Mémoire de Master 1 mention Mathématiques et Modélisation Infinitude des nombres premiers Alexandre Temperville 28 mai 2009 Table des matières 1 Les 1.1 1.2 1.3 1.4 nombres premiers Rappels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Distribution des nombres premiers . . . . . . . . . Les congruences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Infinitude de quelques progressions arithmétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 3 4 8 10 2 Une estimation à la Tchebychev 14 2.1 Minoration de π . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 2.2 Majoration de π . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 2.3 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 3 Le théorème de Dirichlet 22 3.1 Caractères d’un groupe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 3.2 Séries de Dirichlet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 3.3 Théorème de Dirichlet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 1 Introduction Dans ce mémoire, nous nous intéresserons principalement aux nombres premiers dans différents sous-ensembles d’entiers après avoir énoncé quelques propriétés les concernant. Nous étudierons notamment leur répartition dans les classes de congruence, l’infinitude de l’ensemble des nombres premiers (avec différentes preuves variées et originales), les estimations de Tchebychev (ces dernières ne seront pas développées dans ce mémoire, mais approchées par celles de Erdós) et le théorème de Dirichlet (généralisant l’infinitude de différents ensembles arithmétiques de nombres premiers). Nous supposerons dans ce mémoire acquises les notions de théorie des groupes, de topologie, d’analyse réelle et complexe, d’algèbre commutative, abordées en licence, bien que nous rappelerons certaines d’entre elles, pour introduire des notations et faire apparaître des éléments utiles pour notre mémoire. 2 Chapitre 1 Les nombres premiers 1.1 Rappels Définition 1.1. Un nombre premier est un entier naturel qui a exactement deux diviseurs distincts : 1 et lui-même. On note P l’ensemble des nombres premiers. On remarque que 1 n’est pas un nombre premier. Par ailleurs, 2 est le seul entier à la fois pair et premier. Proposition 1.1. Soit √ a ∈ N \ P. Soient b, c ∈ N tels que a = b × c. Alors, √ soit b ≤ a soit c ≤ a. √ Démonstration. Supposons par l’absurde que b, c > √ √ a alors b × c > a d’où a > a ce qui est absurde donc soit b ≤ a soit c ≤ a. Cette proposition justifie un premier test de primalité : Test de primalité. Tenter √ toutes les divisions de a par les nombres successifs appartenant à [1 ; Ent( a)]. Si une division donne un nombre entier, alors on conclut que a n’est pas premier. Si aucune division ne donne un nombre entier, alors a est premier. Théorème 1.1 (Théorème de Wilson). Soit n ∈ N∗ . Alors l’entier n peut s’écrire comme un produit de nombres premiers de manière unique (à part l’ordre dans lequel on dispose les facteurs premiers). Autrement dit, il existe 3 d’uniques nombres premiers p1 , p2 , . . . , pm deux à deux distincts et d’uniques entiers naturels non nuls β1 , β2 , . . . , βm tels que n= m Y βi pi . i=1 Démonstration. S’il existe des nombres ne se décomposant pas en produit de facteurs premier, il y en a un plus petit, nommons le n. Alors, il existe des entiers a et b tels que a, b < n et n = a × b. Comme a, b < n, a et b se décomposent en produits de facteurs premiers donc n aussi, ce qui est contradictoire. Ainsi, un tel entier n ne peut exister, donc tout entier peut se décomposer en produit de nombres premiers. S’il existe 2 décompositions différentes de n en facteurs premiers (en notant cette fois les facteurs premiers sans puissance, quitte à ce que plusieurs pi soient égaux), alors n peut s’écrire n = p1 p2 . . . pr et aussi n = q1 q2 . . . qs . En simplifiant par les nombres premiers apparaissant des deux côtés à la fois on obtient pi1 pi2 . . . piα = qi1 qi2 . . . qiβ avec α ≤ r et β ≤ s. Or d’après cette dernière expression, p1 |qi1 qi2 . . . qiβ donc par le premier théorème d’Euclide, il existe k ∈ J1, βK tel que p1 |qik . Cela contredit le fait que les pi soient tous différents des qj . On conclut donc que la décomposition en facteurs premiers d’un nombre entier est unique. Définition 1.2. Soient n ∈ N∗ et p ∈ P. Si il existe un entier β ∈ N tel que pβ |n et pβ+1 - n, alors on appelle la valuation p-adique de n l’entier naturel vp (n) = β. Ainsi on peut écrire : n= m Y vpi (n) pi i=1 = Y pvp (n) . p∈P Remarque 1.1. On peut trouver cette décomposition par itération successive en s’inspirant du test de primalité. L’entier n écrit ainsi, on peut aisément en déduire tous ses diviseurs. 1.2 Distribution des nombres premiers Théorème 1.2 (Euclide). Il existe une infinité de nombres premiers, i.e. |P| = ∞. On peut démontrer ce théorème à partir de diverses raisonnements. Nous énonçons quatre preuves différentes dans cette section. 