Thérapie cellulaire et réparation médullaire Docteur Alain PRIVAT Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, INSERM U 336, F 34095 MONTPELLIER Ecole Pratique des Hautes Etudes Le système nerveux central des mammifères, cerveau et moelle épinière, ne se répare pas spontanément après une lésion. Dès la fin du 19ème siècle, les premières tentatives de greffes de cellules nerveuses ont été réalisées, avec pour objet le remplacement de cellules détruites, et le rétablissement de fonctions perdues. Les résultats ont été dans l'ensemble très décevants, et ce n'est guère qu'à partir de la décennie 70 que, le progrès des techniques anatomiques aidant, des premiers résultats encourageants étaient obtenus par les groupes suédois de Lars Olson d'une part et de Anders Bjorklund d'autre part. Ils montraient que des cellules embryonnaires greffées pouvaient survivre à une greffe, et coloniser le tissu hôte. Nous avons entrepris nous-mêmes au début des années 80 d'étudier systématiquement la greffe dans une moelle épinière lésée de certaines neurones embryonnaires caractérisés par leur neurotransmetteur, la sérotonine, dont nous avions pu étudier depuis plusieurs années l'évolution et le rôle chez le rat au cours du développement et dans des cultures cellulaires à long terme. En 1986, nous montrons pour la première fois que des neurones sérotonergiques greffés sous une section médullaire complète réinnervent la moelle épinière avec une topographie identique à celle de l'animal intact. En 1988, nous montrons que chez le rat mâle paraplégique, cette greffe rétablit les fonctions sexuelles et le contrôle urinaire. En 1989, nous montrons que les greffes de neurones à noradrénaline améliorent la motricité de rats paraplégiques. Entre 1990 et 1996, nous étudions systématiquement l'influence de ces greffes sur le fonctionnement médullaire, en ce qui concerne en particulier les récepteurs à la noradrénaline, les autres neurotransmetteurs et en particulier le GABA, et nous montrons que l'organisation fine de la réinnervation, étudiée en microscopie électronique, dépend très précisément de la nature des cellules greffées et du territoire de la greffe. Entre 1995 et 1997, nous confirmons le rôle essentiel de la sérotonine dans le contrôle de la locomotion, en menant en parallèle les expériences de greffe et la mesure directe par microdialyse intramédullaire des neurotransmetteurs libérés au cours de la locomotion. Enfin, nous publions en Juillet 2000 un article qui établit un lien causal entre la libération de sérotonine par les cellules greffées et l'activation d'un centre locomoteur médullaire que nous localisons au niveau lombaire L2-L3 chez le rat (1) Parallèlement, en collaboration avec le laboratoire de J. Mallet, nous jetons les bases d'une thérapie génique dans ce domaine. L'objectif est de remplacer dans les greffes les cellules embryonnaires (techniquement et éthiquement difficiles à obtenir en grande quantité chez l'homme) par des cellules non-neuronales, transformées par génie génétique pour synthétiser et libérer le neurotransmetteur sérotonine. Des premiers résultats encourageants ont été obtenus avec des astrocytes (2) Tout récemment, une équipe polonaise a répliqué nos résultats et montré que la greffe était fonctionnelle lorsqu'elle était pratiquée un mois après la lésion médullaire.(3) Nos objectifs sont les suivants : 0. Montrer que les astrocytes transformés peuvent être greffés et avoir la même influence sur la locomotion que les neurones sérotonergiques embryonnaires. 1. Montrer que la greffe peut être efficace six mois ou un an après la lésion. 2. Appliquer la même stratégie chez le singe marmouset. 