibres végétales. Enfin, une fois sèches, les briques sont prêtes à l’emploi. Leur taille est variable ; elle dépend du moule utilisé. Leur forme peut être rectangulaire ou carrée. La brique de terre crue vieille de 10 000 ans évoquée plus haut – celle retrouvée sur le site de Jéricho – est une adobe. En France, cette technique a surtout été utilisée dans le Sud-ouest (cf. la carte ci-dessus), où les adobes étaient moulées de façon artisanale. La photographie ci-dessous représente des briques de terre crue ou adobes : Source : www.maison-construction.com/la-terre La technique du pisé consiste à remplir des coffrages par plusieurs couches successives de terre. Il faut ensuite comprimer la terre à l’aide d’un outil appelé « piloir » – aujourd’hui, dans le cadre d’une production mécanisée du pisé, le piloir a été remplacé par un fouloir pneumatique, qui apporte une plus grande 18 rapidité d’exécution. Enfin, il ne reste plus qu’à décoffrer la portion de mur ainsi réalisée. Quant à la terre utilisée, elle peut contenir « des cailloux et des graviers. […] Les terres plus fines peuvent également être compactées dans des coffrages à condition qu’elles ne contiennent pas trop d’argile, qui provoque de la fissuration lors du séchage. »24 Par ailleurs, le pisé correspond au numéro 5 de la roue des techniques ; la terre utilisée doit donc avoir un taux d’humidité inférieur à 20%. C’est pourquoi il n’est pas besoin de mélanger la terre à de l’eau, avant de remplir les coffrages. Le degré de technicité est plus important pour le pisé que pour l’adobe, la bauge ou le torchis. Cette technique est d’ailleurs apparue plus tardivement ; la plus ancienne trace de construction en pisé remonte en effet au IXème avant J.-C. Cependant, il s’agit sans doute du matériau de terre qui a le plus bénéficié du regain d’intérêt pour les matériaux traditionnels évoqué plus haut. C’est certainement en raison des possibilités qu’il offre. Il permet notamment de réaliser de longs murs rectilignes voire courbes, « grâce aux évolutions récentes des coffrages. »25 La bauge est un mélange de terre, d’eau et de fibres végétales, ces dernières permettent d’éviter les fissurations. Il convient d’abord de façonner ce mélange en boules et d’empiler celles-ci, à la main ou à l’aide d’une fourche, pour former un mur. Les parois du mur doivent ensuite être battues, à l’aide d’un bâton, pour reboucher les fissures puis taillées, à l’aide d’un outil tranchant, pour donner un aspect lisse à l’ensemble. Au contraire du pisé, la bauge ne nécessite pas de coffrage. Mais, de ce fait, l’édification d’un mur est plus longue et doit se faire par couches, entre chacune desquelles un temps de séchage est nécessaire, sous peine d’un affaissement de l’ensemble ; la terre utilisée ayant une consistance plastique en raison du mélange à l’eau effectué au préalable. En effet, la bauge correspond au numéro 7 de la roue des techniques. Ce laps de temps entre l’édification de deux couches peut varier entre une et quatre semaines. 24 FONTAINE L. & ANGER R., 2009. 25 Ibid. 19 En France, l’usage de cette technique est attesté « par des fouilles archéologiques depuis l’époque gauloise »26. Cependant les plus anciens édifices en bauge encore en élévation datent du XVIème siècle. La bauge a principalement été utilisée en Bretagne, dans le Cotentin et dans la région des pays de la Loire. Par exemple, les bourrines vendéennes étaient édifiées en bauge. A Saint-Hilaire de Riez, la bourrine du Bois-Juquaud a été convertie en un écomusée qui a obtenu le label « Musée de France » en 2004. Enfin, la quatrième technique traditionnelle de construction en terre présente en France est le torchis. 1.2. Qu’est-ce que le torchis ? 1.2.1. Présentation du matériau Dans leur ouvrage, Laetitia Fontaine et Romain Anger font un point sur l’histoire du torchis : c’est « une des plus anciennes techniques de construction, développée au Proche-Orient vers la fin du Xème millénaire avant J.-C. La technique du torchis est ensuite exploitée par les civilisations néolithiques du Danube, qui l’étendent à toute l’Europe continentale boisée à partir du VIème millénaire avant J.-C. » L’adjectif « boisée » ci-dessus nous apprend déjà que le torchis est indissociable d’un autre matériau, le bois, comme nous le verrons par la suite. Le terme « torche » désigne « des fibres nouées en torsade et destinées à allumer les fagots de bois »27. Et c’est ce terme qui a sans doute donné son nom à la technique du torchis, qui consiste justement à nouer des fibres végétales entre elles, avant de les mélanger à de la terre. L’origine du terme est latine, torquere signifiant tordre. Le terme « teurque », proche du terme latin, semble confirmer cette étymologie puisqu’il est « parfois utilisé, notamment en Normandie, pour désigner le mélange de paille et de terre argileuse. »28 26 27 28 www.asterre.org/construire-en-terre/la-bauge DEWULF M., 2007. Ibid. 20 Concrètement, le torchis est un matériau composite ; c’est un mélange de terre, de fibres végétales (paille ou foin) et d’eau. La terre utilisée n’est pas la terre végétale que l’on trouve en surface du sol mais un limon argileux, présent en dessous. Dans une vidéo mise en ligne par le Conseil Général de SeineMaritime29, Dominique Meslin, artisan maçon, explique que la terre est « un limon argileux » et que la paille « est l’armature […] la ferraille du béton armé ».En effet, le caractère argileux de la terre entraîne des fissurations lors du séchage ; comme dans le cas de la bauge, l’ajout de la paille permet d’éviter les fissurations lors du séchage. A l’inverse du pisé, la terre idéale pour le torchis ne contient ni cailloux ni graviers et peu de sable. Cependant, Laetitia Fontaine et Romain Anger notent qu’il existe « des torchis sans paille » 30 et donnent l’exemple de la Bresse où ce mélange n’est pas utile car la terre ne fissure pas au séchage en raison de sa faible teneur en argile. De plus, aux fibres végétales sont parfois ajoutées des fibres animales. Enfin, du sable peut également venir compléter ce mélange. Ces trois exemples nous montrent que la composition du torchis n’est pas invariable mais diffère selon les caractéristiques des matériaux locaux et les traditions locales. Il correspond au numéro 10 sur la roue des techniques ; c’est-à-dire que la terre doit être plastique voire visqueuse, avec une teneur en eau comprise entre 15 et 35%. Il est donc nécessaire de mélanger la terre à de l’eau, pour obtenir cette consistance plastique. Des quatre techniques constructives en terre crue présentes dans l’architecture traditionnelle française, le torchis est donc celle qui nécessite le plus d’eau, devant l’adobe, la bauge, puis le pisé. 1.2.2. Fabrication du torchis La fabrication du torchis est un véritable savoir-faire qui nécessite un temps assez long ; « le malaxage des fibres végétales avec l’argile et l’eau est en effet particulièrement difficile. »31. Cependant, on trouve en France des « filières de 29 SeineMaritimetv, 2011. 30 FONTAINE L. & ANGER R., 2009. 31 DEWULF M., 2007. 21 production de « torchis prêt à l’emploi » »32, c’est-à-dire des entreprises qui produisent puis commercialisent un torchis prêt à être mis en œuvre : La briqueterie d’Allonne, dans l’Oise ; L’entreprise Meslin, à La Haye-Aubrée, dans l’Eure ; La briqueterie Lagrive, à Glos, dans le Calvados ; L’entreprise Maudens, à Marle, dans l’Aisne. Le torchis alors n’est plus fabriqué à proximité du chantier ; il y est livré, en vrac ou en sac. Mais en raison de la rareté de ce service, la fabrication artisanale du torchis est privilégiée sur beaucoup de chantiers. Comment s’organise-t-elle ? Tout d’abord, il convient d’extraire la terre, ce qui à pour effet de l’assécher. Il faut ensuite la « mouiller de façon à en faire une boue. »33 Cette phase et dite de « trempage » ou de « pourrissage ». Deux écueils se présentent lors cette phase : La quantité d’eau ne doit pas être ni trop faible ni trop forte. Dans le premier cas, le mélange ne se ferait pas bien ; dans le second, la terre perdrait de son imperméabilité et le torchis se fissurerait lors du séchage. Par ailleurs, la fissuration du torchis peut également être due à une trop forte teneur en argile dans le mélange ou encore « un séchage trop rapide »34, par l’effet du soleil ou du vent. Le mélange doit être homogène pour conserver les caractéristiques de la terre. Une fois le mélange opéré, il faut y ajouter les adjuvants, c’est-à-dire principalement les fibres végétales. Vient ensuite l’étape du malaxage. Il se fait traditionnellement à la main ou « par un long piétinement.35 » Cependant, selon Michel Dewulf, « on ne peut se permettre aujourd’hui (sauf dans le cadre d’une démonstration) de procéder de cette manière ». Il évoque trois raisons à cela : le temps (trop long), la pénibilité et le coût (trop élevé en raison de la main-d’œuvre 32 DEWULF M., 2007. 33 Ibid. 34 Ibid. 35 Ibid. 22 nécessaire) et préconise l’utilisation d’un malaxeur mécanique. Une fois le mélange réalisé, le torchis est prêt à être mis en œuvre. 1.2.3. Mise en œuvre du torchis La roue des techniques nous apprend que le torchis n’est pas un matériau porteur puisque c’est un matériau de garnissage. De ce fait, il est nécessaire de faire appel à un autre matériau pour ériger une structure porteuse, traditionnellement en bois sur laquelle le torchis sera ensuite appliqué. La photographie ci-dessous représente une maison en pan de bois et torchis, située dans l’Orne et dont la restauration a obtenue le prix René Fontaine-Maisons paysannes de France, en 2005 : © Maisons paysannes de France Source : Patrimoines en devenir n° 3, p. 8. La structure porteuse d’une maison à pan de bois et torchis se compose de plusieurs éléments. Tout d’abord, les poutres principales supportent la charpente. Elles sont reliées entre elles par d’autres pièces de bois, le tout formant l’ossature (le « squelette ») de l’édifice. Sur cette ossature est fixé le colombage, composé de pièces de bois (aussi nommées « pans » et « colombes »). Ces pièces peuvent être fixés verticalement ou de manière à former un décor, par exemple en croix de 23 Saint-André, comme c’est le cas sur la photographie ci-dessous, où figure un manoir situé dans l’Eure : © DR Source : Patrimoines en devenir n° 3, p. 2. Ensuite, il existe trois manières principales de hourdir le torchis sur cette structure porteuse (par ailleurs, le torchis n’est qu’un des hourdis utilisés dans l’architecture en pan de bois, avec la pierre et les tuileaux, qui sont des « petites tuiles plates »36) : D’autres éléments en bois garnissent l’entre-colombage. « Il s’agit d’éclisses, […], de branchettes, […] ou encore de palissons » qui sont insérés par un système d’encoches dans les pans de bois. Ces éléments sont alors si resserrés que le torchis peut y être directement apposé. Il reste des espaces vides entre les colombes ; il convient alors de les combler. Cette étape est celle du « clayonnage »37. Selon Michel Dewulf, « le cas vraisemblablement le plus ancien reprend le principe du vannage des paniers : des baguettes souples (de tilleul, de saule, de noisetier) sont entrelacées sur une 36 Association Pays d’Auge Expansion. 37 DEWULF M., 2007. 24 trame de barreaux (en chêne ou en châtaignier) »38. Le torchis est ensuite hourdi sur cet ensemble. Enfin, le torchis peut être hourdi sur un lattis. Cette méthode est utilisée quand le bois choisi pour l’ossature résiste mal à l’humidité. En effet, les pans de bois ne sont plus apparents ; ils sont recouverts par des lattes, clouées ou chevillées aux éléments de l’ossature. Cependant, « il était fréquent autrefois, notamment dans le pays de Caux, en Normandie, que les lattes soient fixées aux éléments de l’ossature par des liens de pailles de seigle ou encore de l’écorce de tilleul. »39 Le bois n’étant plus apparent, cette technique donne « l’impression que le bâtiment est construit en terre massive. »40 On comprend donc que si la composition du torchis varie selon les traditions et les savoir-faire locaux, il en va de même pour la mise en œuvre de ce matériau. En effet, le torchis n’échappe pas à la diversité des modes de bâtir, à la pluralité de l’architecture vernaculaire évoquée en introduction. Ainsi, les pans de bois sont le plus souvent apparents en Normandie ou en Alsace par exemple, alors que la technique du lattis est plutôt utilisée en Picardie et dans l’Artois. On note également des disparités au sein d’une même région, d’un terroir à l’autre. En Normandie par exemple, « le pan de bois brayon [du Pays de Bray] est très espacé, contrairement à celui du Pays de Caux. »41 La mise en œuvre du torchis nécessite par ailleurs de prendre des précautions qui permettront de se prémunir d’éventuelles dégradations. Tout d’abord, l’eau, que ce soit la pluie ou l’humidité du sol, entraîne une désagrégation du torchis. Pour pallier cela, un proverbe dit qu’un mur en torchis doit avoir « de bonnes bottes et un bon chapeau ». Concrètement, cela signifie qu’un mur en torchis ne doit pas directement être au contact du sol – ce qui, de plus, entraîne aussi un pourrissement des éléments en bois – mais reposer sur un soubassement. Le chapeau du proverbe fait quant à lui référence à la toiture, qui 38 DEWULF M., 2007. 39 Ibid. 40 Ibid. 41 DE CHAMPSAVIN S. 25 doit bien protéger le mur de la pluie par un débord suffisamment important. La pose d’un enduit à la chaux peut également protéger le torchis de l’eau. Autre facteur à risque pour le torchis, l’usage de clous peut abîmer le torchis s’il « ne sont pas en acier galvanisé. »42 C’est ici l’action de la rouille qu’il faut surveiller ; celle-ci peut entraîner la fissuration des éléments en bois. Enfin, le bois utilisé comme support d’accrochage du torchis est important : certains résistent moins bien à l’humidité, d’autres « sont plus propices […] à l’attaque des insectes xylophages »43. 1.2.4. Qualités du torchis et avantages liés à son utilisation Un édifice bâti en torchis possède certaines qualités que n’auraient pas apporté d’autres matériaux. En cas de séisme par exemple, le torchis, grâce à des « qualités de souplesse, de résistance mécanique, […] offre une plus grande sécurité qu’un immeuble en béton. »44 En outre, le torchis « bénéficie d’une bonne résistance au feu »45. Le torchis possède également des qualités écologiques à la fois liées à sa nature même et à sa mise en œuvre ; il est donc considéré comme un écomatériau. C’est le sens de la phrase de Véronique Bocquet, architecte du Parc naturel régional des Boucles de la Seine : « le torchis répond à l’objectif de agir local et penser global »46. L’architecte reprend ici le mot de René Dubos, prononcé lors de la première conférence sur l’environnement organisée par l’Organisation des Nations Unies (ONU), à Stockholm, en 1972. Il faut ici comprendre que la démarche de construire aujourd’hui, en torchis, un bâtiment (échelle locale) s’inscrit pleinement dans une démarche respectueuse de l’environnement et de la planète (échelle globale), et ce pour plusieurs raisons. 42 DEWULF M., 2007. 43 Ibid. 44 Ibid. 45 Ibid. 46 SeineMaritimetv, 2011. 26 Tout d’abord, la terre, qui est le principal composant du torchis, est par essence recyclable. En effet, « il s’agit d’une roche meuble d’origine détritique (issue de l’altération des roches antérieures) »47. Mais plus largement, le torchis présente une réelle efficience énergétique. Il est notamment performant en termes d’isolation thermique, ce qui permet une réduction considérable de la consommation de moyens de chauffage, plus ou moins coûteux et polluants. Plus précisément, on distingue deux types de torchis : Un torchis lourd qui contient « beaucoup de terre et peu de paille »48 et qui « privilégie l’inertie et l’accumulation thermique (chaleur l’hiver ou fraîcheur l’été) »49 ; Un torchis allégé contenant « beaucoup de paille et un peu de terre »50 et qui privilégie l’isolation. « Il est neuf fois plus isolant que le torchis traditionnel, car il renferme beaucoup d’air statique. »51 Pour garantir cette efficience énergétique, l’AsTerre, l’association nationale des professionnels de la terre crue, préconise de hourdir le torchis allégé sur la paroi extérieure du mur et le torchis lourd sur la paroi intérieure. Par ailleurs, l’énergie grise, qui est la somme de toutes les énergies nécessaires à la production, la fabrication, l’utilisation et le recyclage, est très faible pour ce matériau, à plus forte raison dans le cadre traditionnel. De plus, le recours aux filières locales, qui est inévitable pour le torchis, permet de réduire le coût des transports qui explosent dès lors que les produits sont importés depuis un autre pays, voire un autre continent. Mais, plus que le coût financier, les transports génèrent des dépenses énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre qui peuvent donc être limitées par l’activation de ces filières locales. 47 Guide technique du bâti à pan de bois et torchis. 48 http://www.asterre.org/construire-en-terre/le-torchis 49 Ibid. 50 Ibid. 51 Ibid. 27 1.3. Les constructions en torchis dans le paysage 1.3.1. La notion de paysage Le torchis est un élément du patrimoine bâti vernaculaire et marque les paysages dans lesquels il figure. Françoise Chenet-Faugeras52 définit la notion de paysage ; elle affirme qu’elle est inhérente à la ville. Elle dresse tout d’abord un historique des occurrences du terme « paysage » et note qu’il faut attendre le XIXe siècle pour qu’il soit associé à celui de « ville ». Jusqu’alors, le paysage se définissait surtout comme une représentation de la campagne. Pour étayer son affirmation, l’auteure explique en effet que le paysage a d’abord été une construction urbaine, c’est-à-dire la représentation d’un territoire rural par un citadin. Par ailleurs, toujours selon Françoise Chenet-Faugeras, les théories des architectes de la Renaissance ont été l’occasion d’une réflexion des citadins sur leur environnement immédiat. La ville, qui était alors le lieu à partir duquel on représentait des paysages, devient un lieu que l’on peut représenter (notamment par l’usage de la perspective). Gustavo Giovannoni, architecte et ingénieur italien de la première moitié du XXème siècle, distingue essentiellement « deux esthétiques des grandes villes »53 (dans le sens de perceptions visuelles de la ville). L’une est l’esthétique « moderne »54 ; l’autre est celle des villes anciennes, due aux « caractères régionaux et locaux pour ce qui est du style, des volumes et de la couleur »55. Le terme d’ « esthétique » étant ici lié à celui de « perception », on peut le rapprocher de celui de « paysage ». En 2000, la convention européenne du paysage est ratifiée à Florence ; il s’agit du premier traité international exclusivement consacré à ce domaine. La notion de paysage y est définie ainsi : « une partie de territoire telle que perçue par les 52 CHENET-FAUGERAS F., 1994. 