Le Trouble Déficit de l`Attention avec Hyperactivité

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Éditorial
mt pédiatrie 2016 ; 19 (3) : 189-90
Le Trouble Déficit de l’Attention
avec Hyperactivité
Attention Deficit with Hyperactivity
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Hervé Caci
doi:10.1684/mtp.2016.0603
Hôpitaux Pédiatriques de Nice CHU
Lenval, 57, avenue de la Californie,
06200 Nice
<[email protected]>
mtp
Tirés à part : H. Caci
E
n publiant des recommandations
pour les bonnes pratiques en
février 2015, la Haute Autorité de
Santé (HAS) a tranché ! Le trouble
déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) existe en France (aussi),
il peut constituer une situation de
handicap et les prises en charge
permettent d’en réduire les conséquences négatives dans l’enfance
mais aussi au-delà de la majorité
légale puisqu’il persiste très souvent à l’âge adulte ! Qu’y a-t-il
d’extraordinaire à tout cela au regard
du nombre d’articles et d’ouvrages
écrits sur ce trouble depuis des
décennies ? En 2013, nous avions
interrogé les pédiatres libéraux de
PACA-Est sur leur connaissance du
TDAH [1], et nous avions pu mesurer la longueur du chemin à parcourir.
Nous ne doutons pas que la plupart
de nos résultats étaient en grande partie généralisables aux autres régions
françaises et à d’autres spécialités
médicales de première ligne (généralistes, pédiatres, pédopsychiatres,
neurologues).
Dans ce dossier spécialement
consacré au TDAH, François Bange
rappelle les critères pour le diagnostic du TDAH selon la 5e version
du Diagnostic and Statistical Manual
de l’American Psychiatric Association [2], proches de ceux du Trouble
Hyperkinétique de la Classification Internationale des Maladies
de l’Organisation Mondiale de la
Santé (OMS) [3]. Trois ensembles de
comportements interviennent : les
difficultés attentionnelles, l’agitation
motrice et l’impulsivité. Les difficultés attentionnelles sont les plus
spécifiques du trouble [4]. Nous présentons par ailleurs des travaux qui
cherchent à déterminer si l’absence
complète d’agitation motrice et
d’impulsivité permettrait de définir
un tableau extrême de TDAH ou
un trouble distinct, le Concentration Disorder ou encore le Sluggish
Cognitive Tempo [5].
Une méta-analyse sur 102 études
épidémiologiques calcule que la prévalence du TDAH est de 5,29 % des
enfants en âge scolaire [6]. Notre
étude en population générale calcule la prévalence du TDAH chez
l’adulte à 2,99 % [7], une valeur
comprise dans l’intervalle de confiance d’autres estimations publiées.
Plus de 600 000 enfants et plus
du double d’adultes en population générale seraient concernés en
France. Les garçons sont plus fréquemment touchés dans l’enfance
avec un sex-ratio d’environ 3:1.
Ce rapport tend à s’équilibrer à
l’âge adulte probablement parce
que, d’une part, les symptômes
d’agitation motrice s’atténuent et
s’intériorisent et que, d’autre part,
les adultes développent des stratégies d’adaptation et acquièrent la
capacité de modifier leur environnement, par exemple par le choix de tel
ou tel métier stimulant. Remarquons
que, s’agissant d’un trouble neurodéveloppemental
héritable,
un
nombre non négligeable de ces
adultes aura probablement au moins
un enfant avec un TDAH.
