COURS SUR LA MATIÈRE POUR CRPE DEUXIÈME PARTIE Jean-Michel ROLANDO (Site de Bonneville) États et changements d’état de l’eau Généralisation aux corps purs Introduction : l’eau et son importance dans la vie des hommes 1. L'abondance de l'eau sur la planète L'eau des océans recouvre les 4/5ème de la planète Terre. L'eau douce, quant à elle, ne présente pas la même abondance. En outre, elle se trouve pour l’essentiel sous forme de glace qui recouvre les continents gelés (Antarctique, Groenland) ou dans le sous-sol, à des profondeurs variables. La répartition de l’eau sur Terre Océans Sous-sol Glaciers Fleuves et lacs > 97 % 0,5 % 2% 0,01% 2. La gestion de l'eau Si l’eau est abondante, c’est donc surtout sous forme d’eau de mer. L’importance des océans est évidente : c’est la plus grande réserve alimentaire de la planète (animaux marins mais aussi zooplancton et phytoplancton qui constituent le départ de nombreuses chaînes alimentaires). Malheureusement, l’eau salée n’est pas directement utilisable par les hommes. Elle n’est pas consommable : on peut mourir de soif en mer. Elle ne permet pas l’arrosage de la plupart des végétaux (il y a quelques exceptions comme les salicornes qui poussent au voisinage des marais salants). Des régions entières sont devenues stériles à la suite de l'augmentation de la salinité des sols comme en Irak en aval des grands barrages turcs ou dans la région de l'ex mer d'Aral. Enfin, l'eau salée est peu utile à l'hygiène : elle dissout mal les savons ou autres détergents. La question de la gestion de l’eau se ramène donc essentiellement à celle de l’eau douce. En France, elle est puisée dans les cours d'eau, dans les lacs et dans le sous-sol. Elle est acheminée dans des usines de traitement d'où elle ressort théoriquement potable (le traitement de l'eau est une opération complexe qu'on ne détaillera pas ici). Elle est ensuite stockée dans des réservoirs d'altitude ou dans des châteaux d'eau. De nombreux pays ne disposent pas de ressources suffisantes en eau douce parfois à cause d’une pluviométrie insuffisante, mais plus souvent pour des raisons économiques liées au coût des installations de traitement et de distribution de l’eau. 3. La fragilité de l'eau douce Elle tient à deux facteurs principaux. • L'eau est un excellent solvant. Elle peut dissoudre en plus ou moins grande quantité de nombreuses substances. C'est une chance car elle dissout ainsi des sels minéraux indispensables aux organismes. Mais évidemment, la contre partie est que l'eau peut dissoudre des substances au-delà de ce qui est strictement nécessaire aux organismes (nitrates). Elle peut également dissoudre des substances toxiques (pesticides...). Matière pour CRPE Jean-Michel Rolando • Le deuxième facteur est qu'elle est liquide et qu'elle coule vers le bas. Elle s'accumule ainsi dans les creux : les lacs et les rivières aux creux des vallées ; les nappes phréatiques dans le sous-sol. Ces accumulations se font donc au-dessous de notre milieu de vie ce qui tend à acheminer vers l'eau toutes les formes de pollution qui accompagnent notre mode de vie. 4. Eau propre, eau potable, eau pure... ? • Le qualificatif "propre" est relatif et dépend de l'utilisation qu'on envisage. Par exemple, un lac peut être propre pour la baignade mais sale pour la consommation directe. • Le caractère potable d'une eau est défini par le pourcentage maximum des substances qui s'y trouvent généralement et qui ne doit pas être dépassé. • Le concept d'eau pure est facile à définir : aucune autre substance, inerte ou vivante, ne doit s'y trouver. On précise parfois chimiquement pure (qui ne contient aucune autre substance inerte) ou bactériologiquement pure (qui ne contient aucun organisme). Mais obtenir de l’eau réellement pure est quasiment impossible compte tenu de sa grande aptitude à dissoudre les substances avec lesquelles elle est en contact (les gaz constituant l’air par exemple). Les états de l’eau : étude plus particulière de son état gazeux • L'eau existe sous