COURS DE GÉOPOLITIQUE 5 – De la suprématie américaine au monde multipolaire 14. The U.S.S.R., the third military Power of importance cooperating with the U.S.A. as a Power for freedom and the maintenance of world peace, shall acquire control of the liberated, disorganized adjacent areas and those of Germany-Austria to be reeducated and eventually incorporated as equal republics of the U.S.S.R., as approximately outlined on map. … 18. The areas known as Netherlands, Belgium, Luxemburg, Switzerland, France, Spain, Portugal, the island of Corsica,and eventually Italy and the islands of Sardinia and Sicily shall be unified as a demilitarized, federated “United States of Europe.” La “Outline of the Post-War New World Map” est une carte réalisée avant l’attaque contre Pearl Harbor et publiée par ses soins le 25 février 1942 par Maurice Gomberg de Philadelphie Ce n’était pas une “conspiration” ayant pour but le contrôle du monde C’était la conséquence géopolitique de l’hégémonie économique, financière, politique et militaire des USA « Les deux buts principaux de Paneurope sont : une alliance défensive politico-militaire contre la Russie et une alliance défensive économique contre l’Amérique. Une Europe politiquement fragmentée serait livrée sans recours à une invasion de la Russie, une Europe morcelée par des barrières douanières deviendrait incapable de résister à la concurrence du grand marché de l’économie américaine » … « Dans la meilleure des hypothèses, l’Europe serait divisée en deux sphères d’intérêts, l’une angloaméricaine, l’autre russe, ayant le Rhin comme frontière » Richard Coudenhove-Kalergi, octobre 1923 La « guerre froide » du point de vue des États-Unis : prévenir la domination d’une puissance hostile Cette puissance hostile ne pouvait pas être l’URSS «Contrary to the popular opinion, the Cold War was fought not over democratic ideals, but because of geopolitical realities» (Francis P. Sempa Geopolitics: From the Cold War to the 21st Century, 2002) Les États-Unis avaient accordé une moitié de l’Europe à l’URSS avec trois buts : 1) diviser en deux l’Europe et son moteur économique (l’Allemagne), en confiant à Staline le contrôle de cette frontière (le rideau de fer) 2) empêcher le Royaume-Uni et la France de profiter de la faiblesse allemande pour se renforcer 3) affaiblir de façon permanente l’URSS, contrainte d’engager une grande partie de ses énergies pour maintenir le contrôle sur cette énorme zone Berlin (1953), Budapest (1956), Prague (1968), Gdansk (1981) Ni Spykman ni Kennan ne croyaient à la menace soviétique « La faiblesse et les frustrations du système soviétique sont flagrantes et ont été clairement documentées » Henry Kissinger mars 1976 L’URSS était structurellement faible, économiquement faible, politiquement faible et saignée par la guerre (20 millions de morts) Le fardeau de l’Europe centrale et orientale l’obligeait à un effort insoutenable (contrôle garanti par les blindés, les espions, la police politique) A la fin de la 2GM, l’objectif principal des USA était logiquement celui de perpétuer aussi longtemps que possible la suprématie conquise avant la guerre et consolidée pendant la guerre Pour y parvenir, il était important d’affaiblir des future compétiteurs potentiels : Grande-Bretagne, URSS, France, Japon et Allemagne Moyens: division de Yalta (de facto alliance avec l’URSS contre l’Europe), démantèlement des empires coloniaux, nouvelles institutions international containment At the end of the 1960s, «the age of America’s nearly total dominance of the world stage was drawing to a close» Henry Kissinger, Diplomacy, Simon & Schuster New York, 1995, p. 703. Les États-Unis expérimentaient les effets politiques de leur déclin relatif Déclin absolu Le déclin absolu est caractérisé par une diminution de la production, de la productivité, des salaires, des retraites, des services sociaux et du facteur moral d’un pays Le déclin relatif est caractérisé par une croissance plus rapide de la production, de la productivité, des salaires, des retraites, des services sociaux et du facteur moral dans d’autres pays Déclin relatif Comme dans le cas des États-Unis, croissance absolue et déclin relatif souvent coexistent 70 . 0 0 0 . 0 0 0 6 0 .0 0 0 .0 0 0 M o nd e U SA 50 . 0 0 0 . 0 0 0 4 0 .0 0 0 .0 0 0 3 0 .0 0 0 .0 0 0 2 0 .0 0 0 .0 0 0 10 . 0 0 0 . 0 0 0 19 9 0 19 9 8 PIB. Données absolues en millions de $ FMI 2003 2007 2 0 10 Le déclin des ÉtatsUnis a été accompagné presque sans interruption d’une augmentation absolue de sa puissance économique, militaire et sociale Voilà pourquoi il est si difficile de s’en apercevoir En 1945, la moitié de la production industrielle mondiale provenait des États-Unis 1953 : 44,7 % 1980 : 31,5 % 2009 : 17,6 % 2011 : 15,4 % Déclin relatif 60 50 % Production mondiale 40 30 20 10 0 1945 1953 1980 2009 2011 PIB (PPA). Croissance nominale PIB (PPA) croissance 1950-1990 6000000 1950 5000000 1973 1990 4000000 Etats-Unis 3,98 Royaume-Uni 2.56 Japon 14.46 Allemagne 5.41 3000000 2000000 1000000 0 United States United Kingdom Japan Germ any PIB (PPA) – Milliards USD 1950-1990 1950 1973 USA 1456 USA 3536 USSR 510 URSS 1513 UK 347 Japan 1242 Germany 265 Germany 944 China 244 China 739 India 222 France 638 France 220 UK 675 Italy 164 Italy 582 Japan 160 India 548 16,00 14,00 12,00 10,00 8,00 6,00 4,00 2,00 0,00 United States United Kingdom Japan Germ any Gross Domestic Product (based on the Purchasing Power Parity), Values in 1990 billions USDs (International Monetary Fund’s World Economic Outlook (WEO), April 2011) 1950 – 1973: l’Allemagne et le Japon puissances