Mise en place d’une conciliation médicamenteuse dans un hôpital psychiatrique. Jean-Meidi ALILI, Daniel ZIVKOVIC, Jordane ALEMANNI, Patrick GARRIGUET, Patrick BEAUVERIE. Pharmacie, Groupe Hospitalier Paul Guiraud, 54 Ave de la République 94800 Villejuif CONTACT : [email protected] Résumé Notre projet a pour but de mettre en place une conciliation médicamenteuse à l’admission au site Clamart du Groupe Hospitalier Paul Guiraud (GHPG-Clamart), afin de prévenir l’iatrogénie médicamenteuse. Cette étude observationnelle prospective a débuté en janvier 2013 dans les six unités de psychiatrie du GHPGClamart (120 lits). Au 12 avril 2013, 24 patients ont été inclus sur les 204 entrées : 42% présentent au moins une divergence non intentionnelle (DNI) et seules 13% d’entre elles concernent des antipsychotiques, soulignant la spécificité de la psychiatrie où la prise en charge médicamenteuse est centrée sur les psychotropes. Cette conciliation participe à la prévention des évènements indésirables médicamenteux et pourra, à terme, concerner le site de Villejuif du GHPG. Mots clés : conciliation médicamenteuse ; admission ; psychiatrie Liste des tableaux et figures Figure 1 : questionnaire médecin traitant Figure 2 : fiche de conciliation médicamenteuse d’entrée Figure 3 : classes thérapeutiques impliquées dans les DNI (Divergences Non Intentionnelles) Figure 4 : évolution des temps de réalisation du BMO (Bilan Médicamenteux optimisé) et de la conciliation en fonction du temps Tableau 1 : critères de sélection des patients dans l’étude Introduction La conciliation médicamenteuse permet de comparer l’ensemble des traitements de routine pris par un patient avec les ordonnances émises aux diverses étapes de son parcours de soins (admission, transfert, sortie). Ce processus permet de mettre en évidence des divergences classées comme étant intentionnelles (DI) ou non intentionnelles (DNI). Les DNI, sources potentielles d’évènements indésirables médicamenteux, seront corrigées par le prescripteur suite à la conciliation. Au niveau international, la conciliation médicamenteuse s’inscrit dans le cadre du projet High Five de l’OMS, qui a pour objectif d’améliorer la sécurité des soins pour les patients (cf. site internet de l’OMS). Au niveau national, la conciliation médicamenteuse est directement en lien avec la certification car elle participe à la sécurisation du circuit du médicament. L’objectif de ce projet est de mettre en place une conciliation médicamenteuse à l’admission au GHPG-Clamart, afin de prévenir les accidents iatrogènes. Patients et méthodes L’étude observationnelle prospective a débuté en janvier 2013 au sein des six unités de psychiatrie du GHPG-Clamart (120 lits). A l’admission, le patient est vu par un psychiatre et un médecin généraliste qui remplissent le dossier patient informatisé (DPI) qui contiendra l’ordonnance médicamenteuse d’admission (OMA) du patient. Si un entrant correspond aux critères de sélection préalablement fixés (tableau 1), il est vu dans les 72 heures par un membre de l’équipe pharmaceutique composée d’un externe, un assistant spécialiste, un interne et un praticien hospitalier. Tableau 1 : critères de sélection des patients dans l’étude Après accord du psychiatre référent, le patient et/ou sa famille est interrogé à l’aide d’un questionnaire. Les réponses permettent d’identifier le traitement de routine du patient, et également d’obtenir les noms des professionnels de santé (pharmacien(s), médecins) impliqués dans la prise en charge du patient. Dans un deuxième temps, l’équipe pharmaceutique s’entretient par téléphone avec le(s) pharmacien(s) d’officine afin de recueillir les informations nécessaires à l’aide d’un deuxième questionnaire. Le pharmacien peut communiquer la liste des médicaments qu’il a l’habitude de dispenser au patient, soit par fax, soit via le dossier pharmaceutique (DP) si son officine l’utilise. Il est ensuite nécessaire d’identifier auprès des médecins extérieurs tous les médicaments prescrits au patient. La transmission d’information se fera par téléphone, en utilisant un questionnaire (fig. 1) similaire aux deux questionnaires cités précédemment. Figure 1 : questionnaire médecin traitant Une autre source d’information est le dossier patient, qu’il soit sous forme papier ou informatisé. Enfin, certaines informations sont recherchées directement auprès de la structure adressant le patient : hôpital, structure extrahospitalière