Le nouveau visage de la diphtérie Dr. Nicole GUISO Dr Unité de recherche « Prévention et Thérapies Moléculaires des Maladies Humaines » & CNR « Coqueluche et autres Bordetelloses » et « CNR des corynebactéries du complexe diphtheriae» Institut Pasteur Le nouveau visage de la Le nouveau visage de la diphtérie p Nicole GUISO Nicole GUISO Institut Pasteur CNR des corynebactéries du complexe diphtheriae p La diphthérie La diphthérie pendant l’ère pré‐ pendant l’ère pré‐vaccinale Maladie décrite dès l’antiquité Première description clinique par de B ill au 16 Baillou 16ème siècle iè l Maladie cyclique, atteignant surtout les enfants avant 15 ans mais aussi les adultes Maladie rare chez les moins de six mois (p (protection maternelle) ) La diphthérie La diphthérie pendant l’ère pré‐ pendant l’ère pré‐vaccinale A i di hté i Angine diphtérique avec membranes : b infection aiguë avec obstruction des voies aériennes et syndrome toxinique Diphtérie cutanée : Diphtérie cutanée : infection chronique infection chronique La diphthérie La diphthérie pendant l’ère pré‐ pendant l’ère pré‐vaccinale Maladie due à une bactérie, Maladie due à une bactérie corynebacterium diphtheriae • identifiée par Klebs en 1883 • isolée par Loeffler en 1884 • sécrétant une toxine identifiée par Roux et Yersin en 1888 Roux et Yersin en 1888 Corynebacterium diphtheriae La bactérie est infectée par un phage β p age β qu qui porte le gène po te e gè e codant une toxine de type A‐B La toxine diphtérique En 1900, Berhing prépare les premiers sérums anti‐toxine En 1907, Smith prépare les premiers vaccins composés de toxine‐anti‐toxine En 1920, Ramon prépare la première anatoxine En 1926, Glenny montre que l’anatoxine complexée à l’hydroxide l é à l’h d id d’aluminium est plus d’ l i i t l immunogénique Vaccin acell laire Vaccin acellulaire La vaccination La vaccination anti anti‐‐diphtérique En 1940, ce vaccin est combiné à l’anatoxine tétanique et au vaccin q coquelucheux Diminution de l’incidence de la Di i i d l’i id d l maladie suite à une amélioration des conditions de vie puis à des conditions de vie puis à l’introduction de la vaccination Mais augmentation de l’incidence dès Mais augmentation de l’incidence dès la diminution de la couverture vaccinale : Union soviétique en 1996‐ vaccinale : Union soviétique en 1996 1997 avec 150000 cas et 5000 décès dont 50% de plus de 40 ans Conséquences Conséquences de la vaccination de la population de la vaccination de la population avec le vaccin diphtérique acellulaire La vaccination avec l’anatoxine seule pendant des décennies a conduit au contrôle de la des décennies a conduit au contrôle de la maladie avec une disparition de la circulation des bactéries dans les régions où la couverture vaccinale est très élevée La situation française • 45 000 cas en 1950 • 5 cas en 1980 • Pas de cas entre 1990 et 2001……..mais La situation française depuis 2002, 6 C. ulcerans C. diphtheriae No ombre de cas 5 4 3 2 1 0 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 30 C. ulcerans 25 C. diphtheriae Cas 20 1. 15 10 5 0 1975 1980 1985 1990 Années 1995 2000 2005 Apparition de cas de diphtérie dus à C. diphtheriae portant le gène codant la toxine (tox+) et gène codant la toxine (tox+) et exprimant la toxine La situation française • Ces Ces 7 cas, 5 respiratoires (plus un 7 cas 5 respiratoires (plus un porteur asymptomatique) et 2 cutanés, sont des cas importés p • L’âge des patients variait de 4 à 71 ans • Il s Il s’agissait agissait dans tous les cas de dans tous les cas de personnes non vaccinées ou n’ayant pas reçu de rappel vaccinal sauf le porteur asymptomatique ! Il est nécessaire de renforcer la couverture vaccinale des adultes La situation française Le vaccin confère‐t‐il toujours une protection ? Un seul génome séquencé à ce jour mais plusieurs gènes tox, codant la toxine ,l’ont été i l’ éé Ils présentent des différences au niveau de la séquence nucléotidique ne se traduisant pas par des différences de séquence en acides aminés ne se traduisant pas par des différences de séquence en acides aminés le vaccin est