I- LE SENTIMENT DE NATIONALISME ET DE LIBERALISME 1) Les

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L’Europe domine le monde
XIXe Siècle
Au début du XIXe Siècle, la majorité des régions européennes sont encore dominées par l’agriculture. En un siècle, la civilisation agraire
va se métamorphoser en civilisation industrielle.
Les villes sont à la mode ; beaucoup quittent la campagne, ce qui provoque une augmentation considérable de la population dans les grandes
agglomérations. La croissance démographique aide considérablement ce phénomène. Pour beaucoup, l’industrialisation et l’urbanisation sont
dangereuses à court terme. Toutefois, il semble qu’à plus long terme, ce développement garantirait de meilleures conditions de vie et un
agrandissement de la richesse d’une certaine classe de la population.
C’est d’abord l’initiative de la Grande-Bretagne, imitée par d’autre pays européens à l’Ouest précédant des nations situées plus au Sud et
à l’Est. S’ajoute à cela un développement qui bouleverse le monde des transports et des communications.
Le XIXe Siècle voit également l’influence croissante des idées de nationalisme et de libéralisme. C’est la naissance d’Etats-nations
(Grèce, Belgique, Roumanie) et l’union d’autres pays comme l’Allemagne et l’Italie. Le crépuscule du XIXe Siècle sera le temps de la création de
partis politiques, l’introduction de réformes sociales et l’amélioration du rôle de la femme. La modernisation apporte les loisirs, une meilleure
éducation et vie culturelle.
Enfin, l’Europe est au sommet de sa supériorité dans les secteurs tant industriel que technique. Les Empires coloniaux nés des puissances
européennes influencent considérablement les orientations du monde.
I- LE SENTIMENT DE NATIONALISME ET DE LIBERALISME
Libéralisme et nationalisme, ce sont les deux principes issus de la Révolution française que reprennent les partisans d’une transformation
de l’Europe. On en appelle à l’indépendance des pays et l’unification des peuples. Deux courants se forment : les Libéraux soutiennent les nouveaux
principes de la démocratie, concepts embrassant la souveraineté du peuple, sa représentation au gouvernement ainsi que la liberté d’expression, de
la pression et de religion. Les Romantiques, quant à eux, prônent l’héroïsme individuel et la liberté de l’individu grâce à celle des nations.
1) Les prémices d’un changement européen
Face à ces idées dangereuses, les dirigeants politiques décident de combattre ces fléaux. Les émeutes de protestation, les
manifestations et toute menace de révolution sont violemment réprimées. Les guerres napoléoniennes, la croissance démographique, l’urbanisation
et les mouvements de réforme politique sont suivis par une période de marasme économique. Les émeutes engendrées par la famine, la destruction
des machines par des ouvriers craignant le chômage, les conflits étudiants-autorités, pétitions ou meetings pour une mutation politique organisés
par la bourgeoisie libérale traduisent le mécontentement général.
En 1819, l’Angleterre du roi George IV est perturbée : on demande une révision du système électoral. C’est pourquoi, les ouvriers
décident d’organiser un meeting important à St Peter’s Fields (Manchester), considéré comme illégal par les autorités locales. La milice n’hésite pas
à charger les manifestants faisant onze morts et des
centaines de blessés. C’est le « massacre de Peterloo ». Il
incite le gouvernement à voter de nouvelles lois plus sévères
sur le droit de manifestation.
En Allemagne, les lois plus rigoureuses, connues sous le nom
de Décret Carlsbad, en 1819, interdisent les meetings
politiques, censurent la presse et contrôlent le système
éducatif. Seuls subsistent quelques groupes isolés.
En Espagne, la révolution de 1820, animée par
Riego, s’en prend à l’absolutisme brutal de Ferdinand VII.
Dans certains Etats italiens, des sociétés révolutionnaires
secrètes, les Carbonari (charbonniers) prônent l’unité
nationale, l’absence de toute domination étrangère et la
formation d’une république italienne. Mais le mouvement des
Carbonari n’est pas assez structuré, leurs révoltes politiques
(à Naples et dans le Piémont en 1820-1821, puis dans le reste
du pays en 1831) sont trop localisées, sporadiques et trop
aisément répressibles.
La diversité des formes de protestation entraîne
l’apparition de différents systèmes de maintien de l’ordre. Ainsi, en Irlande, pays sous autorité britannique mais ayant de fortes velléités
d’indépendance, les agents du Royal Irish Constabulary (après 1867) portent les armes et sont casernés, alors qu’en Angleterre, les forces de police
ne sont par armées.
2) Révolutions et interventions
Les systèmes gouvernementaux européens varient beaucoup selon les pays. La Grande-Bretagne refuse d’intervenir dans les affaires
internes des autres pays, mais la Prusse, l’Autriche, la Russie, et, dans une moindre mesure, la France, sont prêtes à apporter une aide militaire aux
gouvernements ou dynasties menacés par une révolution. L’Autriche soutient les régimes monarchiques à Naples ou au Piémont ; grâce à la France, le
roi d’Espagne dont l’autorité a été limitée par une constitution libérale recouvre la totalité de ses pouvoirs. L’Empire russe survit à une conspiration
militaire et à une révolte en Pologne.
Malgré les troubles sociaux et des difficultés liées à l’urbanisation, la Grande-Bretagne ne connaît pas de révolution et réussit à
conserver ses institutions politiques. Le Reform Act de 1832, grâce auquel l’électorat britannique atteint environ 650 000 électeurs (masculins),
permet la création d’un système parlementaire plus approprié aux besoins d’un pays en pleine modernisation. La plus importante manifestation de
protestation en Grande-Bretagne est le mouvement chartiste qui réclame un accroissement du pouvoir représentatif de la Chambre des Communes.
L’Irlande est la seule région des îles britanniques qui fait craindre au gouvernement anglais le spectre d’une révolution ; car l’Act of Union
(1800) a entraîné une domination plus directe du pays par la Grande-Bretagne. Les Irlandais protestent contre cette loi et demandent son
abrogation ; un mouvement de lutte nationale se développe. Daniel O’Connell, principal nationaliste irlandais, surnommé le « Libérateur », héros
populaire se battant contre l’Act of Union, marque à jamais l’histoire de l’Irlande et de l’Europe.
3) La Grèce et la guerre d’indépendance
En 1821, les Grecs (les sujets orthodoxes du Sultan Ottoman) s’insurgent contre l’autorité turque. La Révolte est organisée par la
« Philiké Hétairia » (société secrète des patriotes fondée par des commerçants) et menée par Alexandre Ypsilanti (officier de l’armée russe) qui
tente tout d’abord de soulever les provinces danubiennes.
La Grèce se jette alors dans une guerre d’indépendance et devient l’inspiratrice des libéraux européens. La mort du poète anglais Byron
au siège de Missolonghi fait naître des sentiments philhelléniques dans l’Europe entière. En Russie, les intérêts nationaux, la politique traditionnelle
d’expansion vers la Méditerranée et les liens religieux poussent les Russes à soutenir les Grecs et à combattre les Turcs. En 1827, une intervention
de la Grande-Bretagne, de la France et de la Russie se conclut par la destruction de la flotte turque à Navarin. La Grèce devient indépendante en
1830 et accepte un prince bavarois comme souverain (le fils de Louis Ier de Bavière). En 1843, les Grecs se révoltent contre l’absolutisme de leur
roi et obtiennent la mise en place d’un gouvernement parlementaire et une limitation constitutionnelle du pouvoir monarchique.