53 GIOVANNONI G., 1998. 54 Ibid. 55 Ibid. 28 populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ». Dans cette définition, le paysage n’est plus la représentation d’un territoire mais la perception d’un territoire. Dans ce contexte, le terme de « représentation » était lié au domaine artistique. En effet, un paysage était d’abord la représentation artistique, sous forme d’une peinture par exemple, d’un territoire. Le terme de perception renvoie plutôt à une pratique immédiate du territoire, c’est-à-dire sans passer par la médiation de l’art. De plus, la convention de Florence ne fait plus la différence entre ville et campagne mais entre facteurs naturels et facteurs humains. Le terme de « paysage » peut donc être compris comme la perception d’un espace urbain, rural voire naturel. 1.3.2. Paysages ruraux, paysages urbains Pour Gabriella Battaini-Dragoni, Directrice Générale de l’Education, de la Culture et du Patrimoine, de la Jeunesse et du Sport du Conseil de l’Europe, la convention de Florence « souligne l’importance de prendre en compte et de protéger tous les types de paysages »56 Il faut ici comprendre que l’architecture vernaculaire a façonné les paysages ruraux et qu’elle constitue un patrimoine à protéger au même titre que des « monuments plus prestigieux »57. Le torchis est donc un élément de cette architecture vernaculaire et caractérise les paysages dans lesquels il s’inscrit. Par ailleurs, Brigitte Sabattini, Maître de conférences à Aix-Marseille Université, note que « le poids du paysage devient […] prépondérant dans la différenciation »58 entre espace urbain et espace rural, plus que le critère du mode de vie, par exemple. Dans ce sens, le torchis est plutôt représentatif d’un paysage de campagne ou d’une commune rurale que d’un paysage urbain. 56 BATTAINI-DRAGONI G., 2008. 57 Ibid. 58 SABATTINI B., 2008. 29 Cependant, le torchis n’est pas l’apanage du monde rural et l’on trouve dans certaines villes des constructions anciennes en torchis. C’est notamment le cas à Provins, une ville de Champagne réputée pour ses foires au Moyen Age et inscrite depuis 2001 sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Ci-dessous une photographie d’une bâtisse provinoise « à pan de bois et remplissage de torchis »59 : ©Esther Westerveld (Flickr, creative commons) Source : Inventaire de l’architecture de terre du patrimoine mondial 59 2012, « Inventaire de l’architecture de terre du patrimoine mondial ». 30 1.3.3. Cas particuliers en Seine-Maritime Les clos-masures constituent l’habitat traditionnel du pays de Caux. Le terme « masure » vient du bas latin mansura, qui signifie « demeure ». Plus précisément, le clos-masure est une ferme – comprenant des bâtiments d’exploitation et d’habitation, une cour plantée d’arbres et une mare – ceinte par des haies d’arbres plantés sur des talus. Le torchis est l’un des matériaux utilisés dans la construction des bâtiments de ces clos-masures, dont un est représenté sur la photographie aérienne ci-dessous : Source : www.caue76.org Le géographe Paul Vidal de la Blache avait perçu, dès le début du XX ème siècle, dans son Tableau de la géographie de la France, la valeur paysagère de ce type d’habitat: « Dans un paysage apparemment classique de grande culture, les closmasures, constitués de hêtres, de chênes ou de fresnes plantés sur talus, structurent le paysage et l’enrichissent […] En constituant la clôture de chaque corps de ferme, le clos-masure crée l’architecture du Pays de Caux. » Or, « depuis la seconde moitié du XXème siècle, le monde agricole et l’espace rural ont subi des transformations d’exploitation. »60 60 importantes C’est du fait pourquoi de les CAUE de Seine-Maritime. 31 la modernisation bâtiments qui des modes composaient traditionnellement les clos-masures « ont progressivement perdu leur fonction au profit de bâtiments modernes, mieux adaptés aux entreprises agricoles, aux normes sanitaires et à la taille des machines agricoles. »61 La photographie ciaprès représente un bâtiment de clos-masure, dont on perçoit aisément les transformations et les dégradations. Le toit de chaume a été remplacé par des tôles ; le hourdi de torchis a quasiment disparu, laissant largement apparaître la structure porteuse : Source : www.caue76.org Délaissés, les clos-masures sont alors soumis à la pression foncière et parfois remplacés, en entrée de villes et de villages, par des zones d’activités et des lotissements, sans souci de la qualité paysagère. Pourtant, les clos-masures, qui confèrent au paysage cauchois son identité particulière, constituent à ce titre un élément emblématique du patrimoine bâti vernaculaire seinomarin. Il convient donc de protéger et de valoriser ce patrimoine ; c’est tout le sens de la candidature à l’inscription des clos-masures sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, portée par le Conseil Général de Seine-Maritime. Pour pouvoir y être inscrits, « les sites doivent avoir une valeur universelle exceptionnelle et satisfaire à au moins un des dix critères de sélection. »62 Les clos-masures pourraient répondre à celui-ci : « être un exemple éminent d’établissement humain traditionnel, de l’utilisation traditionnelle du 61 CAUE de Seine-Maritime. 62 whc.unesco.org/fr/criteres/ 32 territoire ou de la mer, qui soit représentatif d’une culture (ou de cultures), ou de l’interaction humaine avec l’environnement, spécialement quand celui-ci est devenu vulnérable sous l’impact d’une mutation irréversible. »63 Si elle ne peut prétendre à une valeur universelle exceptionnelle, la ferme des Bouillons est la dernière ferme présente sur le territoire de la commune de MontSaint-Aignan. Elle en constitue donc à ce titre un élément rare du patrimoine bâti. La ferme des Bouillons se compose d’une dizaine de bâtiments, répartis sur quatre hectares. La maison d’habitation de la ferme, comme le montre la photographie ci-après, possède une architecture à pan de bois et remplissage de torchis, sur un soubassement de briques : Source : www.grand-rouen.com/la-ferme-des-bouillons-sauvee Cette ferme est actuellement menacée de destruction. Elle a été vendue au début de l’année 2012 à Immochan, filiale immobilière du groupe Auchan, à laquelle un permis de démolir a été octroyé pour ce bien, par la mairie de Mont-Saint-Aignan. En réaction, au mois de décembre de la même année, une association a été créée pour lutter contre la destruction programmée de ce patrimoine et redonner à la ferme sa vocation originelle. Depuis le 6 décembre, la ferme est même occupée par des membres de cette association. On trouve en annexe 1 le troisième numéro de La Gazette des Bouillons, diffusée par l’association pour sensibiliser les habitants de Mont-Saint-Aignan à cette cause. 63 whc.unesco.org/fr/criteres/ 33 On retrouve, à travers l’exemple des clos-masures et celui de la ferme des Bouillons, la difficulté mentionnée plus haut à dissocier espace rural et espace urbain. Dans les deux cas, le paysage évoque la campagne et la ruralité mais dans un contexte d’urbanisation des territoires qui le met en danger. Le torchis est un des éléments qui confèrent à la ferme des Bouillons et aux closmasures une valeur patrimoniale et paysagère importante. Mais l’enjeu de leur sauvegarde est aussi celui de leur usage futur. En effet, pour Gabriella BattainiDragoni, pour préserver ce patrimoine que constitue l’habitat rural, il est nécessaire de « l’adapter pleinement au quotidien des habitants d’aujourd’hui et conserver les pratiques et les modes de vie locaux. »64 1.3.4. Land Art et constructions en torchis Le Land Art, abréviation de Landscape Art – que l’on peut traduire par « art paysager » – est un mouvement artistique né aux Etats-Unis, initié dans le cadre de l’exposition Earthworks qui s’est tenue à New York en 1968. La même année, l’artiste Robert Smithson publie The Sedimentation of the Mind : Earth projects, ce qui fait de cet américain le premier véritable théoricien du Land Art. Mais la paternité du terme est attribuée à Gerry Schum, qui l’utilisa pour titrer l’un de ses films.65 Dès la fin des années 1960 donc, « le paysage n’est plus seulement décrit à l’aide de textes ou représenté par des images, mais utilisé comme matériau artistique à proprement parler. »66 En effet, les artistes du Land Art utilisent la nature comme atelier de travail et, le plus souvent, des matériaux naturels pour façonner leurs œuvres. Une fois réalisées, celles-ci s’inscrivent dans le paysage et révèlent son caractère. Mais beaucoup de ses œuvres sont éphémères, en raison des matériaux utilisés, et il faut qu’un média – vidéo, photographie, etc. – intervienne pour en conserver la trace. Andy Goldsworthy, qui est considéré comme l’un des principaux artistes du Land Art, a écrit à ce sujet : « Chaque œuvre pousse, subsiste, se dégrade 64 BATTAINI-DRAGONI G., 2008. 65 LAILACH M., 2007. 66 Ibid. 34 composantes intégrales d'un cycle que le photographe montre à leur point culminant, balisant le moment où l'œuvre est la plus vivante. Il y a une intensité dans une œuvre à son sommet qui j'espère s'exprime dans l'image. L'évolution et le délabrement sont implicites »67. Andy Goldsworthy est un sculpteur britannique. Il utilise le plus souvent des matériaux trouvés à l’emplacement même où il construit ses œuvres, qui prennent une forme arrondie. La photographie ci-dessous représente une sculpture en terre, réalisée par Andy Goldsworthy et intitulée Striding Arch : Source : www.striding arches.com Ainsi, deux liens principaux peuvent être établis entre cette tendance de l’art contemporain qu’est le Land Art et les constructions en torchis et, plus largement, l’architecture vernaculaire : L’utilisation de matériaux naturels et sélectionnés sur le lieu d’implantation de l’œuvre artistique ou architecturale ; L’intégration dans le paysage de cette œuvre. En effet, si la question de l’intégration dans le paysage est l’essence même du Land Art, elle est également très importante en architecture. Elle est d’ailleurs 67 GOLDSWORTHY A., 2001. 35 évoquée dès l’article 1 de la loi sur l’architecture de 1977 : « L’architecture est une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public. » Le terme d’« insertion harmonieuse » pouvant ici être confondu avec celui d’intégration. Par ailleurs, les deux liens mentionnés plus haut sont interdépendants. En effet, l’œuvre s’intègre d’autant mieux dans le paysage et révèle d’autant plus les richesses d’un territoire qu’elle est conçue avec la matière qui le constitue. En ce sens, les constructions en torchis s’apparentent à des œuvres du Land Art et l’architecture vernaculaire peut-être considéré comme une catégorie du Land Art que l’on pourrait appeler « Land Architecture ». 36 Partie 2 : Le torchis, un élément du patrimoine bâti vernaculaire 2.1. Protection et valorisation du patrimoine bâti vernaculaire 2.1.1. Institutions internationales L’UNESCO a été fondée en novembre 1945, dans la foulée de la création de l’Organisation des Nations Unies (ONU), en juin de la même année. Après la Seconde Guerre mondiale, l’UNESCO fédère une quarantaine d’Etats et se fixe comme objectif d’éviter une nouvelle guerre mondiale en tissant des liens de solidarité entre les pays. En effet, il est écrit en préambule de l’Acte Constitutif de l’UNESCO que, « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix. » L’article premier de cet acte décrit en ces termes la mission principale de cette nouvelle structure : « L’Organisation se propose de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en resserrant, par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre nations, afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, que la Charte des Nations Unies reconnaît à tous les peuples. » En 1972, l’UNESCO adopte une convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel qui prévoit notamment la création d’un comité intergouvernemental de la protection du patrimoine mondial naturel et culturel. Ce comité du patrimoine mondial, dont l’existence est effective à partir de 1976, a deux missions principales : La gestion de la Liste du patrimoine mondial et de celle du patrimoine mondial en péril. La création de ces listes était prévue dans la convention de 1972. Seul le comité peut inscrire un site sur l’une de ces listes, ou l’en retirer. Pour cela, il s’appuie néanmoins sur l’expertise d’organisations non-gouvernementales. 37 981 sites figurent à ce jour sur la Liste du patrimoine mondial et 44 sur la Liste du patrimoine mondial en péril ; La gestion du Fonds du patrimoine mondial. Ce fonds est doté par les Etats signataires de la convention de 1972 et par des donateurs privés ; il permet de financer la protection des sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial. De plus, des fonds spécifiques d’assistance internationale sont alloués en priorité aux sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en péril. Ci-dessous l’emblème du patrimoine mondial, notamment utilisé pour identifier les sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Il « représente l’interdépendance de la diversité biologique et culturelle dans le monde […] Alors que le carré central symbolise les résultats de compétence humaine et d’inspiration, le cercle célèbre les cadeaux de la nature. L’emblème est rond, comme le monde, un symbole de protection globale pour le patrimoine de l’humanité. »68 : Source : whc.unesco.org La création du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS, acronyme de International Council on Monuments and Sites) est la deuxième des treize résolutions adoptées, « sur proposition de l’UNESCO »69, lors du deuxième congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques, qui s’est tenu à Venise en 1964. L’ICOMOS est une organisation nongouvernementale (ONG) qui « a pour mission de promouvoir la conservation, la 68 whc.unesco.org/fr/embleme/ 69 www.icomos.org/fr/a-propos-de-licomos/mission-et-vision/historique 38 protection, l’utilisation et la mise en valeur des monuments, des ensembles bâtis et des sites. »70 L’ICOMOS partage avec l’UICN (Union Internationale de Conservation de la Nature) et le Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM, acronyme de International Center for the Study of the Preservation and Restoration of Cultural Porperty), une fonction consultative auprès du Comité du patrimoine mondial au moment d’inscrire un site sur le Liste du patrimoine mondial. Par ailleurs, c’est sous l’égide de l’ICOMOS que sont organisées, depuis 1972, les Conférences internationales « Terra » sur l’étude et la conservation du patrimoine bâti en terre. L’ICOMOS se décompose en comités nationaux ; on en dénombre plus de cent dix. Les membres de ces comités sont des professionnels de la conservation et de la valorisation du patrimoine architectural et paysager, au sein de collectivités locales, d’associations ou encore d’entreprises. Le comité français a été créé en 1965 et œuvre à l’application de la convention de 1972, aux niveaux national et international. Par ailleurs, l’ICOMOS est à l’origine de la création de 28 comités scientifiques internationaux qui sont tous spécialisés dans un secteur en particulier du patrimoine culturel (architecture vernaculaire, art rupestre, fortifications et patrimoine militaire, etc.) L’ISCEAH (acronyme de International Scientific Committee on Earthen Architectural Heritage) est quant à lui consacré à l’étude et la conservation de l’architecture de terre. Ci-dessous est représenté le logo de l’ICOMOS : Une des missions de l’ICOMOS est de participer à l’élaboration d’un cadre théorique pour la préservation et la valorisation du patrimoine. Pour cela, elle adopte des chartes et des résolutions et publie des déclarations. En 1982, par exemple, la Déclaration de Dresde, ville presque entièrement détruite lors de la Seconde Guerre mondiale, porte sur la reconstruction des monuments détruits par la guerre. 