I N F E C T I O N E T A R T H R I T E S Infection et arthrites ! Th. Schaeverbeke P o i n t s f o r t s " Différents travaux confirment l’incapacité du traitement antibiotique à éradiquer les bactéries au cours des arthrites réactionnelles et dans l’arthrite de Lyme. " Une association d’antibiotiques semble avoir un effet supérieur à une monoantibiothérapie dans l’arthrite réactionnelle. R écidives et passage à la chronicité de l’arthrite réactionnelle sont désormais le plus généralement attribués à la persistance de bactéries arthritogènes dans l’articulation. Une étude montrant l’efficacité d’une antibiothérapie par tétracycline dans les arthrites réactionnelles à Chlamydia trachomatis n’a pas été confirmée par d’autres travaux. Plusieurs travaux présentés à l’ACR peuvent apporter quelques éléments d’explication quant à l’inefficacité des antibiothérapies habituellement proposées dans ces arthrites à médiation bactérienne. ANTIBIOTHÉRAPIE DANS LES SPONDYLARTHROPATHIES INDIFFÉRENCIÉES Carter et al. (235) ont comparé deux protocoles d’antibiothérapie chez 14 patients présentant une spondylarthropathie indifférenciée. Sept d’entre eux ont reçu de la doxycycline (200 mg/j), tandis que les sept autres prenaient une association de doxycycline (200 mg/j) et de rifampicine (600 mg/j). Les deux traitements étaient administrés pendant 6 mois. Les évaluations cliniques ont été effectuées de façon aveugle par des médecins ne connaissant pas le traitement pris par le patient. Une différence significative en faveur de l’association doxycycline-rifampicine a été mise en évidence pour certains 24 des paramètres d’évaluation : la diminution de la raideur matinale, les douleurs articulaires périphériques et le nombre d’articulations gonflées et douloureuses. Une association d’antibiotiques pourrait ainsi s’avérer plus efficace qu’une monothérapie dans le traitement des arthrites à déclenchement infectieux. PERSISTANCE DE C. TRACHOMATIS APRÈS TRAITEMENT PAR DOXYCYCLINE IN VITRO Fliedner et al. (1756) ont évalué l’efficacité de la doxycycline in vitro sur des cellules Hep-2 infectées par C. trachomatis. Après exposition à l’antibiotique, une recherche de C. trachomatis a été effectuée à J4, J8, J14 et J20 selon différentes techniques : recherche de corps infectieux par culture, recherche de corps élémentaires par immunofluorescence, recherche d’ARN messager du gène de l’ARNr 16S par RTPCR. Si les éléments infectieux, directement cultivables, disparaissent en quelques jours après antibiothérapie par cycline, les corps élémentaires sont encore détectables au 8e jour, et des ARN messagers, témoignant de la persistance d’éléments bactériens biologiquement actifs, sont encore présents au 20e jour (tableau I). Des éléments bactériens viables persistent donc plus de trois semaines après une antibiothérapie par doxycycline, tout au moins in vitro. Les cyclines n’ont qu’un effet bactériostatique sur C. trachomatis, et ne constituent peutêtre pas le traitement antibiotique de choix dans les arthrites réactionnelles. Tableau I. Persistance de Chlamydia trachomatis après doxycycline in vitro (cellules Hep-2). J4 J8 J14 Corps infectieux + (+) – J20 – Corps élémentaires + (+) – – ARN messagers + + + (+) La Lettre du Rhumatologue - n° 278 - janvier 2002 I N F E C T I O N PERSISTANCE DE BORRELIA APRÈS ANTIBIOTHÉRAPIE Les rechutes des arthrites de Lyme après un traitement a priori efficace pourraient avoir plusieurs explications : soit l’autonomisation d’une arthrite inflammatoire, après disparition de la bactérie, soit la persistance d’éléments bactériens dans l’articulation. Bockenstedt et al. (588) ont évalué la persistance de Borrelia burgdorferi après antibiothérapie dans un modèle murin de maladie de Lyme. L’infection à B. burgdorferi a été transmise aux souris C3H/HeJ par exposition à des tiques porteuses de Borrelia. Un premier groupe de souris a été traité par ceftriaxone pendant 30 jours, un deuxième groupe par doxycycline, et un troisième a simplement reçu du sérum salé. Ces souris, ainsi qu’un quatrième groupe de souris non infectées, ont ensuite été exposées à des tiques non porteuses de Borrelia à 1, 3, 6 et 9 mois après le traitement antibiotique. Après 24 heures, ces tiques ont été prélevées et analysées (détection de Borrelia par immunofluorescence et par PCR). Des souris ont été sacrifiées à différents temps pour rechercher la présence de Borrelia au sein de divers tissus. Par PCR, il a été possible de détecter l’ADN de Borrelia dans une petite proportion de tiques, quel que soit le groupe “infecté”, jusqu’au 3e mois, et pas au-delà. Les PCR sur différents tissus des souris ont permis de mettre en évidence de l’ADN bactérien sur certains tissus jusqu’à 9 mois après le traitement antibiotique. Il semble que la ceftriaxone permette de mieux assurer l’élimination articulaire de la bactérie, les PCR sur tissu synovial s’étant avérées négatives chez les 4 animaux testés, alors que chez 4 souris sur 5, l’ADN de Borrelia est détecté dans la synoviale 9 mois après une antibiothérapie par cycline (tableaux IIa et IIb). La Lettre du Rhumatologue - n° 278 - janvier 2002 E T A R T H R I T E S Tableau IIa. PCR ospA sur les tiques mises en contact avec des souris infectées par Bb puis traitées : persistance de Borrelia après antibiothérapie. PCR + Groupe de souris à 1 mois à 3 mois Non infectées 0/12 0/5 Ceftriaxone 3/15 5/14 Doxycycline 3/14 3/24 Sérum salé 21/29 10/15 Tableau IIb. PCR 16SrADN sur tissus des souris infectées par Bb puis traitées. Groupe de souris Non infectées Ceftriaxone Doxycycline Sérum salé PCR 16Sr ADN + Cœur Vessie Articulation 0/3 0/4 1/5 4/4 0/3 2/4 2/5 4/4 0/3 0/4 4/5 4/4 Le retard de clairance ou l’absence d’élimination de Borrelia de l’organisme hôte après antibiothérapie pourraient expliquer une partie des rechutes articulaires de la maladie de Lyme. Il apparaît ainsi clairement que l’antibiothérapie ne permet que très inconstamment d’éradiquer de l’articulation les bactéries impliquées dans les arthrites d’origine infectieuse. D’autres schémas thérapeutiques mériteraient d’être testés : associations d’antibiotiques, traitements combinés associant antibiotiques et thérapeutiques de fond... # 25