trois états physiques : état liquide (le plus habituel), état solide (la glace) et état gazeux (la vapeur d'eau) sur laquelle il faut être attentifs à quelques confusions fréquentes. • La vapeur d'eau est l'état gazeux de l'eau. Elle est incolore, inodore, invisible, imperceptible... Bien qu'on ne la voit pas, il y a toujours de la vapeur d'eau dans l'air. On ne peut la mettre en évidence qu'indirectement, en la condensant, c'est à dire en la transformant en buée (état liquide). On confond souvent brouillard, buée, fumées et vapeur d'eau. Brouillard : minuscules gouttelettes d'eau à l'état liquide, en suspension dans l'air. Buée : gouttes d'eau à l'état liquide déposées par condensation sur une surface (vitre, sac en plastique ...). Fumées (scientifiquement ce terme ne s'emploie qu'au pluriel) : fines particules solides (cendre, carbone ...) en suspension dans l'air. Les fumées n'ont rien à voir avec les changements d'état de l'eau. Fusion et solidification de l’eau pure 1. Courbe de fusion / solidification - Considérons une certaine quantité d’eau à l’état solide (donc de la glace) que l’on réchauffe progressivement. L’évolution de la température en fonction du temps a l’allure de la courbe suivante. - La valeur de la température à laquelle se produit le palier ne dépend pas de la quantité d’eau et très peu de la pression. Matière pour CRPE Jean-Michel Rolando 2. Interprétation → Tant que T < 0°C, l’eau est à l’état solide. → La température est égale à 0°C pendant toute la durée du changement d’état. Elle est à la base de la définition de l'échelle Celsius des températures. Elle ne dépend ni de la quantité d’eau, ni de la température de l’environnement et très peu de la pression atmosphérique (altitude du lieu). → On peut formuler cette propriété autrement : le mélange de glace et d'eau à l'état liquide ne peut exister, de manière stable et durable, qu'à une seule température, qui ne dépend pas de la température de l'environnement, et qui a été fixée, par convention, égale à 0°C. → Lorsque T > 0°C, l’eau est à l’état liquide. 3. Remarque importante La propriété selon laquelle la température est stable pendant toute la durée du changement d’état n’est valable que si elle est pure (très bonne approximation avec l’eau du robinet). Cette propriété est généralisable à tous les corps purs. Mais elle n’est plus valable dans le cas d’un mélange (eau salée par exemple). Quelques indications supplémentaires seront fournies dans le chapitre 3 (mélanges et solutions). Exercice corrigé On place un verre d’eau initialement à 10°C dans un lieu où il fait –5°C 1.Tracer l’allure de la courbe représentant l’évolution de la température de l’eau (supposée homogène) en fonction du temps. 2. Tracer dans une autre couleur l’allure de la courbe qu’on obtiendrait si la même quantité d’eau, initialement à la même température, était placée en un lieu où il fait -15°C. Dans la deuxième graphique, les pentes des courbes sont plus raides, le palier est moins long et la température de stabilisation est à –15°C au lieu de –10°C. Ébullition de l’eau pure 1. Courbe d’ébullition En chauffant progressivement de l’eau initialement à l’état liquide, on peut tracer une courbe similaire à celle du paragraphe précédent, représentant l’évolution de la température en fonction du temps. La température à laquelle s’effectue le palier ne dépend ni de la quantité de liquide, ni de la puissance de la source de chauffage. En revanche, elle dépend assez nettement de la pression (voir § 3). Matière pour CRPE Jean-Michel Rolando 2. Interprétation → T < 100°C : l’eau est essentiellement à l’état liquide ; elle est surmontée d’un peu de vapeur d’eau ; plus la température augmente, plus l’évaporation (en surface) est importante. Attention : lorsque la température atteint une cinquantaine de degrés, on peut repérer un léger frémissement, dû à de petites bulles d’air, qu’il ne faut pas confondre avec l’ébullition. L’air est en effet légèrement soluble dans l’eau, et sa quantité diminue