4) Les Révolutions de 1830-1831
Le mécontentement vis-à-vis du système politique est la cause principale des révolutions qui frappent plusieurs pays européens en 1830
et 1831. En France, en juillet 1830, lorsque la monarchie des Bourbon tente de supprimer les limitations constitutionnelles au pouvoir du roi et de
ses ministres, les Parisiens se révoltent et le roi est renversé. Une nouvelle monarchie constitutionnelle avec Louis-Philippe Ier s’installe. La
révolution française de 1830 inspire d’autres libéraux européens. Les dirigeants de plusieurs Etats allemands sont forcés d’abdiquer et des
constitutions garantissant les droits de l’individu et certains droits de vote sont établies. En Italie, Modène, Parme et les Etats pontificaux sont le
théâtre de soulèvements réprimés par l’Autriche. A Varsovie, les soldats russes sont
chassés par les contestataires qui proclament un gouvernement révolutionnaire. Ce
n’est qu’en septembre 1831 que le tsar en Russie étouffe le mouvement de révolte.
Le soulèvement des Belges contre leur monarchie hollandaise et l’union de
leur pays avec la Hollande imposée par le traité de Vienne (1815) reste l’étape
essentielle de la Belgique moderne. L’Autriche, la Russie et la Prusse ne peuvent
apporter leur aide au roi hollandais à cause du soulèvement de la partie russe de la
Pologne. Grâce à la révolte de Bruxelles (août-septembre 1830), la Belgique accède à
l’indépendance en 1831. En 1839 après une nouvelle guerre belgo-hollandaise, sa
neutralité est garantie par le traité de Londres. La partie orientale du Luxembourg est
érigée en grand-duché indépendant mais dans le cadre de royaume hollandais. Sa
neutralité est déclarée en 1867 par le traité de Londres et en 1890, il est finalement
détaché des Pays-Bas.
5) Jeune Europe
En 1831, le nationaliste italien, ancien carbonaro, Giuseppe Mazzini, alors en
exil politique à Marseille, fonde le mouvement Jeune Italie (Giovine Italia) dont le but
est de soulever les populations pour l’avènement d’une république italienne libre et
unie.
Ce mouvement devient vite populaire et engendre l’apparition de
mouvements révolutionnaires républicains et unitaires à travers l’Europe (tels Jeune
Allemagne et Jeune Pologne). Mazzini regroupe ces mouvements en « Jeune Europe » et essaye de promouvoir la notion de fraternité entre les
républiques fondée sur les principes de la charité chrétienne. Jeune Irlande, organisation nationaliste révolutionnaire voit le jour en 1840. Dans la
pratique, aucune de ces fraternités n’a eu beaucoup de succès, comme en témoignent les malheureuses tentatives d’insurrection réalisées par Jeune
Italie. Néanmoins, Mazzini devient source d’inspiration pour les nationalistes et les
démocrates européens.
6) Le « printemps des peuples »
L’impact des révolutions de 1848 est beaucoup plus important que celui des
révolutions de 1830. Un certain nombre de facteurs comme les troubles économiques et
sociaux que connaît l’Europe en 1835, les récoltes catastrophiques, les pénuries (et même
une famine en Irlande), les épidémies, une diminution des échanges commerciaux, la
misère et le chômage, viennent s’ajouter au mécontentement envers les systèmes
politiques. Ces révolutions éclatent dans des contextes spécifiques à chaque pays. En
général, elles sont menées par des intellectuels libéraux appartenant aux classes
moyennes et s’inspirant des idéaux de la Révolution française.
En février 1848, Louis-Philippe, le « roi-citoyen », perdant son combat contre
la réforme électorale, est contraint d’abdiquer. En mars, le chancelier d’Autriche,
Metternich doit s’enfuir de Vienne. Ainsi des gouvernements constitutionnels sont mis en place dans les Etats italiens ainsi que dans toutes les
capitales d’Europe centrale jusque là dominées par l’Autriche. Dans les Etats allemands, lors de la courte période d’existence du Parlement de
Francfort (mai 1848 – avril 1849), des mouvements apparaissent pour la mise en place d’un gouvernement représentatif et pour la création d’une
Allemagne unie.
Ces révolutions ont été très courtes dans le temps, la plupart étant violemment réprimées en l’espace de quelques mois. En France, les
propriétaires fonciers répriment les troubles du mois de juin à Paris et élisent président de la République Louis-Napoléon Bonaparte, le futur
Napoléon III. En Angleterre, le charisme connaît une fin de vie mouvementée. La tentative menée par Jeune Irlande de provoquer une révolte
paysanne échoue. En Italie, les soldats français renversent la république vénitienne et reprennent le contrôle de la Lombardie, mais le Piémont et la
Sardaigne conservent leur Constitution libérale avec l’avènement de Victor Emmanuel II.
Le nationaliste hongrois, Louis Kossuth, qui avait mené la révolte contre les
Habsbourg, est contraint de fuir son pays lorsque les Russes interviennent pour restaurer la
suprématie autrichienne. En Allemagne, l’échec des révolutions de 1848 vient des libéraux
allemands qui étaient persuadés de la nécessité du soutien de la Prusse, dont ils étaient prêts à
accepter les exigences. Mais le roi de Prusse, encouragé par les succès de la contre-révolution
autrichienne, dissout l’Assemblée prussienne et promulgue une Constitution garantissant le
maintien de l’autorité royale. A l’image de la Prusse, les dirigeants des Etats allemands
suppriment les concessions constitutionnelles. Fait important, la nouvelle Constitution
démocratique suisse n’est pas remise en cause.
A la fin de l’année 1849, le paysage politique de l’Europe ressemble à ce qu’il était deux
années auparavant. Mais les idées nationales, démocratiques et libérales ont fait leur chemin ! La
monarchie absolue perd du terrain et la puissance des aristocrates propriétaires terriens
s’étiole. La paysannerie européenne se libère totalement du joug féodal. Le terrain semble prêt
pour le triomphe des mouvements nationalistes.
7) La nouvelle carte de l’Europe
Pendant environ 40 ans, grâce au
traité de Vienne (1815), les pays européens
règlent leurs différends sans qu’éclate
aucune guerre importante.
Vers 1850, la suspicion des
Etats européens grandit face aux intérêts
de la Russie dans les Balkans, où la
suprématie des Turcs décline. La Grande-Bretagne et la France veulent empêcher la Russie
d’augmenter son influence vers la Méditerranée et la guerre éclate entre la Russie d’une part
et une alliance turco-franco-anglaise d’autre part.
La guerre de Crimée (1853-1856) où les alliés sont vainqueurs met un frein pour
quelques temps aux man uvres d’intimidation de la Russie à l’égard de la Turquie, mais la
menace russe persiste. Les anciennes terres de domination turque développent un fort esprit
de nationalisme, et les prémices sont jetées pour la formation d’une nouvelle nation
chrétienne, la Roumanie (1862). La guerre de Crimée ravive l’ancienne rivalité entre l’Autriche
(qui était pourtant restée neutre dans ce conflit) et la Russie au sujet de l’Europe de l’Est et
des Balkans.
En 1856, lors du Congrès de paix réuni à Paris à la fin de la guerre de Crimée,
Cavour, Premier ministre du
Piémont, dont les soldats ont
combattu aux côtés des
Français et Britanniques, soulève la question de l’unité
italienne. En 1858, Cavour et Napoléon III décident de libérer l’Italie du Nord des
Autrichiens. Napoléon III demande Nice et la Savoie en échange de son aide. En
1859, la France et le Piémont chassent les Autrichiens de Lombardie. Cavour
rattache la Lombardie au Piémont et entreprend, avec l’accord des deux régions et
au moyen d’un plébiscite, l’agrandissement du royaume de Piémont-Sardaigne en
formant une union avec d’autres Etats du nord et du centre de l’Italie. Avec la
complicité de Cavour, Garibaldi, le héros de la jeune république romaine de 1848 et
militant du Risorgimento (Résurrection), quitte le Piémont en compagnie d’un millier
de volontaires, appelés Chemises rouges, et renverse la monarchie en Sicile et à
Naples. Afin d’empêcher Garibaldi d’opérer une marche sur Rome qui faisait
craindre une intervention militaire de l’Autriche et de la France, nations catholiques
obéissant au pape, Cavour contourne Rome mais réunit la Sicile et l’Italie du Sud
dans le nouveau royaume d’Italie créé en 1861.