du GHPG, etc. A partir des différentes informations obtenues, un bilan médicamenteux optimisé (BMO) est réalisé. Il s’agit ensuite de comparer les données issues du BMO avec l’OMA prescrite à l’arrivée au GHPG-Clamart, afin de mettre en évidence les DI et DNI. Après confrontation des informations avec le médecin généraliste et le psychiatre référents du patient, ceux-ci corrigent les DNI. Le résumé est disponible sous forme d’une fiche de conciliation d’entrée (fig. 2) consignée dans le DPI afin de partager les différentes informations avec les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge du patient. Figure 2 : fiche de conciliation médicamenteuse d’entrée La conciliation médicamenteuse a été évaluée à l’aide de cinq critères mis en place par l’OMS, notés de MR1 à MR5 (MR, Medication Reconciliation). Le critère MR1 est le pourcentage de patients conciliés dans les 24 heures post admission ; MR2 et MR3 sont respectivement le taux de DI et de DNI par patient ; MR4 est le pourcentage de patients avec au moins une DNI et MR5 est le pourcentage de patients sans aucune divergence. Le temps mis pour effectuer le BMO et la conciliation ont été étudié, ainsi que leur évolution dans le temps. Enfin, les différents types de DNI ainsi que les classes thérapeutiques impliquées dans ces divergences ont été recherchés. Résultats Au 12 avril 2013, 24 patients ont été inclus sur les 204 entrées (12%). Parmi ceux-ci, 25% ont été conciliés dans les 24h (MR1). Il y a 6,6 DI (MR2) et 0,6 DNI par patient (MR3). Au total, 42% des patients ont au moins une DNI (MR4). Tous ont au moins une divergence dans leur traitement (MR5). Parmi les 15 DNI identifiées, seules 13% concernent des antipsychotiques (fig. 3). Figure 3 : classes thérapeutiques impliquées dans les DNI (Divergences Non Intentionnelles) Ces DNI sont des omissions de traitement (66%), des modifications de posologie (20%), de fréquence d’administration (7%) ou de forme galénique (7%). Il faut en moyenne 75 min pour établir le BMO et 16 min pour la conciliation (fig. 4). Figure 4 : évolution des temps de réalisation du BMO (Bilan Médicamenteux optimisé) et de la conciliation en fonction du temps Discussion A notre connaissance, cette étude de conciliation médicamenteuse est la première réalisée en psychiatrie en France, les troubles mentaux étant souvent un critère de non inclusion dans les études de MCO (Médecine Chirurgie Obstétrique). Les résultats provisoires montrent que le taux de DNI par patient est faible et que la majorité des DNI résulte d’une omission de traitement. Ceci est comparable aux données des études de MCO (Gleason et al., 2010) et (Delgado et al., 2009). On note que 42% des patients présentent une DNI, parmi lesquelles 87% concernent un traitement somatique, soulignant la spécificité de la psychiatrie où la prise en charge médicamenteuse est centrée sur les psychotropes. La conciliation médicamenteuse implique un partenariat entre le patient, sa famille et les professionnels de santé impliqués dans sa prise en charge. Cette collaboration productive permet un transfert complet et exhaustif de l’information. Concernant les axes d’amélioration possible, il s’agira tout d’abord de mesurer l’impact de cette mise en place sur le nombre d’événements indésirables médicamenteux au GHPG-Clamart. Il sera ensuite utile de poursuivre la conciliation médicamenteuse et de l’étendre à l’étape de sortie du patient. A moyen terme, il sera envisageable de généraliser ce processus au site de Villejuif du GHPG (414 lits). Conclusion La conciliation médicamenteuse mise en place au GHPG-Clamart s’inscrit dans le cadre de la lutte contre les évènements indésirables médicamenteux et participe à la sécurisation du parcours de soins du patient en renforçant le lien ville-hôpital. Références Gleason KM, McDaniel MR, Feinglass J, Baker DW, Lindquist L, Liss D, Noskin GA. Results of the Medications at Transitions and Clinical Handoffs (MATCH) study: an analysis of medication reconciliation errors and risk factors at hospital admission. J Gen Intern Med 2010 ; 25 : 441–7. Delgado Sánchez O, Nicolás Picó J, Martínez López I, Serrano Fabiá A, Anoz Jiménez L, Fernández Cortés F. Reconciliation errors at admission and departure in old and polymedicated patients. Prospective, multicenter randomized study. Med Clin 2009 ;133 : 741–4. Projet High Five de l’OMS https://www.high5s.org/bin/view/Main/ (consulté le 30/10/2013) :