Les premiers symptômes peuvent
être observés dès l’âge de 4 ans
et demi mais la trajectoire de
soins sera semée d’embûches et
de frustrations pour l’enfant et ses
parents [8, 9]. Le retentissement sur
l’enfant et son entourage a de multiples facettes que nous examinons
Pour citer cet article : Caci H. Le Trouble Déficit de l’Attention avec Hyperactivité. mt pédiatrie 2016 ; 19(3) : 189-90 doi:10.1684/mtp.2016.0603
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Le Trouble Déficit de l’Attention avec Hyperactivité
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dans ce numéro en prenant comme canevas la Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap
et de la Santé développée par l’OMS. Laurie Sürig
et Diane Puerper-Ouakil décrivent plus précisément
l’impact du TDAH sur l’estime de soi de l’enfant et
l’effet apparemment positif des traitements médicamenteux et non-médicamenteux. Mais s’ajoute encore à cela
le retentissement des troubles co-occurents (dits aussi
comorbides) eux-mêmes qui apparaissent tout au long de
la vie comme les troubles du sommeil, traités par François
Marchand et al., le développement d’addictions, traité par
Jacques Bouchez et al., ou le surpoids et l’obésité, traités
par Samuele Cortese. La comorbidité bilatérale entre le
TDAH et certains troubles mictionnels est suffisamment
marquée pour que, comme le rappelle Étienne Bérard,
la Société Française d’Urologie ait recommandé le dépistage systématique du TDAH chez tout enfant énurétique et
vice-versa [10]. Le risque suicidaire n’est pas négligeable
à l’adolescence comme nous le montrons, ce qui nécessitera une réflexion sur la prévention primaire (dépistage du
TDAH dans l’enfance) et la prévention secondaire (prise
en compte d’un éventuel TDAH dans la prévention de la
récidive de l’acte suicidaire). Les traitements médicamenteux semblent avoir un effet protecteur qu’il conviendra
d’intégrer dans la stratégie thérapeutique. Enfin, Natalia
Piat et Manuel Bouvard examinent l’épineuse question de
la comorbidité ou des formes frontières entre TDAH et les
troubles du spectre autistique dans le cadre des troubles
neurodéveloppementaux. Ils envisagent les modifications
de nos pratiques nécessaires depuis que le DSM-5 a pris
acte de la possibilité d’un double diagnostic.
Nous remercions les consœurs et confrères qui ont
rendu possible ce dossier dont le but est de refléter
la complexité du TDAH liée à son hétérogénéité clinique et ses liens avec des troubles somatiques, au jeu
des comorbidités psychiatriques et aux multiples conséquences parfois dramatiques. L’intérêt pour les pédiatres
libéraux, dits de premier niveau, va bien au-delà des
recommandations de la Haute Autorité de la Santé qui,
reconnaissons-le, sont difficilement applicables en l’état
actuel des choses. Toutefois, elles ont déjà permis qu’un
centre régional de référence pour le TDAH soit labellisé
par l’ARS Aquitaine en janvier 2016. Parmi les objectifs de
ce centre, on compte l’organisation des soins de premier
et deuxième niveaux et le développement de l’information
sur le TDAH. Les liens naturels avec d’autres pathologies
neurodéveloppementales, comme les troubles du spectre
autistique, pourront être renforcés [11]. D’autres centres
devraient être créés en 2017 pour enclencher le mouvement national que réclament les patients, leurs familles
mais aussi les professionnels de la santé impliqués dans
la prise en charge de ces patients, enfants ou adultes
d’ailleurs.
Liens d’intérêts : l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en
rapport avec l’article.
Références
1. Quiviger S, Caci H. Enquête sur le trouble déficit de l’attention
avec hyperactivité auprès de pédiatres libéraux. Archives de Pédiatrie
2014 ; 21 : 1085-92.
2. American Psychiatric, Association. Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders, 5th edition. Washington, DC : American
Psychiatric Press, 2013.
3. World Health Organization. The ICD-10 Classification of Mental
and Behavioral Disorders : Diagnostic Criteria for Research. Geneva,
Switzerland : World Health Organization, 1993.
4. Caci H, Morin AJS, Tran A. Teacher ratings of the ADHD-RS IV
in a community sample: Results from the ChiP-ARD study. Journal of
Attention Disorders 2016 ; 20 : 434-44.
5. Barkley RA. Sluggish Cognitive Tempo (Concentration Deficit Disorder?): current status, future directions, and a plea to
change the name. Journal of Abnormal Child Psychology 2014 ; 42 :
117-25.
6. Polanczyk G, et al. ADHD prevalence estimates across three
decades : an updated systematic review and meta-regression analysis.
International Journal of Epidemiology 2015 ; 3 : 434-42.
7. Caci H, Morin AJS, Tran A. Prevalence and correlates of Attention
Deficit/Hyperactivity Disorder in adults from a French community
sample. Journal of Nervous and Mental Disease 2014 ; 202 : 324-32.
8. Caci H, et al. Health care trajectories for children with ADHD in
France : results from the QUEST survey. Journal of Attention Disorders
2016 (accepté en octobre 2015 ; pii : 1087054715618790).
9. Galéra C, et al. Early risk factors for hyperactivity-impulsivity and
inattention trajectories from age 17 months to 8 years. Archives of
General Psychiary 2011 ; 68 : 1267-75.
10. Aubert D, et al. Énurésie nocturne primaire isolée : diagnostic
en prise en charge. Recommandations par consensus formalisé
d’experts. Progrès en Urologie 2010 ; 20 : 343-9.
11. Caci H. Where next following the French statement on ADHD.
ADHD in Practice 2015 ; 7 : 57-9.
mt pédiatrie, vol. 19, n◦ 3, juillet-août-septembre 2016
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