4 Preuve d’Euclide. Supposons par l’absurde que |P| = n avec n ∈ N∗ i.e. P = {pi , 1 ≤ i ≤ n}. Alors il existe k ∈ J1, bK tel que N = p1 ×p2 ×· · ·×pn +1 soit divisible par pk donc il existe q ∈ N tel que N = q × pk . Comme q = p1 × · · · × pk−1 × pk+1 × · · · × pn + p1k , alors on a nécessairement p1k ∈ N ce | {z } ∈N qui est absurde car pk ∈ P ⇒ pk > 1. Il existe donc une infinité de nombres premiers. Autrement dit : S’il n’y avait qu’un nombre fini de nombres premiers, leur produit additionné à 1 serait divisible par l’un d’eux, donc 1 le serait aussi, ce qui est absurde. On notera π(n) = |P ∩ [1; n]| le nombre de nombres premiers compris entre 1 et n. Cette notation sera utilisée dans tout ce mémoire. Remarque 1.2. Si l’on note pr le r-ième nombre premier, alors tout nombre premier divisant p1 p2 . . . pr + 1 est distinct de p1 , p2 , . . . , pr . Il s’ensuit donc que pr+1 ≤ p1 p2 . . . pr + 1 et à l’aide d’un raisonnement par induction, on obtient que : 1 r−1 0 pr+1 ≤ 22 × 22 × · · · × 22 + 1 d’où r−1 (a) : ∀r ∈ N∗ , pr ≤ 22 . Soit x ≥ 2. Soit r l’unique entier tel que (b) : ee r−1 r < x ≤ ee . Comme π est une fonction non-décroissante, la relation (a) et l’inégalité stricte dans la relation (b) permettent d’écrire : π(x) ≥ π ee r−1 r−1 ≥ π 22 ≥ π(pr ) = r. On déduit de (b) que r ≥ ln(ln(x)). Ainsi, on peut donner une première minoration grossière de π : π(x) ≥ ln(ln(x)). Une deuxième preuve de ce théorème part de l’introduction des nombres de Fermat. Fermat avait conjecturé que ses nombres étaient tous premiers en constatant que les cinq premiers nombres qu’il avait défini étaient premiers. Néanmoins s’il avait calculé le suivant, il aurait constaté que c’était faux. Ses nombres restent tout de même utiles, Pólia les utilisa pour démontrer d’une nouvelle façon l’infinitude de P. 5 Preuve de Pólia. Les nombres de Fermat sont les Fn = 22 + 1, n ∈ N. Montrons que deux nombres de Fermat n’ont pas de diviseurs communs plus grand que 1 : Considérons Fn et Fn+k pour k > 0. Supposons que ∃p ∈ P tel que p|Fn n et p|Fn+k . Or en posant x = 22 , on a : n Fn+k − 2 x2 − 1 k k = = x2 −1 − x2 −2 + · · · + x2 − 1 Fn x+1 k donc Fn |Fn+k − 2. Puisque p|Fn , on a p|Fn+k − 2. Puisque p|Fn+k , on a p|2. Comme les nombres de Fermat sont tous impairs, il s’ensuit que p = 1. On a donc prouvé que deux nombres de Fermat n’ont pas de diviseurs communs plus grands que 1. Par conséquent, tous les nombres de Fermat Fn ont au moins un diviseur premier, soit pn l’un d’entre eux, différent de ceux des autres nombres de Fermat. Comme il y a une infinité de nombres de Fermat, il y a une infinité de diviseurs premiers pn donc il y a une infinité de nombres premiers. La preuve suivante fait intervenir de la topologie. Preuve topologique de Fürstenberg. Considérons 2 suites arithmétiques infinies Sa,b = {ax + b, x ∈ Z} et Sc,d = {cy + d, y ∈ Z} où a, b, c, d ∈ Z et a, c > 0. Montrons que : Sa,b ∩ Sc,d = [ Sac,z : (]) z∈Sa,b ∩Sc,d — Soit z ∈ Sa,b ∩ Sc,d , alors z ∈ {ac × 0 + z, z ∈ Z} ⊂ z∈Sa,b ∩Sc,d Sac,z S donc Sa,b ∩ Sc,d ⊂ z∈Sa,b ∩Sc,d Sac,z . S — Soit acu + z ∈ z∈Sa,b ∩Sc,d Sac,z ∀u ∈ Z. acu + z = a(cu) + ax + b = a(cu + x) + b avec cu + x ∈ Z acu + z = c(au) + cy + d = c(au + y) + d avec au + y ∈ Z S Ainsi acu + z ∈ Sa,b ∩ Sc,d d’où z∈Sa,b ∩Sc,d Sac,z ⊂ Sa,b ∩ Sc,d . — Ainsi, on a prouvé (]). Soit B = {Sa,b /a, b ∈ Z, a > 1} la famille de toutes les progressions arithmétiques. B est donc la base d’une topologie T (B) dans Z donc chaque Sa,b ∈ B est un ouvert de T (B). Mais Sa,b est également un fermé, en efSa−1 S fet : Sa,b = Z \ k=1 Sa,k+b . Or {−1; 1} = Z \ p∈P Sp,0 serait ouvert si P était fini. Mais, chaque ensemble ouvert non-vide appartenant à T (B) contient une progression arithmétique S ∈ B, d’où il doit être infini, alors que {−1; 1} est fini. Cette contradiction montre que |P| = ∞. S 6 Proposition 1.2. : On a le résultat suivant : X p∈P 1 diverge. p Démonstration. Supposons par l’absurde que cette somme est convergente. Notons pi les nombres premiers dans l’ordre croissant. Alors ∃ k ∈ N∗ tel que 1 1 + pk+2 +. . .< 1/2 : (a). pk+1 Soit x ∈ N∗ . Posons : Dp (x) = {n ∈ N∗ / 1 ≤ n ≤ x et p|n} , I(x) = P ∩ [pk+1 ; x], ∆pk (x) = Dpj (x), [ pj ∈I(x) Γpk (x) = [1, x] \ [ Dpi (x). pi ∈I(x) On a donc que : [1, x] = Γpk (x) ∪ ∆pk (x) où Γpk (x) et ∆pk (x) sont des ensembles complémentaires dans [1, x]. On a donc : x = |Γpk (x)| + |∆pk (x)|. Posons N (x) = |Γpk (x)|, ainsi |∆pk (x)| = x − N (x) est le nombre d’entiers n ≤ x, divisibles par au moins l’un des pk+1 , pk+2 , . . . On a |Dpi (x)| ≤ pxi car ∃q ∈ [1, x]/ n = p × q ⇒ q ≤ pxi et on a bien sûr que q = |Dpi (x)|. L’inégalité |∆pk (x)| = | [ Dpj (x)| ≤ x × pj ∈I(x) 1 j=k+1 pi +∞ X implique que x − N (x) ≤ d’après (a), d’où N (x) ≥ x2 . Soit n ∈ Γpk (x). On peut écrire n sous la forme n = l2 × m avec vpi (m) = 0 ou 1 ∀i ∈ [1, x]. En notant βi = vpi (m), on a m = pβ1 1 × · · · × pβkk . Il y a 2 2 2k possibilités √ de valeurs différentes √ pour m, et l × m = n ⇒ l ≤ n donc √ l ≤ n ≤ x. Il y a donc au plus x valeurs possibles de l et commeqil y a 2k possibilités de valeurs possibles de m, on a donc que N (x) ≤ 2k × (x). x 2 7 √ √ √ Ainsi x2 ≤ N (x) ≤ 2k × x donc x2 ≤ 2k × x. On a donc x ≤ 2k+1 i.e. x ≤ 22k+2 . Or x peut être quelconque par hypothèse donc le résultat est faux pour x > 22k+2 , ce qui est absurde, d’où la divergence de la série. Voici une quatrième preuve du théorème d’Euclide, reprenant la démonstration que nous venons de faire : Preuve d’Euler. En suivant le raisonnement de cette dernière démonstration, on peut montrer sans savoir si |P| < ∞ ou non en prenant (a) : 1 1 1 + pk+2 +. . .+ pk+m < 1/2 le théorème d’Euclide. En effet, si P était fini, pk+1 la série convergerait, ce qui n’est pas le cas donc |P| = ∞. Remarque 1.3. D’après les notations de la démonstration précédente, en prenant k = π(n), on a que pk+1 > n et que N (n) = n. Donc on a : n = √ √ N (n) ≤ 2π(n) n d’où 2π(n) ≥ n. Ainsi, on obtient que : π(n) ≥ 2ln(n) . ln(2) Numériquement, c’est une meilleure minoration que celles proposées après la preuve d’Euclide et dans celle de Shnirelman, néanmoins, elle reste tout de même grossière. 