En terres allemandes, l’unification est également en marche. En 1862, Otto von Bismarck, Premier ministre du roi de Prusse, regroupe les
Etats allemands. Les duchés de Schleswig et de Holstein sont sous l’autorité du roi du Danemark mais la majorité des habitants est allemande. En
1864, par une guerre courte contre le Danemark, les deux duchés sont cédés aux Etats allemands et administrés par la Prusse et l’Autriche. En
1866, la Prusse les annexe et bat l’Autriche au cours d’une campagne militaire éclair, mettant un terme à plus d’un siècle de rivalité entre les deux
puissances. Chassés d’Allemagne, les Habsbourg se tournent vers le sud-est de l’Europe et les Balkans. En 1867, ils mettent fin à leurs rivalités avec
les Magyars, ou Hongrois, en instituant la Double Monarchie, l’Autriche-Hongrie. Ce
dualisme doit permettre de mieux freiner les aspirations des peuples slaves inclus dans
leurs territoires, aspirations nationales qu’avive le succès des Slaves de l’Empire
Ottoman, Serbes, Monténégrins, Albanais, Bulgares, etc. qui profitent de son déclin pour
créer ou développer leurs propres Etats.
Force de décomposition des Empires austro-hongroise et ottoman, le
mouvement des nationalités agit en sens inverse en Italie et en Allemagne. Napoléon III,
empereur des Français depuis 1852, ne lui a pas ménagé son soutien. Mais l’accroissement
de la puissance prussienne depuis 1866 l’inquiète et il se laisse prendre en 1870 à un
traquenard de Bismarck qui a besoin d’un choc psychologique pour vaincre les réticences
des Etats d’Allemagne du Sud à accepter la prééminence prussienne. L’appui qu’il donne à
la candidature d’un prince Hohenzollern
au trône d’Espagne, momentanément
vacant, amène la France à déclarer la
guerre à la Prusse qui entraîne
l’Allemagne dans un même élan.
Les
défaites
françaises
(Sedan, 1er septembre 1870) conduisent
à la chute du Second Empire français et
au dernier acte des unifications
allemande et italienne. Le 20 septembre
1870, les troupes italiennes entrent
dans Rome où le pape, jusque là protégé
par une garnison française, se considère
désormais comme prisonnier. Après plébiscite, Rome est déclarée capitale de l’Italie unifiée. Le 18
janvier 1871, dans la galerie des Glaces, à Versailles, le roi de Prusse, Guillaume Ier, est proclamé
empereur allemand. L’annexion de l’Alsace-Lorraine réalisée sans consultation des populations,
ouvre, pour plusieurs générations, un fossé entre la France et l’Allemagne.
Ainsi se généralise dans l’Europe de la seconde moitié du XIXe Siècle la forme de l’Etatnation, souvent né dans la violence. Mais l’héritage d’un passé parfois lointain ne permet pas une coïncidence parfaite entre l’un et l’autre, suscitant
des problèmes de minorités. L’Europe de ce temps est celle de la paix armée.
II- POPULATION ET URBANISATION
1) L’explosion démographique
Au cours du XIXe Siècle, la supériorité économique de l’Europe entraîne un accroissement de population nettement plus fort que dans le reste du
monde. La population de l’Europe, Russie incluse, passe d’environ 190 millions de personnes en 1800 à environ 420 millions en 1900. Mais cet
accroissement n’a pas été uniforme au sein de l’Europe, la population augmentant différemment selon les pays et les années.
Cette explosion démographique sans précédent fait, dès son développement, l’objet d’études et de théories. Ainsi Thomas Malthus,
pasteur et économiste anglais, écrit son Essai sur le principe de la population (1798). Il soutient que, s’il n’est pas freiné par des facteurs tels que la
pauvreté, la famine, la maladie, la guerre ou le contrôle des naissances, le pouvoir multiplicateur de la population est infiniment plus grand que le
pouvoir qu’a la terre de produire la subsistance des hommes. Le bien-fondé des idées de Malthus ne peut cependant pas être appliqué au XIXe
Siècle. Le développement des villes et les améliorations agricoles, industrielles, bancaires, permettent de subvenir aux besoins d’une population
grandissante, et d’améliorer même les conditions générales de la vie. Cependant, dans certains cas, Malthus avait vu juste. Ainsi, en 1845-1847, la
récolte catastrophique de pommes de terre en Irlande provoque une famine suivie d’épidémies. Beaucoup meurent de malnutrition. Chacun y voit
cependant un tragique accident économique et non une crise malthusienne.
Plusieurs facteurs contribuent à cet accroissement de la population. En Europe occidentale, les taux de mortalité diminuent sous l’effet
des progrès de la santé publique. En Angleterre et pays de Galles, par exemple, l’espérance de vie moyenne passe de 35 ans environ vers 1780 à 40
ans environ vers 1840. Dans les pays moins développés d’Europe orientale en revanche, les taux de mortalité restent élevés. Parallèlement, la
natalité augmente (37% en Angleterre, 42% en Allemagne) du fait de l’abaissement de l’âge du mariage et du maintien de pratiques traditionnelles
en matière de fécondité. La France constitue une exception puisque son taux de natalité n’est plus que de 25% vers 1880. Dans l’ensemble
cependant, l’excédent naturel des naissances sur les décès entraîne un peu partout une forte poussée démographique.
Les migrations ont également influencé l’accroissement de la population. Les immigrants, venus pour la plupart des campagnes, sont
attirés vers les villes et les secteurs industrialisés par les possibilités d’emploi et de meilleurs salaires. Ainsi, de nombreux Polonais viennent
travailler dans les mines du nord de la France ou du bassin de la Ruhr allemande. De nombreux travailleurs qualifiés quittent l’Ecosse pour
l’Angleterre. Nombre d’Irlandais semi-qualifiés ou non qualifiés s’expatrient et s’installent dans les villes industrielles d’Angleterre, travaillent à la
construction des nouvelles routes, au creusement des canaux et à la construction des chemins de fer. Le plus fort de l’émigration irlandaise vers les
Etats-Unis s’est produit dans les années 1840, alors que la famine faisait rage en Irlande. Persécutés en Russie, les Juifs fuient les pogroms en
émigrant vers l’Europe de l’Ouest et les Etats-Unis. Dix mille européens émigrent par an dans les années 1830, 1 500 000 par an à la fin du siècle.
Un nombre croissant d’Africains, d’Antillais, et de Chinois s’installent en Grande-Bretagne dans l’espoir de bénéficier de meilleures
conditions de vie ou, parfois, pour échapper à des persécutions religieuses ou politiques.
2) La croissance des villes
Même si l’agriculture demeure fondamentale dans l’Europe du XIXe Siècle, la population urbaine connaît un essor décisif. A la fin du
siècle, la société britannique est la plus urbanisée du monde : neuf Anglais sur dix vivent en ville. Ailleurs, les situations sont plus contrastées : en
France, les campagnes regroupent encore plus de 70% de la population, en Espagne ce taux atteint 80%. Mais la population urbaine augmente
partout à une vitesse spectaculaire : en 1880, Londres compte environ 900 000 habitants ; Paris, 600 000 ; Berlin, 170 000. En 1900, ces chiffres
s’élèvent respectivement à 4,7, 3,6 et 2,7 millions d’habitants. Glasgow, Vienne, Moscou et Saint-Pétersbourg dépassent à leur tout la barre d’un
million d’habitants, et seize autres villes européennes comptent plus de 500 000 habitants.
