Diagnostic des tuméfications cervicales medianes

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Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat
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Diagnostic des tuméfications cervicales medianes
Author : dr-jahidi
I - DEFINITION - INTERETS
On entend par tuméfaction cervicale médiane toute tuméfaction située dans une aire délimitée en haut par
le menton, en bas par la fourchette sternale et latéralement par le bord antérieur du muscle sterno-cléidomastoïdien.
L’intérêt du diagnostic de ces tuméfactions est:
- Il s’agit d’une situation clinique fréquente.
- Les causes sont dominées par les adénopathies, les kystes du tractus thyréoglosse et les tuméfactions
thyroïdiennes.
- La démarche diagnostique doit être rigoureuse car elle peut révéler une pathologie maligne.
Après un rappel anatomique de cette région, nous envisagerons successivement les diagnostics, positif,
différentiels et étiologiques des tuméfactions à ce niveau.
II - RAPPEL ANATOMIQUE.
La bande médiane du cou s’étend du menton au sternum. Elle est séparée en deux régions : sus
hyoïdienne médiane et sous hyoïdienne de part et d’autre de l’os hyoïde.
*
La région sus hyoïdienne médiane est délimitée par le menton en haut, la projection des ventres
antérieurs des digastriques latéralement et par l’os hyoïde en bas. Elle entre en rapport latéralement avec
les régions sus hyoïdiennes latérales ou sous maxillaires.
La région sus hyoïdienne médiane est essentiellement musculaire avec en plus des ventres antérieurs des
digastriques latéralement, le plan des mylo-hyoïdiens en profondeur. Elle contient des éléments cellulograisseux et lymphatiques du groupe sous mentonnier.
La région sous hyoïdienne est la zone de projection de l’axe viscéral du cou représenté:
*
En avant par l’axe laryngé composé de l’os hyoïde en haut puis des cartilages thyroïde et cricoïde
réunis par des membranes. Cet axe forme la gouttière laryngée et se prolonge en bas par l’axe trachéal
dont les 5 premiers anneaux sont cervicaux.
*
Le pharynx en arrière se prolonge par l’oesophage accolé à la face postérieure de la trachée et
debordant légèrement à gauche.
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La thyroïde vient couvrir la trachée, elle est constituée de deux lobes étendus depuis la moitié du
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cartilage thyroïde jusqu’au cinquième anneau trachéal et
réunis en avant par l’isthme en regard des 2° et 3° anneaux trachéaux. Le bord postéro-interne de chaque
lobe entre en rapport avec les glandes parathyroïdes et les nerfs récurrents; le droit étant plus superficiel
que le gauche. Chaque lobe adhère à la trachée par le ligament de Gruber ce qui explique leur ascension à
la déglutition.
*
Les lymphatiques sont pré-laryngés, trachéaux et récurrentiels dont le ganglion Delphien qui se situe
en regard de la membrane inter crico-thyroïdienne.
*
L’axe viscéral est recouvert par les muscles sous-hyoïdiens, sterno-cléido-hyoïdiens, sternothyroïdien et thyro-hyoïdiens
Tous les éléments de cette région peuvent être à l’origine de tuméfactions.
L’embryologie de la glande thyroïde est importante à rappeler : elle naît du foramen caecum
lingual pour migrer en avant de la trachée en formant un tractus dit thyréoglosse qui noue des rapports
étroits avec l’os hyoïde. Des anomalies d’involution de ce tractus sont à l’origine sont de kystes et de
fistules, de même qu’il peut exister des éléments thyroïdiens ectopiques sur ce trajet, et des kystes
peuvent naître des troubles de la fusion médiane au niveau du raphé.
La bande médiane est d’origine embryologique somatique, alors que les régions latérales sont
essentiellement d’origine branchiale, ainsi que l’os hyoïde et les cartilages laryngés.
III - DIAGNOSTIC POSITIF
Le diagnostic positif est clinique. Tuméfaction est découverte :
- Soit par le patient qui s’inquiète par sa variation de volume ou sa sensibilité.