70 http://www.icomos.org/fr/a-propos-de-licomos/mission-et-vision/licomos-en-bref-2 39 En octobre 1999, l’ICOMOS a ratifié une charte du patrimoine bâti vernaculaire, lors de sa 12ème assemblée générale, qui se tenait au Mexique. Cette charte est disponible sur le site internet de l’ICOMOS et présente en annexe 2. Elle énumère en premier lieu des principes généraux : les bâtiments vernaculaires présentent un « caractère local » et sont le fruit d’une « expertise traditionnelle », les savoirfaire. Les collectivités sont à même de protéger ce patrimoine et les gouvernements doivent reconnaître aux collectivités « le droit de préserver leurs modes de vie traditionnels ». Dans un deuxième temps, viennent les principes de conservation : les « interventions contemporaines » sur le patrimoine bâti traditionnel doivent respecter « leur caractère traditionnel ». Ce point précis nous permet de revenir à la notion de paysage. En effet, il est question ici du respect d’un paysage vernaculaire qu’il ne faudrait pas « dénaturer » par une construction nouvelle. Selon un autre principe de conservation, un bâtiment vernaculaire fait souvent partie d’un ensemble plus vaste et qu’il important de conserver cet ensemble plutôt que de considérer chacun de ses éléments comme des « constructions isolées ». Enfin, la troisième partie de la charte indique des orientations pratiques pour la protection du patrimoine bâti vernaculaire : un travail de recherche et de documentation doit précéder toute intervention, les « systèmes de construction traditionnels » et les savoir-faire qui s’y attachent sont indispensable au maintien de ce patrimoine, c’est pourquoi il est important de les transmettre « aux nouvelles générations d’artisans et de bâtisseurs. » Plus largement, le maintien du patrimoine bâti vernaculaire passe par la mise en place de formations, à l’échelle nationale. L’ICOMOS en propose plusieurs dont « des programmes d'information qui accroissent la sensibilisation du public et des jeunes en particulier dans le domaine de l'architecture vernaculaire ». Cette charte, comme toutes celles ratifiées par l’ICOMOS, ne vise pas à imposer des règles strictes et précises. Elle pose plutôt des principes et préconise des orientations qui sont assez généraux et qui correspondent à un cadrage théorique, délimitant le champ d’actions des autorités nationales et locales compétentes en matière de conservation du patrimoine vernaculaire. 40 En 2007, lors de la session annuelle du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, le Programme du patrimoine mondial pour l’architecture de terre (programme WHEAP, acronyme de World Heritage Earthen Architecture Program) a été lancé officiellement. Ce programme est en partie financé par le Fonds du patrimoine mondial. Il répond à un constat : le patrimoine architectural en terre est menacé de disparition. L’UNESCO avance plusieurs exemples de menaces : « inondations et séismes, industrialisation, urbanisation, technologies modernes de construction, disparition des pratiques traditionnelles de conservation,.. »71 Preuve à l’appui, un quart des sites inscrits sur la Liste du patrimoine en danger sont des sites bâtis en terre. Le programme WHEAP se divise en trois phases : la première était une phase de mise en marche du programme (2007-2008) ; les deux dernières correspondent chacune à deux parties du globe. La phase 2009-2011 a porté sur l’Afrique et les Etats arabes ; la phase 2012-1014 porte sur l’Amérique latine et l’Asie centrale. L’objectif est de mener, dans ces régions, des projets-pilotes permettant d’identifier les meilleures techniques de conservation et de gestion des sites architecturaux de terre pour, ensuite étendre ses pratiques à un plus grand nombre de sites. Du 23 au 27 avril 2012, la conférence Terra 2012, c’est-à-dire la XIème conférence internationale sur l’étude et la conservation du patrimoine architectural de terre, s’est tenue à Lima, au Pérou. Elle a marqué le début de la phase 20122014 du programme WHEAP, évoqué plus haut ; elle était organisée conjointement par l’Université catholique pontificale du Pérou et l’ISCEAH. Lors de cette conférence Terra 2012, un inventaire des biens de la Liste du patrimoine mondiale bâtis en terre a été présenté. Cet inventaire avait été réalisé par le laboratoire de recherche CRATerre (Centre de Recherche et d’Application Terre) de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble (ENSAG), dans le cadre du programme WHEAP. 150 sites y sont recensés, chacun faisant l’objet d’une fiche descriptive particulière. « Au-delà, des éléments recueillis auprès des responsables de ces sites ont permis d’établir des statistiques à la fois sur les typologies rencontrées, l’état de conservation, et enfin les risques pressentis par les gestionnaires des biens et les priorités d’intervention qu’ils suggèrent. Ces 71 http://whc.unesco.org/fr/architecture-de-terre/ 41 données seront utilisées pour guider les décisions sur les activités et contenus proposés par le programme WHEAP. »72 Toujours dans le cadre de ce programme, l’UNESCO a organisé un colloque international sur l’architecture de terre du patrimoine mondial, qui s’est tenu les 17 et 18 décembre 2012, au siège parisien de l’organisation. Les différentes séances ont porté sur « la gestion et la conservation de l’architecture de terre des villes historiques, des sites archéologiques et des paysages culturels et, au-delà, sur quelques-uns des défis majeurs auxquels doit faire face l’architecture de terre du patrimoine mondial »73, à savoir les conflits et les catastrophes naturelles. L’objectif était de réunir des « experts en conservation de l’architecture de terre, des gestionnaires de sites, des chercheurs et des institutions spécialisées, dans le but de partager les connaissances et expériences acquises dans le domaine. »74 Ils étaient une quarantaine d’intervenants au total, pour 240 participants. Le colloque a également été l’occasion de faire un état des lieux des avancées du programme WHEAP. 2.1.2. Institutions en France En France, la protection et la valorisation du patrimoine bâti vernaculaire sont deux missions dont l’importance est reconnue. Pour les mener à bien, il existe un certain nombre de structures publiques (services de l’Etat, collectivités territoriales, syndicats mixtes, etc.) et privées (fondations, associations). L’Etat, en effet, par le biais du Ministère de la Culture et de la Communication (MCC), est engagé dans les politiques de protection et de valorisation de ce patrimoine. On trouve, au sein du MCC, une direction générale des patrimoines, qui regroupe, depuis 2010, la direction des musées de France, la direction des archives de France et la direction de l’Architecture et du Patrimoine. Cette direction générale est l’une des quatre entités principales qui constituent le MCC, avec le secrétariat général, la direction générale de la création artistique et la 72 http://craterre.org/actualites:inventaire-de-l-architecture-de-terre-du-patrimoine-mondial/ 73 http://whc.unesco.org/fr/evenements/964 74 http://whc.unesco.org/fr/evenements/964 42 direction générale des médias et des industries culturelles. La direction générale des patrimoines comprend notamment le service de l’architecture et le service du patrimoine. Le premier « développe la politique en matière de qualité architecturale des constructions et des espaces urbains et paysagers, élabore les dispositions relatives à l’exercice de la profession d’architecte et contribue à la qualité des opérations de maîtrise d’ouvrage publique. »75 Le second, le service du patrimoine, est « responsable de la politique de protection, de conservation, d’entretien, de restauration et de valorisation du patrimoine monumental, archéologique et ethnologique et des espaces protégés. »76 Ce service est luimême composé « de la sous-direction des monuments historiques et des espaces protégés, de la sous-direction de l’archéologie et de la mission de l’Inventaire général du patrimoine culturel. »77 Les Directions Régionales des Affaires Culturelles(DRAC), créées en 1977, sont des services déconcentrés du MCC. Elles sont chargées d’appliquer en région la politique culturelle définie par le ministère. Les DRAC ont trois missions principales. D'abord, elles ont en charge de définir et d'élaborer des partenariats avec les collectivités territoriales visant à l'aménagement des territoires et à l'élargissement des publics. Ensuite, les DRAC ont des compétences quant à l'éducation artistique et culturelle. Par exemple, elles attribuent des aides financières aux écoles de musique agréées. Elles participent à la promotion des matières artistiques et culturelles dans les milieux scolaires et universitaires et dans tous les autres lieux d'accueil destinés aux enfants et aux jeunes. Enfin, elles ont une mission de structuration du secteur économique de la culture. Pour mener à bien cette mission, elles conseillent les entreprises culturelles, soutiennent le développement du mécénat, prennent des mesures pour l'application de la législation. Ces trois missions principales concernent tous les secteurs d'activité évoqués plus haut et les DRAC sont chargées de les remplir, sous l'autorité du préfet de région et du Secrétaire Général aux Affaires Régionales (SGAR). 75 http://www.culturecommunication.gouv.fr/index.php/Ministere/Les-directions/La-direction- generale-des-patrimoines 76 Ibid. 77 Ibid. 43 Par ailleurs, depuis 2010, les DRAC ont fusionné avec les Services Départementaux de l’Architecture et du Patrimoine (SDAP). Ces SDAP sont alors devenus des Services Territoriaux de l’Architecture et du Patrimoine (STAP), c’est-à-dire des unités territoriales des DRAC. Ces services sont dirigés par des Architectes et Uranistes de l’Etat (AUE), qui portent le titre d’Architecte des Bâtiments de France (ABF). Trois grandes missions guident l’action des STAP : Conseiller et promouvoir un urbanisme et une architecture de qualité Contrôler et expertiser les projets menés dans les espaces protégés Assurer la conservation des Monuments Historiques Concrètement, entre autres actions, les STAP sont chargés d’émettre des avis du point de vue architectural sur les demandes d’autorisation au titre du code de l’urbanisme ou encore de veiller à la sensibilisation des autorités locales et du public à la qualité des constructions et à la mise en valeur des espaces naturels et bâtis. Le label « Villes et Pays d’Art et d’Histoire », créé en 1985 est le fruit d’un partenariat entre l’Etat et les collectivités territoriales. Il est attribué à des communes ou regroupements de communes qui par là s’engagent dans une démarche de valorisation du patrimoine et de sensibilisation à l’architecture. Le label est déposé à l’Institut National de la Propriété intellectuelle (INPI) ; son logo est présenté ci-dessous : Source : www.pays-auge.fr 44 L’obtention du label ouvre droit à une subvention pour le recrutement d’un animateur de l’architecture et du patrimoine et pour la mise en place d’un Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine (CIAP), complétées par des aides publications et à la formation de guide-conférenciers. Une convention est signée entre la collectivité territoriale en question et le MCC. La création d’un CIAP est l’un des trois objectifs principaux fixés par cette convention avec la sensibilisation des habitants à leur cadre de vie et l’incitation à un tourisme de qualité d’une part, et l’initiation du jeune public (par le biais des services éducatifs) à l’architecture, au patrimoine et à l’urbanisme, d’autre part. En 1977, la loi sur l’architecture prévoit la création d’une nouvelle structure à l’échelle départementale, le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement, qui a un statut d’association. L’article 7 en définit ainsi les missions : « Le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement a pour mission de développer l'information, la sensibilité et l'esprit de participation du public dans le domaine de l'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement. » « Il contribue, directement ou indirectement, à la formation et au perfectionnement des maîtres d'ouvrage, des professionnels et des agents des administrations et des collectivités qui interviennent dans le domaine de la construction. » « Il fournit aux personnes qui désirent construire les informations, les orientations et les conseils propres à assurer la qualité architecturale des constructions et leur bonne insertion dans le site environnant, urbain ou rural, sans toutefois se charger de la maîtrise d'œuvre. » « Il est à la disposition des collectivités et des administrations publiques qui peuvent le consulter sur tout projet d'urbanisme, d'architecture ou d'environnement. » L’article 7 précise par ailleurs que le CAUE « peut déléguer ses missions aux services d'assistance architecturale fonctionnant exclusivement dans le cadre des parcs naturels régionaux. » 45 Les Parcs Naturels Régionaux (PNR) ont un statut de syndicat mixte. Ils ont été institués par un décret de 1967. Le premier PNR est créé en 1968, dans le département du Nord ; c’est le PNR Scarpe - Escault. On en compte aujourd’hui quarante-huit dont quarante-six sur le territoire métropolitain ; ils recouvrent 13% du territoire soit plus de sept millions d’hectares. Les PNR sont créés à l’initiative d’un ou plusieurs Conseil(s) Régional(aux) souhaitant élaborer un projet de conservation et de valorisation du patrimoine naturel et culturel, sur un territoire qui forme, par son histoire, de sa géographie, une entité particulière et remarquable. Il faut ensuite rédiger une charte ; cette tâche est alors confiée à « un organisme local […] qui préfigure en général l’organisme de gestion du futur parc. »78 Cette charte est ensuite transmise au préfet de Région qui fait la demande de classement « parc naturel régional » auprès du ministre en charge de l’environnement. Le classement « parc naturel régional » est effectif pour douze années, renouvelable. Mais il est soumis à conditions. Il faut qu’il s’agisse d’un « territoire à dominante rurale dont les paysages, les milieux naturels et le patrimoine culturel sont de grande qualité, mais dont l’équilibre est fragile. »79 Si le classement est effectif, la marque « parc naturel régional » est attribuée au territoire en question et la charte peut y être appliquée. Cependant, le PNR ne disposant pas de pouvoirs réglementaires, ce sont les communes signataires de la charte qui seront chargées d’appliquer les dispositions qui y figurent. Le logo des PNR est issu de la charte graphique élaborée à l’échelle nationale, il se décline différemment selon chaque parc : 78 http://www.parcs-naturels-regionaux.fr/fr/approfondir/gestion-territoire.asp?op=gestion- territoire-procedure-creation 79 http://www.parcs-naturels-regionaux.fr/fr/approfondir/qu-est-ce-qu-un-parc.asp 46 Source : www.global-et-local.eu Source : www.aurh.asso « Parc naturel régional » est donc une marque déposée par l’Etat à l’INPI, comme le label « Villes et Pays d’Art et d’Histoire ». En outre, la marque peut être attribuée à des produits ou à des services et peut se décliner. Ainsi, le PNR du Perche est à l’origine de la marque « Savoir-faire pour la restauration du patrimoine bâti percheron », qui existe depuis décembre 2012. Là encore, une charte a été rédigée. L’objectif poursuivi est de « promouvoir auprès du public des savoir-faire respectueux de l’architecture rurale du Perche »80. La charte présente ainsi cette architecture vernaculaire : « L’architecture traditionnelle du Perche et les matériaux qui la composent, constituent l’une des principales richesses du territoire percheron, le témoin de son histoire et des savoir-faire d’autrefois. […] Cette architecture est aussi déterminante pour la qualité du cadre de vie quotidien et s’intègre parfaitement au paysage forgeant l’identité du Perche notamment grâce à la présence des matériaux locaux. » « C’est une architecture constituée d’éléments naturels souvent issus de ressources locales comme le bois, le sable, la pierre, le chanvre et l’argile par exemple. Elles sont mises en œuvre selon des techniques éprouvées par plusieurs générations d’artisans et qui tiennent compte de l’environnement et des facteurs micro-locaux dans lesquels cette architecture traditionnelle s’insère. Pour respecter l’identité des bâtiments, les savoir-faire du bâti percheron se transmettent de générations en générations, d’artisans à apprentis pour ainsi pérenniser ces techniques de construction. » 80 http://www.parc-naturel-perche.fr/La-marque-parc-Savoir-faire-pour-la-restauration-du- patrimoine-b_ti-percheron.asp 47 En 1996, soit trois ans avant la ratification de la charte du patrimoine bâti vernaculaire par l’ICOMOS, le constat de la nécessité de protéger ce patrimoine avait été à l’origine de la création, en France, de la Fondation du Patrimoine. En effet, au printemps de cette année, le sénateur Jean-Paul Hugot présente au Parlement un rapport relatif au projet de loi sur la Fondation du Patrimoine, au nom de la commission sénatoriale des affaires culturelles dont il est alors le viceprésident. Ce rapport insiste sur la nécessité de créer une structure vouée à la mobilisation du secteur privé en faveur du patrimoine. Ce projet de loi est adopté et la loi créant la Fondation du Patrimoine est votée le 2 juillet 1996. Par un décret en Conseil d’Etat en date du 18 avril 1997, cette structure nouvelle est reconnue d’utilité publique. Dès sa création, cinq missions principales sont attribuées à la Fondation du Patrimoine : Sensibiliser la population à la nécessité d’un effort commun en faveur du patrimoine national ; Contribuer à l’identification des édifices et des sites menacés de disparition ; Susciter et organiser le partenariat entre les associations qui œuvrent en faveur du patrimoine, les pouvoirs publics nationaux et locaux et les entreprises prêtes à engager des actions de mécénat ; Participer à la réalisation de programmes de restauration ; Favoriser la création d’emplois et la transmission des métiers et savoir-faire. A travers ces cinq missions transparaît l’objectif essentiel de la Fondation du Patrimoine : sauvegarder et valoriser le patrimoine rural non protégé. Cet objectif a été fixé en juillet 1997 par le Conseil d’administration. Néanmoins, la loi du 2 juillet 1996 n’interdit pas à la Fondation du Patrimoine de participer à la restauration d’édifices classés ou inscrits au titre des Monuments Historiques. Le siège de la Fondation du Patrimoine est situé aux 23-25 de la rue Charles Fourier, dans le XIIIème arrondissement de Paris. L’équipe du siège est composée de salariés répartis en cinq services : la direction du financement des projets privés, la direction du financement des projets publics, le service « communication externe », le service « presse et internet » et le service « organisation et gestion comptable ». Mais la Fondation du Patrimoine 48 fonctionne en grande partie sur le principe de la décentralisation ; elle compte une délégation régionale dans chaque région de la France métropolitaine et une délégation