Les premières régions industrialisées, comme les bassins houillers et les centres sidérurgiques de Grande-Bretagne, de Belgique, de
France et d’Allemagne, ont été très marquées par l’urbanisation. A Manchester, c ur de l’industrie cotonnière du Lancashire, la population a plus
que décuplé entre 1800 et 1900. Dans la Ruhr, Essen, berceau de la famille Krupp, est en 1800 une petite bourgade paisible d’environ 4000
habitants. En 1900, elle en compte près de 300 000. La population de Marseille, alors premier port français, triple entre 1820 et 1870, passant de
100 000 à 300 000 habitants. En 1900, Odessa sur la Mer Noire, l’un des principaux ports de Russie, compte environ 500 000 habitants. Elle n’avait
que 6000 habitants en 1800.
L’urbanisation exacerbe les problèmes sociaux qui existaient déjà avant l’industrialisation. Bien souvent, les villes en plein essor ne
disposent pas d’installations urbaines de base telles que systèmes sanitaires, réseaux de distribution d’eau ou même services de nettoyage des rues.
Une population nombreuse vit dans la misère, entassée dans des locaux surpeuplés : les risques d’épidémies sont importants. En 1844, Friedrich
Engels publie La situation de la classe laborieuse en Angleterre, où il dénonce les conditions de vie épouvantables des pauvres de Manchester. A
Londres, l’East End (faubourgs Est de la ville) abrite les taudis les plus misérables de l’Europe du XIXe Siècle. Face à cette souffrance, les villes
deviennent, pour certains, synonymes de destructions du comportement social traditionnel, de menace pour la religion et pour l’ordre social établi.
Ils vont parfois jusqu’à croire qu’elles sont un terrain propice pour fomenter une révolution. La notion de « classes dangereuses » préoccupe
désormais de nombreux gouvernements.
3) Médecine et santé publique
L’industrialisation favorise la recherche médicale. En 1796, le médecin anglais Edward Jenner met au point un vaccin contre la variole. Les
progrès réalisés permettent de diminuer les cas de diphtérie, de scarlatine, de coqueluche et de typhoïde, maladies jusque-là causes d’une mortalité
infantile élevés. Louis Pasteur
(1822-1895) met au point le premier des traitements efficaces contre la rage. Joseph Lister, professeur de chirurgie à l’université de Glasgow,
lance l’usage des antiseptiques, et James Simpson, celui des anesthésiques. Suivant les travaux de Pasteur, l’Allemand Koch montre que les
différentes maladies sont causées par des bactéries distinctes, et isole le bacille responsable de la tuberculose. Paul Erlich ouvre la voie de la
chimiothérapie. En 1895n William Röntgen, physicien allemand, découvre les rayons X grâce auxquels les
diagnostics et la chirurgie font d’immenses progrès. Pierre et Marie Curie découvrent le radium et la
radioactivité.
Le domaine de la santé publique a également bénéficié des progrès du siècle. Réformateurs
sociaux et ingénieurs luttent pour une meilleure hygiène publique dans les villes : construction de
systèmes sanitaires, d’égouts, de systèmes de distribution et d’évacuation des eaux. Ces
transformations bouleversent la vie de nombreux Européens. Dès 1900, le choléra, qui faisait des
ravages, notamment à Londres et à Paris entre 1830 et 1850, est éradiqué des villes industrielles.
III- LES CHANGEMENTS DANS LE DOMAINE DE
L’AGRICULTURE
1) La révolution des techniques agricoles
Au cours du XVIIIe et XIXe Siècle, l’agriculture connaît un développement rapide se
traduisant par une meilleure rotation des cultures, un meilleur rendement des récoltes, l’apparition de
nouvelles machines ainsi que l’amélioration des espèces animales et des techniques agricoles. L’explosion démographique liée à l’urbanisation crée une
demande croissante de nourriture ce qui encourage des cultures plus intensives, voire l’extension des surfaces cultivées. On qualifie parfois ces
changements, très souvent originaires de Hollande ou d’Angleterre, de « révolution agricole », mais parler d’une « évolution agricole » semble plus
approprié, ces mutations ne possédant par la rapidité caractéristique des transformations industrielles. En Angleterre, les grands espaces cultivés
hérités du Moyen-Age cèdent la place à des champs clôturés par des haies : c’est le mouvement des enclosures.
Les campagnes sont sillonnées par de nouvelles machines agricoles ; les batteuses à vapeur font leur apparition. En Angleterre, la
paysannerie traditionnelle disparaît et la terre est désormais travaillée par des ouvriers agricoles ou de petits cultivateurs. Vers le milieu du XIXe
Siècle, l’agriculture représente, en Grande-Bretagne, une proportion de travailleurs bien plus faible que dans les autres pays européens au même
stade de développement. Dans la plupart des autres pays, la grande masse des ruraux a souvent des droits très stricts sur les terres par le biais
des droits communautaires et en raison du morcellement excessif des exploitations. Certains agriculteurs traversent la Manche pour étudier les
nouvelles techniques agricoles, acheter du bétail ou des machines, ou demander conseil aux Anglais ! Les innovations se répandent ainsi dans toute
l’Europe. En France, le monde rural n’a pas été aussi profondément bouleversé qu’en Angleterre. De même, l’Allemagne, il faut attendre le
développement des voies navigables, des routes et des chemins de fer pour que les paysans voient leurs conditions de vie s’améliorer.
Les révolutions de 1848, la propagation du libéralisme et la hantise d’une révolte populaire ont une influence considérable sur les
propriétaires d’Europe centrale. Vers 1850, la féodalité, qui lie les paysans à la terre et les oblige à la travailler, a pratiquement disparu à l’Ouest,
mais les propriétaires de Prusse et de Pologne gardent leur pouvoir même après l’abolition de la féodalité. En Russie, il faut attendre 1861 pour que
le servage soit aboli. Les paysans ne sont plus attachés à une terre. Ils travaillent désormais pour subvenir à leurs propres besoins. Les salaires
sont bas et consistent souvent en paiements en nature.
Si les zones urbaines sont le fer de lance de la révolution industrielle, l’Europe demeure rurale : vers 1900, la majorité de ses habitants
vit toujours à la campagne.
2) Conséquences des mutations agricoles
Grâce à l’amélioration des rendements agricoles et au développement des transports, la population européenne est mieux nourrie, les
carences périodiques en nourriture sont de plus en plus rares. Les progrès sont cependant inégaux : l’Irlande et la Russie connaissent encore de
terribles famines.
Les mutations agricoles s’inscrivent dans la dynamique de l’industrialisation. Les excédents dégagés par l’agriculture créent des capitaux
qui, réinvestis dans les transports et l’industrie, contribuent à la diffusion des nouvelles technologies à travers l’Europe.
IV- L’INDUSTRIALISATION DE L’EUROPE
1) Pourquoi l’Europe de l’Ouest ?
Plusieurs facteurs sont nécessaires à l’industrialisation d’un pays : l’organisation du travail à plus grand échelle ; la division accrue du
travail ; le remplacement de l’homme ou de l’animal par des machines. L’expression « révolution industrielle » est employée pour la première fois par
un Français au début du XIXe Siècle pour décrire les changements économiques et sociaux en cours.
Mais pourquoi l’industrialisation moderne a-t-elle d’abord touché l’Europe de l’Ouest ? Si le principe des machines à vapeur était connu
depuis longtemps, il manquait des structures économiques et les moyens technologiques nécessaires pour rendre le développement possible. Au
XVIIIe Siècle, l’Europe a rattrapé et dépassé des pays comme la Chine, qui, jusqu’au Moyen-Age, la devançaient technologiquement. Puis, en
orientant le commerce vers d’autres pays, l’Europe a pu bénéficier de ressources accrues, élargir ses marchés, profiter de son avance
technologique et exporter des capitaux. L’industrie en plein essor peut aisément employer le nombre croissant de travailleurs libérés de la terre.
