- 212- , CHARLES Par M. LOUIS FABRY DE BROGLIE. Charles Fabry appartenait à une famille qui avait l.ongtemps exercé l'industrie de, la filature dans le département de l'Ardèche. S.on père fut banquier à Marseille .où il m.ourut en 1915. L'un de de ses frères .occupa de hautes f.oncti.ons dans la magistrature; les deux autres, l'un astl'.ollOme, l'autre mathématicien, furent des savants de valeur et devinrent C.orresp.ondants de l'Académie des Sciences. La famille Fabry était par ailleurs apparentée à la famille Rostand à laquelle appartint le c-élèbre p.oète Edmond Rostand. ' ,Né à, Marseille le I I juin 1867, Charles Fabry entra à 18 ans à l'Éc.ole P.olyte,chnique et, peu après sa, s.ortie de l'Éc.ole, il se décide à se c.onsacrer:aux' recherche's scientifiques et revi,ent à Marseille préparer sa thèse de D.octorat s.ousla directi.on de Macé de Lépinay'. Reçu d.octeur et agl'égé, Fabry, après aV.oir enseigné dans un certain n.ombré de lycées en pruvince et à Paris, ret.ourne à la Faculté des Sciences 'de Marseille .où il ne tarde pas à devenir titulaire de la chaire de Physique industrielle. Sauf pendant les quelques années de la guerre de 1914-18, il devait rester à Marseilie jusqu'en 1921 et )' acc.omplir une œuvre scientifique de la plus haute p.ortée . . C'est essentiellement du côté de l'Optique que Charles Fabry il .orienté ses travaux. Dès sa thèse de D.oct.orat en '1892, il, m.ontrait l'.originalité de s.on esprit et son habileté d'expérimemtuteur en étudiant avec précisi.on unc questi.on difficile :' celle de J'aspect et des. c.onditi.ons de visibilité des franges d'interférences .obtenues av'ec une ,source étendue.' Les rais.onnements et les résultats que Fabry exp.osa dans ses travaux sur ce sujet, s.oit seul, s.oit avec Macé de Lépinay, s.ont auj.ourd'hui bien c.onnus de tous les physiciens et .on les tr.ouve résumés dans tous les traités. de physique générale. Ses recherches sur les franges d'interférence amenèrent Charles - 213 ~ Fabry à l'une de sés plus belles inventions:' l'emploi des lames se mi-argentées pour l'obtention de franges d'interférences d'une extrême finesse. JI donna du phénomène utilisé une théorie 'classique et il réalisa sur ce principe des interféromètres et des étalons interférentiels qui sont restés pour les l'>hysiciensde précieux instruments de recherche et de mesure,. L'extrêm~ précision des mesures que les appareils interférentiels et en particulier ceux qu'avai t imaginés Fabry permettent d'atteindre devait tout naturellement amen~r l'éminent physicien à s'occuper de métrologie et, dans ce domaine aussi, il ne tarda , pas> à se montrer un maître. Reprenant les détel'minations de longueurs d'onde effectuées par Rowland, il montra à l'étonnement de tous, qu'elles étaient loin d'avoir la précision qu'on leur attribuait jusque-là. Ses recherches sur la longueur d''onde des raies du spectre solaire, la caite détaillée du spectre du fer qu'il publia avec son coIlèg.ue et ami Buisson sont connues de tous lesspectroscopistes. On doit aussi il Charles Fabry de pénétrantes études sur l'élargissement des raies spectrales par l'effet Doppler. La théorie cinétique des gaz, qui attribue aux' molécules d'un gaz des. mouvements d'autant plus rapides que sa température est plus éleVée, prévoit que l'élargisse~ent par effet Doppler -des raies spectrales émises par les molécules d'un gaz raréfié dans un tube de Geissler doit diminuer quand la temp.