pour les Antilles et la Guyane. Pour réaliser les missions de la Fondation du Patrimoine citées plus haut, les délégués régionaux, qui sont bénévoles, peuvent s’appuyer sur une équipe composée à la fois de salariés (les chargés de missions) et de bénévoles (délégués départementaux, correspondants techniques, correspondants locaux,…). Au total, la Fondation du Patrimoine en région compte près de quatre cent cinquante bénévoles, dont les vingt-quatre délégués régionaux, et environ soixante-cinq salariés. La Fondation du Patrimoine dispose de plusieurs moyens d’actions pour sauvegarder et valoriser le patrimoine bâti de proximité. La souscription, qui est une forme de mécénat populaire, est la forme principale que prend l’aide de la Fondation du Patrimoine aux porteurs de projets publics, collectivités territoriales ou associations. Etant reconnue d’utilité publique, la Fondation du Patrimoine est habilitée à recueillir des dons destinés à financer un projet public. Pour cela, la Fondation du Patrimoine signe une convention de souscription avec le maître d’ouvrage. Il s’agit ensuite de mobiliser le mécénat populaire. Chacun peut dès lors remplir un bulletin de souscription et faire un don en faveur d’un projet de restauration ; les donateurs étant le plus souvent des personnes ayant un lien direct, affectif, avec le bâtiment à restaurer. Par exemple, pour le cas d’une église, on comptera beaucoup de donateurs habitant le village dans lequel elle est située. La Fondation du Patrimoine accorde aux donateurs un reçu qui leur permet une déduction fiscale, à hauteur de 66% du don pour les personnes physiques, de 60% pour les sociétés et à hauteur de 75% si la déduction est faite de l’impôt sur la fortune. Les dons collectés sont ensuite reversés au maître d’ouvrage (déduction faite de 3% pour frais de gestion). Si la campagne de mécénat s’est avérée exemplaire, la Fondation du Patrimoine peut accorder une subvention, grâce au fonds des successions en déshérence, dont une partie lui est attribuée par la loi. Depuis sa création, la Fondation du Patrimoine a soutenu plus de quatre milles projets par le biais de conventions de souscription. Par exemple, à Rouen, la Fondation du Patrimoine s’est engagée dans une campagne de souscription aux côtés de l’Association pour la Sauvegarde 49 du Moulin de la Pannevert pour permettre d’entreprendre des travaux de restauration de ce moulin, dont l’origine remonte au XIIIème siècle : Le moulin de la Pannevert, le long du Robec. Commune de Rouen. Source : Fondation du Patrimoine. Les propriétaires privés désireux de restaurer leur bien immobilier peuvent demander le label de la Fondation du Patrimoine. Mais il existe plusieurs critères d’éligibilité, concernant le type d’immeuble. Peuvent être labélisés : Les immeubles non habitables constituant le petit patrimoine de proximité, situés en zone rurale et urbaine. Les immeubles habitables les plus caractéristiques du patrimoine rural Les immeubles habitables et non habitables situés dans les Zones de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) ou les Aires de Mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP), qui leur ont succédé. Par ailleurs, le bâtiment ne doit pas forcément être ouvert aux visiteurs, mais il doit être visible depuis la voie publique. Concernant le type de travaux, ils doivent impérativement porter sur l’extérieur du bâtiment et avoir reçu un avis favorable de l’ABF. Ce dernier peut éventuellement faire des prescriptions ; celles-ci doivent alors être respectées pour que le label puisse être octroyé. 50 De plus, les travaux doivent, autant que faire se peut, chercher à retrouver l’état originel du bâtiment. Ici, la Fondation du Patrimoine semble être plus exigeante que l’ICOMOS qui, dans sa charte du patrimoine bâti vernaculaire, pose en principe de conservation le fait que « les modifications apportées dans le temps aux bâtiments doivent être appréciées et comprises comme des éléments importants de l’architecture vernaculaire. » Cependant, la Fondation du Patrimoine, par ce critère sélectif, cherche avant tout à éviter que des éléments non traditionnels (des descentes d’eau pluviales en PVC, par exemple) viennent ôter à l’édifice son caractère vernaculaire. Le label permet aux propriétaires de déduire de leur revenu global imposable 50% du montant des travaux de restauration voire 100% de ce montant s’ils ont par ailleurs obtenu au moins 20% de subventions publiques. Si l’immeuble est donné en location, la déduction est de 100% du montant des travaux de restauration et porte sur les revenus fonciers du propriétaire. La durée de validité du label est de cinq ans ; les travaux peuvent ainsi être échelonnés. Si le propriétaire n’est pas imposable ou s’il acquitte un impôt sur le revenu inférieur à mille trois cents euros, l’aide procurée par l’obtention du label prend la forme d’une subvention. On parle alors d’un label Sans Incidence Fiscale (label SIF). Ci-dessous, un exemple de bâtiment à valeur patrimoniale, situé dans l’Eure et pour la restauration duquel le label a été accordé : Manoir restauré après l’obtention du label. Commune d’Ailly, dans l’Eure. Source : Fondation du Patrimoine. 51 Enfin, les propriétaires privés qui souhaitent restaurer un bien inscrit ou classé au titre des Monuments Historiques peuvent également solliciter l’aide de la Fondation du Patrimoine. Cette aide ne prendra pas la forme d’un label mais d’une aide dans la constitution d’un dossier de mécénat. Les deux exemples ci-dessus de restauration soutenue par la Fondation du Patrimoine en Haute-Normandie concernent des bâtiments typiques de l’architecture traditionnelle normande, tant par leur forme que par les matériaux utilisés. Vieilles Maisons de France (VMF) est une association nationale créée en 1958 et reconnue d’utilité publique en 1963. Elle est composée de 95 délégations départementales et a comme objectifs la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine bâti et paysager. Pour atteindre ces objectifs, l’association dispose de plusieurs moyens d’actions, dont : Une revue, publiée depuis 1959 ; Un label, créé en 1967 et destiné à des bâtiments « se distinguant par leurs qualités architecturales et artistiques et présentant un caractère évident d’authenticité » et « des restaurations (le cas échéant) effectuées dans le respect des normes architecturales et régionales, sans altération notable du caractère de l’édifice. »81 L’obtention de ce label peut constituer un premier pas vers la protection au titre des Monuments Historiques ; Un prix de sauvegarde, décerné depuis 1980 à des édifices ayant fait l’objet d’une restauration exemplaire et qui s’accompagne d’une aide financière. En 2013, dix-neuf restaurations ont ainsi été saluées. Par ailleurs, l’association est à l’origine de la fondation VMF, abritée par la Fondation du Patrimoine. Cette fondation a trois missions principales : « la conduite de projets de sauvetage du patrimoine en péril, le soutien aux artisans, la réalisation d’inventaires du patrimoine dans le monde. »82 81 http://www.vmfpatrimoine.org/nos-actions/label-vmf/ 82 http://www.vmfpatrimoine.org/association/qui-sommes-nous/ 52 Maisons paysannes de France (MPF) est une association nationale de sauvegarde du patrimoine rural bâti et paysager. Elle a été créée en 1965 et est reconnue d’utilité publique depuis 1985. Elle est née du constat d’une perte des techniques de construction traditionnelles : « On ne restaure plus avec les matériaux locaux, on « rénove » avec des méthodes qui cassent l’harmonie et l’équilibre de ces maisons parfois plusieurs fois centenaires. »83 Dans ce contexte, l’association s’est fixé les missions suivantes: « promouvoir la maison paysanne traditionnelle, en favorisant son entretien et sa restauration tout en respectant l'identité propre de chaque région et dans l'esprit de sauvegarder son caractère écologique »84 ; « Protéger le cadre paysager et humain des maisons paysannes et de leur environnement »85 ; « Encourager à la création d’une architecture contemporaine de qualité, saine et s’intégrant avec harmonie dans son environnement. »86 Pour mener à bien ses missions, l’association se fixe comme objectifs de : « Sensibiliser le public à l'architecture traditionnelle (appelée également "architecture originelle") et aux paysages ruraux, patrimoine en devenir que nous voulons transmettre aux générations futures »87 ; « Offrir au grand public et aux professionnels la plus large information possible sur cette architecture et sur ses possibilités de restauration et de qualités environnementales »88 ; « Obtenir des pouvoirs publics toutes les mesures législatives ou règlementaires nécessaires, aussi bien pour la restauration des maisons 83 http://www.maisons-paysannes.org/historique/historique-de-maisons-paysannes-de-france 84 http://www.maisons-paysannes.org/missions-de-l-association/missions-de-l-association 85 Ibid. 86 Ibid. 87 Ibid. 88 Ibid. 53 anciennes que pour le caractère et l'implantation des constructions nouvelles et pour la préservation des paysages. »89 L’association, dont le siège est situé à Paris, au 8 passage des Deux Sœurs, dans le IXème arrondissement, se compose d’un conseil d’administration et d’un bureau national. L’équipe du siège est composée de cinq salariés, de bénévoles administratifs, de trois architectes-conseils et de bénévoles experts (pour les questions de paysages et d’agriculture, juridiques et d’économies d’énergie). Enfin, les délégations départementales sont animées par des bénévoles, dont les missions sont entre autres, d’organiser des visites-conférences autour du thème de l’architecture locale, de participer aux évènements locaux ayant attrait au patrimoine bâti et paysager ou encore de rédiger des publications sur ce patrimoine. Plus largement, l’association atteint ses objectifs en réalisant un certain nombre d’actions. Tout d’abord, depuis sa création, elle publie une revue trimestrielle, par laquelle elle diffuse des informations sur l’architecture rurale des différents départements et des conseils de restauration, d’aménagement, etc. L’association publie également des fiches conseils qui apportent chacune des connaissances sur un ou plusieurs éléments du patrimoine bâti et paysager. On trouve par exemple des fiches consacrées aux toits ou à l’intérieur de l’habitation. Cette mission de conseil se manifeste encore par la possibilité offerte aux propriétaires d’un bâtiment rural, et désireux de le restaurer ou de l’aménager, de solliciter auprès de l’association une aide à la conduite de projet. Cette aide est soit apportée par les délégués départementaux, soit par les architectes-conseils présents au siège de l’association. Le concours Maisons Paysannes de France-René Fontaine organisé annuellement par l‘association en est l’action-phare, soutenue par la Fondation du Patrimoine. Le règlement de ce concours est disponible en annexe 2. L’objectif est de récompenser les plus belles restaurations d’édifices ruraux. Il peut s’agir d’habitations, mais aussi de fours à pain, de lavoirs, etc. Cinq prix au total sont décernés : le Prix de la maison de bourg, le Prix de la maison de village, le Prix du 89 http://www.maisons-paysannes.org/missions-de-l-association/missions-de-l-association 54 sauvetage, le Prix du savoir-faire et, enfin, le Grand Prix. Le lauréat du Grand Prix pour l’édition 2012 était l’association Patrimoine et Culture en Bassée, pour la restauration d’une maison de Villeneuve-la-Petite, en Seine-et-Marne, en vue d’y installer un musée d’art et de tradition populaire. La photographie ci-dessous représente le bâtiment restauré en question : Source : www.patrimoine-environnement.fr Enfin, MPF participe à des actions nationales en partenariat avec d’autres structures. Par exemple, elle a pris part, notamment aux côtés des Ministères de l’Agriculture et de la Culture, à l’étude menée entre 2006 et 2009 qui a porté sur l’évolution du bâti agricole depuis les années 1960. L’objectif était alors de mieux connaître ce bâti et son état de conservation pour en élaborer un projet de valorisation. Autre exemple, MPF a participé au groupe de travail « chargé d’identifier les obstacles au développement économique de la filière « produits de construction et matériaux bio-sourcés [c’est-à-dire d’origine naturelle] » »90 puis d’élaborer un plan d’actions pour les contourner. Ce groupe a été créé suite à une consultation publique sur le développement de filières vertes d’avenir, lancée en 2009 par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer. Cette question des filières vertes montre combien les matériaux 90 http://www.developpement-durable.gouv.fr/Produits-de-construction-et 55 traditionnels de construction sont autant un patrimoine à préserver qu’une ressource pour l’avenir. 2.2. Protection et valorisation du torchis en France Le torchis est un des éléments de l’architecture vernaculaire que les structures précitées considèrent comme un patrimoine à protéger et à valoriser. A ce titre, plusieurs réflexions, plusieurs actions, développées ici, ont été et sont menées le concernant. 2.2.1. Le groupe de sauvegarde et de relance du torchis en Pas-de-Calais Dans le Pas-de-Calais, les acteurs locaux se sont réunis au sein d’un groupe de sauvegarde et de relance du torchis, en 2005. Ci-dessous, le logo du groupe : Source : www.associations-patrimoine.org On retrouve, au sein de ce groupe : la DRAC et le STAP, le CAUE, le PNR des Caps et Marais d’Opale, la Fondation du Patrimoine, l’association MPF, mais aussi la Confédération des Artisans et Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) et Chambre des Métiers et, enfin, l’association régionale Campagnes vivantes, dont l’un des objectifs est également la valorisation du patrimoine. En 2011, ces différentes structures ont élaboré une charte éthique et pratique, disponible en annexe 4. Cette charte recense notamment les objectifs que ce fixe le groupe ; certains concernent le torchis en tant qu’élément du patrimoine : 56 « Valoriser le patrimoine traditionnel public et privé en torchis sur le Pas-deCalais » ; « Promouvoir la terre crue et son image par des actions de communication ». Mais d’autres sont résolument tournés vers l’avenir et correspondent à une volonté de relancer l’usage du torchis, pour la restauration d’édifice ancien mais aussi et surtout dans le cadre de constructions nouvelles : « Investir le champ de l’innovation et du développement durable avec ce matériau » ; « Favoriser les projets de constructions neuves en terre crue dans le département » ; « Soutenir et développer la professionnalisation par l'artisanat spécialisé traditionnel et contemporain » ; « Mettre en place des partenariats nationaux et internationaux pour la recherche et l’expérimentation ». En parallèle, le groupe s’est fixé des objectifs en matière de diffusion des savoirs autour du torchis : « S’adresser à un public large à savoir : le grand public, les artisans animés par la CAPEB, les architectes, les maîtres d'ouvrages (particuliers, élus, bailleurs sociaux, associations, scolaire, …) » ; « Sensibiliser et former différents acteurs ». Concrètement, le groupe fonctionne sur la base d’un programme d’actions pluriannuelles ; il se réunit semestriellement pour échanger sur les actions menées, qui sont réparties entre les membres, en sous-groupes de travail. Depuis sa création, le groupe a mené plusieurs actions, dont : Un inventaire des édifices en pan de bois et torchis, avec « l’appui scientifique de la Mission de l’Inventaire du Patrimoine Culturel »91. Cet inventaire a pour 91 http://www.parc-opale.fr/carto/recenser.php 57 l’instant porté sur le territoire du PNR des Caps et Marais d’Opale et sur celui de communes du secteur de Montreuil-sur-Mer ; Une cartographie, sur la base de l’inventaire, accessible depuis le site internet du PNR des Caps et Marais d’Opale et où figurent les édifices représentatifs de l’architecture en pan de bois et torchis mais également les édifices dénaturés ou en ruines. La cartographie est interactive en cela qu’il est possible à qui le souhaite de signaler l’existence d’une construction en torchis et de l’ajouter à la carte ; Une bibliographie Torchis/Terre, réalisée par le CAUE et accessible depuis le site internet de la structure ; L’acquisition d’un malaxeur mobile, mis à la disposition de l’association Rivages Propres Côte d’Opale (qui met en place des chantiers d’insertion), permet de fournir un torchis prêt à l’emploi ; La réalisation : - D’un Guide technique du bâti à pan de bois et torchis ; - D’un livret pédagogique, « le manuel du torchis à l’école ». Au sein de la DRAC du Nord-Pas-de-Calais, le conseiller pour l’architecture, le cadre de vie et le développement durable gère la coordination des actions de promotion de la qualité architecturale et du cadre de vie et mène un suivi du secteur professionnel « architecture-paysage ». Pour remplir ces missions, il organise les Rencontres Régionales des Réseaux du Cadre de Vie. L’objectif est de réunir tous les acteurs régionaux de l’architecture et du cadre de vie autour d’un thème ciblé qui permet d’évoquer les enjeux liés au développement durable. Le thème de la troisième de ces rencontres était la matérialité de l’architecture – la note d’intention présente dans le dossier du participant de cette rencontre est disponible en annexe 5. Marie-Cécile Lombart, alors architecte au CAUE du Pasde-Calais, est intervenue pour évoquer le groupe torchis, qui constitue une démarche partagée. Son intervention est ainsi résumée dans le dossier du participant de cette rencontre : « Depuis ses origines, l’homme a construit avec les matériaux de proximité. Il en est résulté la présence historique de nombreuses constructions en terre crue en 58 France et plus particulièrement en torchis (combinant le bois, le limon argileux et la paille) dans de nombreux secteurs du Nord et du Pas-de-Calais. La construction en terre crue est restée très courante jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Elle a été mise à l’écart dès les années 1950, où l’on a préféré les matériaux industriels facilement disponibles sur tout le territoire et dont la mise en œuvre plus rapide était davantage en phase avec l’urgence de la construction. Ces matériaux étaient fabriqués avec une énergie alors bon marché, dans des fours énergivores et à base de produits pétroliers peu coûteux. Au moment où les réflexions sur un développement plus respectueux de l’homme et de la planète sont à la base de nouveaux comportements, il importe de sensibiliser et promouvoir la restauration du patrimoine « pans de bois/torchis » mais aussi de révéler la terre crue comme matériau écologique d’avenir. Dans le Pas-de-Calais, un groupe constitué de multiples acteurs associatifs ou institutionnels […] s’est engagé dans une série d’actions susceptibles d’initier un nouvel intérêt pour ce matériau, dont les nombreuses qualités méritent un réel soutien des politiques et des professionnels. » 2.2.2. Autres initiatives autour du torchis Toujours dans la région Nord-Pas-de-Calais mais dans le département du Nord cette fois, l’association Yser Houck a, entre autres buts, celui de « faire des recherches sur les monuments, les constructions locales ; recherche de l'époque, des procédés de constructions et répertoire des bâtiments dignes d'être admirés et conservés. »92 Les membres de l’association participent aussi à « des opérations de rénovation de bâtiments »93. L’une de ces opérations a concerné une construction en pan de bois et torchis, datant de 1669 et située dans la commune de Volckerinckhove. Elle accueille désormais l’office du Tourisme du Coin de l’Yser. Par ailleurs, l’association Yser Houck « organise régulièrement des démonstrations de fabrication et de pose de torchis »94. En outre, elle a réalisé et 92 http://yserhouck.free.fr/Textes/Presentation.htm 93 http://yserhouck.free.fr/Textes/Presentation.htm 94 http://yserhouck.free.fr/Textes/torchis.htm 59 mis en ligne une brochure très détaillée sur le torchis, qui comprend essentiellement : Une présentation des constructions en terre crue puis, plus précisément, en pan de bois et torchis ; Des textes concernant la pratique, c’est-à-dire la préparation du chantier, la fabrication et la pose du torchis puis la pose de l’enduit ; Des explications sur les « pathologies de l’habitat traditionnel à pan de bois et torchis » et des « recommandations pour sa restauration » ; Une bibliographie et un répertoire d’adresses utiles concernant ce matériau. Les initiatives visant à protéger les édifices en torchis et à valoriser le torchis et les savoir-faire qui s’y attachent, fleurissent également en Normandie, région où ce matériau est l’un représentatifs de l’architecture traditionnelle. En Basse-Normandie, l’association Savoir-Faire et Découverte « a pour objectif de faciliter l'accès aux savoir-faire artisanaux, artistiques et agricoles écologiquement responsables. »95 La motivation ici n’est donc pas celle de valoriser le patrimoine bâti vernaculaire mais l’envie de faire découvrir des pratiques respectueuses de l’environnement. L’association propose ainsi de découvrir des savoir-faire durables, à trois degrés différents : des stagesdécouvertes de courte durée pour apprendre les rudiments d’un savoir-faire particulier, des formations pour permettre à des professionnels d’évoluer dans leur métier et, enfin, des formations visant à la reconversion professionnelle. Si le siège de l’association est situé dans l’Orne, les deux cents maîtres de stages sont présents dans quinze régions métropolitaines. Ainsi, des stages-découvertes « Les murs en torchis : construire ou rénover un mur » d’une durée de deux jours sont organisés dans l’Eure par un artisan spécialisé, Roland Khil. Ce même artisan propose également, toujours dans le cadre de l’association Savoir-Faire et Découverte, des stages « Les enduits naturels (extérieurs à la chaux/intérieurs à la terre) sur des murs en torchis ». Le Pays d’Auge, dans le Calvados a obtenu le label « Pays d’art et d’histoire » en 1999. Dans la continuité, une convention a été signée avec le MCC, définissant un 95 http://www.lesavoirfaire.fr/presentation.php 60 programme d’actions. Pour le mettre en œuvre, un service patrimoine a été créé au sein de l’association Pays d’Auge Expansion, qui préexistait. Les actions développées par ce service répondent aux missions inhérentes au label et qui ont été mentionnées plus haut, notamment l’initiation du jeune public à l’architecture. Par exemple, le service éducatif propose des journées thématiques pour les publics scolaires, dont une porte sur l’architecture augeronne. Celle-ci se divise en deux temps : un parcours-découverte à travers les rues de la ville d’Orbec et, ensuite, deux ateliers pédagogiques, l’un sur le pan de bois et l’autre sur le torchis. Ces journées s’inscrivent pleinement dans les programmes d’enseignement et permettent d’atteindre des objectifs pédagogiques. Ceux liés à l’atelier portant sur le torchis sont : Découvrir les techniques de la construction à pan de bois ; Acquérir du vocabulaire architectural ; Installer du torchis sur une structure en pan de bois. Le service Pays d’art et d’histoire du Pays d’Auge propose aussi des visites découvertes, encadrées par des guides-conférenciers. Une brochure disponible en ligne et destinée aux visiteurs, propose plusieurs séries de visites dont une, « Villes et villages augerons » a pour thème particulier l’architecture traditionnelle augeronne. Cette série comporte cinq visites : Beaumont-en-Auge, où « les maisons en pan de bois servent d’écrin aux vestiges du prieuré et aux bâtiments du collège royal créé en 1741 » ; Beuvron-en-Auge, qui « offre à ses visiteurs un remarquable panorama de la construction en pan de bois, du manoir de la fin du Moyen Age aux maisons des XVIIIe et XIXe siècles » ; Blangy-le-Château. « En parcourant ses rues, vous découvrirez l’art de bâtir en Pays d’Auge depuis la fin du Moyen Age : la maîtrise parfaite de la construction en pan de bois,… » ; Orbec, à découvrir « au fil des maisons en pan de bois ou en brique, des hôtels particuliers, des édifices religieux et des moulins » ; 61 Pont-l’Evêque, où « maisons en pan de bois et hôtels particuliers témoignent autant du riche passé de la cité que du souci actuel de sauvegarder un patrimoine de grande qualité. » En outre, une autre série de visites, intitulée « Manoirs et châteaux du Pays d’Auge », inclut une visite des manoirs en pan de bois : au choix, le manoir de Bellou, celui de Coupesarte, celui du Champ-Versant (représenté sur la photographie ci-dessous) ou le manoir de Canapville : Source : www.calvados-accueil.com Par ailleurs, le service Pays d’art et d’histoire du Pays d’Auge est à l’origine d’un livret pédagogique intitulé L’architecture à pan de bois, disponible en ligne et qui décrit les spécificités augeronnes de cette architecture traditionnelle. En Haute-Normandie, le PNR des Boucles de la Seine Normande mène également des actions de valorisation du patrimoine architectural local. Il participe à la restauration d’édifices remarquables, dont certains « accueillent maintenant des écomusées »96. Par exemple, la Chaumière aux orties (voir la 96 http://www.pnr-seine-normande.com/actions-domaine-le-patrimoine-bati-29.html 62 photographie ci-dessous), à La Haye-de-Routot, est devenue un « lieu de visite consacré aux plantes sauvages utiles à l’homme. »97 Par ailleurs, pour sensibiliser le public au patrimoine bâti, le PNR a mis en place « un service de conseil architectural et paysager auprès des particuliers et des communes »98, se substituant ainsi au CAUE, comme cela a été expliqué plus haut. Le PNR organise également des stages d’initiation à l’architecture vernaculaire et notamment à la technique du torchis, ouverts aux particuliers. Les stages d’initiation au torchis sont donc organisés par le PNR mais dirigés par un artisan maçon de l’Eure, Dominique Meslin, spécialisé dans l’utilisation de la terre crue, à savoir le torchis, mais aussi la bauge. Par ailleurs, il est membre de l’association des artisans du torchis (c’est à ce titre qu’il intervient en tant que maître de stage), également située dans l’Eure et de l’AsTerre, qui est l’association nationale des professionnels de la terre crue. Le PNR est à l’origine de la création de l’association des artisans du torchis, comme de l’association des couvreurs chaumiers, l’objectif étant de « promouvoir les techniques et matériaux endogènes et la qualité environnementale »99. De plus, le PNR a mis à disposition de l’association des artisans du torchis une machine à malaxer pour permettre la tenue de stages de formation pour les professionnels – stages organisés en partenariat avec la CAPEB. L’AsTerre est une association fondée en 2006 pour organiser la collaboration et la communication entre « des partenaires qui œuvrent […] à la reconnaissance du savoir-faire et de l’architecture en terre crue. »100 L’association se compose d’un conseil d’administration et de trois collèges : « Le collège des membres de droit composé de l'Association des Artisans du Torchis, de la CAPEB Haute Normandie déléguée par la CAPEB et du Parc Régional Naturel des Boucles de la Seine Normande au titre de l'Association des Parcs ; 97 http://www.lahayederoutot.com/la-chaumiere-aux-orties/ 98 http://www.pnr-seine-normande.com/actions-domaine-le-patrimoine-bati-29.html 99 Fédération des Parcs naturels régionaux de France, 2001 100 http://www.asterre.org/association/genese 63 Le collège des membres actifs : artisans, artisanes, chefs d'entreprise exerçant une activité dans la construction en terre crue, producteurs de matériaux ; Le collège des membres associés : partenaires de l'acte de bâtir : architectes, ingénieurs, associations, organismes de formation initiale et continue, parcs régionaux, associations de valorisation du patrimoine, maisons paysannes, CRATerre, Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement (CAUE)... »101 Les actions menées par l’AsTerre sont liées aux quatre objectifs principaux que s’est fixé l’association : « Le regroupement et la promotion des entreprises et des techniques de terre crue ; La transmission des savoir-faire et le développement des formations concernant la terre crue ; La mise en place de règles professionnelles relatives aux différentes techniques de construction en terre crue, traditionnelles et contemporaines ; Favoriser les échanges entre les professionnels, avec les partenaires de l’acte de bâtir, au niveau national et européen. »102 CRATerre, créé en1979, est un laboratoire de recherche habilité par le MCC dont les recherches sont structurées « autour de trois axes : Matière et matériaux : Matières premières, matériaux et techniques de construction ; Patrimoine : Inventaire des architectures et des cultures constructives, valorisation, conservation et gestion des biens culturels, patrimoine mondial ; Habitat : Habitat économique, habitat éco-responsable, gestion des risques, économie de la production et développement local. »103 101 http://www.asterre.org/association/genese 102 http://www.asterre.org/association/objectifs-et-missions 103 http://www.craterre.org/recherche/ 64 CRATerre participe à de nombreux projets et programmes en partenariat avec des institutions internationales, des ONG et des institutions nationales. On peut ici reprendre l’exemple précédemment cité de l’inventaire de l’architecture de terre du patrimoine mondial. 65 Partie 3 : Propositions de valorisation patrimoniale autour du torchis Ces propositions correspondront essentiellement à des actions à mener en Normandie, dans la mesure où le porteur de ces projets serait un groupe normand de valorisation du torchis, qui reste aujourd’hui à créer. 3.1. Création d’un groupe normand de valorisation du torchis En prenant modèle sur le groupe de sauvegarde et de relance du torchis en Pas-deCalais (dont la charte est disponible en annexe 4), il serait intéressant de constituer un groupe normand de valorisation du torchis. Si le groupe précédemment cité n’opère qu’à l’échelon départemental, celui du Pas-de-Calais, le groupe normand pourra correspondre à un territoire plus vaste, réunissant tous les acteurs de Basse et de Haute-Normandie compétents en la matière. Les institutions, présentes sur le territoire normand, participant à ce projet pourront être : les Conseils Régionaux et les Conseils Généraux, les DRAC et les STAP, les CAUE, les PNR, les villes et Pays d’Art et d’Histoire concernées, les délégations régionales de la Fondation du Patrimoine, les délégations départementales de l’association MPF, les délégations locales et départementales de la Fédération Française du Bâtiment (FFB), les CAPEB régionales, l’Association des Artisans du Torchis et l’AsTerre, l’association Savoir-Faire et Découverte et, enfin, toute autre association ou entreprise concernée par le torchis, soit comme matériau de construction dont l’utilisation est à promouvoir, soit comme élément du patrimoine vernaculaire dont l’intérêt doit encourager la protection et la valorisation. L’objectif du groupe serait de fédérer les initiatives normandes liées au torchis et d’en proposer de nouvelles ; le groupe formant en quelque sorte un comité de pilotage pour chacune de ces initiatives, qui devront, par ailleurs, respecter les principes fondamentaux énumérés par l’ICOMOS dans la charte du patrimoine bâti vernaculaire. 66 Mais pour se fixer un cadre théorique propre, il sera plus approprié, pour le groupe, de se doter d’une charte propre, comme l’a fait le groupe de sauvegarde et de relance du torchis en Pas-de-Calais. On peut lire au début de la charte de ce groupe : « La structure du groupe est informelle mais cette charte unira les membres entre eux. » La charte apporte donc dans ce cas une légitimité à l’action commune. La légitimité du groupe normand de valorisation du patrimoine pourra être accrue si celui-ci se structure au sein d’une association loi de 1901, acquérant ainsi un statut de personne morale. La charte serait alors remplacée par les statuts de l’association, où figureraient notamment le but recherché par l’association et les moyens mis en œuvre pour l’atteindre. Les projets de valorisation du torchis développés ci-après pourront être portés par le groupe normand de valorisation du torchis. 3.2. Construction d’un écoquartier en torchis 3.2.1. L’exemple du Domaine de la Terre A partir des années 1960, l’Etat français s’est engagé dans une politique d’aménagement du territoire bien particulière : la création de villes nouvelles. On peut citer en exemple Val-de-Reuil, dans la région rouennaise ou encore Villeneuve d’Ascq, près de Lille. En 1968, la décision est prise de créer l’Isle d’Abeau, à proximité de Lyon. Cette ville nouvelle voit le jour en 1970, accueille ses premiers habitants en 1973 et se compose de cinq communes, dont celle de Villefontaine. Ce contexte de ville nouvelle « se prêtait particulièrement à l’innovation et à l’expérimentation. »104 En 1982, l’architecte et urbaniste belge Jean Dethier a organisé au Centre Pompidou, à Paris, une exposition intitulée « Des architectures de terre, ou l’avenir d’une tradition millénaire » qui remporta un franc succès. Mais selon l’organisateur, « il était indispensable de compléter l’exposition par une démonstration en vraie grandeur pour que la terre n’apparaisse pas seulement 104 http://www.mairie-villefontaine.fr/Galerie-photos/Le-Domaine-de-la-Terre 67 comme une élucubration d’intellectuels. » 105 C’est pourquoi le Domaine de la Terre a été créé, en 1985. Il s’agit d’un quartier de logements sociaux (maisons individuelles et logements collectifs), bâtis en terre et qui accueillent environ trois cents habitants. Ce quartier est situé à Villefontaine, commune de l’Isle d’Abeau. Plusieurs acteurs se sont mobilisés pour mener à bien cette opération d’aménagement du territoire : L’Etablissement public chargé de l’Aménagement de la Ville Nouvelle de l’Isle d’Abeau (EPIDA) CRATerre, l’Ecole Nationale des Travaux Publics d’Etat (ENTPE) de Lyon, le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) de Grenoble, l’Office Public d’Aménagement et de Construction (OPAC) de l’Isère et le groupe SOCOTEC, un organisme de contrôle des risques liés de la construction. Le quartier s’étend sur plus de deux hectares et se compose de « onze îlots que se partagent dix équipes d’architectes sélectionnées sur concours. »106 Mais les candidats « sont novices dans la maîtrise d’une ressource mal connue »107, la terre crue et l’enjeu est donc de « former des architectes et des artisans pour recréer une filière disparue ».108 La question du maintien des savoir-faire s’inscrit donc au cœur de ce projet. La photographie ci-dessous représente l’un des bâtiments du domaine, dont les murs sont en pisé : 105 LEFEVRE P., 2009. 106 LEFEVRE P., 2009. 