Si l’industrialisation a des traits communs dans toute l’Europe, chaque pays mais surtout chaque région a son originalité. Avec le
développement des techniques d’extraction de l’acier par la fusion, la géographie de l’industrialisation est étroitement liée aux régions dont les sols
abritent des gisements de charbon et de fer, notamment sur une ceinture qui s’étend du pays de Galles au bassin du Donets, en passant par les
Midlands, le nord de l’Angleterre, le bassin franco-belge, la Ruhr et la Silésie. Rapidement, la vapeur comme source d’énergie révolutionnaire
s’impose, même si l’énergie hydraulique continue à jouer un rôle considérable dans de nombreuses industries pendant une grande partie du XIXe
Siècle.
2) L’extension de l’industrialisation
La Grande-Bretagne, nous l’avons vu, et plus précisément les Midlands,
inaugure la révolution industrielle. Ce qui pousse mes inventeurs anglais à faire preuve
d’ingéniosité. Ainsi, grâce aux inventions de James Hargreaves, Richard Arkwright et
Samuel Crompton, l’industrie cotonnière s’équipe de métiers à filer mécaniques. Les
usines fonctionnent à la vapeur, avec l’invention de la machine à vapeur rotative de
James Watt. La concentration de la production dans les usines permet d’économiser
sur les transports, d’opérer une nouvelle organisation du travail, d’utiliser des
équipements plus puissants et d’imposer une discipline de travail et le respect des
détails. Vers 1850, les machines à vapeur britanniques produisent une énergie
équivalente à plus de 1,2 million de chevaux-vapeur, soit plus de la moitié de la
production européenne ; 2,5 millions de tonnes de minerai de fer sont fondues en
Grande-Bretagne, soit plus de dix fois la production de l’Allemagne. Surnommée
l’« atelier du monde », la Grande-Bretagne connaît une période de croissance
économique exceptionnelle et devient la nation la p:us riche du monde ; elle représente
environ la moitié du marché mondial des produits manufacturés et environ un tiers de
la production industrielle mondiale.
L’une des caractéristiques du développement industriel du XIXe Siècle est
le transfert du savoir technologique, commercial et financier de la Grande-Bretagne
vers les pays européens.
La Belgique est le premier pays du contient à connaît la révolution
industrielle. Comme l’Angleterre, elle possède des réserves naturelles de charbon, des
gisements de minerai, de nombreux centres commerciaux florissants -la ville textile de
Gand, par exemple) et une position géographique stratégique entre la France et
l’Allemagne. L’interdiction d’importer des produits britanniques en Europe lors des guerres napoléoniennes fait fleurir l’industrie du coton à Gand. En
1823, le premier haut fourneau est construit dans le bassin houiller liégeois. Il utilise du coke pour la fusion ainsi que du minerai de fer d’origine
locale. Grâce à cette innovation, les industries du charbon, du fer, de l’acier et l’industrie chimique vont connaître un développement rapide dans le
bassin de Sambre-Meuse. L’indépendance de la Belgique en 1831 engendre une accélération de son économie ; entre 1830 et 1850, la production de
charbon passe de 2 à 6 millions de tonnes et le nombre de machines à vapeur utilisées dans l’industrie passe de 354 à environ 2300.
En France, les innovations technologiques ont d’abord touché les grandes villes comme Paris et Lyon, les mines de charbon du nord du pays
et du Massif central ainsi que les industries textiles du Nord-Ouest. L’industrie du lin fleurit ; l’importance de l’industrie de la soie a quadruplé dans
la première moitié du XIXe Siècle. Après les années 1820, le coton est travaillé en usine. La production de charbon français augmente, mais le pays
a néanmoins recours à l’importation pour pouvoir satisfaire la demande de son industrie en plein essor. Le développement de l’économie française
s’accélère pendant le Second Empire (1852-1870), le volume des importations et des exportations se multipliant par 400.
D’importants changements bouleversent les techniques financières. Les frères Pereire dominent la scène avec le Crédit immobilier, dont
les fonds financent pour beaucoup l’essor du chemin de fer. D’autres institutions bancaires, comme le Crédit foncier et le Crédit Lyonnais,
contribuent également à l’expansion de la grande industrie. Entre 1850 et 1870, la production française de charbon et d’acier triple, celle de
l’énergie quintuple et les usines emploient deux fois plus d’ouvriers. Les crises financières de 1857 et 1863, ralentissent l’économie à partir de
1865. Néanmoins, le milieu du XIXe Siècle est une période de prospérité croissante pour la plupart des couches de la société française.
En Allemagne, la division politique jusqu’en 1870 freine considérablement l’industrialisation, bien que l’union douanière entre les Etats
allemands (Zollverein) contribue à réduire ce handicap. Avant 1850, le développement industriel ne touche qu’un petit nombre de ville et de régions :
Hambourg et Brême abritent des industries portuaires ; en Bohême, province de l’Empire autrichien des Habsbourg, la production de fer se
développe ; en Saxe, naissent de petites usines textiles pour le travail du coton. On trouve des mines de charbon en Silésie et dans les territoires
prussiens du bassin rhénan ; la Ruhr devient fameuse pour ses réserves de charbon de très bonne qualité ; les industries se développent d’abord le
long du Rhin, puis rapidement dans le nord du pays. La vallée de la Wupper est l’un des premiers centres industriels allemands. Au début du siècle,
elle était déjà renommée pour ses exportations de tissus et pour ses industries du coton, du charbon et du fer (avec l’importante transition de la
fonte au charbon de bois à la fonte au coke) . La croissance régulière des industries de la vallée de la Wupper est stimulée par des facteurs
essentiels tels que les facilités de transport, la main-d’ uvre, les capitaux et le dynamisme des entrepreneurs. Ces facteurs ont joué un rôle
similaire dans le reste de l’Allemagne, notamment dans la Ruhr, région d’implantation de ka société Krupp (Essen, 1810)
3) Transports et communication
L’industrie et l’agriculture n’auraient pu se développer à ce rythme si les transports sur terre et sur mer n’avaient connu une révolution
parallèle. En Grande-Bretagne, sous la reine Victoria et grâce à l’apparition des routes
longtemps encore à péage, des canaux, puis des chemins de fer et des bateaux à vapeur, le
transport des matières premières (notamment le charbon), des produits manufacturés et des
personnes devient onéreux. Au milieu du XIXe Siècle, la Grande-Bretagne totalise 8000 km de
voies ferrées même si son développement dépend du bon-vouloir d’une pléthore de sociétés
privées souvent concurrentes. De nouvelles zones industrielles naissent le long des voies ferrées
et des canaux qui permettent de transporter les produits vers les marchés éloignés ; les ports
s’agrandissent pour faire face à l’intensification du commerce. En 1851, année de la première
exposition universelle à Londres, la moitié des voies ferrées mondiales sont anglaises comme la
moitié des long-courriers parcourant les mers du monde.
En Belgique, un ambitieux réseau de voies ferrées est construit. Il est centralisé
atout de Bruxelles et dessert les principaux axes menant en France, en Allemagne, en Hollande,
et vers les ports desservant la Grande-Bretagne. L’Etat ayant mis en place la structure
première du réseau, les sociétés privées sont encouragées à construire de nouvelles lignes. En
1870, le réseau revient sous le contrôle de l’Etat belge. Bénéficiant de la proximité du bassin
charbonnier de Sambre-Meuse, le port d’Anvers prospère et la ville se transforme en un
important centre de commerce international. Un réseau très dense de voies navigables vient
renforcer les voies ferrées pour le transport des pondéreux.
En France, les premières voies ferrées sont construites vers 1830 en partie par
l’Etat, en partie par des sociétés privées. Le dessin du réseau, centralisé autour de Paris pour
des considérations politiques ou administratives, est plus cohérent que celui de la GrandeBretagne. Néanmoins, en 185., la France ne compte que 3200 km de voies ferrées. Mais le
réseau est suffisamment important pour jouer un rôle dans le rapprochement des régions. Sous
le Second Empire, l’Etat nationalise, puis agrandit le réseau de canaux. Le télégraphe électrique
est installé, relie les villes les plus importantes du pays, et le réseau ferroviaire atteint 19 200
km en 1870. Dans les Alpes, le percement du tunnel du Mont-Cenis relie la France et l’Italie.