avec la température. D’où le « dégazage » de l’air qui s’observe au cours de cette phase. → T = 100°C : l’eau est à l’ébullition ; il y a simultanément de l’eau à l’état liquide et de l’eau à l’état gazeux (vapeur d’eau) dans le récipient. La température d'ébullition de l'eau pure, à la pression atmosphérique normale de 1013 hPa (voir § 3), a été fixée, par convention, égale à 100°C. → Il est difficile d’observer expérimentalement la troisième phase qui concernerait l’élévation de la température de la vapeur d’eau car en milieu ouvert celle-ci s’échappe dans l’air. 3. Influence de la pression La température d’ébullition dépend nettement de la pression qui surmonte le liquide. La pression s’exprime en pascals (Pa) mais surtout par l’intermédiaire d’un multiple l’hectopascal (hPa). • Si l’expérience est effectuée à l’air libre, la pression est alors la pression atmosphérique qui dépend déjà des conditions météorologiques. Elle est dite « normale » lorsqu’elle est égale à 1013 hPa. C’est le cas par temps « normal » (ni anticyclone, ni dépression) au niveau de la mer. La pression atmosphérique varie aussi notablement avec l’altitude. Donc la température d’ébullition aussi. Pour mémoire, par temps « normal », l’eau bout à 100°C au niveau de la mer et à 92°C à 2000m d’altitude. • Si l’expérience est réalisée en milieu fermé (autocuiseur) la vapeur qui ne peut pas s’échapper contribue à une augmentation de la pression. Le phénomène pourrait être dangereux, mais il est régulé, dans l’autocuiseur, par l’ouverture intermittente d’une soupape. À l’intérieur d’un autocuiseur, la pression est environ égale à deux fois la pression atmosphérique normale et la température d’ébullition égale à environ 120°C. C’est ce qui explique la cuisson plus rapide des aliments. Généralisation 1. Courbe de changements d’états Les deux courbes précédentes peuvent se représenter sur le même graphique. Leurs caractéristiques sont généralisables à tous les corps purs. Les paliers se situent à une température qui ne dépend ni de la quantité du corps pur ni de la puissance de la source de chaleur, ni de la température de l’environnement. Elle dépend plus ou moins de la pression (très peu pour le palier de fusion / solidification ; assez nettement pour le palier d’ébullition). Matière pour CRPE Jean-Michel Rolando 2. Précisions importantes • La notion de « température de changement d’état » n’a de sens que pour un corps pur. Si, par exemple, on procède avec de l’eau salée, la courbe montrant l’évolution de la température ne présentera plus les paliers caractéristiques ci-dessus. • Dans le cadre de ce concours, on peut limiter la connaissance de l’influence de la pression aux propriétés suivantes → La t° de fusion / solidification dépend très peu de la pression. → La t° d’ébullition en dépend assez nettement. Deux conséquences à connaître : - modification de la température d’ébullition avec l’altitude (cf. ci-dessus) - modification de la t° d’ébullition dans les autocuiseurs où la pression est supérieure à la pression atmosphérique (t°éb = 120°C dans un autocuiseur classique). Distinction entre vaporisation, évaporation et ébullition - La vaporisation est le nom général donné au passage de l’état liquide à l’état gazeux. Il peut s’effectuer de deux manières différentes. - Par ébullition : Au cours de celle-ci, le changement d'état est rapide, il s'effectue dans tout le volume du liquide et à une température constante. Les bulles, visibles à l'intérieur du liquide, sont des bulles de vapeur d'eau, et non des bulles d'air (voir plus haut). - Par évaporation : le changement d'état s'effectue lentement et en surface. Il ne s'effectue pas à température constante (l'eau s'évapore à toute température pourvu qu’elle soit à l’état liquide). Vitesse d'évaporation de l’eau 1. Définition Volume évaporé par unité de temps. 2. Propriétés Elle dépend de la température, de la surface en contact avec l'air ambiant (appelée surface libre du liquide) et de la circulation d’air au voisinage de la surface de séparation eau / air (aération du lieu où s'effectue l'évaporation, ventilation). 