107 Ibid. 108 Ibid. 68 © Mairie de Villefontaine Source : www.mairie-villefontaine.fr En Région Rhône-Alpes et notamment dans le Dauphiné, la terre crue était traditionnellement utilisée dans la construction, par la technique du pisé. Mais les constructions du Domaine de la Terre montre une certaine diversité des modes de bâtir en terre crue. En effet, si 45% des bâtiments sont en pisé, 45% le sont en blocs de terre et 10% le sont en torchis sur une ossature en bois. Les Blocs de Terre Comprimée (BTC) correspondent à un usage de la terre crue comme matériau de construction ; ils sont façonnés à l’aide d’une presse. Différents des adobes, ils ne sont pas à considérer comme un matériau traditionnel de construction. Le Domaine de la Terre est donc au carrefour de la tradition – « 80% des maisons construites avant 1950 [dans la région du Dauphiné] le furent en pisé »109 – et de la modernité – notamment par l’utilisation des BTC. Par ailleurs, les bâtiments en pan de bois et torchis sont recouverts d’un bardage en bois, comme c’est le cas de celui qui figure sur la photographie ci-dessous : 109 http://www.mairie-villefontaine.fr/Culture/Patrimoine/Le-village-terre 69 © Cécile Champy Source : Retour d’expérience – le Domaine de la Terre Les objectifs de ce programme architectural que constitue le Domaine de la Terre sont liés aux enjeux environnemental, patrimonial et social : « Retrouver un matériau économe en énergie ; Renouer avec la tradition régionale ; Démontrer que la terre crue peut apporter une réponse fiable aux problèmes de logement »110. En 2009, dans l’article « Retour d’expérience – le Domaine de la Terre », paru dans le n°12 du magazine Ecologik, Pierre Lefèvre dresse un bilan, après près de vingt-cinq ans d’existence de ce quartier. Les attentes liées aux objectifs initiaux n’ont pas toutes été également satisfaites. Du point de vue social, Geneviève Mitha Cornier, la directrice de l’agence Villefontaine de l’OPAC de l’Isère, considère que « c’est un quartier réputé, qui a une bonne image et qui ne subit aucune dégradation. Il reste une référence du point de vue de sa vocation sociale. »111 Du point de vue environnemental, les résultats sont plus mitigés car si les bâtiments en terre bénéficient d’une meilleure isolation thermique que des bâtiments standards, Alain Gratier, le directeur des 110 Ibid. 111 LEFEVRE P., 2009. 70 marchés à l’OPAC de l’Isère constate que « les techniques étaient trop peu maîtrisées »112, en 1985. Néanmoins, dès 1987, l’ONU a accordé au Domaine de la Terre le statut de « projet-pilote de portée internationale »113. Ce quartier préfigurait en effet les écoquartiers qui se développent en grand nombre aujourd’hui, à tel point que le Ministère français en charge du développement durable a mis en place un label national écoquartier, officiellement lancé en décembre 2012. Un écoquartier, pour obtenir ce label, doit « proposer des logements pour tous dans un cadre de vie de qualité, tout en limitant son empreinte écologique. »114 Pour cela, il doit « respecter les principes du développement durable : Promouvoir une gestion responsable des ressources ; S’intégrer dans la ville existante et le territoire qui l’entoure ; Participer au dynamisme économique ; Proposer des logements pour tous et de tous types participant au « vivre ensemble » et à la mixité sociale ; Offrir les outils de concertation nécessaires pour une vision partagée dès la conception du quartier avec les acteurs de l’aménagement et les habitants. »115 Ci-dessous figure le logo du label écoquartier (label déposé à l’INPI) : Source : www.developpement-durable.gouv.fr 112 Ibid. 113 Ibid. 114 http://www.developpement-durable.gouv.fr/Plan-Ville-Durable 115 http://www.developpement-durable.gouv.fr/Plan-Ville-Durable 71 Mais si le Domaine de la Terre préfigurait les écoquartiers par bien des aspects, il demeure cependant une exception quant à l’utilisation de la terre crue comme matériau de construction à l’échelle d’un quartier. Aujourd’hui, impulser un autre projet de ce type pourrait apporter un nouvel éclairage sur la terre crue comme matériau de construction. 3.2.2. Un écoquartier en torchis Tout d’abord le choix géographique est déterminant dans un tel projet. Réaliser un écoquartier en torchis dans une région qui n’en connaît pas ou très peu l’usage traditionnel serait un non sens. Aussi, on peut se référer à la carte de l’architecture de terre en France présentée plus haut pour définir les aires principales où le torchis est un matériau traditionnel de construction et où le projet pourra donc s’implanter : le nord-ouest (correspondant peu ou prou aux régions Nord-Pas-deCalais, Picardie, Basse et Haute-Normandie), l’Alsace, l’Aquitaine (et plus particulièrement le département des Landes). En effet, bâtir un quartier en torchis dans une région où la terre crue est plutôt utilisée sous la forme de la bauge (comme c’est le cas en Bretagne et dans le Cotentin notamment) ou dans la région Midi-Pyrénées ou l’adobe est privilégiée n’aurait que peu de sens. C’est d’ailleurs aussi ce lien entre géographie et tradition architecturale qui explique que le Domaine de la Terre soit très largement bâti en pisé et que le torchis, moins présent dans la région Rhône-Alpes, ne représente que 10% des constructions, et que les constructions en adobe et en bauge en soit exclues. C’est là encore une rémanence de la loi de 1977 qui prévoit une « insertion harmonieuse dans le milieu environnant » et le « respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine ». A partir du postulat d’une édification de ce quartier dans l’une des deux régions normandes, il conviendrait d’offrir une visibilité à une autre méthode traditionnelle de construction en terre crue, surtout présente en Basse-Normandie et plus précisément dans le Cotentin : la bauge. Pour cela, comme c’est les cas du torchis au Domaine de la Terre, un certain pourcentage des bâtiments pourront être construits en bauge. Cet écoquartier pourrait enfin être l’occasion de présenter les autres possibilités de construction, traditionnelles (adobe, pisé, torchis) ou non 72 (BTC), qu’offre la terre crue, par l’édification d’un bâtiment selon chacune de ces méthodes. Une manière de les distinguer concrètement serait de consacrer à ces bâtiments un usage public tandis que les méthodes du torchis et de la bauge serviraient à construire les logements. Mais la région d’implantation dépend également de la structure qui prendra la décision de créer cet écoquartier. Ainsi, il pourra être situé dans l’une des deux régions normandes si c’est le groupe normand de valorisation du torchis qui en prend l’initiative. Il serait alors le maître d’ouvrage. Ce rôle pourrait être également assumé par une collectivité territoriale ou l’intercommunalité en question, un organisme habilité déjà existant – un bailleur social, par exemple – ou encore une association créée à cette fin spéciale et qui pourrait ensuite devenir l’organe de gestion du site. Le maître d’ouvrage pourra s’appuyer sur l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) qui a mis en place l’Approche Environnementale de l’Urbanisme (AEU), une démarche qui vise à intégrer pleinement les questions environnementales et énergétiques dans les projets d’aménagement du territoire. Une étude de marché préalable d’abord permettra de définir précisément le lieu d’implantation du projet. L’étape suivante sera le lancement d’un appel à projet en direction des architectes et des urbanistes, qui aboutira au choix d’un ou plusieurs maître(s) d’œuvre. Viendra ensuite le temps de la programmation architecturale. Toute cette procédure devra bien entendu respecter la législation en vigueur, notamment le code des marchés publics et la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique dite loi MOP. La réalisation d’un tel projet d’aménagement du territoire nécessitera l’implication de toutes les structures compétentes en la matière, au sein d’un comité de pilotage : Les collectivités territoriales (Conseil Régional, Conseil Général, Commune), l’intercommunalité, la DRAC, par le biais du service Architecture et du STAP. Il faudra encore travailler en concertation avec toutes les structures œuvrant dans le domaine des constructions en terre. On peut notamment citer le CRATerre mais également des structures qui n’existaient pas en 1985, au moment de la création du Domaine de la Terre, comme par exemple l’AsTerre et 73 l’Association des Artisans du Torchis. L’écoquartier pourra également s’implanter sur le territoire d’un parc naturel régional, auquel cas ce parc pourrait aussi devenir l’un des acteurs du projet : en Normandie par exemple, le parc des Boucles de la Seine Normande mène déjà des actions de protection et de promotion du torchis, comme cela a été expliqué précédemment. Quant aux objectifs fixés, l’enjeu patrimonial sera forcément au cœur du projet, autant par la pérennisation des savoir-faire traditionnels que par le maintien des paysages bâtis traditionnels – que le site soit situé en zone rurale ou en zone urbaine. Mais l’emploi du terme écoquartier évoque bien un autre objectif du projet, tout aussi important, celui du développement durable et, en effet, les vertus environnementales du torchis ont été expliquées plus haut. Ainsi, l’obtention du label pour ce nouveau quartier serait un gage de sérieux du point de vue du développement durable, c’est-à-dire autant sur le plan environnemental que sur les plans de l’économie et du social. 3.3. Création d’une maison du torchis 3.3.1. Réhabilitation ou création d’un édifice Réhabilitation d’un édifice existant ou création architecturale nouvelle, la maison du torchis sera un lieu dédié à ce matériau emblématique de l’architecture traditionnelle ; elle sera donc représentative de la volonté de le protéger et de le valoriser. Cette maison pourra être installée dans les locaux d’un édifice existant réhabilité. Deux exemples, précédemment cités, de réhabilitation d’un bâtiment en pan de bois et torchis nous montrent qu’il s’agit d’une possibilité réelle : la chaumière de Volckerinckhove, dans le département du Nord, réhabilitée en office de Tourisme du Coin de l’Yser, et la chaumière de La Haye de Routot, devenue, après restauration, la chaumière aux orties – un lieu dédié aux plantes sauvages. Autre éventualité, la maison du torchis prendra corps dans une création architecturale contemporaine. On peut alors imaginer que cette création soit 74 incluse dans le projet d’écoquartier en torchis évoqué plus haut. Cette création architecturale devra quoi qu’il en soit faire l’objet d’un appel à projet en direction des maîtres d’œuvre. Le critère principal et indispensable concernera alors la structure du bâtiment, qui devra être en pan de bois et torchis. Un autre critère, valable également en cas réhabilitation, sera l’accessibilité du lieu aux personnes en situation de handicap. 3.3.2. Les activités proposées Premièrement, la maison du torchis accueillera les réunions du groupe normand de valorisation du torchis. Elle se voudra également le lieu privilégié pour mener des actions de sensibilisation à l’intérêt de ce matériau. De fait, par les activités qu’elle proposera, la maison du torchis correspondra peu ou prou à un CIAP, sans toutefois en avoir l’appellation, attribuée dans le cadre des villes et pays d’art et d’histoire. « Le CIAP […] propose au public : une exposition permanente didactique qui donne les clés de compréhension de la ville ou du pays tant du point de vue de son patrimoine ancien que de son architecture contemporaine ; des expositions temporaires renouvelées une fois par an au moins, qui sont le moyen d’approfondir certains thèmes de l'exposition permanente, particulièrement les aspects les plus contemporains de la vie de la cité ; Un centre d’information et documentation qui, en mettant à la disposition des visiteurs les sources de connaissance et les outils nécessaires à un approfondissement sur le sujet souhaité, leur permet de devenir autonomes ; des ateliers pédagogiques ouverts au jeune public (individuel et scolaire), destinés à éduquer son regard et à l’initier à la découverte de l’architecture et du patrimoine. »116 Hors contexte d’une ville ou d’un pays d’art et d’histoire en particulier, la maison du torchis proposera néanmoins un espace de documentation et d’information où 116 BOUSQUET O., 2007. 75 seront à disposition du public des ressources documentaires portant sur le torchis, le patrimoine bâti vernaculaire et plus largement sur la terre crue à la fois comme élément de ce patrimoine et comme matériau d’avenir pour la construction. Si des expositions temporaires sur le thème de la terre crue en général et du torchis en particulier ont déjà été proposées au public, comme l’exposition « Ma terre première pour construire demain » qui s’est tenue d’octobre 2009 à juin 2010 à la cité des sciences et de l’industrie, à Paris, ou encore comme l’exposition « Le torchis : gestes d’hier, matériau de demain » qui s’est tenue du 15 mars au 30 mai 2009 au musée Quentovic d’Etaples-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, la maison du torchis quant à elle proposera aux visiteurs une exposition permanente. Selon Philip Hugues, « l’intérêt du public pour les expositions […] est considérable »117 mais ses exigences le sont tout autant : « Ces visiteurs […] attendent des responsables des lieux d’exposition et des scénographes qu’ils leur fassent vivre une expérience agréable et instructive. »118 Pour les satisfaire, l’auteur propose, dans sa Scénographie d’exposition, de ne pas « proposer une trop grande quantité de données, d’images et d’objets à des visiteurs qui auront généralement peu de temps – et de concentration – à leur consacrer, et dont l’intérêt et le niveau de connaissances sont variés. »119 L’objectif sera donc de parvenir à réaliser une exposition à la fois didactique et ludique. Une partie de l’exposition consistera en une série de panneaux qui apporteront aux visiteurs des connaissances sur la terre comme matériau de construction, sur l’histoire de l’architecture de terre et sur la place du torchis dans cette histoire, sur la géographie du torchis en France et à l’étranger et, enfin, sur la composition et la mise en œuvre du torchis. On peut imaginer que ces panneaux seront eux-mêmes fait en torchis ou que les textes soient directement apposés sur les murs du bâtiment. On utilisera alors la méthode du transfert à sec, qui permet « d’appliquer sur un mur des paragraphes entiers […] Le texte est imprimé en miroir sur un film 117 HUGUES P. 2010. 118 Ibid. 119 Ibid. 76 que l’on applique directement sur la paroi. Après avoir transféré le texte sur le mur en frottant l’envers du film, on peut retirer ce dernier. »120 Par ailleurs, Philip Hugues note que l’implication des visiteurs dans l’exposition est primordiale : « Présenter une exposition à un visiteur ou l’encourager à s’y engager sont deux choses très différentes. L’implication est une expérience bien plus profonde et plus riche, qui modifie et approfondit la compréhension »121. Dans ce sens, la simple lecture des panneaux ne fera pas de leur venue à la maison du torchis un moment intense et une expérience inoubliable pour les visiteurs et, de fait, il ne retiendra pas ou peu les connaissances acquises. De plus, tous les visiteurs n’ont pas les mêmes styles d’apprentissage, on en distingue trois principaux : l’apprenant visuel, l’apprenant auditif et l’apprenant kinesthésique, c’est-à-dire qui a besoin de toucher pour comprendre. Il s’agira donc de créer au sein de cette exposition des interactions avec les visiteurs. Ainsi, des vidéos ou des écrans interactifs pourront accompagner ou se substituer aux panneaux. Par exemple, la vidéo d’un atelier d’initiation à la technique du torchis accompagnera le panneau portant sur sa fabrication et sa mise en œuvre. Autre exemple, sur écran interactif figurera une carte de l’architecture de terre dans le monde, apportant des détails sur la manière de bâtir avec ce matériau selon les régions du monde ou encore une localisation des édifices en terre inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Dans le cas d’une création architecturale nouvelle, il sera préférable que le scénographe et le maître d’œuvre travaillent en concertation. Et la scénographie de l’exposition devra être élaborée avant que le bâtiment ne soit construit, car d’éventuelles contraintes pourraient survenir ensuite. Enfin, autant que possible, le choix des matériaux nécessaires à la réalisation de l’exposition devra également se faire dans une optique de développement durable : matériaux naturels, économes en énergie, etc. 120 HUGUES P., 2010. 121 Ibid. 77 Enfin, la maison du torchis proposera des ateliers pédagogiques de deux types : Des ateliers à destination des adultes leur permettant de s’initier à la technique du torchis et d’en acquérir les gestes. Des ateliers à destination du public scolaire, primaire notamment, pour les initier à l’architecture de terre et au patrimoine : - sur la terre (sa nature, sa composition, son usage dans la construction, etc.) ; - sur la fabrication d’une ossature en bois et d’une charpente. Ils consisteront en l’élaboration d’une maquette ; - sur la fabrication et la mise en œuvre du torchis. Le torchis sera préparé par les élèves puis appliqué sur une structure en bois ; - sur les avantages et les inconvénients du torchis comme matériau de construction (qualités d’isolation, faible résistance à l’eau, etc.) - sur l’histoire des constructions en pan de bois et torchis ; - sur le lien entre Land Art et architecture vernaculaire. Ces ateliers permettront d’appréhender de façon ludique le domaine d’apprentissage de la culture scientifique et technologique, avec notamment une sensibilisation au développement durable et à l’éco-construction, pour les quatre premiers ateliers, et à la culture humaniste pour le dernier. Ces domaines d’apprentissage sont intégrés dans le cycle 3, ce qui correspond aux classes de CE2, CM1 et CE1. Au niveau du cycle 2, qui correspond aux classes de CP et de CE1, ces ateliers pédagogiques s’inscriront dans le cadre du domaine d’apprentissage « découvrir le monde ». Un jardin composé de diverses essences locales pourra entourer la maison du torchis, rappelant ainsi l’usage des ressources locales pour la construction de l’édifice. Enfin, la maison du torchis pourra être le point de départ d’une route du torchis. 78 3.4. Réalisation d’une route du torchis 3.4.1. Un travail préalable d’inventaire Un travail d’inventaire sur le patrimoine bâti en torchis a déjà été mentionné plus haut, dans le cadre du groupe de sauvegarde et de relance du torchis en Pas-deCalais. Ce travail a ensuite été valorisé à travers une cartographie interactive accessible depuis le site internet du PNR des Caps et Marais d’Opale, recensant à la fois les édifices en bon état et ceux qui sont à l’état de ruine. En Normandie, le groupe de valorisation du torchis pourra mener un tel travail d’inventaire, en s’appuyant à la fois sur les connaissances déjà acquises – reprenons ici l’exemple des visites découvertes mises en place par le service Pays d’art et d’histoire du Pays d’Auge – et sur les techniques de recherches utilisées au sein du service Inventaire et Patrimoine des Conseils Régionaux, pour approfondir ces connaissances et en acquérir de nouvelles. Par ailleurs, une publicité de ce travail pourra être faite, ce qui permettra à tout un chacun de signaler un édifice, qu’il en soit propriétaire ou non. Ce travail pourra être mené par secteur géographique, ce qui favorisera la proximité avec le public. 