érature du gaz s'abaisse. Dans une magnifique expérience, Fabry et 'Buisson ont vérifié cette prévision :- plongeant le tube lumineux dans u'n bain d'air liquide, ils ont constaté que les raies deviennent beaucoup plus fines par suite de l'abaissement de la température. Cette influence de la température sur la largèur des raies émises par un gaz raréfié permet non seulement ,de ~ calculer la température des' nébuleuses, mais même dans certains cas d'évaluer la masse des molécules qui émettent les raies. Fabry fit aÏnsi des observations iIitéressantes sur la nébuleuse d'Orion et crut même' pouvoir reconnaître dans cette nébuleuse la présence d'un corps de poids atomiqüe égal à 3, inconnu sur la terre, le Nébulium( résultat que ·les progrès plus récents de la spectroscopie n'ont pas confirmé. Poursuivant ses travaux de Métrologie interférentielle, Fabry a repris avec Perot et.Macé de Lépinay la mesure exacte de la masse du décimètre cube d'eau à 4° et montré qll'~lIe est inférieure de 2Im g ,4 à celle du kilogramme étalon. Le Bureau Inter- , - 214- national des Poids et Mesures admet aujourd'hui que la différence . est de 28 mg. En 1913, avec l'aide de Benoît et Perot, Fabry a repris le\ célèbres mesur'es effectuées une quinzaine d'années auparavan.t par .Michelson p.ouJ' comparer la longueur d'onde de la raie rouge du cadmium avec le mètre étalon, et il a obtenu pour cette longueur d'onde la valeur o[J.,64384696, très voisine de celle donnée par Michelson. ' L'œuvre de Charles Fabry en photométrie fut également considérable. Il fut le premier à étudier et à résoudre le difficile problème de la photométrie hétérochrome et la solution qu'il en , a proposée est demeurée classique. Inventeur d'un microphotomètre et d'un photomètre à lentilles sans écran, il a' fait les premières mesures correctes de l'éclairement produit par le Soleil et de l'intensité lumineuse des étoiles en fonction des unités photométriques usuelles. Ces études photométriques ont aussi conduit Charles Fabry à , s'occuper de la question de la brillance du ciel nocturne et de la présence d-e l'ozone dans la haute atmosphère. Il s'est beaucoup préoccupé de cet important problème qui intéresse aussi la physique du globe. . Il faudrait citer encore d'autres travaux de Fabry, notamment des études théoriques ou expérimentales sur le phénomène de Gouy, la production des champs magnétiques pal' des bobines avec ou sans fer et la température d'équilibre d'un corps soumis à un rayonnement. Il faudrait aussi, pour être complet, énumérer les nombreux ouvrages d'enseignement ou de haute vulgarisation qui lui sont dus, ouvrages auxquels sa fine et profonde connaissance de la physique conférait la plus haut~ valeu·ret que rendaient particulièrement attrayants l'élégance dn style et la -'vivacité, souvent teintée d'humour, de l'exposition. Devenu en 1921 Professeur de Physique générale à la Sorbonne, Charles Fabry eut aussi à assurer à Paris la direction de l'Institut d'Optiqùe alors récemme~t créé, et si cet Institut a depuis 25 ans beaucoup contribué aux progrès de. Ia science et de l'industrie française, c'est en grande partie à Charles Fabry qu'en revient l'honneur. Les charges qu'il assumait étaient variées et .étendues et il assura même pendant de longues années l'enseignement de la physique à l'Ecole p'olytechnique. De grands honneurs vinrentrécompenset· son talent de physicien universellement reconnu. Mémbre de la Société royale de Londres, , -2Hi _de la Royal Institution, du Franklin Institute et de plusieurs Académies étrangère's, il devint Membl'e de l'Acadé~ie des Sciences en I927' D'abord Correspondant du Bureau des Longitudes, il en devint Membre titulaire, en I935, Atteint par la retraite en I937, mais resté plein d'activité, il continua il se consacrer aux progrès de la physique et au-développement de l'Institut d'Optique. La guerre de I939-4o et l'occupation de la France dont il fut très affecté l'amenèrent il se retirer dans sa maison de campagne aux environs de Marseille. Rentré à Paris peu a vant la -libération du territoire frariçais, il eut la joie de voir son pays recouvrer sa liberté; mais, peu de temps après, il fut atteint d'une grave et douloureuse maladie et le II décembre I945 il succombait" Chades Fabry reste une grande figure de la science française de notre temps; il a laissé une œuvre admirable dans toutes les branches de l'Optique et en particuliel: en Métrologie interférentielle. Le Comité lnternational des Poids et Mesures perd en lui un de ses Membres les plus actifs, un de ses conseillers les plus justement écoutés. '<. •