Un certain nombre d’Etats allemands construisent et contrôlent le réseau ferroviaire. En 1850, le réseau allemand équivaut à deux fois
celui de la France. Au départ, il renforce la division entre les différents Etats, mais à long terme, alors que la construction d’une Allemagne unie se
précise, il sert au contraire de catalyseur dans l’unification du pays. Le développement du Zollverein permet la densification du réseau ferroviaire.
Grâce à ce réseau, l’Allemagne prend une position stratégique en Europe centrale et devient un carrefour des axes commerciaux européens. Le
chemin de fer contribue également à l’unification de l’Empire germanique et à l’édification de l’Etat-nation.
L’Etat espagnol finance la construction d’un réseau ferroviaire, centralisé autour de Madrid, mais adopte un écartement des rails
différent de celui de la France et du reste de l’Europe, ce qui gêne les communications avec l’extérieur.
A la fin du siècle, le télégraphe relie déjà les pays d’Europe et, en 1866, le premier câble transatlantique entre en fonction. En 1888, le
premier Orient-Express relie Paris à Constantinople et le Transsibérien est achevé en 1904. Grâce à l’industrialistion, les relations maritimes entre
les différents pays européens s’améliorent : le creusement du Nieuwe Waterweg à Rotterdam et du Noordzee Kanaal à Amsterdam transforme les
Pays-Bas en un point de transit majeur vers l’arrière-pays allemand, aux dépens d’Anvers qui avait bénéficié de la suppression des taxes sur l’Escaut.
Le creusement, par les Allemands, du canal de Kiel permet de relier la Baltique à la mer du Nord. En Grande-Bretagne, grâce au creusement du canal
de Manchester, les long-courriers peuvent pénétrer plus profondément au c ur du Nord industriel.
4) Un âge de progrès
En 1870, la Belgique, l’Allemagne, la France et la Suisse ont rejoint la Grande-Bretagne comme puissances industrielles. En Italie,
l’industrialisation se limite au nord du pays (le Piémont et la région de Gênes), grâce aux gisements de matières premières et aux bonnes terres
cultivables. En Scandinavie, la Suède développe des industries métallurgiques et d’équipement et la Norvège bénéficie, dans l’industrie textile, du
transfert technologique britannique. Le Portugal et l’Espagne restent des pays principalement agricoles. En Espagne toutefois, le développement du
chemin de fer et la nouvelle industrie sidérurgique créent une demande en charbon qui se traduit par l’exploitation minière dans les Asturies. Dans
l’Empire des Habsbourg, la modernisation de l’économie ne commence qu’à la fin du XIXe Siècle principalement en Bohême.
Pendant les dernières années du XIXe Siècle, l’équilibre des puissances industrielles, dont les rivalités sont exacerbées par la mise en
place de barrières douanières, bascule. L’ère de la suprématie économique britannique s’achève. Certes, la Grande-Bretagne conserve sa politique de
libre-échange et continue à devancer les autres nations industrielles. Mais, en 1900, l’Allemagne domine l’Europe en électrotechnique et le monde
dans l’industrie chimique. Les Etats-Unis, qui bénéficient des transferts de technologie européens deviennent un concurrent sérieux.
A la fin du XIXe Siècle, l’Europe et les nations européennes se sont partagé la quasi-totalité du monde, en élargissant ou en établissant de
vastes empires coloniaux. Les nations industrialisées profitent des expositions universelles pour faire étalage de leur puissance économique et de
l’étendue de leur grandeur coloniale. Néanmoins, malgré certains bénéfices comme l’amélioration des soins médicaux, l’expansion coloniale
européenne a des conséquences tragiques pour les peuples d’Afrique, d’Asie et d’Australie qui sont souvent aussi impitoyablement exploités que les
ressources de leurs continents.
Accompagnant l’industrialisation européenne, les progrès scientifiques et technologiques sont considérables. Des savants comme Volta,
Ampère, Ohm, Davy, Henry et Faraday développent les recherches sur l’électricité. Leurs découvertes commencent à être appliquées dès les années
1830. En 1866, Ernst von Siemens invente la dynamo. Mais l’usage de l’électricité pour l’éclairage reste peu répandu et les usines ne fonctionnent
encore que très rarement à l’électricité. Pendant les années 1890, l’Italien Guglielmo Marconi met au point la télégraphie sans fil. En France, les
frères Lumière inventent le cinématographe : le premier cinéma du monde ouvre ses portes à Paris en 1896.
Des progrès sont également réalisés dans la technique du moteur à combustion interne. En 1860, le Français Etienne Lenoir réussit à
faire avancer un véhicule grâce à un moteur de combustion interne. En 1873, l’Autrichien Siegfried Markus présente une automobile lors de
l’exposition de Vienne, mais ce sont deux Allemands, Gottlieb Daimler et Karl Benz, les « pères de l’automobile », qui fabriquent et perfectionnent
les véhicules. Après 1880, de nombreux inventeurs, dont les François René Panhard et Emile Levassor, travaillent sur le moteur à combustion
interne.
Mais déjà, des savants s’inquiètent des conséquences de l’industrialisation sur l’environnement. En 1827, le mathématicien français
Joseph Fourier, montre que les émissions de dioxyde de carbone menacent de réchauffer l’atmosphère. Plus tard, le savant suédois Svante
Arrhenius parle d’ « effet de serre ». Au début de XXe Siècle, les scientifiques annoncent l’aube de l’ère du nucléaire avec tous les avantages et les
dangers qui s’y rattachent.
Les conditions de vie s’améliorant, notamment pour les classes moyennes, les loisirs organisés prennent de l’importance et deviennent
l’objet de commerce. Grâce au réseau ferroviaire, stations balnéaires, thermales et champs de courses deviennent plus accessibles. Visiter l’Europe
devient à la mode. Thomas Cook, l’un des premiers agents du tourisme, organise son premier voyage en Suisse en 1863. Plus tard, il invente les
Travellers’ cheques.
L’alpinisme se développe, et des sommets alpins comme le Wetterhorn (1854) et le Matterhorn (1865) sont vaincus. Après 1890, le ski,
inventé en Suède cinq mille auparavant, s’élève au rang de véritable sport. La natation fait de plus en plus d’adeptes : en 1875, Vaptain Webb
traverse la Manche à la nage. La bicyclette, bénéficiant des progrès technologiques et d’une production de masse, prend son essor. Le premier Tour
de France a lieu en 1903. En 1894, les courses automobiles font leurs débuts avec le premier essai chronométré entre Paris et Rouen, puis en 1895
Paris-Bordeaux.
Les activités sportives se structurent. Les règles du football sont normalisées et la Fédération internationale de football est fondée en
1904. En rugby, un championnat international comprenant la France et l’Angleterre est institué en 1894. Le tennis gagne en popularité. Le « Tennis
Club » de Wimbledon devient le centre des matchs internationaux en 1877. En 1876, la première patinoire artificielle ouvre à Londres et les
premiers championnats de patinage artistique ont lieu en 1896. Au début du XXe Siècle, des fédérations d’athlétisme existent déjà en GrandeBretagne, en Belgique, en Suède, en Grèce, en Italie et en Allemagne.
Le baron Pierre de Coubertin fait revivre les jeux Olympiques antiques qui sont inaugurés à Athènes en 1896. Coubertin espère que le
sport va aider à atténuer les rivalités entre les différentes nations. Mais, bien vite, les jeux Olympiques servent le prestige des politiques
nationales.
5) Les conséquences de l’industrialisation
L’industrialisation a bouleversé l’histoire de l’homme aussi profondément que l’apparition de l’agriculture au Néolithique, huit millénaires
auparavant. Jamais l’Europe n’avait subi de mutations aussi soudaines et marquantes.