3.4.2. La route du torchis Afin de valoriser ce travail d’inventaire et d’en faire profiter le grand public, une cartographie pourra être réalisée ; elle sera une première étape dans la réalisation de la route du torchis, en ce sens qu’elle permettra de cibler les édifices remarquables et les sites incontournables qui la jalonneront. Elle permettra également d’effectuer un tracé cohérent à l’échelle des deux régions. La route du torchis sera donc composée d’un ou plusieurs itinéraires permettant à ceux qui l’emprunteront de découvrir la richesse et la diversité du patrimoine normand bâti en torchis. En Isère, Isère Tourisme, structure née de la fusion du Conseil Départemental du Tourisme (CDT) et du service « tourisme et montagne » du Conseil Général, est à l’origine d’un itinéraire touristique, intitulé le « chemin des bâtisseurs en pisé »122. 122 http://www.isere-tourisme.com/voir/chemin-des-batisseurs-de-pise 79 Cet itinéraire présente des constructions en pisé, fruit du travail des bâtisseurs locaux, datant essentiellement des XVIIIe et XIXe siècles. Les visiteurs parcourent ainsi plusieurs villages, ce qui rend cet itinéraire similaire à la série de visites découvertes « Villes et villages augerons » organisées par le service Pays d’art et d’histoire du Pays d’Auge. Mais il s’agit bien, dans le premier cas, d’un parcours à l’échelle d’un pays et, dans le second cas, d’un parcours à l’échelle départementale. La route du torchis traversera quant à elle les deux régions normandes. On peut aussi imaginer que la route normande du torchis devienne par la suite une route nationale, si ce travail d’inventaire est réalisé dans chacune des régions où le torchis est traditionnellement présent. Par ailleurs, le festival « Autour du torchis » pourra être l’occasion de mettre en avant les avancées de ce travail d’inventaire et de création de la route du torchis. 3.5. Création du Festival « Autour du torchis » 3.5.1. Les exemples du festival Grains d’Isère et du Festival ArchiTerre 2013 a été l’année du douzième festival Grains d’Isère, organisé pour cette édition sur le thème « Matières à construire » alors que le thème de l’édition 2012 était « De la matière à l’architecture » et celui de l’édition 2011, « Habiter la terre ». Le festival est organisé par le CRATerre ; il se tient à Villefontaine (où est situé le Domaine de la Terre) et plus précisément au sein des Grands Ateliers, « un centre interdisciplinaire d’enseignement, de recherche et d’expérimentation dans le domaine de la construction » selon un arrêté du 23 avril 2002. L’ENSAG, dont le CRATerre fait partie, est l’un des membres fondateurs de ces Grands Ateliers. Les Grands Ateliers présentent ainsi le festival : « Autour du triptyque architecture, arts et sciences le festival convie les participants et les visiteurs à en découvrir les potentialités. Tous sont invités « à mettre les mains à la terre » pour en ressentir les propriétés et spécificités. Cette approche scientifique, artistique et culturelle, basée sur la compréhension et la manipulation de la matière, est développée sous la forme d’animations 80 scientifiques et artistiques, de chantiers, d’expérimentations, de conférences, d’expositions et de spectacles. Le festival est aussi un formidable moment d’échanges associé à un temps de réflexions afin de promouvoir au sein du grand public, des élus, des formateurs et des professionnels un esprit de découverte et d’ouverture pour répondre aux grands défis et enjeux du développement durable et contribuer à réconcilier l’homme et son environnement. »123 Ci-dessous est représentée l’affiche de l’édition 2013 de Grains d’Isère : Source : www.grainsdebatisseurs.com Le festival s’est tenu du 29 mai au 2 juin 2013. Le programme se composait de plusieurs manifestations, dont : La remise du premier prix national de l’architecture en terre crue. Ce prix a été créé conjointement par l’AsTerre, le CRATerre et le magazine Ecologik. Il a été remis « par Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, à l’architecte Boris Bouchet et à la commune de Marsac-enLivradois pour l’Espace rural de services de proximité qui anime depuis 2012 123 http://www.lesgrandsateliers.org/actualite/27/2-actualite.htm 81 le cœur du bourg : un centre médical en bois posé sur un commerce en pisé. »124 « Un itinéraire de découverte de la matière terre [qui est] dispositif original qui associe sciences, arts et architecture en cinq étapes sous la forme de manipulations scientifiques, d’essais pratiques, d’apprentissages de gestes techniques et d’expérimentations artistiques et plastiques. »125 L’une de ces cinq étapes correspondait aux ateliers pédagogiques et scientifiques Grains de Bâtisseurs, issus des travaux menés par les chercheurs du CRATerre, et qui « font découvrir au grand public, enfants et adultes, mais aussi aux professionnels de la construction, les propriétés de la matière terre pour comprendre pourquoi et comment il est possible de construire en terre et plus particulièrement en pisé. »126 Une formation à la réhabilitation du patrimoine en pisé, à destination des « architectes et ingénieurs intervenant dans le champ du patrimoine, élus, services techniques des collectivités locales et territoriales, chefs d’entreprises, etc. »127 Depuis 2012, le Ministère de la Culture d’Algérie organise le festival culturel international de promotion des architectures de terre qui se tient dans l’enceinte de l’Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme (EPAU) d’Alger. La première édition a eu lieu du 18 au 22 novembre 2012 et la seconde du 20 et 25 avril 2013. Dans une note préliminaire au programme de la seconde édition du festival, Yasmine Terki, qui en est la commissaire, en explique la raison d’être : « Face à l’importance des enjeux mondiaux que constituent le maintient de la diversité culturelle, l’économie des ressources naturelles et la protection de l’environnement, auxquelles la sauvegarde du patrimoine bâti en terre et la relance de la construction en terre contribueraient amplement, le ministère de la Culture a 124 http://www.architectes.org/actualites/premier-prix-national-des-architectures-en-terre-crue/ 125 CRATerre, 2013. 126 Ibid. 127 Ibid. 82 décidé de mettre en œuvre une stratégie de réhabilitation de l’image des architectures de terre. Cette stratégie, dont la mise en œuvre a été confiée à un établissement public nouvellement crée, le centre algérien du patrimoine culturel bâti en terre, « CAPTerre », passe par l’institutionnalisation du festival culturel international de promotion des architectures de terre. »128 Par ailleurs, le fait que ce festival soit organisé au sein de l’EPAU est significatif de la volonté de promouvoir l’architecture de terre auprès des étudiants en architecture et en urbanisme afin qu’ils soient sensibilisés à son usage quand ils seront devenus eux-mêmes des professionnels de la construction A l’occasion de la seconde édition du festival Archi Terre, plusieurs manifestations ont été organisées : L’installation dans les jardins de l’EPAU d’un espace lecture où l’on pouvait « consulter une sélection d’environs 300 ouvrages essentiellement dédiés aux architectures de terre et à la préservation du patrimoine »129 ; « Quatre ateliers pratiques d’initiation aux techniques de construction en terre […] : l’atelier arcs et voûtes, l’atelier adobe et blocs de terre comprimée, l’atelier pisé et l’atelier enduits en terre »130 ; Deux séminaires de formation, l’un sur le thème « Bâtir en terre : initiation aux techniques de construction », l’autre sur le thème « Architectures de terre : présent et avenir d’une tradition millénaire ». Par ailleurs, ce dernier séminaire a été l’occasion de lancer le concours « Intervenir sur la patrimoine algérien bâti en terre ». 128 MINISTERE DE LA CULTURE D’ALGERIE, 2013 129 Ibid. 130 Ibid. 83 L’affiche de l’édition 2013 du festival Archi Terre est présentée ci-dessous : Source : www.sortiraalger.com 3.5.2. Le festival « Autour du torchis » Le festival « Autour du torchis » pourra être organisé par le groupe normand de valorisation du torchis ou éventuellement par une association créée spécialement dans ce but. Le festival pourra se dérouler au sein de la maison du torchis ; aussi, l’exposition permanente proposée ci-devant pourra constituer une base commune à chacune des éditions du festival. De plus, inaugurer la maison du torchis par la première édition du festival pourrait constituer un bon moyen pour communiquer sur ce nouveau lieu dédié au patrimoine. Un festival est toujours un moment de fête, lors duquel, réunis autour d’un thème fédérateur, les participants se rencontrent et échangent. Aussi, organiser un festival sur le thème du torchis, avec pour chaque édition un angle d’approche différent, permettra de réunir les acteurs de ce domaine, mais également d’attirer un public extérieur vers ce matériau, souvent considéré par le grand public comme emblématique de l’architecture traditionnelle mais finalement peu et mal connu. 84 Le Festival « Autour du torchis » se voudra donc plus proche du festival Grains d’Isère que du Festival Archi Terre en cela qu’il constituera un évènement populaire et n’aura pas pour objectif principal d’intéresser les étudiants, futurs architectes et urbanistes, à l’architecture de terre. De plus, comme le festival Grains d’Isère dédié plus particulièrement au pisé, il se voudra l’écho des connaissances liées au torchis en particulier. Le festival s’intéressera à toutes les régions françaises où le torchis est traditionnellement présent, et non pas uniquement à la Normandie. De plus, la dimension internationale ne devra pas être oubliée et, comme dans le cas des deux festivals précédemment cités, la contribution d’intervenants étrangers sera sollicitée, via l’ICOMOS par exemple. Conférences, ateliers-débats, expositions, ateliers pédagogiques (destinés aux adultes et au jeune public) ateliers de formation professionnelle, visites guidées ou encore spectacles sont autant de manifestations qui pourront être organisées, comme c’est le cas lors de chaque édition des festivals Grains d’Isère et Archi Terre. Et, de fait, chacune de ces manifestions sera organisée de manière à correspondre à l’angle d’approche choisi pour telle ou telle édition du festival. Toutes ces manifestations seront organisées pour atteindre les objectifs fixés initialement par la structure organisatrice. Ils pourront correspondre à cela : Sensibiliser le public à la préservation du patrimoine bâti en torchis et plus largement du patrimoine bâti vernaculaire ; Réunir tous les acteurs de la protection et de la valorisation du patrimoine bâti en torchis ; Encourager l’usage du torchis dans les constructions contemporaines. Finalement, toutes ces actions proposées autour du torchis ont un objectif commun, la valorisation de ce matériau. Et cette valorisation est loin d’être infondée, elle est même certainement une nécessité au regard de l’importance de préserver le patrimoine et notamment le patrimoine bâti vernaculaire, longtemps 85 resté dans l’ombre d’édifices plus imposants, des monuments historiques. C’est une nécessité également au regard des enjeux du développement durable, puisque les qualités environnementales de la terre comme matériau de construction sont aujourd’hui reconnues. 86 Conclusion La tradition de l’architecture de terre crue est vieille d’au moins 11 000 ans comme en atteste un pan de mur mis au jour lors de fouilles archéologiques menées en Syrie. Le torchis, matériau traditionnel de construction, est l’une des manières de bâtir en terre crue ; c’est également l’une des quatre techniques de construction traditionnelles en terre crue présentes en France, avec l’adobe, la bauge et le pisé. Le torchis apparaît donc comme un élément important du patrimoine bâti vernaculaire, et qui marque les paysages ruraux et urbains dans lesquels il s’inscrit. A ce titre, l’exemple des clos-masures, qui jalonnent le pays de Caux et lui confèrent son identité paysagère propre, est significatif. Il est donc important de valoriser ce matériau, ainsi que les savoir-faire qui s’y attachent et les édifices remarquables qui en sont composés. Des structures internationales participent de cette protection, par exemple avec l’inscription de sites remarquables sur la Liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO ou encore avec la rédaction de chartes par l’ICOMOS, dont la charte du patrimoine bâti vernaculaire. A l’échelle de la France, les services de l’Etat, les collectivités territoriales, les associations ou encore les fondations abondent dans ce sens. Ainsi, plusieurs actions ont déjà été menées, notamment celles initiées par les membres du groupe de sauvegarde et de relance du torchis en Pas-de-Calais. Enfin ce document contient plusieurs propositions d’actions qu’il serait intéressant de mener à bien, comme la création d’une maison du torchis ou la réalisation d’une route du torchis. Par ailleurs, le torchis, comme les autres matériaux traditionnels de construction, était tombé en désuétude dans les pays marqués par les Révolutions industrielles. Mais le torchis connaît en quelque sorte un renouveau, depuis la prise de conscience dans le dernier tiers du XXème siècle de la nécessité de protéger l’environnement. En effet, le torchis est un écomatériau dont les qualités d’isolation notamment sont avérées. C’est un matériau qui s’inscrit également 87 dans un réseau d’économie locale – reprenons ici l’exemple du torchis prêt à l’emploi proposé par certaines entreprises. Pour ces raisons, il s’agit donc bien tout autant d’un élément du patrimoine bâti vernaculaire que d’un matériau d’avenir. Ce document propose plusieurs actions qui devraient permettre d’en faire la démonstration, notamment la construction d’un écoquartier en torchis. 88 Bibliographie CAUE de Seine-Maritime, Le clos-masure, identité du pays cauchois, coffret de cinq guides. CRATerre, 2013, 12e Festival Architectures de terre, Matières à Construire – Le programme, 56 p. Ministère de la Culture d’Algérie, 2013, La 2ème édition du festival culturel international de promotion de l’architecture de terre – Programme, 48 p. Parc Naturel Régional des Caps et Marais d’Opale, 2009, Guide technique du bâti à pan de bois et torchis, 28 p. BABELON Jean-Pierre & CHASTEL André, 2000, La notion de patrimoine, Paris, Liana Levi, 142 p. BATTAINI-DRAGONI Gabriella, 2008, « L’habitat rural vernaculaire, un patrimoine dans notre paysage » in : Futuropa, n°1, p. 3. BEGUIN François, 1995, Le Paysage, Paris, Flammarion, coll. Dominos. 123 p. BELNET Frédéric, 2012, « Les premiers habitats » in Historia, n°783, p. 10-11. BIGNOT Gérard, 1996, « Chaumières à colombage garni de torchis et closmasures en Pays de Caux » in Connaissance de Dieppe, n°134. 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Bien qu'il soit œuvre humaine, il est aussi le produit du temps. Il serait indigne de l'héritage de l'humanité de ne pas chercher à conserver et à promouvoir ces harmonies traditionnelles qui sont au cœur même de son existence et de son avenir. Le patrimoine bâti vernaculaire est important car il est l'expression fondamentale de la culture d'une collectivité, de ses relations avec son territoire et, en même temps, l'expression de la diversité culturelle du monde. La construction vernaculaire est le moyen traditionnel et naturel par lequel les communautés créent leur habitat. C'est un processus en évolution nécessitant des changements et une adaptation constante en réponse aux contraintes sociales et environnementales. Partout dans le monde, l'uniformisation économique, culturelle et architecturale menace la survie de cette tradition. La question de savoir comment résister à ces forces est fondamentale et doit être résolue non seulement par les populations, mais aussi par les gouvernements, les urbanistes, les architectes, les conservateurs, ainsi que par un groupe pluridisciplinaire d'experts. En raison de l'uniformisation de la culture et des phénomènes de mondialisation socioéconomiques, les structures vernaculaires dans le monde sont extrêmement vulnérables parce qu'elles sont confrontées à de graves problèmes d'obsolescence, d'équilibre interne et d'intégration. Il est par conséquent nécessaire, en complément de la Charte de Venise, d'établir des principes pour l'entretien et la protection de notre patrimoine bâti vernaculaire. PRINCIPES GÉNÉRAUX 1. Les bâtiments vernaculaires présentent les caractéristiques suivantes : a) Un mode de construction partagé par la communauté ; b) Un caractère local ou régional en réponse à son environnement ; c) Une cohérence de style, de forme et d'aspect, ou un recours à des types de construction traditionnels ; d) Une expertise traditionnelle en composition et en construction transmise de façon informelle ; 95 e) Une environnementales ; réponse efficace aux contraintes fonctionnelles, sociales et f) Une application efficace de systèmes et du savoir-faire propres à la construction traditionnelle. 2. L'appréciation et l'efficacité de la protection du patrimoine vernaculaire dépendent de l'engagement et du soutien de la collectivité, de son utilisation et de son entretien continuels. 