1.3 Les congruences Définition 1.3. Soit m ∈ Z∗ . On dit que a est congru à b modulo m, et on écrit a ≡ b(mod m) si m|(a − b). Définition 1.4. Un système réduit de résidus modulo m est un ensemble d’entiers ri tel que (ri , m) = 1, ri 6≡ rj (mod m) pour i 6= j, et tel que chaque x premier avec m est congru à l’un des ri modulo m. Définition 1.5. La fonction d’Euler notée ϕ est définie ainsi : ∀m ∈ N∗ , ϕ(m) = | {n ≤ m/(n, m) = 1} |. Proposition 1.3. Soit p ∈ P, alors ϕ(p) = p − 1. Démonstration. Evident, les entiers de 1 à p − 1 étant premiers avec p. n o Théorème 1.3. Soit a ∈ N∗ tel que (a, m) = 1. Si r1 , r2 , . . . , rϕ(m) est un n système réduit de résidus modulo m, alors ar1 , ar2 , . . . , arϕ(m) aussi. 8 o en est un Démonstration. Comme (ri , m) = 1 et (a, m) = 1, il convient que (ari , m) = 1. Par ailleurs, si i 6= j, montrons que ari 6≡ arj (mod m). Supposons le contraire, c’est à dire que ari ≡ arj (mod m). Comme (a, m) = 1, alors on obtient ri ≡ rj (mod m). Les ri constituant un système réduit de résidus modulo m, on a nécessairement que i = j pour nri ≡ rj (mod m). Ceo qui est contradictoire, donc ari 6≡ arj (mod m) et donc ar1 , ar2 , . . . , arϕ(m) est un système réduit de résidus modulo m. Théorème 1.4 (Théorème d’Euler). Soient a, n ∈ N∗ / (a, n) = 1, alors : aϕ(n) ≡ 1(mod n). n o Démonstration. Soit r1 , r2 , . . . , rϕ(n) un système réduit de résidus modulo n. n o D’après le théorème 1.3, on a que ar1 , ar2 , . . . , arϕ(n) est aussi un système réduit de résidus modulo n. Il y a clairement bijection entre ces deux systèmes car ils contiennent tous deux tous les éléments (modulo n) deux à deux distincts et premiers à n, et ont le même cardinal (ϕ(n)), donc on peut écrire : ϕ(n) Y ϕ(n) ari ≡ i=1 et donc Y ϕ(n) aϕ(n) ri (mod n) i=1 Y i=1 ϕ(n) ri ≡ Y ri (mod n). i=1 Qϕ(n) Comme ∀i ∈ [1, ϕ(n)], (n, ri ) = 1, alors (n, i=1 ri ) = 1 donc on peut simQϕ(n) plifier le calcul ci-dessus par i=1 ri et conclure que : aϕ(n) ≡ 1(mod n). Théorème 1.5 (Petit Théorème de Fermat). Soient a ∈ N∗ et p ∈ P tels que (a, p) = 1, alors : ap−1 ≡ 1(mod p). Démonstration. C’est immédiat par le théorème d’Euler, avec n = p et ϕ(p) = p − 1. 9 Théorème 1.6 (Théorème de Wilson). Soit m ∈ N∗ , alors : m ∈ P ⇔ (m − 1)! ≡ −1(mod m). Démonstration. (⇒) Soit p = m ∈ P. ∀r ∈ [1, p − 1], (r, p) = 1 donc ∀r ∈ [1, p − 1], ∃xr , y ∈ Z / xr r + yp = 1 par le théorème de Bachet-Bézout donc rxr ≡ xr r ≡ 1(mod p) donc à tout r est associé xr (avec xr ∈ J1, p − 1K, quitte à prendre xr comme le reste de la division euclidienne de xr par p). On remarque que r = 1 est associé à x1 = 1 et que r = p − 1 est associé à xp−1 = p − 1 (en effet (p − 1)2 = p2 − 2p + 1 ≡ 1(mod p)). Soit r ∈ [2, p − 2], supposons par l’absurde que xr = r alors rxr = r2 ≡ 1(mod p), i.e. : (r − 1)(r + 1) ≡ 0(mod p), impossible car (r − 1, p) = (r + 1, p) = 1. Ainsi, xr 6= r. On obtient donc que (p − 1)! ≡ 1.(p − 1)(mod p) ≡ −1(mod p). (⇐) Si m ∈ / P, alors ∃a, b ∈ [2, m] / m = a × b, et donc a|(m − 1)!. Ainsi a - (m − 1)! + 1 et (m − 1)! 6≡ −1(mod m). Donc m ∈ P. Le théorème de Wilson est donc un critère de primalité, en effet il suffit de vérifier si m|(m − 1)! + 1 ou non. Néanmoins, il convient de signaler que ce test a des limites, en effet il ne sert à rien lorsque m! est trop élevé, le calculer devient laborieux. 1.4 Infinitude de quelques progressions arithmétiques Définition 1.6. Soit Pa,b l’ensemble des nombres premiers de la forme a+b.n avec n ∈ N. On se convaincra qu’il n’est pas évident de savoir si pour a, b ∈ N fixés, Pa,b est un ensemble fini ou non. En effet, il est évident de constater par exemple que P2,2 = {2} est fini, P0,1 = P est infini, mais qu’en est-il pour des ensembles moins évidents comme P2,3 ou P4,7 ? Nous montrerons ici que P3,4 et que P1,b pour tout b ∈ N∗ sont des ensembles infinis. Ces exemples formeront une première approche du théorème de Dirichlet, que nous aborderons dans la dernière partie de ce mémoire. Proposition 1.4. |P3,4 | = ∞. 10 Démonstration. Supposons par l’absurde qu’il existe un nombre fini n de diviseurs premiers : pk ∈ P3,4 pour k ∈ [1, n]. Ainsi, pk ≡ 3[4]. Considérons l’entier N = 4.p1 .p2 . . . pn − 1 ≥ 2 (car p1 = 3). ∀k ∈ [1, n], pk - N sinon pk diviserait 1. Comme N est impair, tout diviseur premier de N dans P serait impair et donc congru à 1[4] ou à 3[4]. Or il n’y en a aucun congru à 3[4], sinon ces diviseurs diviseraient 1 comme nous l’avons précédemment dit. Les diviseurs de N sont donc congrus à 1[4]. Par conséquent, par produit de nombres congrus à 1[4], N ≡ 1[4]. Or N ≡ 3[4] par définition de N . Il y a contradiction, ainsi il existe une infinité de nombres premiers congrus à 3[4] d’où |P3,4 | = ∞. A présent, nous souhaitons étudier le cas des ensembles arithmétiques de la forme 1 + bn. Nous allons introduire les polynômes cyclotomiques ainsi que quelques propriétés avant de conclure sur ces ensembles. Définition 1.7. Le n-ième polynôme cyclotomique est : ∀n ∈ N∗ , φn (X) = Y X −e 2ikπ n . k∈J1,nK,(k,n)=1 Lemme 1.1. Soient A, B deux polynômes à coefficients entiers, B 6= 0 et unitaire. Alors Q et R, étant respectivement quotient et reste de la division euclidienne de A par B dans C[X] sont aussi à coefficients entiers. Démonstration. On constate que dans les opérations de l’algorithme de division euclienne, seuls des entiers interviennent. Proposition 1.5. φn est à coefficients entiers ∀n ∈ N∗ . Démonstration. 