Fonctions zêta d'un corps quadratique par Cédric Donner On a vu que la multiplication des idéaux généralise celle des nombres et que tout idéal possède une unique décomposition en idéaux premiers. Il est donc naturelPd'espérer d'un corps quap dratique K = Q( d ) qu'on puisse lui associer une fonction K (s) = a N (1a)s pour > 1 où a parcourt tous les idéaux entiers non nuls de K . En raison de la décomposition unique des idéaux en idéaux premiers, elle dispose d'un proQ duit eulérien K (s) = p (1 ? N (p)?s)?1 où p parcourt tous les idéaux premiers. On montre facilement que ce produit est absolument convergeant pour > 1. Dans le cas particulier de K = Q, les idéaux a sont Z; 2Z; 3Z; qui sont de norme 1; 2; 3; et la fonction K correspond à la fonction de Riemann. P On voit facilement que K (s) = n>1 Fn(ns ) si F (n) représente le nombre d'idéaux a entiers de norme n, ce qui fait de K une série de Dirichlet. Au paragraphe 10, on a vu comment mettre en correspondance les classes de formes quadratiques de discriminant D avec les classes d'idéaux p de K = Q( D ). On peut poursuivre ce lien, en remarquant que F (n) = R(n), où R(n) est le nombre Ptotal de représentations de n par des formes quadratiques de discriminant D, i.e. (D ) R(n) = hi=1 R(n; fi) où R(n; fi) est le nombre de représentations de n par des formes de la ième classe d'équivalence. Ce résultat découle directement de la Proposition 1. Soient A1; ; Ah(D) les classes d'idéaux et Fi(n) le nombre d'idéaux entiers de K dans Ai de norme n, alors Fi(n) = R( fi ; n). a Expression élémentaire de K (s) IlQsut, pour obtenir une expression pour K (s) de trouver une expression pour les facteurs ?s ?1 pjp (1 ? N (p) ) de son produit eulérien. Pour cela, il est essentiel d'étudier, pour p 2 P 4 fnombres premiersg, comment l'idéal principal ( p) se décompose en idéaux premier. On notera p = p1 pk au lieu de ( p) = p1 pk. On remarque déjà que chaque idéal premier p divise un nombre premier p, car pp0 = N (p) et comme p j N (p) = p1 pk, et que p est un idéal premier, il divise nécessairement un des pi. De plus, pjp N (p) j N (( p)) = p p0 = p2: De ce fait, on a soit N (p) j p soit N (p) j p2. Donc si p = p1 pk, p2 = N (p) = N (p1) N (pk). On a donc nécessairement que p = p avec N (p) = p2 ou p = p1 p2 avec N (pi) = p. Dans le deuxième cas, on peut encore avoir p1 = p2 ou p1 p2, mais quoi qu'il en soit, p1 = p20 car p10 p1 = N (p1) = p = p1 p2. On distingue donc trois cas pour la décomposition d'un premier rationnel p en idéaux premiers : Proposition 2. Soit p un nombre premier et p un idéal premier. Si p = p, alors N (p) = p et p est appelé inerte, si p = pp 0 , alors N (p) = p et p est dit ramié si p = p 0 et décomposé si p p 0. 2 Le théorème suivant lie très étroitement la décomposition de p en idéaux premiers et la valeur de D( p). p Théorème 3. Soit K = Q( D ) un corps quadratique et p un nombre premier. Alors la décomposition de p dans l'anneau O des entiers algébriques de K est donnée par D( p) = 1; p = pp 0; p p 0 p=p D( p) = 0; p=p D( p) = ? 1: 2 Corollaire 4. La fonction zeta d'un corps quadratique peut s'écrire comme K (s) = (s) L(s; D) 1 (1) et le nombre de représentations d'un nombre comme norme d'un idéal entier est donnée par F (n) = X m jn D(m): (2) On remarque que l'on obtient, sans avoir recours aux formes quadratiques, un résultat déjà P obtenu précédement, à savoir R(n) = F (n) = m j n D(m). Démonstration. (du corollaire). On peut montrer (1) par un calcul élémentaire à l'aide du théorème. On peut aussi voir que peut importe la valeur de D( p), on a toujours K (s) = Y Y? 1 ? N (p)?s? ! 1 = Y 1 1 ? p ? s 1 ? ( p) p ? s 1 s L s; D): = ( ) ( D p pj p Pour montrer (2), on se rappelle que F (n) sont les coecients de la série de Dirichlet K (s) et on utilise (1) ainsi que la convolution multiplicative des coecients des deux séries de Dirichlet (s) et L(s; D). p Démonstration. (du théorème). On suppose déjà que p 2. Dans ce cas, D( p) = D et on p traîte le cas p = 2 à part. Si p est ramié, on montre par des arguments élémentaires que p j D, i.e. D( p) = 0: Si p j D, des arguments tout aussi élémentaires montrent que p est ramié. Si p est décomposé, on sait que p D. Comme p est un idéal premier, R = O/p est un anneau intègre d'ordre N (p) = p < 1, ce qui en fait un corps. On considère alors le groupe R des éléments inversibles de R d'ordre p ? 