Eléments d`intervention - La recherche clinique en Europe

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SPEECH/03/612
M. Philippe Busquin
Commissaire européen à la Recherche
Eléments d’intervention - La recherche
clinique en Europe
l'Institut National pour la Santé et la Recherche Médicale
Séminaire de l’INSERM
Paris, le 15 décembre 2003
Mesdames et Messieurs,
C’est avec plaisir que j’ai accepté l’invitation de Christian Bréchot pour adresser ce
séminaire.
Parce que la recherche médicale, et la recherche clinique en particulier, est un sujet
de dimension européenne.
Et parce que l’INSERM, ainsi que d’autres organisations représentées ici, peuvent
être une force motrice importante pour aider à réaliser l’espace européen de la
recherche qui devrait être un espace d’excellence pour la recherche médicale.
La politique européenne de la recherche
La diversité de l’Europe, si elle est bien comprise, est un facteur de richesse à
plusieurs égards. Si elle est mal comprise, la diversité peut être un obstacle au
progrès scientifique et économique.
Cette assertion est à la base des objectifs de la politique européenne de la
recherche de réaliser un espace européen de la recherche.
Il s’agit d’un espace où on investit plus dans la recherche et où l’on investit de façon
plus coordonnée.
Réaliser cet espace et assumer le leadership mondial dans la recherche n’est pas
un luxe.
C’est une nécessité si l’Europe veut devenir d’ici 2010 cette région la plus
dynamique et compétitive basée sur la connaissance, garante d’une prospérité
durable.
La dimension européenne de la recherche médicale
Il n’y a probablement pas de domaine où la diversité peut être source de richesse
ou obstacle au progrès que celui de la recherche médicale.
La diversité de l’Europe, de par ses différentes populations et leurs modes de vie et
d’alimentation diversifiés selon des régions bien définis, constitue un atout
inégalable dans le monde pour faire avancer la science médicale.
Ajoutez à cela la qualité reconnue de son système de santé publique, et vous avez
un endroit par excellence pour étudier la santé humaine et pour développer de
nouvelles interventions médicales.
La recherche biomédicale est d’ailleurs depuis longtemps l’un des secteurs de force
de la recherche européenne.
Un effort accru est nécessaire pour que la meilleure recherche de ce type continue
à être effectuée en Europe.
Si en 1990, 73% des dépenses des grandes entreprises pharmaceutiques
européennes étaient effectuées en Europe, dix ans plus tard, la proportion était en
effet tombée à moins de 60%.
Dans le cadre de l’espace européen de la recherche et afin de garder la recherche
médicale de pointe en Europe, de plus en plus de recherches cliniques devraient
être conduites de manière coordonnée à l’échelle européenne, sous la forme
d’études pan-européennes :
Pour pouvoir mobiliser une véritable masse critique de ressources ;
Pour pouvoir véritablement bénéficier de la diversité européenne ;
De manière à diffuser dans l’Europe entière les connaissances acquises.
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Le rôle des pouvoirs publics
L’industrie pharmaceutique joue un rôle important et indispensable dans le
financement et l’organisation de la recherche médicale et des essais cliniques.
Mais l’intérêt des entreprises pharmaceutiques sera toujours, par définition, sélectif,
et circonscrit aux aspects pour lesquels elles peuvent attendre un retour
commercial.
Les pouvoirs publics auront donc toujours une grande responsabilité dans
l’organisation et le financement de la recherche médicale.
J’aimerais soulever ici trois types de responsabilité de la part des pouvoirs publics :
la formation et la mobilité des chercheurs, le financement et la réglementation.
Formation et mobilité des chercheurs
La capacité de l’Europe de mobiliser des jeunes pour une carrière scientifique,
d’attirer les meilleurs chercheurs du monde et de leur donner un environnement
favorable à la recherche devient un enjeu de plus en plus stratégique pour l’avenir
de l’Europe.
Des études récentes tendent à montrer que la fuite de nos cerveaux vers les Etats
Unis continue, si elle n’augmente pas.
Nous devons donc renforcer nos efforts pour promouvoir la carrière du chercheur en
Europe.