1. Montrons que X n − 1 = On sait que X n − 1 = n Qn k=1 Xq − e Q 2ikπ n d|n φd (X). . Soit d ∈ N∗ . Soit µd = o ξ ∈ C∗ /ξ d = 1 l’ensemble des racines d-ièmes de l’unité. Soit Pd = n o ξ ∈ C/ord(ξ)|d et ξ ord(ξ) = 1 l’ensemble des racines primitives dQ ièmes de l’unité. On a, par définition, φn (X) = ξ∈Pn (X − ξ). Si ξ ∈ µn , ord(ξ) = d divise n et alors ξ ∈ Pd . Par conséquent, µn est réunion disjointe des Pd pour d|n. D’où, on a que : Xn − 1 = Y ξ∈µn (X − ξ) = Y Y d|n 11 ξ∈Pd (X − ξ) = Y d|n φd (X). On obtient donc le résultat voulu : X n − 1 = d|n φd (X). On remarque que par définition de φn , ϕ(n) = deg(φn ), et qu’en consiP dérant les degrés dans l’égalité montrée ci-dessus, on a n = d|n ϕ(d). Q 2. Montrons que φn est à coefficients entiers par récurrence sur n ∈ N∗ en utilisant le lemme précédent. C’est vrai pour n = 1. Si n ≥ 2, φn est le quotient dans C[X] de X n − 1 par B, où B = Q d|n,d6=n φd . Si on suppose la propriété vraie aux rangs ≤ n − 1, chacun de ces φd est à coefficients entiers et unitaires par définition, donc B est également à coefficients entiers et unitaires. D’après le lemme précédent, φn est donc à coefficients entiers. Proposition 1.6. Soient p ∈ P, a ∈ Z, n ∈ N. Si p|φn (a) et si ∀d ∈ N tel que d|n et d 6= n, on a : p - φd (a), alors ∃λ ∈ N∗ /p = λn + 1. Démonstration. Soit p ∈ P tel que p|φn (a) et p - φd (a). Comme p|φn (a), p|an − 1. Donc ord(a)|n dans le groupe ((Z/pZ)∗ , ×). Montrons que ord(a) = n. Dans Z/pZ, si d|n, d 6= n, alors : ad − 1 = Y φd0 (a). d0 |d Or si d0 |d, alors d0 |n et par hypothèse : φd0 (a) 6= 0. Comme Z/pZ est un corps, Q alors d0 |d φd0 (a) 6= 0., donc ad 6= 1 d’où ord(a) = n. Comme |(Z/pZ)× | = p − 1, n = ord(a)|p − 1 d’après le théorème de Lagrange et donc ∃λ ∈ N/p − 1 = λn. Ainsi, p est de la forme λn + 1. Proposition 1.7. ∀n ∈ N, |P1,n | = ∞. Démonstration. Attention, contrairement à ce que l’on faisait auparavant (considérer b[a] en tant que a.n + b avec n variable), ici on considère 1[n] en tant que 1 + λn avec λ variable et non n qui est ici fixé (λ et n sont ‘muets’). Montrons par l’absurde qu’il existe un nombre infini de nombres premiers de la forme λn + 1. Supposons qu’il en existe un nombre fini q : p1 , p2 , . . . , pq , qui sont donc congrus à 1[n]. D’après la proposition 1.6, si on trouve a et p vérifiant les hypothèses de cette précédente proposition, alors p ≡ 1[n]. Ce sera insuffisant pour aboutir à une contradiction, p pouvant être l’un des pi . Pour éviter cela, on va changer n en N = np1 p2 . . . pq . Si p ≡ 1[N ], p ne peut pas être l’un des pi et pourtant p ≡ 1[n]. 12 Il faut donc trouver a ∈ Z et p ∈ P tel que p|φN (a) et tel que ∀d|N, d 6= N , Q p - φd (a). On note B = d|N,d6=N φd . Le problème est donc de trouver a ∈ Z et p ∈ P tels que p|φN (a) et p - B(a). Le polynôme B est premier avec φN dans C[X] (en effet, ils sont scindés sur C et n’ont aucune racine commune), donc dans Q, puisque ces polynômes sont à coefficients rationnels et que le pgcd est invariant par extension de corps (l’algorithme d’Euclide s’écrit de la même manière dans C[X] et dans Q[X]). D’après le théorème de Bachet-Bézout, il existe donc (U, V ) ∈ Q[X]2 tel que U.φN +V B = 1. Il existe a ∈ Z tel que U 0 = aU et V 0 = aV appartiennent à Z[X] (il suffit de prendre un multiple du ppcm des dénominateurs des coefficients qui apparaissent dans U et V ). Comme φN 6= 0, ±1, on peut même choisir a tel que φN (a) 6= 0, ±1, étant donné l’infinité de a ∈ Z vérifiant aU ∈ Z[X] et aV ∈ Z[X] (ceci en vue d’avoir des nombres premiers qui divisent φN (a)). On a donc : a = U 0 φN + V 0 B et en particulier a = U 0 (a)φN (a) + V 0 (a)B(a) : (]). Soit p ∈ P, p|φN (a). Alors p|aN − 1, car φN |X N − 1 dans Z[X]. Dans Z/pZ, aN = 1 et donc a est inversible, ce qui signifie que (a, p) = 1. Si p divisait B(a), il diviserait a, d’après (]), ce qui est exclu. On est donc dans les hypothèses de la proposition précédente : p ≡ 1[N ] donc p ≡ 1[n], avec p 6= pi ∀i ∈ [1, q]. Cest la contradiction voulue. Ainsi, il existe une infinité de nombres premiers de la forme λn + 1 pour tout n ∈ N∗ fixé. 13 Chapitre 2 Une estimation à la Tchebychev Nous nous intéresserons dans cette partie à une démonstration se rapprochant des estimations de Tchebychev, faite par Pál Erdós. Définition 2.8. Soit π : N → N, π(n) 7→ |P ∩ J1, nK| le nombre de nombres premiers compris entre 1 et n. Dans ce mémoire, π n’est pas un nombre mais une fonction. Proposition 2.8. limn→+∞ π(n) = +∞. Démonstration. limn→+∞ π(n) = limn→+∞ |P ∩ [1, n]| = |P ∩ N| = |P| = ∞ d’après le théorème d’Euclide. Nous allons donner un encadrement simple de π au voisinage de l’infini en faisant des estimations à la Tchebychev, faisant appel à des outils d’analyse réelle et d’arithmétique. 2.1 Minoration de π Définition 2.9. ∀n ∈ N∗ , soit dn = ppcm(1, 2, . . . , n) le plus petit commun multiple des entiers compris entre 1 et n. Dans toute cette partie, on posera, pour tout a, b ∈ N∗ tels que a ≤ b : I(b, a) = Z 1 0 xb−1 (1 − x)a−b dx et J(a, b) = P ∩ [a, b]. 14 ∀k, n ∈ N, k ≤ n, on notera Cnk = Newton. Proposition 2.9. I(a, b) = 1 bCab = n! (n−k)!k! les coefficients binomiaux de 1 b−1 . aCa−1 Démonstration. Pour y ∈ [0, 1[, calculons l’intégrale suivante de 2 manières différentes : Z 1 (1 − x + xy)a−1 dx 0 Calcul avec la formule du binôme de Newton : Z 1 0 (1 − x + xy) a−1 dx = = = Z 1 a−1 X 0 k=0 a X k=1 a X k Ca−1 (1 − x)a−1−k (xy)k dx k−1 k−1 Ca−1 y Z 1 0 xk−1 (1 − x)a−k dx k−1 k−1 Ca−1 y I(k, a). k=1 Calcul direct : Z 1 0 1 (1 − x + xy)a−1 dx = (1 − x + xy)a a(y − 1) 1 ya − 1 = a y−1 X 1 a−1 = yk a k=0 " = Ainsi, on a : a X #1 0 a 1X y k−1 . a k=1 k−1 k−1 Ca−1 y I(k, a) k=1 a 1X = y k−1 . a k=1 b−1 Par unicité des polynômes, on a alors : ∀b ∈ [1, a], Ca−1 I(b, a) = a1 d’où (a−1)! b−1 a! I(b, a) = aC1b−1 . Par ailleurs : aCa−1 = a (a−b)!(b−1)! = (a−b)!b! b = bCab d’où le résultat. a−1 15 Proposition 2.10. bCab |da . Démonstration. On a que : I(b, a) = = = = Z 1 0 a−b X k=0 a−b X k=0 a−1 X xb−1 (1 − x)a−b dx k Ca−b Z 1 0 xb−1 (−1)k xk dx k Ca−b (−1)k k Ca−b (−1)k k=0 Z 1 xb+k−1 dx 0 1 · b+k da Par définition de da , ∀k ∈ [0, a], dka ∈ N ainsi ∀k ∈ [0, a − b], k+b ∈ N. Donc I(b, a)da ∈ Z or I(b, a) > 0 car c’est une intégrale d’une fonction continue, positive et non-toujours nulle sur [0, 1], d’où I(b, a)da ∈ N. D’après da b la proposition précédente, on a donc que bC b ∈ N, i.e. bCa |da . a Proposition 2.11. n(2n + n |d2n+1 . 