toujours efficace…….si l’on se vaccine Le même phénomène est‐il observé dans les autres pays à haute couverture vaccinale ? OUI La situation française De plus, des C. diphtheriae tox‐ circulent et représentent 80% des C. diphteriae isolats collectés • • L’âge des patients varie de 8 à 94 ans % des isolatts 100 80 60 40 20 0 C. diphtheriae tox + (n=7) C. diphtheriae tox ‐(n=57) • Ces bactéries ne peuvent être contrôlées par la vaccination puisqu’elles n’expriment pas la toxine, or elles induisent aussi des p q p p , manifestations cliniques : • 35 cas d’infections respiratoires, d’ f • 2 cas d’endocardites et de septicémie • 20 cas d 20 cas d’infections infections cutanées cutanées La surveillance de ces isolats doit se développer La situation française 2. Un deuxième phénomène est observé……. les cas d’infections respiratoires ou cutanées autochtones à C. ulcerans respiratoires ou cutanées autochtones à C ulcerans exprimant la exprimant la toxine diphtérique (tox+) 6 C. ulcerans Nombre de cas 5 4 3 2 1 0 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 C. diphtheriae La situation française 2. Les espèces de corynebactéries pouvant porter le gène tox sont au nombre de trois et forment le complexe diphtheriae : nombre de trois et forment le complexe diphtheriae di h h i Pathogène pour l’homme et exceptionnellement l’animal diphtheriae (cheval, chat) ulcerans Pathogène pour l’animal (animaux de compagnie et de ferme) et occasionnellement l’homme pseudotuberculosis Pathogène pour l’animal (ovins) et occasionnellement pour l’homme Corynebacterium ulcerans C. ulcerans a été découverte par Gilbert et Stewart en 1926 Cette bactérie est apte à être infectée par le même phage β que C diphtheriae que C. diphtheriae La plupart des C. ulcerans isolées chez l’homme mais aussi chez l’animal sont tox+ et expriment la toxine Les premiers cas d Les premiers cas d’infections infections humaines étaient liés à des humaines étaient liés à des sujets ayant consommé du lait cru Des porteurs asymptomatiques ont été mis en évidence Corynebacterium ulcerans Les C. ulcerans tox+ expriment une toxine très semblable à celle exprimée par C. diphtheriae p p p et le vaccin confère une protection Le même phénomène est‐il observé dans les autres pays à haute couverture ? OUI p y Katsukawa C et al, J Med Microbiol. 2011, Sep 15 ; Wagner KS et al, Epidemiol Infect. 2010 .138(11):1519‐30 ; Alves de Souza, 2011 La situation française 20 cas d’infections à C. ulcerans tox+ : * 12 cas d’infections cutanées dont uniquement 7 exprimaient la toxine toxine % des isolats 100 C. ulcerans 80 60 40 * 7 cas d’infections respiratoires dont uniquement 5 exprimaient la toxine 20 0 C. ulcerans tox + (n=20) C. ulcerans tox ‐(n=4) * 1 cas d’infection ganglionnaire Pourquoi soudainement ces isolements ? Pourquoi soudainement ces isolements ? La situation française % d es is ol at s 1 00 80 60 40 L’â d L’âge des patients varie de 28 à 89 ans i i d 28 à 89 20 0 C. u lcer an s t o x + ( (n =20 ) Les patients n’étaient pas vaccinés ou n’avaient pas eu de rappel vaccinal La plupart des patients avait un animal de compagnie (14/20) Lartigue MF et al, J Clin Microbiol. 2005. 43(2):999‐1001 Bonmarin et al, Vaccine, 2010 C. u lcer an s t o x ‐(n = 4) La situation française La situation française • Comme pour les cas importés dus à C. p la population la plus touchée est p p p diphtheriae, celle des plus de 50 ans qui ne suit pas les recommandations vaccinales et cette recommandations vaccinales…..et cette population souvent possède des animaux de compagnie Launay O, et al, Hum Vaccin. 