Je sais que c’est un sujet cher à Christian Bréchot.
Plusieurs actions sont en cours. Pour n’en citer que quelques-unes :
Nous avons pratiquement doublé ainsi qu’élargi dans les budgets européens
actuels les bourses de mobilité pour chercheurs individuels.
Nous avons développé une charte européenne du chercheur.
Nous travaillons avec les Etats Membres pour enlever les obstacles à la mobilité
des chercheurs.
Nous sommes sur le point de proposer au Parlement et au Conseil un visa
scientifique européen pour des chercheurs venant de pays non européens.
Nous avons mis en place un portail européen du chercheur.
Le financement et le cofinancement de recherche et essais cliniques
En dehors du développement de médicaments pour lesquels existe un marché
commercial important et une demande solvable, qui est typiquement pris en charge
par le secteur privé, bien d’autres aspects de recherches cliniques dépendent d’un
financement public, le cas échéant en partenariat avec l’industrie.
C’est le cas plus particulièrement pour :
Les essais de thérapies et de vaccins contre les maladies rares et orphelines, qui
ne bénéficient pas d’un intérêt suffisant de l’industrie ;
Les essais de protocoles de traitement, notamment ceux qui combinent plusieurs
approches ;
Les essais en matière de prévention et de screening, de moyens de diagnostic et de
conditions d’administration des soins.
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Les pouvoirs publics concernés sont tout d’abord les autorités nationales, qui
s’organisent différemment dans chaque pays.
Pour les raisons indiquées, elles devraient cependant opérer de manière plus
coordonnée qu’elles ne le font aujourd’hui.
Si la coopération européenne, voire au plan mondial, entre chercheurs est devenue
une évidence, je suis toujours surpris par le manque de coopération et de
coordination entre ceux qui financent la recherche.
Les programmes européens de recherche sont conçus pour stimuler cette
coopération à travers les frontières et pour avoir un impact plus structurant sur le
paysage européen de la recherche.
La recherche médicale, y compris des aspects de recherche clinique, a toujours été
une priorité dans les programmes cadre européens.
A titre d’exemple, je pourrais citer deux projets réussis, qui ont été financés par le
5ième Programme Cadre et qui ont vu une participation française importante :
Un essai clinique, avec la participation de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris
(APHP), de l’efficacité et la sécurité du riluzole dans les syndromes de Parkinson
plus qui a donné lieu à deux publications scientifiques.
Le projet ESCAPE – TRIAL, avec la participation de l’INSERM (équipe de Corinne
Antignac), sur les mécanismes moléculaires de la maladie rénale chronique chez
des enfants, comprenant des essais de pharmacothérapies.
Le sixième Programme Cadre de Recherche est doté d’un budget total de plus de €
2 milliards dans le domaine des sciences et technologies du vivant, génomique et
biotechnologie pour la santé.
Certains aspects des essais cliniques, plus particulièrement (mais pas uniquement)
dans le domaine de la recherche sur le cancer, font l’objet d’actions dans ce cadre.
Le fil conducteur de la recherche post-génomique pour la santé humaine dans le
sixième programme cadre est celui de la recherche translationnelle, afin de
transformer plus vite les résultats de la recherche de base au profit des patients.
Une initiative de grande ampleur associant tous les Etats Membres et des pays du
Tiers Monde a été lancée sur le thème des essais cliniques de médicaments et de
vaccins contre les maladies liées à la pauvreté (malaria, sida, tuberculose).
Le Directeur exécutif du nouveau groupement européen créé à cette fin, M. Piero
Olliaro, vous présentera cette initiative plus en détail ce matin.
En stimulant les équipes de recherche et les entreprises concernées à travailler
ensemble, de telles initiatives aident à atténuer les effets du cloisonnement des
organisations de recherche et des systèmes de santé dont souffre l’Europe.
Réglementation des essais cliniques
Un troisième rôle évident pour les pouvoirs public est la définition des règles selon
lesquelles la recherche clinique peut être effectuée.