1)C2n Démonstration. 1. D’après la proposition précédente : n |d2n . Comme — En posant a = 2n et b = n, on obtient que nC2n d2n+1 = ppcm(1, . . . , 2n + 1), d2n+1 est un multiple de d2n donc n nC2n |d2n+1 . n+1 — En posant a = 2n+1 et b = n+1, on obtient que (n+1)C2n+1 |d2n+1 (2n+1)(2n)! n+1 2n+1 n n or C2n+1 = n!(n+1)n! = n+1 C2n donc (2n + 1)C2n |d2n+1 . 2. (2n + 1, n) = 1 d’après de théorème de Bachet-Bézout car 1(2n + 1) − n n 2n = 1. Or comme nC2n , (2n + 1)C2n |d2n+1 , on en conclut alors que n n(2n + 1)C2n |d2n+1 . Proposition 2.12. ∀n ∈ N, on a : k n 1. ∀k ∈ J0, 2nK, C2n ≤ C2n ; n 2. (2n + 1)C2n ≥ 4n ; 3. d2n+1 ≥ n4n ; 4. dn ≥ 2n pour n ≥ 7. 16 Démonstration. 1. En observant le triangle de Pascal, on observe en effet l’inégalité démontrée. Démontrons la. (2n)! n k et C2n = (2n)! . C2n = (2n−k)!k! n!2 Pour k ∈ [0, n] : " # n! k!(2n − k)! = (2n − k) . . . (n + 1)n! n(n − 1) . . . (k + 1) (2n − k)(2n − k − 1) . . . (n + 1) = n!2 ≥ n!2 n(n − 1) . . . (k − 1) 2n−k 1 k n k ≤ C2n . Pour k ∈ [n, 2n] : C2n = C2n donc k!(2n−k)! ≤ n!12 d’où C2n 2n−k n k n or 2n − k ∈ [0, n] donc C2n ≤ C2n ainsi C2n ≤ C2n . On a donc : k n ∀k ∈ [0, 2n], C2n ≤ C2n . 2. 4n = (1 + 1)2n = P2n k=0 k ≤ C2n P2n k=0 n n . = (2n + 1)C2n C2n n 3. D’après la proposition précédente, d2n+1 ≥ n(2n + 1)C2n donc d2n+1 ≥ n n4 . 4. — Si n est impair, n = 2m + 1 avec m ∈ N et on a : dn = d2m+1 ≥ m4m = m22m = m2 2n ≥ 2n si m ≥ 4. — Si n est pair, n = 2k avec k ∈ N et on a : dn ≥ dn−1 = d2k−1 = d2(k−1)+1 ≥ (k − 1)4k−1 = (k − 1)22k−2 = k−1 2n 2 ≥ 2n si k ≥ 5, 4 — Ainsi, dn ≥ 2n si n ≥ 9. d7 = ppcm(1, 2, 3, 4, 5, 6, 7) = 22 × 3 × 5 × 7 ≥ 22 × 2 × 22 × 22 = 27 . d8 = ppcm(1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8) = 23 ×3×5×7 ≥ 23 ×2×22 ×22 = 28 . La propriété dn ≥ 2n convenant également pour n = 7 et n = 8, on a dn ≥ 2n si n ≥ 7. Proposition 2.13. Soit p ∈ P.on a : 1. pvp (dn ) ≤ n ; 2. dn ≤ nπ(n) . Démonstration. j0 = Q 2. On a : p∈P 1. vp (dn ) = maxj∈[2,n] vp (j) = vp (j0 ) avec j0 ∈ [2, n] or pvp (j0 ) donc pvp (j0 ) ≤ j0 d’où pvp (dn ) ≤ j0 ≤ n. dn = Y pvp (dn ) = p∈P Y p∈J(1,n) 17 pvp (dn ) donc dn ≤ Q p∈J(1,n) n = n|J(1,n)| = nπ(n) . n . Théorème 2.7 (minoration de π). ∀n ∈ N, n ≥ 7, π(n) ≥ ln(2) ln(n) Démonstration. D’après la proposition 2.13, dn ≤ nπ(n) or d’après la propon sition 2.12 : 2n ≤ dn d’où n ln(2) ≤ π(n) ln(n), d’où π(n) ≥ ln(2) ln(n) . 2.2 Majoration de π Proposition 2.14. On a le résultat suivant : ∀m ∈ N∗ , m+1 p | C2m+1 . Y p∈J(m+2,2m+1) Démonstration. On a : m+1 m+1 m!C2m+1 = (2m + 1 − (m + 1))!C2m+1 (2m + 1)! = m! m!(m + 1)! (2m + 1)! = · (m + 1)! = (2m + 1)(2m) . . . (m + 2) m+1 donc p∈J(m+2,2m+1) p | m!C2m+1 . Comme p est un nombre premier tel que p ≥ m + 1 et puisque pour tout k ∈ [1, m] , on a (p, k) = 1. Il est clair que Q Y p, p∈J(m+2,2m+1) m Y k = 1 = k=1 Y p, m! · p∈J(m+2,2m+1) d’où la proposition. Proposition 2.15. ∀m ∈ N∗ : m+1 1. C2m+1 ≤ 4m ; 2. Q p∈J(m+2,2m+1) 3. ∀n ∈ N, Q p ≤ 4m ; p∈J(1,n) p ≤ 4n . 2m+1 k Démonstration. 1. On a 4m = 22m = 21 (1 + 1)2m+1 = 12 k=0 C2m+1 (2m+1)! (2m+1)! m+1 m+1 1 1 m m donc 4 ≥ 2 (C2m+1 + C2m+1 ) = 2 (m+1)!m! + m!(m+1)! ≥ C2m+1 . P 18 2. D’après la proposition précédente, Q p∈J(m+2,2m+1) m+1 ≤ 4m . p ≤ C2m+1 3. Par récurrence sur n, pour n = 1, n = 2, l’inégalité est vraie. Supposons l’inégalité vraie à un rang 2n ≥ 1, montrons que l’inégalité est vraie pour 2n + 1 et 2n + 2 : p= Y p∈J(1,2n+1) Y p∈J(1,n+1) p ≤ 4n+1 Y p Y p∈J(n+1,2n+1) p∈J(n+2,2n+1) | Or p = Y p∈J(1,2n+2) Y p ≤ 42n+1 . {z ≤4n } p car 2n + 2 est pair et ≥ 4 donc non- p∈J(1,2n+1) premier. On a donc Y p ≤ 42n+1 ≤ 42n+2 d’où le résultat cher- p∈J(1,2n+2) ché. Proposition 2.16. ∀n, m ∈ N, n ≥ 2, m ≥ 1 : 1. m! > m m e ; 2. π(n)! ≤ 4n ; 3. π(n) [ln(π(n)) − 1] ≤ 2n ln(2). 1. em = Démonstration. P+∞ mk k=0 k! > mm m! ⇒ m! > m m e . 2. On a : π(n) p= Y Y pi avec pi ∈ J(1, n)/ p1 < p2 < · · · < pπ(n) et i=1 p∈J(1,n) π(n) 4 ≥q n Y p≥ i = π(n)! d’après la proposition précédente. Y i=1 p∈J(1,n) 3. Ainsi on a donc : π(n) π(n) < π(n)! e π(n)! ≤4 n d’où d’où π(n) [ln(π(n)) − 1] ≤ 2n ln(2). 19 π(n) e !π(n) ≤ 4n n . Théorème 2.8 (majoration de π). ∀n ∈ N, n ≥ 3, π(n) ≤ e ln(n) n0 Démonstration. Supposons par l’absurde que ∃n0 ≥ 3/ π(n0 ) > e ln(n . 0) — Comme (f : x 7→ x ln(x) − x) est une fonction croissante sur [1, +∞[ (f ∈ C 1 ([1, +∞[), f 0 (x) = ln(x) ≥ 0), et comme ∀x ∈]1, +∞[,ln(x) ≤ n0 n0 n0 ∈ [1, +∞[ et f (π(n0 )) > f e ln(n x, on a que ln(n ≥ 1. Ainsi : e ln(n 0) 0 0) n0 n0 donc f (π(n0 )) > e ln(n (1 + ln(n ) − ln(ln(n ))) − e . On a 0 0 ln(n0 ) 0) 0 )) . π(n0 ) (ln(π(n0 )) − 1) > en0 − en0 ln(ln(n ln(n0 ) Or d’après la proposition précédente : 2n0 ln(2) ≥ π(n0 ) (ln(π(n0 )) − 1) 0 )) 0 )) d’où ln(ln(n > e−2eln(2) : (a). donc 2 ln(2) > e − e ln(ln(n ln(n0 ) ln(n0 ) — Soit g : [1, +∞[→ R, x 7→ ln(x) , g ∈ C 1 ([1, +∞[) et g 0 (x) = 1−ln(x) x x2 donc g est croissante sur [1, e] et décroissante sur [e, +∞[ donc majorée en e par g(e) = e−1 . Comme n0 ≥ 3 > e, ln(n0 ) ∈ [1, +∞[ donc 0 )) ≤ e−1 . Donc par (a), on a e−2eln(2) < 1e g(ln(n0 )) ≤ e−1 soit ln(ln(n ln(n0 ) soit e − 2 ln(2) < 1 ce qui est faux. On a donc montré par l’absurde n que ∀n ∈ N, n ≥ 3, π(n) ≤ e ln(n) . 