Entre 1880 et 1914, l’Europe est balayée par un vent de modernisme teinté d’optimisme. Les Européens croient au progrès et ne craignent
pas l’avenir. La civilisation européenne de cette époque dépasse les précédentes par son esprit d’entreprise, son adaptabilité et sa confiance en soi.
Grâce à ces atouts, sa technologie fait bientôt le tour du monde. En effet, l’industrialisation crée des conditions optimales pour une ouverture sur le
monde. Les nations européennes peuvent étendre leur suprématie grâce à leur influence commerciale, culturelle et diplomatique. Lors des vingt-cinq
dernières années du XIXe Siècle, de nouveaux territoires sont incorporés aux empires déjà formés, soit parce qu’ils sont conquis, soit parce qu’ils
sont découverts par les Européens, en Afrique principalement.
V- STRUCTURES POLITIQUES ET REFORMES SOCIALES
1) Les structures politiques
A la fin du XIXe Siècle, les nationalismes aidant, la plupart des Européens sont soumis à l’autorité, non plus des monarques absolus, mais
de souverains constitutionnels ou de présidents républicains. En France, pendant la IIIe République, le Cabinet des ministres est responsable
devant le Sénat et la Chambre des députés, élue pour quatre ans au suffrage universel masculin. Les membres de la Chambre et du Sénat élisent un
président pour un mandant de sept ans. Dans le royaume d’Italie, seul le Piémont a une tradition parlementaire, et peu d’Italiens bénéficient du
droit de vote. La Grande-Bretagne est un monarchie constitutionnelle et possède un système parlementaire. Dans l’empire allemand, le chancelier et
les ministres sont nommés et destitués par le Kaiser (c’est-à-dire l’Empereur) ; ils relèvent de lui et non des institutions parlementaires (le
Reichstag et le Bundersrat).
Malgré la domination des partis politiques de droite (conservateurs) et du centre (libéraux à tendance de droite ou de gauche), de
nouveaux partis font leur apparition à la fin du siècle. En Allemagne apparaît un parti catholique qui devient ultérieurement le parti prédominant
dans la coalition avec les conservateurs. Au Royaume-Uni, le problème de l’Irlande constitue la pierre angulaire des politiciens ; un mouvement
indépendantiste irlandais émerge, demandant l’adoption du « Home Rule » (c’est-à-dire l’autonomie irlandaise), l’abolition de l’Acte d’Union et
l’institution d’un parlement irlandais.
Karl Marx, réfugié à Londres, analyse les mécanismes économiques du capitalisme anglais et fonde ainsi un socialisme qui se veit
scientifique et dont l’influence sera considérable. Il rédige le Manifeste du parti
communiste avec l’aide de Friedrich Engels (1848) et publie Le Capital (1867).
L’Association internationale des travailleurs (la Ire Internationale, 1864-1872)
repose en partie sur l’ uvre de Marx.
Parallèlement, des partis socialistes se forment en Europe. En Allemagne,
le parti ouvrier fondé en 1869 par August Bebel donne naissance, en 1875, au parti
social-démocrate. A partir des années 1880, des partis sociaux-démocrates, fondés
sur le modèle allemand, se créent en Belgique, en Autriche, en Hongrie, en Pologne,
en Hollande et en Russie. En Grande-Bretagne, le parti travailliste indépendant est
créé en 1893. En 1900, ce parti s’associe aux syndicats. La social-démocratie prend
également de l’importance en Scandinavie où son développement est étroitement lié
aux mouvements syndicalistes. En Italie, en dépit de la résistance qui leur est
opposée, les socialistes obtiennent une augmentation du nombre de leurs sièges au
parlement. En France, le socialisme a du mal à se remettre de l’écrasement de la
Commune de Paris en 1871. Les socialismes utopiques ne lui survivent pas. Mais le
socialisme reste divisé en multiples courants que Jean Jaurès cherche à
rassembler. Socialiste humaniste dans la tradition de la Révolution française, il
défend la paix internationale.
C’est aussi à la sauver que s’attachent les derniers congrès de la IIe
Internationale fondée à Paris en 1889 par les partis socialistes non
révolutionnaires
parmi
lesquels les partis sociauxdémocrates allemand et russe sont les plus influents. Lors des Congrès socialistes
internationaux, les problèmes d’ensemble de la société industrialisée sont débattus. Le 1er
mai est institué Journée internationale du travail. La coopération européenne a également
renforcé le mouvement des ouvriers : le Bureau international du travail, dont le siège est à
Bruxelles, est créé en 1900.
Malgré une forte opposition de la part des employeurs, les syndicats sont peu à
peu reconnus comme les vrais représentants des ouvriers. Entre 1870 et 1900 (1906 en
Russie), un statut légal leur est accordé. Les premiers groupes à s’organiser sont les ouvriers
qualifiés. D’importantes grèves, comme celles des dockers à Londres et des mineurs de la
Ruhr en 1889, renforcent l’action syndicale. En Grande-Bretagne et en Allemagne, les
syndicats militent politiquement pour l’édification d’une société socialiste. Dans certains
pays, comme en Italie et en Allemagne, des ouvriers catholiques, désirant se démarquer des
socialistes, forment des syndicats apolitiques. Mais partout, en Grande-Bretagne, en France,
en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède, les syndicats et les partis ouvriers ont acquis un
poids dans la vie politique et les gouvernements doivent accéder à leurs demandes pour une
amélioration des conditions de travail.
2) Les réformes sociales
Dans les dernières années du XIXe Siècle, des réformes veulent éliminer les
effets néfastes de l’industrialisation, notamment l’exploitation des enfants dans les usines
et les ateliers. Tous les pays d’Europe, à
l’exception de la Russie et pays balkaniques, votent des lois régissant la durée de la journée de
travail, les conditions de travail et les règles de sécurité pour la protection des ouvriers.
Néanmoins, le travail des enfants ne disparaît totalement. Beaucoup d’ouvriers travaillent
encore dans des conditions insalubres et souvent dangereuses et la journée de travail excède
souvent dix heures. Les gouvernements et les réformateurs se sentent également concernés par
le problème de la santé publique et du logement.
Ainsi, dans les années 1860, le baron Haussmann réalise un ambitieux projet
d’assainissement à Paris, mettant entre autre au point un réseau d’égouts et d’adduction d’eau :
des quartiers entiers sont démolis et donnent une nouvelle splendeur à la ville. Ce modèle sera
imité ailleurs, à Bruxelles par exemple. En Grande-Bretagne, en France et en Allemagne, les
réformateurs se battent pour la nationalisation des propriétés terriennes, pour une inspection
des logements par l’Etat, pour l’élaboration de règlements d’urbanisme, etc. En France, un
nombre croissant de logements sont assurés par les municipalités ou des sociétés coopératives.
En Allemagne, dans certaines villes, dont Hambourg, l’aménagement des quartiers insalubres est
pratiqué à grande échelle ; de nombreux logements sont construits par des sociétés
coopératives ou fournis par les entreprises. En Grande-Bretagne, des industriels philanthropes
construisent des « villes modèles » pour leurs ouvriers. En 1887, dans l’East End de Londres, les
Rothschild Buildings sont peuplés en majorité d’émigrants juifs ayant échappé aux persécutions
perpétrées en Europe de l’Est. Les habitations du nord-ouest de l’Europe diffèrent beaucoup du
reste de l’Europe. La Grande-Bretagne, la Belgique et la Hollande préfèrent des petites maisons
familiales ; les pays du Sud, les immeubles collectifs. Même si les réformes appliquées ont
parfois du succès, tous les problèmes n’en sont pas pour autant résolus. De nombreuses familles
sont logées dans des habitations inconfortables, et souvent leurs maigres revenus ne suffisent
pas à l’achat de nourriture et de vêtements.