réémergentes Pourquoi la compréhension de ce rapport de forces est-elle aussi importante ? Le domaine de la politique internationale est comme un champ de forces comparable à un champ magnétique. « Le témoignage du passé est presque toujours trop divers pour permettre de tirer des conclusions scientifiques définitives… À un moment donné, il y a certaines grandes puissances qui agissent dans ce champ comme des pôles. Néanmoins ... certaines conclusions valables en ligne générale peuvent être tirées ... Un changement dans la force relative des pôles ou l’émergence de nouveaux pôles changera le champ et déplacera les lignes de force Par exemple, il existe une relation évidente entre les changements qui se sont produits au fil du temps dans les équilibres économiques et productifs généraux et la position occupée par les puissances individuelles dans le système international » Les «miracles économiques » allemand et japonais marquaient une redistribution du pouvoir globale, mettant ainsi en question l’ordre politique international La guerre du Vietnam et l’invasion de la Tchécoslovaquie en furent les deux exemples les plus évidents La géopolitique fit son retour quand l’ordre bipolaire né de la 2GM commença à vaciller By the late 1960s, geopolitics had regained some legitimacy, when «the age of America’s nearly total dominance of the world stage was drawing to a close» (Henry Kissinger. Diplomacy, New York, 1995) 6000000 1950 5000000 1973 1990 4000000 3000000 2000000 1000000 0 United States United Kingdom Japan Germany 19711972 Aux États-Unis: fin de la convertibilité dollar/or Défaite au Vietnam 19741975 Récession (- 3,2% PIB) et émergence de nouvelles puissances (les “quatre tigres”: Corée du Sud, Singapour, Taiwan, Hong Kong) Naissance du G5 (US, RFA, F, UK, Jap) Le contrôle politique du monde en est affaibli 19781979 19791985 en Europe, création du Systeme monétaire en Asie, Inde et Pakistan puis Japon et Chine signent des traités de paix Chine emprunte la voie des “quatre modernisations” au Moyen-Orient, l’Iran abandonne la sphère d’influence américaine Sévères répercussions pour la Russie, qui essaie une sortie vers le sud (Afghanistan) et une autre vers l’Europe (crise des “euromissiles”) C’est dans ce contexte que le débat sur le déclin américain commence L’overstretch relatif «… ce qui pourrait approximativement être qualifié de « surextension impériale » : c’est-à-dire, les décideurs à Washington doivent faire face au fait désagréable et permanent que la somme totale des intérêts globaux et des engagements des États-Unis est de nos jours bien plus grand que la capacité du pays de les défendre tous simultanément » Une autre étape majeure vers le monde multipolaire : l’effondrement de l’URSS Pour deux raisons principales: 1) L’« imperial overstretch » (Europe de l’Est; Afghanistan; Moyen-Orient; Extrême-Orient et course aux armements) 2) Resistance politique et économique à la déréglementation/libéralisation Conséquences immédiates de la chute de l’URSS 1) Les pays que l’ordre de Yalta avait donné en otage à l’URSS réintègrent leur sphère géopolitique: l’Europe centrale et orientale, la Croatie et la Slovénie (+ Bosnie) 2) Les pays de l’Europe occidentale organisent une communauté politique, économique et monétaire indépendante et alternative aux États-Unis 3) Des tendances nationalistes réapparaissent un peu partout, en Europe, dans le Caucase, en Asie centrale, au Moyen-Orient et en Afrique Le panorama stratégique global depuis 1989 1. Le nouveau désordre international Les vieilles alliances ont été remises en question : soit elles ont implosé (le Pacte de Varsovie) ; survécu (le Groupe des Sept) ; changé de nature (ASEAN ; Conseil de coopération du Golfe) ; finies dans une ambiguïté stratégique (OTAN) ; d’autres sont nées (le Groupe des 20, l’Organisation de coopération de Shanghai, l’Organisation du traité de sécurité collective) ; d’autres existent de façon informelle (les BRICS-Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) Certains pays reconsidèrent leur rôle régional et international : Russie, Japon, Inde, Pakistan, Turquie, plusieurs pays arabes et pays sudaméricains, pour ne citer que les cas les plus significatifs Des regroupements régionaux sont créés dans de nombreuses régions du monde : Union européenne, ALENA, Mercosur, ASEAN Le panorama strategique global depuis 1989 2. Le monde post-westphalien Le nombre des missions internationales a augmenté : des 68 mises en place depuis 1956 (Suez), 51 ont été organisées entre 1989 et 2010 Le concept des guerres « humanitaire » a été appliqué : Iraq (zones de non-survol, 1991) ; Somalie (1992) ; Haïti (1994) ; Bosnie (1994) ; Timor oriental (1999) ; Kosovo (1999) ; Libye (2011), conduisant dans certains cas à un retour à la pratique des protectorats Des tribunaux internationaux ad hoc ont été créés : pour l’ex Yougoslavie, Rwanda, Sierra Leone, Liban Les acteurs non étatiques ont acquis un rôle de plus en plus important : Églises et religions ; organisations non gouvernementales et groupes humanitaires (environ 40 000 estimés au niveau international) ; diasporas ; réseaux terroristes ; mafias et crime organisé ; etc. Owing to the relative decline of its economic, and to a lesser extent, military power, the US will no longer have the same flexibility in choosing among as many policy options (US National Intelligence Council, 2008) En raison du déclin relatif de son économie et, dans une moindre mesure, de sa puissance militaire, les États-Unis n’auront plus la même flexibilité dans leur choix parmi les différentes options politiques