Uniformisation floristique des jardins privatifs : quels processus socio-écologiques sous-jacents ? Jardins, espaces de vie, de connaissances et de biodiversité Colloque international UNIVERSITÉ DE BRETAGNE OCCIDENTALE 2-4 juin 2010 Carole Barthélémy, Valérie Bertaudière-Montès, Audrey Marco, Laboratoire Population, Environnement et Développement, URM 151 Université de Provence/IRD, Marseille, France Constats de l’uniformisation floristique des jardins 1/16 ? Phénomène de « Geraniumisation » - Professionnels de l’horticulture Franck Mathe, ingénieur paysagiste (Creux, 2000): « Vous voyez une maison isolée à la campagne, un balcon en pleine ville dans une cité HLM ou résidentielle, ou n’importe quel lieu en France, vous trouverez du géranium comme base de plantation » « TGG » Thuya, Géranium, Gazon (Séminaire Natures de Villes, CUB 2009) ? Homogénéisation de la flore des villes - Travaux écologiques sur la comparaison de la flore des villes - Forte similarité floristique en grande partie liée à la répétitivité des structures urbaines, et à la similitude des perturbations (McKINNEY 2006). Qu’en est-il réellement et quels sont les processus sous-jacents ? Contexte d’étude: la région méditerranéenne française Progression du bâti sous forme de pavillons individuels Diffus Le mitage Mitage en zone forestière Groupés Le lotissement pavillonnaire Lotissements résidentiels Mosaïque paysagère nouvelle en zones périurbaine, rurale et littorale 2/16 Site d’étude: Lauris, commune de l’arrière-pays méditerranéen Lauris Marseille N Parc Naturel Régional du Luberon 100km Evolution du nombre de résidences principales et secondaires nb de résidence 1600 1200 800 400 0 1968 1975 Résidence principale 1982 1999 Résidence secondaire Lotissements résidentiels 3/16 Inventaire de la flore cultivée dans 120 jardins privatifs 4/16 ?120 jardins répartis le long d’un gradient d’urbanisation (% d’occupation du sol par le bâti) ? Zone (a) de faible densité de bâti (1-10%) ? Zone de forte densité de bâti (>20%) Pavillon individuel sous forêt Maison mitoyenne de village ? Zone de moyenne densité de bâti (10-20%) Lotissement pavillonnaire Vue aérienne de Lauris ? Zone (b) de faible densité de bâti (1-10%) Pavillon individuel sur d’anciennes cultures Hétérogénéité floristique/Norme floristique 5/16 ? Un grand nombre d’espèces peu fréquentes et un petit groupe d’espèces fréquentes 91% d’espèces de F<20% vs 9% d’espèces de F>20% Uniformisation floristique Hétérogénéité floristique Variable suivant le type d’urbanisation Patrons floristiques différents Forte densité Moyenne densité Faible densité de bâti Gradient d’urbanisation Patrons floristiques de la flore cultivée (ACP) 6/16 3 Forte densité 2 Pelargonium « zonale » Axe 2 Axe 2 23% 1 Begonia Dianthus sp. « semperflorens » Delosperma cooperi Gradient d’urbanisation Rosa sp. Nerium oleander Lavandula angustifolia + Fréquence 0 Syringa vulgaris Moyenne densité Faible (a) densité - Olea europea Rosmarinus officinalis Forsythia ? intermedia Cupressus sempervirens Pyracantha sp. Iris sp. Prunus cerastifera Viburnum tinus ? Cupressocyparis leylandii -1 -2 -4 -3 -2 Faible (b) densité densit é -1 Axe 1 0 Axe 1 63.1% 1 Approche croisée écologie-sociologie 7/16 Déterminer les facteurs intervenant dans ces variations floristiques observées et leur implication respective Approche écologique Quelles sont les causes de cette variation de la flore cultivée ? Approche sociologique Approche croisée Comment les questions que se posent un écologue peuvent être analysées sous un angle sociologique ? Jardin privatif Focalisation sur les pratiques de plantation des jardiniers Méthodologie: Enquête quantitative sur 120 jardiniers Facteurs naturels Facteurs sociaux Sécheresse, sol calcaire, vent violent Goût, réseau social, usages… Evaluer l’importance de ces deux types de facteurs dans l’établissement de la norme et de l’hétérogénéité de la flore cultivée des jardins Relever les différentes raisons de plantation des espèces cultivées évoquées par les jardiniers afin de les mettre en relation avec la fréquence des espèces Construction entre écologue et sociologue d’un questionnaire visant à relever les évocations sociales associées aux espèces cultivées dans les jardins préalablement échantillonnés 8/16 Une population d’enquête relativement homogène 9/16 ? Une population de 86 jardiniers relativement homogène dans leurs caractéristiques socio-économiques Retraités venus dans le sud de la France pour chercher un cadre de vie particulièrement ensoleillé et accéder à la propriété au moment de la retraite. ?57% de femmes et 43% d’hommes ?60% des enquêtés ont plus de 60 ans, 70% des enquêtés sont en couple et 27% sont veufs ?Forte proportion de cadres et professions intellectuelles supérieures (23%) d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise (15%) et faible proportion d’ouvriers (3%) ?CEP/BEPC et CAP/BEP avec respectivement 36% et 