2.3 Conclusion D’après les théorèmes de minoration et de majoration de π, on obtient donc : Théorème 2.9 (inégalités de Erdós). ∀n ∈ N, n ≥ 7 : n n ≤ π(n) ≤ e ln(n) ; ln(2) ln(n) n n soit 0.69 ln(n) ≤ π(n) ≤ 2.72 ln(n) . En utilisant de nombreuses fonctions arithmétiques, leurs propriétés, et encore de nombreux raisonnements, Tchebychev montra d’une autre façon que celle d’Erdós ses inégalités portant son nom, beaucoup plus précises. Erdós s’est attaché à ne fair intervenir que des argument arithmétiques simples. La démonstration étant excessivement longue, elle ne fera pas l’objet de ce mémoire. Nous l’énoncerons toutefois : Théorème 2.10 (inégalités de Tchebychev). ∀n ∈ N suffisamment grand, n n 0.92 ln(n) < π(n) < 1.1 ln(n) 20 Hadamard et De La Vallée Poussin ont également prouvé par la suite ce résultat fondamental à propos de π(n) : Théorème 2.11 (Hadamard-De La Vallée Poussin). π(n) ∼+∞ 21 n · ln(n) Chapitre 3 Le théorème de Dirichlet Dans cette partie, l’objectif est de montrer le théorème de Dirichlet, qui permettra de généraliser sur la finitude ou l’infinitude de toute progression arithmétique. 3.1 Caractères d’un groupe Définition 3.10. Un caractère d’un groupe G est un morphisme χ de G dans le groupe multiplicatif C∗ . Proposition 3.17. Soit G un groupe commutatif fini d’ordre n, d’élément neutre noté 1. 1. Les valeurs d’un caractère χ sur G sont des racines de l’unités. 2. Si χ1 et χ2 sont des caractères de G, alors l’application χ1 χ2 : G → C∗ définie par χ1 χ2 (g) = χ1 (g)χ2 (g) est un caractère de G. 3. L’ensemble des caractères de G est un groupe pour la loi (χ1 , χ2 ) 7→ b et est appelé le groupe dual de G. On χ1 χ2 . Ce groupe est noté G note 1 son élément neutre qui est le caractère de valeur 1, on l’appelle caractère principal. Démonstration. 1. Puisque |G| = n, ∀g ∈ G, g n = 1. Donc χ(g)n = 1, d’où ∀g ∈ G, χ(g) est une racine n-ième de l’unité dans C. 22 2. Comme C est commutatif, on a que : χ1 χ2 (g1 g2 ) = χ1 (g1 g2 )χ2 (g1 g2 ) = χ1 (g1 )χ1 (g2 )χ2 (g1 )χ2 (g2 ) = χ1 (g1 )χ2 (g1 )χ1 (g2 )χ2 (g2 ) = χ1 χ2 (g1 )χ1 χ2 (g2 ). 3. La loi est interne d’après le second point. La loi est associative, en b on a ∀g ∈ G : effet, ∀χ1 , χ2 , χ3 ∈ G, (χ1 (χ2 χ3 ))(g) = χ1 (g)(χ2 χ3 )(g) = χ1 (g)χ2 (g)χ3 (g) = (χ1 χ2 )χ3 (g) = ((χ1 χ2 )χ3 )(g). b admet un élément neutre 1. Tout élément χ ∈ G b admet un syG 1 b en effet on métrique : χ−1 : g 7→ χ(g) qui appartient également à G, montre de la même façon que χ que χ−1 est bien un morphisme. Lemme 3.2. Si G est un groupe cyclique d’ordre n, alors le groupe dual b ∼ G = G. Il est donc également cyclique d’ordre n. Démonstration. Soit x un générateur de G. Soit µn le groupe des racines b → µ définie par ϕ(χ) = χ(x). n-ièmes de l’unité. Soit ϕ : G n b — ∀χ1 , χ2 ∈ G, on a : ϕ(χ1 χ2 ) = (χ1 χ2 )(x) = χ1 (x)χ2 (x) = ϕ(χ1 )ϕ(χ2 ) donc ϕ est un morphisme. b : — ∀χ ∈ G (χ ∈ ker(ϕ)) ⇐⇒ (ϕ(χ) = 1) ⇐⇒ (χ(x) = 1) ⇐⇒ (χ = 1) car x est un générateur de G, donc ϕ est injectif. b défini par ∀g ∈ G(∃r ∈ N / g = xr comme x — Soient α ∈ µn et χ ∈ G est un générateur de G), et χ(g) = αr . On a ϕ(χ) = χ(x) = α1 = α b ∼ donc ϕ est surjectif. Ainsi, on vient de prouver que G = µn et comme b ∼ ∼ G = µn (car cyclique d’ordre n) alors G = G. Lemme 3.3. Si H est un sous-groupe d’un groupe abélien G, tout caractère de H se prolonge à un caractère de G. 23 Démonstration. Procédons par récurrence sur r = [G : H] l’indice de H dans G. Si r = 1, alors H = G, il n’y a rien à démontrer. Supposons maintenant par récurrence que le résultat est vrai pour tout sousgroupe H d’indice < r avec r > 1 fixé. Considérons un élément x ∈ G \ H et le sous-groupe H 0 engendré par H ∪ {x}, c’est-à-dire que les éléments de H 0 sont de la forme hxs avec h ∈ H, s ∈ Z. Puisque [G : H] = [G : H 0 ].[H 0 : H], on a [G : H 0 ] < [G : H]. On a xr ∈ H, en effet : en notant x la classe de x dans G/H, xr = xr et comme r = [G : H], xr est l’élément neutre de G/H, donc H. Si χ est un caractère de H et u = χ(xr ), on choisit un nombre complexe β tel que u = β r . On prolonge χ à un caractère χ0 de H 0 , en posant : χ0 (x) = β et χ0 (hxs ) = χ(h)β s . Par récurrence, χ0 se prolonge à un caractère de G. b / χ(g) 6= Corollaire 3.1. Si g ∈ G (groupe abélien fini), g 6= 1, alors ∃χ ∈ G 1. c = Démonstration. Si H est le sous-groupe cyclique engendré par g, on a : |H| |H| > 1. Il existe donc un caractère χ de H tel que χ 6= 1 (⇔ χ(g) 6= 1). D’après le lemme précédent, ce caractère se prolonge à un caractère χ0 de G qui vérifie donc χ0 (g) 6= 1. Théorème 3.12. Soit G un groupe abélien fini d’ordre n. b est d’ordre n. 1. Le groupe dual G b → C∗ , χ 7→ χ(g) est un caractère 2. Si g ∈ G, alors l’application ĝ : G b de G. 3. L’application g 7→ ĝ est un isomorphisme de G sur le groupe bidual bb G. b se met sous la forme Démonstration. 1. G i Z/ai Z car G est abélien fini. On notera Gi = Z/ai Z. Comme on a l’isomorphisme canonique Q Q Hom ( ri=1 Gi , C∗ ) → ri=1 Hom (Gi , C∗ ), on obtient que : Q b = G r r \ Y Y c G Gi ∼ = i i=1 i=1 c ∼ or d’après le lemme 3.2, pour tout i entre 1 et r, G i = Gi donc Q r b ∼ ∼ G = i=1 Gi = G. 24 2. On a ĝ(χ1 χ2 ) = (χ1 χ2 )(g) = χ1 (g)χ2 (g) = ĝ(χ1 )ĝ(χ2 ). 3. L’application T : g 7→ ĝ est un morphisme de groupes. En effet, si g1 b on a gd et g2 sont dans G, et χ ∈ G, 1 g2 (χ) = χ(g1 g2 ) = χ(g1 )χ(g2 ) = c c g1 (χ)g2 (χ). c1 g c2 . On en déduit l’égalité gd 1 g2 = g Le morphisme T est injectif car ker(T ) = {1}. En effet, si g ∈ G \ {1}, on sait d’après le corollaire précédent qu’il existe un caractère χ de b ont G tel que χ(g) 6= 1. Donc ĝ(χ) 6= 1 d’où ĝ 6= 1. Puisque G et G le même ordre, le morphisme T est aussi surjectif, et par suite, un isomorphisme. Corollaire 3.2. Si H est un sous-groupe d’un groupe abélien fini G et χ un caractère de H, alors le nombre de caractères de G qui prolongent χ est égal à l’indice [G : H] de H dans G. Proposition 3.18. On suppose que le groupe G est abélien d’ordre n. ( P n si χ = 1, b on a : 1. Si χ ∈ G, g∈G χ(G) = 0 si χ 6= 1. ( 2. Si g ∈ G, on a : P b χ∈G χ(g) = n si g = 1, 0 si g 6= 1. Démonstration. 