3. Généralisation Si l’on opère avec différents liquides, il faut ajouter que la vitesse d’évaporation dépend aussi de la nature du liquide. Par exemple, l’éthanol (alcool) s’évapore plus vite que l’eau qui, ellemême, s’évapore plus vite que l’huile. Matière pour CRPE Jean-Michel Rolando 4. Quelques expériences possibles Expérience montrant l’influence de la surface libre Expérience montrant l’influence de la température Expérience montrant l’influence de la ventilation (renouvellement d’air). On peut aussi opérer avec un ventilateur. Exercices corrigés 1. En hiver, quatre personnes pénètrent dans une voiture. Rapidement, les vitres, initialement sèches, se couvrent de buée à l’intérieur du véhicule. D’où provient cette buée ? Comment se forme-t-elle ? 2. Pourquoi, en déclenchant le chauffage et la ventilation, la buée disparaît-elle ? 1. Un être humain dégage de la vapeur d’eau par sa respiration et sa transpiration. Cette vapeur d’eau est l’état gazeux de l’eau ; elle est invisible. Lorsque la vapeur d’eau dégagée par les 4 personnes entre en contact avec la surface intérieure des vitres, elle se liquéfie, c’est à dire passe à l’état liquide, d’autant plus aisément que les vitres sont froides (ce qui est la cas en hiver). Il se forme de fines gouttelettes de buée. 2. Pour « disparaître », la buée doit s’évaporer, c’est à dire repasser à l’état gazeux. La vitesse d’évaporation de l’eau est accentuée par la chaleur et par la ventilation (c’est à dire le renouvellement de l’air au contact de la surface du liquide). Ainsi, on peut faire disparaître la buée sur les vitres comme le précise l’énoncé en déclenchant le chauffage et la ventilation. Dans les marais salants, les paludiers raclent le sel au fond des « œillets » et le rassemblent en petits tas. 1. Comment est-ce possible, puisque le sel est soluble dans l’eau ? 2. Quelles sont les caractéristiques climatiques idéales pour la récolte du sel ? Matière pour CRPE Jean-Michel Rolando 1. Le sel est soluble dans l’eau mais jusqu’à une certaine limite. Lorsque l’eau de mer s’évapore, le sel reste dans les bassins. La concentration en sel augmente jusqu’à atteindre le seuil de saturation. La fraction de sel qui n’est pas en solution se dépose donc au fond du bassin et peut être raclée. 2. La récolte est favorisée par des températures élevées et la présence de vent. Sublimation, condensation de l’état gazeux à l’état solide 1. Sublimation Le passage direct de l’état solide à l’état gazeux (sublimation) sans passage par l’état liquide est assez rare mais néanmoins observable. • Cas de l’eau - la neige par temps très froid disparaît progressivement sans pour autant passer par état liquide : elle passe directement de l’état solide à l’état gazeux. • Autre exemple classique - le naphtalène (substance plus connue sous le nom de naphtaline ou anti-mites) passe directement de l’état solide à l’état gazeux ; on peut s’apercevoir de son odeur sans pour autant repérer la moindre trace de liquide. 2. Condensation Le passage inverse (gaz → solide) porte le nom de condensation de l’état gazeux à l’état solide. On peut citer l’exemple du givre. Schéma récapitulatif • Le terme « condensation » est employé dans deux changements d’état. On précise parfois « condensation liquide » et « condensation solide ». Il est préférable d’utiliser le terme « liquéfaction » pour la transformation « état gazeux → état liquide ». • Il y a conservation de la matière et de la masse lors d'un changement d'état. • Il n'y a pas conservation du volume lors d'un changement d'état. Le cycle de l’eau dans la nature Le schéma suivant indique les transferts et les transformations essentiels. Les valeurs numériques sont évidemment données à titre indicatif et il n’y a pas lieu de les mémoriser. Matière pour CRPE Jean-Michel Rolando Vive l'eau, Jean Matricon, Découvertes Gallimard, 2000 Matière pour CRPE Jean-Michel Rolando