1. Comme l'ordre d'un élément de R divise l'ordre du groupe, xp ?1 = 1 pour tout x 2 R, i.e. pour tout x 2 O t.q. p x, on a xp ?1 1 (mod p). On p ?1 D 2 1 (mod p). En vertu du critère d'Euler, qui stipule que peut ainsi obtenir que D p p ?1 D 2 (mod p), on a Dp = D( p) = 1: À l'inverse, si Dp = 1, on montre facilement que p est décomposé. Comme il ne reste plus que la possibilité que p soit inerte et que D( p) = ? 1, la dernière équivalence est gratuite. - - Une autre preuve de la formule du nombre de classes la formule du nombre de classes h(D) = 1 L(1; D) à partir de On a vu au 8 comment obtenir P R(n) et de R(n) = F (n) = m j n D(m). Mais on peut la déduire de (1) et des propriétés de et des séries L de Dirichlet à l'aide du Théorème 5. Soit K un corps quadratique de discriminant D et A une classe d'idéaux (au sens P fort) de K. Alors, pour > 1 , la fonction (A; s) = a2A; a entier N (1a)s a un prolongement méromorphe à fRe(s) > 12 g et un pôle simple de résidu en s = 1 comme unique singularité, avec = 1 log "0 2 w pjD j si D < 0 et = pD si D>0 où ne dépend pas de A, mais uniquement de K. On obtient la preuve cherchée en remarquant que K (s) a un prolongement méromorphe à P (D) (Ai ; s), donc en compatout C avec pôle simple en s = 1 de résidu L(1; D) et K (s) = hi=1 rant les résidus, on a L(1; D) = h(D) . Caractères sur les classes d'idéaux On peut considèrer C 4 {idéaux fractionnaires de K }/{idéaux principaux} qui est le groupe des classes d'idéaux de K au sens fort. Il s'agit d'un groupe ni d'ordre h(D). Dénition 6. Un caractère de classe d'idéaux est un caractère sur C, i.e. : C ! C avec les propriétés i. (ab) = (a) (b) ii. (()) = 1 pour 2 K, N () > 0. 2 P On associe à un tel caractère une série L de Dirichlet LK (s; ) = a N((aa))s où a parcourt tous les idéaux entiers non nuls de K . Comme est multiplicatif, LK (s; ) peut être écrite comme un produit eulérien. On peut exprimer (A; s) en fonction de LK (s; ) et vis-versa à l'aide de la Proposition 7. Soit un caractère de classes d'idéaux et a un idéal de K. Alors P (a) = h(D) si a est principal et 0 sinon. Théorème 8. Pour tout caractère de classe d'idéaux non trivial , on a LK(1; s) 0. Démonstration. Analogue au cas où est un caractère modulo N , en traduisant le fait que pr 1(mod N ) par pr est un idéal premier principal. Dans le cas où 0 était un caractère de Dirichlet (mod N ), cet énoncé nous a permis de conclure à l'existence d'une innité de premiers dans toute progression arithmétique a + nb où (a; b) = 1. Dans notre cas, on peut en tirer le résultat : Corollaire 9. Soit D un discriminant fondamental. Alors toute forme quadratique de discriminant D représente une quantité innie de nombres premiers. Démonstration. La relation d'orthogonalité pour les caractères sur un groupe ni C nous permet d'obtenir pour > 1 X 1 1 ?rs r N (p) = h(D) X (A) log LK (s; ); (3) ^ pr 2A 2C dont on étudie le comportement asymptotique des membres de gauche et de droite lorsque s ! 1 X N (p)?s = h(1D) log s ?1 1 + O(1); s!1 p2A;N (p)2P Comme le nombre FA( p) de représentations de p par des normes d'idéaux entiers de A vaut FA( p) = R( p; f ) si f est une forme quadratique associée à A, on a X p R( p; f ) p?s = h(1D) log s ?1 1 + O(1); s!1 (4) ce qui achève la démonstration. Si on dénit pour un ensemble P de nombres premiers sa densité de Dirichlet par (P) 4 slim !1 X p 2P !, p? s 1 log s ? 1 si la limite existe, notre preuve montre que P possède une densité de Dirichlet qui vaut h(1D) ou 1 suivant que f est ambiguë ou non. 2 h(D ) Dénition 10. On dit d'une forme f (x; y) = ax + bxy + cy qu'elle est ambiguë si elle est équivalente à f (x; y) = ax ? bxy + cy par les transformations de SL (Z). 2 2 2 1 2 Bibliographie [1] D. B. Zagier. Zetafunktionen und quadratische Springer Verlag, 1981. 3 Körper, eine Einführung in höhere Zahlentheorie .