1. C’est évident si χ = 1. Si χ 6= 1, ∃h ∈ G / χ(h) 6= 1. L’application de G → G, g 7−→ gh, étant bijective, on a : X χ(g) = g∈G X χ(gh) = g∈G X χ(g)χ(h). g∈G On en déduit l’égalité suivante : (1 − χ(h)) X χ(g) = 0 d’où g∈G X χ(g) = 0. g∈G b en utilisant la dualité 2. On applique le point 1 de cette proposition à G bb entre G et G. Soit m ∈ N∗ \ {1}. On sait que le groupe U (m) des inversibles de Z/mZ est formé des classes modulo m des entiers premiers à m et qu’il possède exactement ϕ(m) éléments. 25 Définition 3.11. Si m ∈ N∗ \ {1}, un caractère du groupe U (m) est appelé un caractère modulo m. A un caractère modulo m, avec m > 1, on associe la fonction χ0 : Z → C∗ , définie par : ( 0 si (n, m) 6= 1, 0 χ (n) = χ(n) si (n, m) = 1, où n est la classe de n modulo m. La fonction χ0 est complètement multiplicative (c’est-à-dire ∀a, b ∈ N, χ0 (ab) = χ0 (a)χ0 (b)). On dira que la fonction χ0 : Z → C∗ associée à un caractère χ modulo m, est une fonction caractère modulo m et on la notera χ (au lieu de χ0 ). 3.2 Séries de Dirichlet Définition 3.12. Une série de Dirichlet est une série de la forme : X an , où an ∈ C, s ∈ C. s n∈N∗ n Les nombres an sont les coefficients de la série. Définition 3.13. On considère des fonctions χ : N → C∗ complètement multiplicatives et telles que ∀m ∈ N, |χ(m)| ≤ 1. On définit ainsi la série de Dirichlet associée à χ : L(s, χ) = +∞ X χ(n)n−s . n=1 Puisque |χ(n)n−s | ≤ |n−s |, cette série converge dans le demi-plan <(s) > 1 et sa somme L(s, χ) y est continue. Proposition 3.19. Soit f (s) = n∈N∗ anns une série de Dirichlet. P 1. Si ∃K ∈ R / ∀(m, p) ∈ N2 , p ≥ m, | pn=m an | < K, alors la série f (s) converge dans le demi plan <(s) > 0. 2. Si χ est un caractère modulaire différent de 1, la série L(s, χ) converge dans l’ouvert <(s) > 0. P Démonstration. 1. On applique le lemme d’Abel à la série et on obtient : p−1 X 1 an 1 1 | | | < K − | + | | · s s (n + 1)s ps n=m n n=m n p X 26 Or, en notant σ = <(s), on a : Z n+1 du 1 1 | = |s|| | | s− s n (n + 1) us+1 n Z n+1 du ≤ |s| uσ+1 n ! |s| 1 1 ≤ − · σ nσ (n + 1)σ Donc on a : X 1 1 K |s| p−1 1 an | < K − + σ ≤ σ· | s σ σ σ n=m n (n + 1) p m n=m n p X " # On en déduit que | pn=m anns | → 0 lorsque m → +∞. Le critère de P Cauchy implique la convergence de la série anns pour <(s) > 0. 2. Supposons χ 6= 1, où χ est un caractère modulo N . On sait que les valeurs χ(n) sont des racines de l’unité donc de module 1, et PN −1 χ(ai ) = 0 (par les propriétés des racines de l’unité), où que i=0 a0 , . . . , aN −1 est un système de représentants des classes modulo N . On en déduit que si p ≥ m et p − m = kN + r, avec 0 ≤ r < N (division euclidienne de p − m par N ), alors : P | p X n=m an | = | p X χ(n)| ≤ n=m r X |χ(n)| ≤ N − 1.10. n=0 Le résultat se déduit donc du point précédent. Définition 3.14. Pour χ = 1, on appelle fonction Zêta ou encore série de Riemann L(s, 1) et on note : ζ(s) = +∞ X n−s . n=1 Théorème 3.13 (Identité d’Euler). ∀s > 1, on a que : L(s, χ) = Y p∈P 1 1 − χ(p)p−s et en particulier : ζ(s) = Y p∈P 27 1 · 1 − p−s Démonstration. Comme |χ(p)p−s | < 1, [1 − χ(p)p−s ]−1 est développable en série entière et on a : +∞ X 1 = χ(pk )p−ks . −s 1 − χ(p)p k=0 Cette série est absolument convergente. Soit N > 0 un entier, tout entier inférieur à N est un produit de facteurs premiers positifs inférieurs à N . Considérons donc l’égalité suivante : Y p∈P T [1,N ] 1 = 1 − χ(p)p−s +∞ X Y p∈P T [1,N ] ! χ(p )p k −ks · k=0 Puisque les séries du seconde membre sont absolument convergentes, on peut effectuer le produit de ces séries et réarranger les termes en somme. On Q obtient, pour n = pk (quelconque), tous les termes de la forme χ(n)n−s , en dissociant les cas où n ≤ N et n ≥ N ainsi on a l’égalité : Y p∈P T [1,N ] 1 = 1 − χ(p)p−s X χ(n)n−s + RN (s) n∈[1,N ] −s avec |RN (s)| ≤ +∞ n=N +1 |χ(n)n |. Ce second membre, étant le reste d’une série convergente , converge vers 0 si N → +∞, d’où le résultat. P Lemme 3.4. Soit m ∈ N∗ \ {1}, si p ∈ P ne divise pas m et r(p) l’ordre de la classe p de p modulo m, on a : 1. le nombre r(p) | ϕ(m), soit t(p) = ϕ(m) r(p) ; 2. n l’ensemble W des o racines r(p)-ièmes de l’unité dans C coïncident avec d χ(p) / χ ∈ hpi . De plus : Y (1 − wX) = 1 − X r(p) ; w∈W 3. On a : Y (1 − χ(p)X) = (1 − X r(p) )t(p) . \ x∈U (m) Démonstration. 1. L’ordre de l’élément p est égal à l’ordre de hpi donc divise l’ordre ϕ(m) du groupe U (m), d’après le théorème de Lagrange. 28 2. Chaque valeur χ(p) est une racine r(p)-ième de l’unité. D’autre part, le nombre χ(p) caractérise le caractère χ car p engendre hpi. 1 X ∈W car (1 − wX) = 1− w w w∈W w∈W Y w − X 1 Y = = r(p) (w − X) w w w∈W w∈W Y Y = (w − X) = 1 − X r(p) . Y w∈W 3. Si χ est un caractère du sous-groupe hpi de U (m) et χ0 un caractère modulo m qui prolonge χ, on écrira χ0 |χ. Y \ χ∈U (m) [1 − χ(p)X] |{z} = Y Y cor.3.2 χ∈hpi = |{z} Y [1 − χ0 (p)X] χ0 |χ [1 − χ(p)X]t(p) \ (1) χ∈hpi h = 1 − X r(p) |{z} it(p) . (2) Proposition 3.20. On considère le produit fini de séries absolument convergentes dans l’ouvert <(s) > 1 : Pm (s) = Y L(s, χ), \ χ∈U (m) où le produit est pris sur les caractères modulo m. Alors la série Pm (s) est une série de Dirichlet à coefficients positifs, convergente dans le même ouvert et on a : !−t(p) Y 1 Pm (s) = 1 − r(p)s · p p∈P/p-m Démonstration. La convergence absolue dans l’ouvert <(s) > 1 résulte de la proposition précédente car Pm est un produit de séries convergentes sur l’ouvert <(s) > 1. L’égalité découle de l’identité d’Euler et d’une commutation 29 simple : Pm (s) = Y Y \ χ∈U (m) p∈P 1 1 − χ(p)p−s 1 1 − χ(p)p−s \ p-m = Y Y χ∈U (m) = Y Y p-m χ∈U \ (m) = 1− Y p-m 1 1 − χ(p)p−s 1 !