- Soit par le médecin, fortuitement à l’occasion d’un examen systématique, ou orientée par un syndrome
dysthyroïdien.
*
L’inspection réalisée de face et de profil. L’hyper extension du cou peut faire ressortir la
tuméfaction dont le siège est précisé ainsi que l’état cutané en regard (normal, enflammé, ou fistulisé).
On recherche une cicatrice d’intervention ou d’irradiation cervicale.
*
La palpation , les deux mains à plat, le cou en flexion ce qui détend la peau et les muscles. En se
plaçant à l’arrière du patient, on apprécie les caractéristiques de la tuméfaction.
- son caractère circonscrit ou diffus.
- l’unicité ou la multiplicité.
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- le volume et la forme (avec les mesures).
- la consistance : dure, molle, fluctuante.
- la régularité ou non.
- la sensibilité.
- la mobilité par rapport aux plans profonds et superficiels.
- la perception d’un thrill.
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La réalisation de certaines manoeuvres a une valeur d’orientation.
- la déglutition et la protraction linguale à la recherche d’une ascension.
- la toux ou le Valsala une expansion.
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Auscultation de la tuméfaction recherche enfin la présence d’un souffle.
IV - DIAGNOSTIC DE NATURE
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L’interrogatoire est fondamental. Il fait préciser: l’ancienneté de la tuméfaction, son mode évolutif,
les signes fonctionnels, les ATCD et les habitudes de vie.
*
L’examen O.R.L. permet d’apprécier le caractère isolé ou non de cette tuméfaction. Il comprend :
- un examen endobuccal à l’abaisse langue.
- une laryngoscopie indirecte ou au mieux une nasofibroscopie.
- on recherche un foyer infectieux, un orifice fistuleux ou une lésion suspecte de malignité : induration
ulcération ou masse bourgeonnante.
*
L’examen général précise l’existence d’une hyperthermie , palpe les autres aires ganglionnaires,
le foie, la rate, identifie des signes de dysthyroïdie (tremblement des extrémités, thermophobie,
tachycardie, amaigrissement) pour une hyperthyroïdie; (asthénie, frilosité, constipation, bradycardie) pour
une hypothyroïdie.
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Les examens para cliniques comprennent
- un hémogramme, une VS et une CRP à la recherche d’un syndrome inflammatoire ou infectieux.
- une échographie cervicale qui précise le siège de la tuméfaction, détermine sa nature solide ou kystique
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ses rapports et son volume.
- des radiographies cervicales de face et de profil qui recherchent des calcifications et apprécient le
retentissement sur les filières aéro-digestives.
- les autres examens seront demandés en fonction de l’orientation diagnostique.
V - DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Il écarte les tuméfactions régionales étendues à la région : Sous maxillaire, parotidiennes et
latérocervicales
VI - DIAGNOSTIC etiologique
A)tuméfaction expansive à la toux et au Valsalva.
Il s’agit d’une laryngocèle développée à partir du ventricule laryngé vers le haut et perçue au niveau du
bord supérieur du cartilage thyroïde.
B)tuméfaction qui ascensionne à la déglutition.
Cela indique qu’elle est fixée à l’axe laryngo-trachéal.
Tuméfaction qui ascensionne à la déglutition et à la protraction de la langue Il s’agit de :
*
Kyste du tractus thyréoglosse le plus souvent qui peut réaliser une tuméfaction tout au long du
trajet entre le foramen caecum lingual et la pyramide de lalouette souvent en position para médiane
gauche. Il peut apparaître brutalement après un épisode infectieux aigu pharyngé. Il entretient des
rapports étroits avec le corps de l’os hyoïde qui est emporté lors de l’exérèse.
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Les kystes adhyoïdes sont adhérents à l’os hyoïde et donc confondus avec les kystes du tractus
thyréoglosse. C’est leur analyse anatomopathologique extemporanée au cours d’une cervicotomie
exploratrice qui les différencie.