Il s’agit là d’une recherche constante et pas toujours facile d’un équilibre entre d’une
part le plus haut niveau de protection possible pour le patient et d’autre part faciliter
l’environnement pour la recherche afin que ce même patient puisse bénéficier le
plus vite possible des avancées scientifiques.
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Cette réglementation s’est traditionnellement faite au plan national.
Etant donné la nécessité croissante et le bénéfice évident de conduire la recherche
clinique à une échelle européenne, une directive européenne a été élaborée,
discuté et finalement adoptée par le Conseil en 2001.
Les principes de base de cette directive sont reconnus et soutenus par tout le
monde : harmoniser les dispositions très variées selon les pays et donner un haut
degré de protection aux patients qui participent dans des essais cliniques.
Le collègue de la DG Entreprise qui est en charge de cette directive pourra nous
exposer cette directive plus en détail.
En tant que Commissaire à la Recherche, je suis sensibilisé depuis un certain
temps aux effets potentiellement néfastes qu’une mise en œuvre non coordonnée
de la directive pourra créer pour la recherche clinique académique.
La recherche d’une harmonisation des règles et d’une protection du patient à une
échelle européenne ainsi qu’un champ de couverture très large de la directive
semble mener à une situation où les demandes administratives et éléments de
contrôle ont fortement accru.
C’est une situation qui peut être gérable pour une grande firme pharmaceutique qui
opère à une échelle européenne et dispose des ressources requises pour mener à
bien une telle entreprise.
La situation est probablement différente pour les acteurs de la recherche
académique, qui sont ceux le plus souvent financés par des moyens publics et des
agences ou institutions de recherche appartenant au secteur public.
On me dit que la difficulté de la mise en œuvre de la directive tient surtout à la
largeur de son champ d’application et ses demandes d’enregistrement et de
correspondance avec des autorités compétentes et comités éthiques qui résulte
dans une charge de travail bureaucratique assez importante pour les chercheurs et
les équipes de recherche qui n’y ont pas les ressources et l’encadrement requis.
Un deuxième problème pour la recherche académique tient au principe de la
responsabilité de celui qui finance l’essai clinique. C’est un principe très sain pour
une entreprise pharmaceutique qui finance et contrôle un essai à 100% et qui se
charge de l’assurance.
La situation est évidemment différente pour des essais qui sont financés par
plusieurs organes publics ou qui sont seulement cofinancés par des instances
publiques. C’est d’ailleurs une question à laquelle la DG Recherche est confrontée
aussi puisqu’elle finance typiquement des projets de recherche à 50% du coût total.
Dans ce contexte, je pourrais voir un intérêt pour un nombre d’institutions et
d’agences de recherche à se réunir dans un forum ou une plate-forme européenne
pour examiner comment au mieux financer et mener des essais transnationaux et
multi-centriques du type plus académique.
A mon avis, le but d’une telle plate-forme pourrait être d’explorer si un cadre peut
être créé pour faciliter la recherche clinique académique à une échelle européenne,
tout en respectant les objectifs de la directive européenne que nous partageons
tous.
En d’autres termes, est-ce qu’il serait possible de créer un cadre européen qui
permettrait aux chercheurs y appartenant de mener leur recherche clinique dans les
conditions les plus favorables à la fois pour le patient et pour la recherche ?
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C’est une question que je pose à titre personnel et qui soulève beaucoup d’autres
questions. Par exemple, qui devrait prendre l’initiative d’une telle plate-forme ? Qui
en seraient les partenaires principaux ? Quel serait le lien avec la directive ?
Je serais très heureux d’entendre vos commentaires et vos suggestions à cet
égard.
Pour ma part, je suis prêt à examiner avec mes services à Bruxelles toute
suggestion opérationnelle pour promouvoir l’Europe comme pôle d’excellence pour
la recherche médicale et la recherche clinique et de voir comment la DG Recherche
pourrait soutenir une initiative dans ce sens.
Et je serais prêt à aborder ce sujet avec mes collègues à la Commission, en premier
lieu le Commissaire Liikanen qui est en charge de la directive européenne.
Je vous souhaite d’excellents travaux aujourd’hui et je vous remercie de votre
attention.
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