2009.5(5):341 La couverture vaccinale des plus de 50 ans doit être augmentée Corynebacterium pseudotuberculosis • Découverte par Nocard en 1888 • Pathogène pour les ovins • Responsable Responsable de lymphadénite de lymphadénite granulomateuse nécrosante Corynebacterium pseudotuberculosis Deux cas français depuis 2002 due à des bactéries tox‐ – une adolescente de 12 ans avec une l lymphadénite h dé i granulomateuse l nécrosante ayant é eu des contacts avec des chèvres pendant ses vacances Joint‐Lambert et al, 2002 – une femme de 63 ans en contact avec des ovins Hemond et al, 2008 Vaccination • Primo vaccination: 3 doses à 2‐3‐4 mois (D) ( ) • 1er rappel à 16‐18 mois (D) • 2ème rappel à 5‐6 ans (d) • 3ème rappel à 11‐13 ans rappel à 11 13 ans (D) • 4ème rappel à 16‐18 ans pp (D) • Rappel tous les 10 ans pour les adultes depuis 2004 (d) 2004 (d) Nouvelles recommandations Nouvelles recommandations COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL DU HCSP : • Emmanuel BELCHIOR, épidémiologiste, InVS, Saint‐Maurice Emmanuel BELCHIOR épidémiologiste InVS Saint‐Maurice • Isabelle BONMARIN, épidémiologiste, InVS, Saint‐Maurice. • Eric CAUMES, infectiologue, Hôpital Pitié Salpêtrière, Paris, HCSP‐CMVI, Président du groupe de travail • Nicole GUISO, microbiologiste, Institut Pasteur, Paris. • Sabine HENRY, médecin de santé publique, DGS S bi HENRY éd i d té bli DGS • Corinne LE GOASTER, médecin de santé publique, SG‐HCSP • Daniel LEVY‐BRUHL, épidémiologiste, InVS, Saint‐Maurice , p g , , • Olivier PATEY, infectiologue, Centre Hospitalier, Villeneuve‐St‐Georges • Isabelle MORER, médecin, Afssaps • François MOUTOU, vétérinaire, Anses, Maisons‐Alfort • Isabelle PELLANNE, médecin, Afssaps • François PUISIEUX, gériatre, HCSP‐CSMT François PUISIEUX gériatre HCSP CSMT CAT DEVANT UNE ATTEINTE ORL MANIFESTATIONS CLINIQUES • FAUSSES MEMBRANES • MANIFESTATIONS TOXINIQUES DIAGNOSTIC BACTERIOLOGIQUE • P Prélèvement élè d de gorge ou cutané et des fausses é d f membranes • Isolement I l sur milieu usuel, au mieux sur milieu ili l i ili spécifique (milieu de Tinsdale) • Identification Id ifi i par automate ou Maldi M ldi Tof T f et/ou galerie / l i API puis envoi au CNR – Identification moléculaire et détection du gène tox Id tifi ti lé l i t dét ti d è t • Si présence DO – Recherche de la production de toxine in vitro (test d’Elek) – antibiogramme ANTIBIOTHERAPIE ‐ Antibiotiques • Amoxicilline • Macrolides ‐ Durée • En curatif: 14 jours (sauf azithromycine 3 jours) • En préventif: 7 à 10 jours En préventif: 7 à 10 jours ‐ Vérification de l Vérification de l’élimination élimination de la bactérie par deux de la bactérie par deux prélèvements à J15 et J16 (J7 et J8 après un traitement à l’azithromycine) SEROTHERAPIE SEROTHERAPIE ARS: signalement 24/24 et D.O. et D.O. AFSSAPS: ATU nominative EPRUS: commande du sérum Qu’a développé le CNR et pourquoi ? pp p q • Une technique de détection du gène tox q g plus p spécifique • Une technique de détection de la toxine : Test Elek Une technique de détection de la toxine : Test Elek • Une technique d’identification moléculaire multiplex basée sur quatre gènes • Une technique de typage des bactéries pour Une technique de typage des bactéries pour remplacer la ribotypie : le MLST • Une analyse spatio‐temporelle des isolats circulants Exemples d’identification Numéro Id Hôpital API Gène tox Test Elek Id CNR1 Id CNR2 Id CNR3 API API/HISS/ ROSCO API/HISS/ ROSCO PCR Multiplex/ séquence pld 03 9258 ulcerans + + ulcerans ND ND ulcerans 04 3911 ulcerans + + ulcerans ND ND ulcerans 04 6852 ulcerans + + ulcerans ND ND ulcerans 04 7514 ulcerans + + ulcerans ND ND ulcerans 06 5789 ulcerans + + ulcerans ND ND ulcerans Exemples d’identification Numéro Id Hôpital API Gène tox Test Elek Id CNR1 Id CNR2 Id CNR3 API API/HISS/ ROSCO API/HISS/ ROSCO PCR Multiplex/ séquence é n pld FRC 12 ulcerans + + pseudotub ulcerans pseudotub ulcerans/ ulcerans l FRC 10 ulcerans + - pseudotub p ulcerans pseudotub p /ulcerans ulcerans/ ulcerans/ ulcerans 05 770 pseudotub - - pseudotub ND ND ulcerans 06 7590 ulcerans - - pseudotub ulcerans pseudotub ulcerans FRC 11 ulcerans - - pseudotub ulcerans pseudotub /ulcerans ulcerans FRC 41 pseudotub - - pseudotub pseudotub - pseudotub/ pseudotub/ pseudotub MW 100 BP C. stria atum C. diph htheriae C. ulceerans MW 100 BP C. pseu udotubercu ulosis Identification des trois espèces du complexe diphtheriae Identification des trois espèces du complexe diphtheriae par PCR multiplex p p Gene 16S Gene rpoB Gene dtxR Gene pld Adaptée à partir de Pacheco et al, 2007 Antibiogramme g • Il est