1/ Par ailleurs, nous avons entrepris d'étudier l'utilisation alternative d'autres types de cellules que des neurones embryonnaires pour les greffes. Nous avions montré il y a 30 ans que des "cellules souches" étaient présentes dans le cerveau de rats adultes, et que certaines d'entre elles pouvaient spontanément donner naissance à des neurones. Un regain d'intérêt pour ces cellules s'est manifesté récemment avec la démonstration que des facteurs de croissance pouvaient contrôler la prolifération et la différenciation de ces cellules. Nous avons entrepris d'étudier systématiquement les conditions de cette différenciation dans deux modèles différents de cellules souches. L'objectif de ces travaux est, à terme, de rétablir certaines fonctions réflexes (locomotion, fonctions génito-urinaires) chez des paraplégiques chez lesquels, soit en raison de l'ancienneté de la lésion, soit en raison de son importance, le rétablissement d'une continuité médullaire n'est pas envisageable. L'activation de la locomotion est obtenue chez le rat spinal chronique par transplantation de cellules embryonnaires du raphé réinnervant un niveau précis de la moelle lombaire. The Journal of Neurscience, July 1, 2000, 20(13) 5144-5152 Minerva Gimenez y Ribotta1 Jeanine Provencher2, Delphine Feraboli-Lohnherr3, Serge Rossignol2, Alain Privat1, et Didier Orsal 1 Institut National de la santé et de la Recherche médicale U336, Ecole Pratique des hautes Etudes, Université Montpellier II, F 34095 Montpellier, France 2 Centre de recherche en Sciences neurologiques, Université de Montréal, Montréal, Québec,H3C 3J7, Canada 3 Centre national de la recherche Scientifique EP 1848, Neurophysique et Physiologie des Systèmes moteurs, Université René descartes; F 75270 Paris, France Résumé Les lésions traumatiques de la moelle épinière entraînent une perte de contrôle supraspinal de la locomotion volontaire bien que la moelle contienne les circuits nécessaires pour la génération d'une locomotion de base. Chez le rat spinal, ce réseau, connu comme le générateur central de locomotion (CPG) est sensible à une stimulation pharmacologique. Dans des travaux précédents nous avons montré que des cellules embryonnaires du raphé transplantées sous une section médullaire complète peuvent réinnerver des cibles spécifiques, restaurer un niveau normal de récepteurs, promouvoir le support de l'animal sur ses pattes arrières, et enfin déclencher une locomotion sur un tapis roulant sans aucune stimulation pharmacologique et sans entraînement. Dans le but de déterminer si l'action de la sérotonine sur le CPG est associée à un niveau particulier de la moelle, nous avons transplanté des cellules embryonnaires du raphé à deux niveaux différents de la moelle sous lésionnelle, T9 et T11, et ensuite pratiqué une analyse cinématique et électromyographique, enregistré simultanément lors de la locomotion. Les performances locomotrices ont été corrélées avec le niveau de moelle réinnervé et comparées à celles d'animaux intacts et d'animaux lésés non traités. Les mouvements présentés chez les animaux greffés en T11 correspondent à une activité locomotrice typique similaire à celle d'animaux intacts. Au contraire, les animaux transplantés en T9 développent des mouvements désorganisés et limités, similaires à ceux des animaux non transplantés. La corrélation des performances locomotrices avec le niveau de réinnervation de la moelle suggère que la réinnervation des niveaux L1-L2 de la moelle constitue un élément clé dans la génèse de l'activité locomotrice. Ceci est la première démonstration in vivo que des cellules embryonnaires du raphé transplantés, réinnervant un niveau spécifique de la moelle activent un comportement locomoteur. (2) Les astrocytes sont des cellules enveloppant et isolant les neurones dans le cerveau et la moelle épinière (3) La récupération des fonctions motrices des membres postérieurs, après section de la moelle épinière, est améliorée par greffe de cellules embryonnaires du raphé (Exp Brain res(2000) 132:27-38 U. Stawinska✉, H. Majczynski, R. Djavadjian Nenck Institute of Experimental Biology, Polish Academy of Sciences, 3 Pasteura Street, 02-093 Warsaw, Poland, e-mail:[email protected] - Tel.: +48 22 659 85 71 - Fax: +48 22 822 53 42 U. Stawinska Institute fo Biocybernetics and Biomedical Engineering, Polish Academy of Sciences 4 Ks Tnojedena Street, 02-109 Warsaw, Poland Résumé Dans ce travail, la mise en place du tissu embryonnaire a été réalisée un mois après la section médullaire avec des résultats comparables à ceux obtenus par l'équipe d'Alain Privat . Les auteurs concluent que la transplantation de cellules embryonnaires du raphé favorise la récupération motrice chez le rat adulte même lorsque la greffe est faire plusieurs semaines après lésion médullaire.