26% ?55% des enquêtés ont des revenus annuels compris entre « 12 000 et 30 000 € », 23% entre « 30 000 et 50 000 € » ?85% des enquêtés ne sont pas originaires de Lauris 10/16 Raisons de plantation évoquées par les jardiniers ? Raisons de plantation classées en 17 catégories reflétant le contenu des évocations 5 catégories dont les fréquences sont supérieures à 7% Catégories des raisons de plantation Evocations sociales associées Fréquence (%) R1 : Esthétisme « j’aime bien les roses, c’est beau » 24 R2 : Don-Cadeau « c’est le voisin qui me l’a donné » 18 R5 : Usage « parce que ça retient la terre » 12 R13 : Présence antérieure dans le jardin « la haie était déjà là » 11 R11 : Résistance- Adaptation « parce que c’est résistant » 7 R3 : Caractère régional « c’est typique du climat et de la région » (classé aussi en R3) 5 Les choix de plantation résultent d’un compromis entre ce qui est « socialement construit » et ce qui est « naturellement possible » 88% 12% Raisons de plantation et fréquence des espèces 11/16 ? Raisons de plantation diffèrent significativement en fonction de la fréquence des espèces Différences à la fois qualitative et quantitative Espèces fréquentes Espèces peu fréquentes Raisons de plantation % Raisons de plantation % Esthétisme 26.6 Esthétisme 20.7 Don-Cadeau 15.2 Don-Cadeau 21.0 Présence antérieure dans le jardin 10.9 Présence antérieure dans le jardin 9.2 Usage 10.5 Usage 14.3 Résistance-Adaptation 7.9 Résistance-Adaptation 5.7 Caractère régional 7.8 Conseil d’un professionnel 7.2 Durée de floraison 5.4 Cueillette 5.3 Caractères constitutifs de la norme floristique Facteurs naturels 16% Caractères constitutifs de l’hétérogénéité floristique Facteurs naturels 7% Influence sur la norme et l’hétérogénéité floristique Facteurs naturels Facteurs sociaux Sécheresse, sol calcaire, vent violent Goût, réseau social, usages… 12/16 Le choix des espèces cultivées résulte d’un compromis dominé par les facteurs sociaux (88%) mais empreint de facteurs naturels (12%) Facteurs sociaux/Facteurs naturels Flore cultivée des jardins le long du gradient d’urbanisation Hétérogénéité floristique Norme floristique illustrée par les espèces peu fréquentes (F<20%) illustrée par les espèces fréquentes (F>20%) Influence du type d’urbanisation sur la norme 13/16 ? Les raisons de plantation des espèces fréquentes diffèrent significativement en fonction de la zone de densité de bâti Zone de forte densité de bâti 40 35 * Facteurs naturels 18% Jardins situés en devanture, avec des expositions contrastées durant la journée 30 % 25 * 20 * 15 * * 10 5 0 Esthetisme Don-Cadeau Caractère régional Usage Resist-Adapt Floraison part. Présence ant. Catégories desraisons motifs de deplantation plantation évoqués Catégorie des Forte densité de bâti Moyenne densité de bâti ( ()(a) ( () b ) de densité a) de densité bâtiFaible Faible de bâti Faible densité dede bâti (b) densité de bâti Synthèse générale 14/16 Facteurs naturels Facteurs sociaux Sécheresse, sol calcaire, vent violent Goût, réseau social, usages… Le choix des espèces cultivées résulte d’un compromis dominé par les facteurs sociaux mais empreint de facteurs naturels Contexte urbain Aménagement du territoire Norme floristique Hétérogénéité floristique Variable suivant la densité de bâti + Gradient d’urbanisation - Conclusions conclusion 15/16 ? De l’écologue… - Dépendance de la flore cultivée des mêmes contraintes édapho-climatiques que la flore spontanée en région méditerranéenne. Les pratiques de jardinage ne peuvent pas l’en soustraire totalement. - Le phénomène d’homogénéisation floristique par la flore cultivée doit être nuancé à l’échelle locale. ? Du sociologue… - Une norme sociale naturellement « déterminée » et une hétérogénéité naturelle socialement « déterminée »? - Un milieu social de retraités, liés à des pratiques rurales de la nature. - Mise en évidence de comportement sociaux autour de la nature qui échappent à la logique économique Conclusions conclusion ? 16/16 Sur l’expérience interdisciplinaire… - Méthodologie croisée qui a nous permis d’aborder finement les processus conduisant aux patrons floristiques identifiés dans les jardins privatifs. - Mais interrogations quant au croisement entre évocations sociales et relevés floristiques - Perspectives interdisciplinaires • • Reproduction de la démarche dans des contextes sociaux ou environnementaux différents : pondération de l’influence des facteurs socio-écologiques sur les patrons de biodiversité. Importance du réseau social: interrogations sur les processus de diffusion de la flore cultivée, donc de la biodiversité dans ces contextes urbanisés Marco A., Barthelemy C., Dutoit T., Bertaudière-Montès V. Bridging Human and Natural Sciences for a better Understanding of Urban Floral Patterns: the Role of Planting Practices in Mediterranean Gardens. Ecology & Society 15 (2):2.[on line] URL: http://www.ecologyandsociety.org/vol15/iss2/art2/