−t(p) · psr(p) Théorème 3.14. Si χ est un caractère modulo m (m > 1 et χ 6= 1), alors L(1, χ) est un nombre fini non-nul. Démonstration. La série L(s, χ) converge dans l’ouvert <(s) > 0 d’après la proposition 3.19. Donc L(1, χ) est fini. Supposons L(1, χ) = 0, alors au voisinage de s = 1, on aurait L(s, χ) = (s − 1)a(s) avec a holomorphe. Le produit s 7→ (s − 1)ζ(s) est holomorphe en s = 1, donc également la fonction Pm . Il s’ensuit que Pm serait holomorphe dans l’ouvert <(s) > 0. Démontrons donc que cela entraîne une contradiction. En effet : +∞ X 1 !k t(p) psr(p) k=0 Or Pm (s) = Y +∞ X 1 !k t(p) k=0 psr(p) p-m = 1 1 − p−sr(p) !t(p) (car c’est une série géométrique). ≥ +∞ X 1 k=0 psϕ(m) Y p-m !k car t(p) > 1 donc +∞ X 1 1 Pm (s) ≥ = (identité d’Euler avec χ = 1). −ϕ(m)s ϕ(m)s 1−p n=1 n p-m Y 1 La série Pm (s) dominerait donc la série +∞ n=1 nϕ(m)s , qui serait convergente 1 pour <(s) > 0. Mais cette série diverge pour s = ϕ(m) , d’où la contradiction recherchée. P Corollaire 3.3. La fonction Pm (s) est holomorphe dans l’ouvert <(s) > 0, sauf en s = 1 où elle admet un pôle simple. 30 3.3 Théorème de Dirichlet Proposition 3.21. Soient s ∈]1, +∞[, m ∈ N et χ un caratère modulo m, alors : X χ(p) ln(L(s, χ)) = + O(1) s p∈P p où O(1) désigne une fonction bornée quand s → 1+ . Démonstration. On a, d’après l’identité d’Euler : L(s, χ) = Y p∈P 1 · 1 − χ(p)p−s On en déduit les égalités suivantes (en utilisant le développement en série entière de x 7→ ln(1 − x)) : 1 ln ln(L(s, χ)) = 1 − χ(p)p−s p∈P ! X = X p∈P = X p∈P Justifions que P p∈P P+∞ χ(pm ) m=2 mpms | χ(pm ) ms m=1 mp +∞ X ! X χ(pm ) χ(p) X +∞ + · ms ps p∈P m=2 mp = O(1). On a : X +∞ X 1 χ(pm ) | ≤ ms ms p∈P m=2 p p∈P m=2 mp X +∞ X ≤ X p∈P ≤ p2s (1 1 − p)−s X 1 1 1 − 2−s p∈P p2s ≤ 2ζ(2). Corollaire 3.4. Si s > 1, on a : ln [ζ(s)] =1+ X p∈P 1 1 + O1 (1) =1+ ln + O2 (1). s p s−1 31 Démonstration. Il suffit de prendre = 1, pour obtenir la première égalité. χ 1 Il reste à comparer ln [ζ(s)] et ln s−1 . Posons ρ(s) = (s − 1)ζ(s). Il vient que ln [ζ(s)] = − ln(s − 1) + ln[ρ(s)]. Mais, on a : ρ(s) →s→1+ 1 car on sait que ζ(s) ∼1+ ln[ρ(s)] → 0, 1 . s−1 On en déduit : ln[ζ(s)] ln[ρ(s)] ln[ρ(s)] → 0 et =1− → 1. ln(s − 1) − ln(s − 1) ln(s − 1) Le résultat recherché s’ensuit. Remarque 3.4. Ainsi les 3 fonctions : ln[ζ(s)], valentes quand s → 1+ . P 1 p∈P ps , ln 1 s−1 sont équi- Lemme 3.5. Soient a, b ∈ N, (a, b) = 1. Si χ est un caractère modulo b et <(s) > 1, on pose : fχ (s) = X 1 χ(p) et ga,b (s) = · s s p p∈Pa,b p p∈P,p-b X 1. La série fχ converge dans l’ouvert <(s) > 1 (respectivement converge normalement dans tout ouvert <(s) > δ > 1). On a pour s → 1+ : (a) f1 (s) ∼ ln 1 s−1 ; (b) fχ (s) = O(1), si χ 6= 1. 2. On a : X 1 X 1 ga,b (s) = χ(a−1 )fχ (s) = f1 (s) + χ(a−1 )fχ (s) · ϕ(b) d ϕ(b) χ6=1 χ∈U (b) 3. On en déduit : 1 1 X 1 1 ln ∼ · ∼ ϕ(b) s−1 ϕ(b) p∈P ps ga,b Démonstration. 1. Cela résulte des inégalités | χ(p) |≤ ps 32 1 · p<(s) (a) Si p|b, alors 1(p) = 0 sinon 1(p) = 1. Le nombre des p divisant P b étant fini, les séries f1 (s) et p∈P p1s diffèrent par un nombre fini de termes. Elles sont donc équivalents pour s → 1.Or d’après P 1 le corollaire 3.4, la série p∈P p1s est équivalente à ln s−1 pour s → 1+ . Le résultat s’ensuit. (b) Si χ 6= 1, on a, d’après le théorème 3.14, L(1, χ) 6= 0 donc fχ (s) = O(1) pour s → 1+ . 2. En remplaçant fχ (s) par sa valeur, on obtient : P X χ(a−1 )fχ (s) = X p∈P,p-b d χ∈U (b) χ(a d χ∈U (b) −1 )χ(p) ps · D’après le corollaire 3.3, on a : X χ(a−1 p) = d χ∈U (b) ϕ(b) (= |U (b)|) si a−1 p ≡ 1[b], 0 sinon. Il s’ensuit l’égalité : X 1 ϕ(b) 1 X χ(a−1 )fχ (s) = = ga,b (s), ϕ(b) d ϕ(b) p∈P,p≡a[b] ps χ∈U (b) puisque p ∈ Pa,b ⇔ p ≡ a[b]. P 3. Considérons de nouveau la somme A = χ∈Ud χ(a−1 )fχ (s) et le cas (b) particulier du caractère unité 1. On obtient : A = f1 (s) + X χ(a−1 )fχ (s). χ6=1 Ainsi, en faisant tendre s vers 1, on a : 1 1 X 1 1 1 1 ga,b (s) ∼ ln + O(1) ∼ ln · ϕ(b) s−1 ϕ(b) s − 1 ϕ(b) p∈P ps Définition 3.15. Soit Q ⊂ P, on dit que l’ensemble Q a une densité de Dirichlet d si P p−s lims→1+ Pp∈Q −s p∈P p 33 existe. On note alors : p−s d(Q) = lims→1+ P · −s p∈P p P p∈Q P p−s p∈Q Remarque 3.5. Cette limite est aussi égale à lims→1+ ln[(s−1) −1 ] . On voit donc que si Q a une densité non-nulle, Q est infini. Théorème 3.15 (Dirichlet). Si a, b ∈ N/(a, b) = 1, alors on a : 1 · d[Pa,b ] = ϕ(b) Démonstration. D’après le lemme 3.5, on a : P p∈P,p≡a[b] p P −s p∈P p −s Donc la densité de Dirichlet de Pa,b est ∼s→1 1 . ϕ(b) 34 1 · ϕ(b) Cet ensemble est donc infini. Bibliographie Cours sur les nombres premiers : Les nombres premiers, Yves Aubry, Université Sud-Toulon, http ://www.yaubry.univ-tln.fr/I55.NombresPremiers.ppt Liens internet sur l’infinitude de P : http ://knol.google.com/k/wlodzimierz-holsztynski/infinitude-of-primes-1/ 1jxfhq4x4sw0j/60] http ://knol.google.com/k/wlodzimierz-holsztynski/infinitude-of-primes-2/ 1jxfhq4x4sw0j/62] http ://www.dma.ens.fr/culturemath/maths/pdf/nombres/premiers.pdf Inégalités de Erdós (à la Tchébychev) : 2ème composition du CAPES externe de mathématiques 2007 Livres exploités : An introduction to the theory of numbers, Hardy and Wright, éditions Fifth (p 3-17 ; p49-53 ; p63 ; p78-79) Algèbre et théorie des nombres, Cryptographie, Primalité, Sabah Al Fakir, éditions Ellipses (p48-49 : identité d’Euler) Algèbre et théorie des nombres, théorie de Galois et Codes géométriques et Arithmétique, Sabah Al Fakir, éditions Ellipses (p114-188 : théorème de Dirichlet) Introduction à la théorie des nombres, Jean-Marie De Koninck et Armel Mercies, éditions Modulo (p22-30 ; p37-45) Oraux X-ENS : Algèbre 1, Francinou et Gianella, éditions Cassini (p132-137) Intérêt des nombres premiers pour la cryptographie : Test de primalité et cryptographie, Latifa Elkhati, Université d’Evry, http ://www.maths.univ-evry.fr/pages perso/bayad/Enseignement/TER/ testsdeprimaliteCrypto.pdf 35