Dans la plupart des pays européens, l’Etat commence à prendre en charge la lutte contre la pauvreté. L’Allemagne est la première à
adopter des lois sociales après 1880 où elle rend les assurances vieillesse et maladie obligatoires et instaure la pension vieillesse. En GrandeBretagne, un régime de retraite est instauré en 1909 et l’assurance santé et chômage devient obligatoire en 1911. Dans la majorité des pays
d’Europe occidentale, un nombre croissant d’Européens estime qu’il incombe aux gouvernements de s’occuper du bien-être social des citoyens, mais
les retraites et les assurances maladie mises au point n’offrent qu’une protection réduite.
3) L’évolution du statut de la femme
Comme aux siècles précédents, les hommes dominent la société européenne. La fonction de la femme reste le mariage, la maternité et
l’éducation des enfants. Ses droits sont limités. La religion et les coutumes ne l’encouragent pas à poursuivre une carrière professionnelle ou à
demander l’égalité avec les hommes. Mais, à la fin du XIXe Siècle, les femmes voient leur espérance de vie s’allonger, et, le nombre d’années passées
en couches ou à élever leurs enfants diminue. Sur le plan légal, le statut de la femme s’améliore. En Grande-Bretagne, les femmes mariées ont
désormais des droits sur leur propriété.
Les nouveaux métiers de bureau (secrétaire, téléphoniste), le développement des grands magasins (vendeuses) offrent de nouvelles
possibilités d’emplois. De plus en plus de femmes acquièrent les qualifications nécessaires aux différents métiers : en Hollande, la première femme
médecin commence à exercer en 1870 ; en France, la première avocate, en 1903. Parmi les plus célèbres professionnelles, citons l’éducatrice Maria
Montessori, la physicienne Marie Curie et l’infirmière Florence Nightingale.
Dans l’éducation les perspectives d’emploi pour les femmes augmentent.
En Grande-Bretagne, grâce au Girl’s Public Day School Trust (fondé en 1871), les
filles d’un plus grand nombre de familles aisées peuvent bénéficier d’une meilleure
instruction. En France, le premier lycée de jeunes filles ouvre ses portes en 1884 à
Montpellier. En Allemagne, les filles fréquentent les établissements d’Etat à partir
de 1894. En 1867, l’université de Zurich admet des femmes parmi ses étudiants.
Son exemple est bientôt suivi à Paris, en Suède et en Finlande.
Dans de nombreux pays européens naissent des mouvements féministes
qui réclament l’obtention du droit de vote pour les femmes. La Finlande le leur
accorde en 1906, la Norvège en 1913. En Grande-Bretagne, les suffragettes
fondent l’Union sociale et politique des femmes. Les socialistes français pensent
que l’émancipation de la classe ouvrière passe avant celle de la femme, les autres
partis l’excluent totalement.
AU XIXe SIECLE
VI- LES MOUVEMENTS CULTURELS
A partir de la fin du XVIIIe Siècle, les bouleversement économiques et sociaux s’accompagnent d’une effervescence d’idées nouvelles et
de changements dans les arts expressifs et visuels, ainsi que dans le monde du spectacle. Ce courant d’idées a été largement nourri par les nouvelles
perceptions des philosophes tels que Hegel, Marx..., alors que des progrès ont été faits en sociologie grâce aux travaux de Comte et de Durkheim. A
la même époque, la théorie de la sélection naturelle développée par Darwin remet en cause l’interprétation littérale de l’Ancien Testament. Un peu
plus tard, la théorie de l’évolution de Spencer s’élargit à la totalité de la connaissance humaine. Des développements dans les domaines de
l’anthropologie et l’archéologie contribuent à transformer radicalement l’étude de l’Histoire. Ainsi, dans leurs travaux, Buckle et von Ranke tentent
d’aborder le sujet d’une manière plus objective.
1) Romantisme et réalisme
Le tournant du XIXe Siècle est marqué par les mouvements opposés, voire conflictuels, que sont le néo-classicisme et le romantisme. Les
romantiques placent l’imagination individuelle et les émotions au-delà de la société. Parmi les premières manifestations du mouvement romantique on
peut citer les oeuvres des allemands Goethe et Schiller, ainsi que la poésie lyrique des anglais Wordsworth et Keats. Dans le domaine musical, la
transition du classicisme au romantisme transparaît notamment dans les oeuvres de Beethoven, qui dans sa Neuvième symphonie, met en musique
l’Hymne à la Joie de Schiller, aujourd’hui « hymne européen ».
Les mouvements politiques visant à obtenir l’indépendance nationale inspirent nombre de poètes et de peintres romantiques. Le
compositeur italien Verdi devient, grâce à ses opéras, un héros du Risorgimento. Ce courant influence également, sous bien des aspects, le roman,
forme littéraire dominante au XIXe Siècle, comme en témoignent le roman gothique de Mary Shelley, Frankenstein, ainsi que les oeuvres de Walter
Scott, Alessandro Manzoni, Alfred de Vigny, Victor Hugo et George Sand. Mais le romantisme transparaît également dans la littérature historique,
notamment chez Michelet et Thomas Carlyle.
Alors que certains artistes évoluent avec cette aisance dans la nouvelle ère industrielle, d’autres rêvent d’un retour à une âge préindustriel idéalisé. En Angleterre, par exemple, les peintres et poètes de la confrérie des pré-raphaélites imitent les peintres italiens antérieures à
Raphaël. Dans le domaine de l’architecture, le XIXe Siècle adopte le style néo-gothique et surtout la construction associe désormais la fonte à la
pierre et au verre. De grands bâtiments préfabriqués dans les usines anglaises, françaises ou allemandes sont exportés à travers le monde,
notamment en Inde, en Indochine, au Brésil...
Vers la fin des années 1830, le conflit entre néo-classicisme et romantisme commence à céder la place à l’interrogation sur la valeur
sociale de l’art. On veut représenter le monde « tel qu’il est ». Ces préoccupations se reflètent dans les romans « réformateurs » de Charles
Dickens et Benjamin Disraeli, dans les panoramas sociaux de Balzac et dans le réalisme objectif de Flaubert. En France, les peintres de l’école de
Barbizon représentent des scènes de la vie contemporaine. L’expression du réalisme en littérature et dans les arts coïncide avec l’avènement de la
photographie moderne qui se développe grâce aux travaux de Nieppe, Fox Talbot et Daguerre.
Puis à son tour, le théâtre européen connaît l’émergence d’un nouveau réalisme social et psychologique qui marque les oeuvres de Isben,
Bjornson, Strindberg et Tchekhov. Le roman de cette époque est aussi marqué par le réalisme psychologique de Dostoïevski, ainsi que par le
réalisme symbolique et le naturalisme de Zola.
2) Impressionnisme, post-impressionnisme, futurisme et Art nouveau
Peinture réaliste de paysages, apparition de la photographie et introduction des estampes japonaise en Europe sont autant de facteurs
qui ont contribué à préparer l’avènement de l’impressionnisme, mouvement cherchant à exprimer l’impression instantanée suscitée par des scènes
momentanées, des surfaces visuelles et des espaces, dissous dans la lumière et les couleurs.
Durant les années 1880, certains artistes dont Cézanne, Van Gogh et Gauguin, dans un mouvement de réaction contre l’impressionnisme,
tentent un retour à des formes, des compositions et des sujets plus permanents. Plus tard, les cubistes mettent en valeur forme et espace en ayant
recours à des arrangements sculpturaux fragmentés de plans transparents se recouvrant partiellement. Quant aux futuristes, ils prônent l’absence
de tradition dans l’art, la poésie et le roman, et glorifient l’âge de la machine et son dynamisme. Mouvement à part, l’Art nouveau est caractérisé
notamment par l’usage de formes exotiques, fait des adeptes dans tous les domaines artistiques et rallie aussi bien des illustrateurs de livres, que
des architectes, des sculpteurs et des architectes d’intérieur.
A Mouvaux le samedi 14 août 2004,
Benjamin HUS
SOURCES : Histoire de l’Europe par 14 historiens, Hachette Editions
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