systématique • Les isolats de C. diphtheriae L i l t d C di hth i reçus au CNR CNR sont sensibles à l’amoxicilline et à la rifampicine et la résistance aux macrolides ( ) reste faible (<5%) tout comme la résistance à la Penicilline parmi les isolats reçus depuis 2002 • Cependant, le surveillance doit se poursuivre car les isolats actuellement collectés dans la région de St isolats actuellement collectés dans la région de St. Petersburg (Russie) sont résistants à la pénicilline • Les Les isolats de C. ulcerans isolats de C ulcerans reçus au CNR sont à reçus au CNR sont à 90% résistants à la clindamycine Typage de Typage de C. yp g C. diphtheriae diphtheriae p par ribotypie par p ribotypie yp La ribotypie La ribotypie était la méthode de référence pour le était la méthode de référence pour le typage de C. diphtheriae Extraction et digestion du chromosome bactérien Extraction et digestion du chromosome bactérien Migration sur gel d’agarose Détection bande d’intérêt sonde d’ADN ribosomal marquée Discriminante Plus simple à réaliser que l’électrophorèse en champs pulsés Mais, malgré les efforts de standardisation les comparaisons interlaboratoires sont très difficiles et peu reproductibles Typage de C. Typage de C. diphtheriae diphtheriae par MLST Analyse de la diversité nucléotidique de segments de 350‐450 nucléotides de 7 gènes de ménage de 350‐450 nucléotides de 7 gènes de ménage répartis sur l’ensemble du chromosome bactérien d K dnaK Attribution d’un numéro à chaque allèle. A ib i d’ Attribution d’un numéro de ST à chaque profil é d ST à h fil allélique leuA fusA 2,4 2 4 x 106 pdb rpoB dnaE odhA ÆAvantages Facilité d’interprétation Comparaison intra et inter‐laboratoire Analyse phylogénétique atpA Typage par MLST de C diphtheriae C. diphtheriae C. Analyse phylogénétique l h l é éi 2 linéages : - I : mitis et gravis - II : belfanti Typage de Typage de C. C. diphtheriae diphtheriae par MLST Mise au point de la technique Mise au point de la technique Collaboration 5 laboratoires de référence pour la diphtérie 150 isolats : 18 pays, 1957 à 2006 150 isolats : 18 pays, 1957 à 2006 73 ST Pas d’association ST avec le statut toxinique ou les biotypes 2 complexes clonaux liés à une épidémie : 2 l l lié à é idé i Ex : en Union Soviétique dans les années 1990 : ST8, ST12, ST52 et ST66 ST52 et ST66 Sur l’ile d’Hispaniolia (Haïti/ république dominicaine) entre 2004 et 2006 : ST4 et ST31 Bolt et al, JCM, 2010 Typage de Typage de C. C. diphtheriae diphtheriae responsables de bactériémies par MLST 42 isolats responsables de bactériémies en France et Pologne entre 1987 et 2010 : 1987 et 2010 : ‐ 13 de Pologne ‐ 5 de Nouvelle Calédonie 5 de Nouvelle Calédonie ‐ 24 de Métropole Biotypes mitis et gravis prédominants (n = 41) tox ‐ : 100% : 100% Un ST prédominant ou unique par région Un ST prédominant ou unique par région ‐ Pologne : ST8 (100%) ‐ Nouvelle‐Calédonie : ST82 (80%) ‐ France métropolitaine : ST130 (70,8%) Farfour et al, JCM, 2011 Missions du CNR des Corynebactéries Missions du CNR des Corynebactéries du complexe diphtheriae complexe diphtheriae ‐ poursuivre la surveillance avec analyse de toutes les corynebactéries du complexe diphtheriae reçues au CNR ‐ déterminer la raison de la non expression de la toxine par déterminer la raison de la non expression de la toxine par certains isolats porteurs du gène tox ‐ rechercher les déterminants de virulence des isolats tox‐ ‐ rechercher et analyser les isolats d’origine animale Maladies à prevention Maladies à prevention vaccinale vaccinale Même si un vaccin est efficace…….ne pas Mê i i t ffi arrêter la surveillance de la maladie ciblée afin d’adapter la stratégie vaccinale Liens http://www.invs.sante.fr/Dossiers http://www invs sante fr/Dossiers‐ thematiques/Maladies‐infectieuses/maladies‐a‐ prevention‐vaccinale/Diphterie prevention vaccinale/Diphterie ‐ Emmanuel Belchior‐ Daniel Levy Bruhl http://www.pasteur.fr/sante/clre/cadrecnr/coryndi http://www pasteur fr/sante/clre/cadrecnr/coryndi pht‐index.html ‐ Edgar Badell‐Nicole Guiso Edgar Badell Nicole Guiso Merci pour votre attention