3. Les gouvernements et les autorités compétentes doivent reconnaître à toutes les collectivités le droit de préserver leurs modes de vie traditionnels et de les protéger par tous les moyens législatifs, administratifs et financiers à leur disposition et de les transmettre aux générations futures. PRINCIPES DE CONSERVATION 1. La conservation du patrimoine bâti vernaculaire doit être menée par des spécialistes de diverses disciplines, qui reconnaissent le caractère inéluctable du changement et du développement et le besoin de respecter l'identité culturelle de la collectivité. 2. Les interventions contemporaines sur les constructions, les ensembles et les établissements vernaculaires doivent respecter leurs valeurs culturelles et leur caractère traditionnel. 3. Le patrimoine vernaculaire s'exprime rarement par des constructions isolées et il est mieux conservé par le maintien et la préservation d'ensembles et d'établissements représentatifs, région par région. 4. Le patrimoine bâti vernaculaire fait partie intégrante du paysage culturel et cette relation doit donc être prise en compte dans la préparation des projets de conservation. 5. Le patrimoine vernaculaire ne comprend pas seulement les formes et les matériaux des bâtiments, structures et des lieux, mais également la manière dont ces éléments sont utilisés et perçus ainsi que les traditions et les liens intangibles qui leur sont reliés. ORIENTATIONS PRATIQUES 1. Recherche et documentation Toute intervention physique sur une structure vernaculaire devrait être menée avec prudence et précédée d'une analyse complète de sa forme et de sa structure. Ce document devrait être conservé dans des archives accessibles au public. 2. Emplacement, paysage et groupes de bâtiments Les interventions sur les structures vernaculaires devraient être menées dans le respect et le maintien de l'intégrité de l'emplacement, de la relation avec les paysages physiques et culturels et de l'agencement d'une structure par rapport aux autres. 3. Systèmes de construction traditionnels Le maintien des systèmes de construction traditionnels et du savoir-faire lié au patrimoine vernaculaire est capital pour l'architecture vernaculaire et essentiel pour la réfection et la restauration de ces structures. C'est par l'éducation et la formation que ce 96 savoir-faire devrait être conservé, enregistré et transmis aux nouvelles générations d'artisans et de bâtisseurs. 4. Remplacement des matériaux et des éléments architecturaux Les transformations qui satisfont légitimement aux exigences modernes devraient être réalisées avec des matériaux qui assurent la cohérence de l'expression, de l'aspect, de la texture et de la forme de l'ensemble de la construction et la cohésion des différents matériaux entre eux. 5. Adaptation L'adaptation et la réutilisation des constructions vernaculaires devraient être effectuées dans le respect de l'intégrité de la structure, de son caractère et de sa forme tout en étant compatibles avec des standards de vie acceptables. La pérennité des modes de construction vernaculaire peut être assurée par l'élaboration par la collectivité d'un code d'éthique qui peut servir aux interventions. 6. Changements et restauration d'époque Les modifications apportées dans le temps aux bâtiments doivent être appréciées et comprises comme des éléments importants de l'architecture vernaculaire. La conformité de tous les éléments d'un bâtiment à une même période ne sera pas, en général, l'objectif des interventions sur les structures vernaculaires. 7. Formation Afin de conserver les valeurs culturelles de l'architecture vernaculaire, les gouvernements, les autorités compétentes, les groupes et les organismes devraient mettre l'accent sur : a) Des programmes éducatifs susceptibles de transmettre les principes du patrimoine vernaculaire aux conservateurs ; b) Des programmes de formation pour aider les collectivités à préserver les systèmes de construction, les matériaux et le savoir-faire traditionnels ; c) Des programmes d'information qui accroissent la sensibilisation du public et des jeunes en particulier dans le domaine de l'architecture vernaculaire ; d) Des réseaux inter-régionaux d'architecture vernaculaire pour échanger des expertises et des expériences. CIAV : Madrid, 30 janvier 1996 Jérusalem, 28 mars 1996 Mikkeli, 26 février 1998 Saint-Domingue, 26 août 1998 ICOMOS : Stockholm, 13 septembre 1998 97 Annexe 3 CONCOURS MAISONS PAYSANNES DE FRANCE – RENÉ FONTAINE RÉGLEMENT Art. 1 – L’association « Maisons Paysannes de France décerne chaque année le Prix René Fontaine, destiné à couronner les extérieurs des maisons rurales les mieux restaurées selon ses principes. Ceux-ci peuvent être explicités par le délégué départemental de M.P.F. Les travaux doivent être achevés depuis moins de dix ans. Art. 2 – Il doit s’agir : • D’une maison paysanne ou d’une maison de bourg, à la limite d’une habitation bourgeoise ou anciennement seigneuriale, à la condition qu’elle ait un caractère très rural. • Eventuellement d’un ensemble de bâtiments ruraux (ferme) comportant non seulement l’habitation mais aussi les servitudes (écuries, granges…) • Les gîtes ruraux, les auberges et tous les bâtiments installés dans des constructions rurales anciennes. • Des petits bâtiments, tels que des moulins, fours à pain, pigeonniers, calvaires… • Des extensions ou des interventions contemporaines sur du bâti rural ancien déjà existant. Art. 3 – Pour être candidat (personne physique ou morale), il faut être maître de l’ouvrage, c’est-à-dire propriétaire de la maison ou titulaire d’un bail emphytéotique. Art. 4 – Les dossiers sont à adresser à M.P.F. 8 passage des Deux Soeurs 75009 Paris et doivent y parvenir avant le 1er octobre de chaque année. Tout dossier arrivant après cette date ne sera pas pris en compte. Art.5 – Chaque dossier doit comprendre : a/ Le bulletin de candidature rempli et signé. b/ Des photographies des façades du bâtiment AVANT, PENDANT et APRES restauration. Les photographies devront être soit : - des photos numériques sur CD-rom : 10x15 cm ; 6,5 mo ; (1230x1840 pix et 300 dpi) - des diapositives (elles devront alors comporter sur la partie inférieure gauche une marque bien visible, pour le repérage du sens de la vue). Les photographies sur papier sont fortement déconseillées. Chaque vue doit être légendée et doit porter : • Le numéro du département 98 • Le nom de la commune / lieu-dit • Un numéro d’ordre qui lui est affecté : 1, 2… • Le nom du propriétaire Ces visuels légendés sont indispensables ; en cas d’absence, le dossier ne sera pas retenu. Bien que le jugement ne porte pas sur la qualité des photos, il est du plus grand intérêt du candidat que les photographies soient de bonne qualité. Pour chaque vue avant travaux, doit correspondre une vue après achèvement, prise sous le même angle et du même endroit. Il est possible d’ajouter d’autres vues après travaux, notamment de détails. Il est fortement conseillé de joindre des visuels d’éléments d’architecture intérieure intéressants, tels que cheminées, menuiseries, charpentes, escaliers anciens ou souillardes. c/ Un plan de la maison ou, s’il y a lieu de l’ensemble des bâtiments (croquis à main levée ou extrait du plan cadastral), sur une feuille 21x29,7 cm, et sur lequel seront indiqués les endroits d’où les photos repérées ont été prises. d/ Une enveloppe timbrée portant l’adresse du concurrent pour envoi de l’accusé de réception du dossier. Art. 6 – Il est vivement recommandé que tout dossier de candidature soit visé par le délégué départemental de Maisons Paysannes de France. En cas d’absence de délégué dans un département, les dossiers devront être validés par une enquête réalisée par un représentant MPF (architecte…) nommé par le jury. Pour chaque candidature, les délégués devront justifier des choix effectués (matériaux, techniques utilisées…) en fonction du contexte et des contraintes locaux. Art. 7 – Les dossiers non conformes au règlement, incomplets, illisibles, ne seront pas pris en considération. Art. 8 – Un jury, composé d’experts ainsi que de délégués M.P.F. et de la Fondation du Patrimoine, examinera les dossiers et désignera les lauréats. Les décisions du jury seront souveraines et sans appel. Art. 9 – Les prix seront remis aux lauréats à Paris. Les bénéficiaires seront informés par lettre au moins une quinzaine de jours avant la date de Cérémonie. Art. 10 – Les membres du Conseil d’Administration de M.P.F. ainsi que les membres du jury ne peuvent pas être candidats au concours « René Fontaine – Maisons Paysannes de France ». Art. 11 – Les dossiers de toutes les candidatures (CD-rom et diapos …) resteront la propriété de M.P.F. qui se réserve le droit de les utiliser (publications, site Internet, et manifestations diverses, etc.), même si le dossier n’a pas été retenu par le jury. Art. 12 – La participation de tout propriétaire au Concours « René Fontaine – Maisons Paysannes de France » implique l’acceptation sans réserve du présent règlement par le candidat. 99 Annexe 4 CHARTE ETHIQUE ET PRATIQUE DU GROUPE DEPARTEMENTAL TORCHIS Présent sur le département du Pas-de-Calais, le torchis est, traditionnellement, une technique de construction simple, peu onéreuse, à base de matériaux trouvés sur place. Cependant, la fragilité relative de ce matériau, due au manque d’entretien et la perte du savoir-faire tendent à raréfier ce patrimoine. Fort de ce constat, un groupe de réflexion s’est formé depuis 2003 pour mettre en place une politique de relance du torchis dans le Pas-de-Calais. - La structure du groupe est informelle mais cette charte unira les membres entre eux. Les membres fondateurs s’accordent sur plusieurs principes généraux essentiels pour la constitution de ce groupe : La diversité des métiers exercés par les membres, Une culture commune de mission publique, Le devoir de protection des savoirs faire traditionnels, Un objectif majeur de promotion du matériau terre crue/torchis. Ils décident d’unir leurs efforts pour : Valoriser le patrimoine traditionnel public et privé en torchis sur le Pasde-Calais, Promouvoir la terre crue et son image par des actions de communication, S’adresser à un public large à savoir : le grand public, les artisans animés par la CAPEB, les architectes, les maîtres d'ouvrages (particuliers, élus, bailleurs sociaux, associations, scolaire, …) Investir le champ de l’innovation et du développement durable avec ce matériau, Favoriser les projets de constructions neuves en terre crue dans le département, Sensibiliser et former différents acteurs, Soutenir et développer la professionnalisation par l'artisanat spécialisé traditionnel et contemporain, Mettre en place des partenariats nationaux et internationaux pour la recherche et l’expérimentation. 100 Champs d’action des membres fondateurs : Tous sont lieux de ressources et sont des associations et organismes d’intérêt public. - Campagnes Vivantes : lieu de conseils, relais avec le monde rural, - La Confédération des Artisans et Petites Entreprises du Bâtiment et Chambre des Métiers : lieu de formations, relais avec les professionnels de la terre et du torchis, - Le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement : lieu de conseils, de formation et d’échanges multi territoires et multi partenaires, relais avec les professionnels de l’aménagement, - La Direction Régionale des Affaires Culturelles et le Service Territorial de l’Architecture et du Patrimoine : relais d’information ministérielle entre national et local, contrôle de légalité, lien aux financements publics, - Fondation du Patrimoine : relais aux financements privés et publics, - Maisons Paysannes de France : relais d’information national et local, lieu de conseils et de formation - Le Parc Naturel Régional des Caps et Marais d’Opale : lieu d’expérimentations et de conseils. Champs d’action des membres associés : Toutes les associations et tous les organismes qui pourront être amenés à s’impliquer dans le groupe partenarial devront exercer des missions d’intérêt public. Actions déjà réalisées ou en cours de réalisation : Concours photographique, repérage des patrimoines en torchis, expositions et catalogue, appui au dispositif d’aide départementale du Conseil Général, création d'un "stand info torchis" itinérant, interventions régulières dans les écoles, modules réguliers de formation des artisans (CIP Patrimoine), manifestations : "Ouvrez Grand vos Yeux", Journées Patrimoine de Pays, forums RESTAURE, « Terres en Fête », projet de réalisation d'une œuvre artistique, achat et gestion d’un malaxeur mobile, film sur « Les gestes du torchis » et « la terre crue aujourd’hui », voyage de formation en Allemagne, mise en place d’une table ronde avec les acteurs concernés sur le Pas-de Calais, conseils auprès de particuliers, etc. Modes de fonctionnement : - Un programme d’actions pluriannuelles, - Une réunion générale semestrielle, - Des actions réparties en sous-groupes de travail, avec un membre/chef de projet par action. 101 Engagements des membres du Groupe Départemental : Les membres du groupe s’engagent à : - Travailler en toute complémentarité et dans le respect des missions de chacun, - Promouvoir le groupe et ses actions, - Identifier les actions proposées au sein de chaque structure, dans le cadre de la dynamique du groupe, - Proposer, échanger et faire valider de nouvelles pistes d’action avec désignation d’un chef de projet, - Coordonner et harmoniser le programme collectif d’actions pluriannuelles, - S’investir dans les actions, soit en temps passé, soit en financement ou de toute autre façon, - Faciliter l’échange, la réflexion et la mutualisation. Chaque membre du groupe, chef de projet d’une action s’engage à : - Informer et consulter et faire valider l’avancement de l’action jusqu’à la publication - Utiliser le logo avec la liste des membres pour toute production du groupe et strictement dans ce cas (seul le logo du groupe et ceux des financeurs apparaissent alors), - Apporter au groupe son positionnement, ses expériences, ses intentions de développement, ses attentes et ses apports spécifiques, - Transmettre toutes informations et contacts pouvant servir à développer les actions du groupe, - Etablir un bilan et une évaluation de l’action auprès des autres membres, - Participer aux réunions générales semestrielles 102 Annexe 5 NOTE D’INTENTION Après deux rencontres mettant en avant la qualité architecturale et urbaine dans le débat sur le développement durable (rencontre du 10 décembre 2009), puis la démarche de projet à l’échelle de la ville et à celle du territoire (rencontre du 6 septembre 2010), la DRAC organise la troisième rencontre autour du concept de « matérialité ». Pour l’architecture, on entend par « matérialité » ce qui rend concrète la pensée de son concepteur et tout ce qui correspond à la réalité du projet : l’implantation, la structure, l’agencement, le confort d’usage, le clos et le couvert, qui lui confèrent ses aspects sensoriels et caractérisent sa présence dans le cadre de vie et l’environnement urbain, rural ou naturel. Une fois réalisé, le projet matérialisé s’ajoute au cadre bâti et l’enrichit… On peut donc aussi logiquement parler de la matérialité du patrimoine architectural et de son influence sur la mémoire des lieux, des territoires. De tout temps, en effet, l’aménagement par l’homme s’est plus souvent posé en rupture avec le paysage, organisant ainsi les territoires avec des résultats divers et parfois remarquables. Jusqu’à l’ère industrielle, les ressources d’un terroir et ses conditions climatiques conditionnaient très fortement la matérialité du bâti traditionnel. Toutefois, la généralisation de l’emploi de matériaux fabriqués n’a pas toujours totalement effacé l’identité que lui procurent les conditions locales ou des situations propres : la recherche de solutions adaptées pour constituer le bâti et son organisation dans l’espace se traduisent alors par une « matérialité » spécifique. Ainsi, chaque époque de notre histoire a produit ses propres spécificités, parfois acceptées, souvent rejetées, avant d’être comprises ou même reconnues… À propos du renouvellement urbain, la question de la matérialité interpelle la création architecturale et la préservation du patrimoine, tant sous l’angle de la forme, de l’aspect, de l’esthétique, que sous celui de l’usage, du confort et des performances techniques. La mise en application de la loi « Grenelle II » et la recherche d’objectifs de développement durable pose sous un nouvel angle cette question de la matérialité : économies d’énergie, matériaux performants, énergies renouvelables, influence des facteurs environnementaux sur les constructions… L’objectif de maintenir un bilan carbone satisfaisant conduit aussi à s’interroger sur les ressources locales potentielles. Au-delà des aspects techniques, le développement durable, dans sa définition originelle, implique la recherche d’un équilibre social, économique et environnemental au regard de l’aménagement des territoires. La mise en œuvre de règles d’urbanisme adaptées doit conduire à cet équilibre, à lutter contre l’étalement urbain, au maintien des espaces naturels et de la biodiversité, à la qualité du cadre de vie, au renouvellement de la ville sur la ville sous ses aspects patrimoniaux, économiques et sociaux. La valeur des repères et de la mémoire collective revêt là toute son importance. Enfin, la « matérialité » est le quatrième axe de recherche développé par l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille (ENSAPL), évoqué lors de la dernière rencontre. C’est pourquoi cette troisième rencontre propose d’en débattre à travers le prisme de l’aménagement du territoire et du développement durable. Nous poursuivrons la logique des trois échelles retenues précédemment pour évoquer ces enjeux : le territoire, la ville et l’unité bâtie dans son contexte. Dans la Région Nord – Pas-de-Calais, l’exemple du Bassin Minier et sa mutation en cours constitue notamment une entité territoriale singulière, dont les acteurs sont par ailleurs très sensibles à ce questionnement. Il s’agira de cerner ces enjeux au travers d’interventions rapportant chacune un projet ou une réalisation exemplaire. 103