*
La thyroïde ectopique peut se voir tout au long de ce trajet. Il faut s’en méfier et réaliser un
repérage échographique préalable du corps thyroïde surtout si la palpation est douteuse pour ne pas
induire une hypothyroïdie.
Tuméfaction qui n’ascensionne qu’à la déglutition
*
Il s’agit généralement d’une tuméfaction thyroïdienne, cause la plus fréquente des tuméfactions
sous hyoïdiennes basses.
- Il peut s’agir d’une hypertrophie globale de la glande ou goitre, d’un nodule unique ou d’un goitre
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multinodulaire.
- On peut avoir un dysfonctionnement thyroïdien : avec signes de dysthyroïdie confirmés par le dosage
des hormones thyroïdiennes et de la TSH.
- une thyroïdite avec syndrome inflammatoire.
- une lésion cancéreuse : surtout pour un nodule isolé dur et fixé associé à une ADP suspecte ou une
paralysie récurrentielle.
- La tuméfaction peut être enfin asymptomatique.
- L’échographie confirmer le siège thyroïdien et la scintigraphie réalise une cartographie fonctionnelle.
*
Au niveau laryngé, il peut s’agir:
- d’une pathologie cartilagineuse :chondrome bénin ou chondrite spécifique.
- d’un cancer évolué du larynx.
- d’une ADP pré-laryngée en particulier d’un ganglion Delphien.
- chez l’enfant, il peut s’agir d’un gros thymus qui ascensionne à la déglutition.
C)tuméfaction qui n’ascensionne pas à la déglutition.
Tuméfactions de la région sus hyoïdienne.
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sont dominées par les adénopathies qui lorsqu’elles sont chroniques peuvent être séquellaire
d’une affection virale, témoins d’une maladie infectieuse, d’un foyer dentaire, mais aussi d’une
hémopathie (LMH, LMNH) ou d’un cancer du plancher buccal ou de la lèvre. Il importe de bien chercher
une porte d’entrée infectieuse ou un néoplasie dans le territoire de drainage, de réaliser une panoramique
dentaire pour éliminer un foyer dentaire et une IDR à la tuberculine dont la positivité objective une
tuberculose ganglionnaire. Enfin, la taille supérieure à 2 cm, l’évolutivité et les caractéristiques (dureté,
fixité) font envisager une cervicotomie exploratrice avec examen extemporané.
*
Les adénopathies congénitales
- une dysraphie médiane comme un kyste dermoïde ou épidermoïde.
- plus rarement un lymphangiome kystique dont le siège cervical peut être ubiquitaire avec des
caractéristiques évocatrices peau bleutée en regard, consistance gélatineuse et irrégulière.
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Tuméfactions de la région sous hyoïdienne.
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Un adénome parathyroïdien rare et souvent confondu avec un nodule thyroïdien, il peut être
suspecté devant une anomalie du bilan phosphocalcique sanguin et
urinaire et un dosage de la parathormone. Cependant, en cas d’adhérence à la thyroïde, il peut
ascensionner à la déglutition. Le couplage de scintigraphies au technétium et à l’iode les différencie des
nodules de la thyroïde.
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Les kystes dermoïdes ou épidermoïdes. Déjà cités peuvent également être sus sternaux.
Enfin, d’autres tuméfactions non spécifiques de la région cervicale médiane sont possibles:
- Lipome : en principe sous cutané mais pouvant être profond, facilement reconnu au scanner.
- Kyste sébacé intradermique.
- hémangiome, d’aspect vasculaire évocateur diagnostiqué à l’échographie et au doppler.
- Neurinome et nevrome qui peuvent être douloureux après une symptomatologie longtemps pauvre.
Souvent confondus avec une ADP, c’est la cervicotomie qui fait le diagnostic.
VII - CONCLUSION
Une tuméfaction cervicale médiane peut être de diagnostic aisé lorsqu’il s’agit d’une tuméfaction
thyroïdienne ou un kyste du tractus thyréoglosse, sinon dans les cas difficiles, c’est la cervicotomie
exploratrice avec examen histologique extemporané qui réalise la dernière étape diagnostic et la première
thérapeutique.
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