Table des Matières Page de Titre Table des Matières Page de Copyright Collection U • Géographie Avant-propos Introduction Partie 1 - L'érosion : versants, cours d'eau, aplanissement Chapitre 1 - L'érosion sur les versants 1. L'altération sur place 2. Le mouvement des débris sur les versants 3. Le profil des versants Chapitre 2 - Principaux types de bassins fluviaux, principaux types de cours d'eau 1. Principaux types de bassins fluviaux 2. Principaux types de cours d'eau 3. La forme des lits 4. Les méandres Chapitre 3 - La puissance et la charge des cours d'eau, le profil d'équilibre 1. La charge des cours d'eau 2. La puissance brute et la puissance nette 3. La pente d'équilibre en chaque point 4. La modification de la pente par creusement et remblaiement 5. Le profil d'équilibre, le niveau de base Chapitre 4 - L'évolution des réseaux fluviaux, le cycle d'érosion 1. Capture et déversement 2. La hiérarchisation du réseau 3. Stabilité et instabilité : le schéma du cycle d'érosion 4. La pénéplaine 5. Les lacs Chapitre 5 - Les successions de cycles d'érosion et les reliefs acycliques 1. Quelques exemples d'évolution générale 2. Les notions d'aggradation et de regradation 3. Les terrasses alluviales Partie 2 - Géographie structurale Chapitre 6 - Introduction 1. Roche, minéral, sol 2. Classification et âge des roches Chapitre 7 - Roches sédimentaires I : Roches à grains 1. Quelques définitions 2. Roches à grains non cimentés 3. Roches à grains cimentés Chapitre 8 - Roches sédimentaires II : Les calcaires 1. Composition et propriétés 2. Les calcaires non karstiques 3. Les calcaires karstiques Chapitre 9 - Les roches cristallines 1. Les roches cristallines plutoniques 2. Les roches cristallophylliennes 3. Association, sur le terrain, des roches plutoniques et cristallophylliennes 4. Traits généraux du modelé des roches cristallines 5. Différences dans le modelé des roches cristallines Chapitre 10 - Les roches volcaniques, les reliefs volcaniques 1. Les roches volcaniques 2. Les quatre types classiques d'activité volcanique selon Lacroix 3. Une classification à complexifier 4. Les reliefs volcaniques élémentaires 5. Les facteurs de complexité dans les reliefs volcaniques : érosion, destruction violente, emboîtements 6. Quelques grands types de volcans complexes Chapitre 11 - Constitution de l'écorce terrestre, 1. Noyau, manteau, écorce 2. L'équilibre isostatique 3. La théorie de la dérive des continents et la théorie des plaques 4. Les chaînes de plissement 5. Définition de quelques éléments de structures plissées 6. Une chaîne devient un socle 7. Les bassins sédimentaires 8. Un type d'accident commun aux chaînes, aux socles et aux bassins sédimentaires : la cassure Chapitre 12 - Reliefs donnés par quelques structures simples 1. Couches concordantes non faillées : séries de résistance uniforme 2. Reliefs des bassins sédimentaires à couches de dureté différente horizontales ou inclinées 3. Les reliefs des plis simples 4. Évolution des reliefs de faille Chapitre 13 - Reliefs donnés par quelques structures complexes 1. Structures discordantes 2. Adaptation et inadaptation des rivières au relief plissé 3. Principes de géomorphologie des socles 4. Types de contacts de massifs anciens avec leur bordure sédimentaire Partie 3 - Géomorphologie climatique (ou zonale) Chapitre 14 - Introduction Les climats du passé 1. Introduction 2. Les principaux climats anciens et les méthodes de leur détermination 3. Le quaternaire : Les glaciations 4. Le quaternaire : Le postglaciaire Chapitre 15 - Le système d'érosion glaciaire 1. Les glaciers actuels 2. Les processus de l'érosion glaciaire 3. Les formes glaciaires 4. Les déformations glacio-isostatiques 5. Conclusion Chapitre 16 - Le système d'érosion dit périglaciaire 1. Introduction 2. Les mécanismes en action dans le système périglaciaire 3. Le modelé 4. Conclusion Chapitre 17 - Le système d'érosion de la forêt océanique 1. Régions peu pluvieuses et régions très pluvieuses Chapitre 18 - Le système d'érosion des pays arides et semi-arides 1. Introduction 2. Les sols : enduits, croûtes, zones salines 3. Les agents de l'érosion Chapitre 19 - Les systèmes d'érosion des pays intertropicaux 1. Introduction : le paysage de la forêt dense et le paysage de la savane 2. Altération ferrallitique et induration ferrugineuse 3. L'originalité de la morphologie de la forêt dense 4. L'originalité de la morphologie de la savane Chapitre 20 - Un problème commun aux régions arides et aux savanes : 1. Les formes 2. Répartition zonale 3. Tentatives d'explication 4. Conclusion Chapitre 21 - Le système anthropique 1. L'érosion du sol 2. Les constructions humaines, les effets induits Partie 4 - Géomorphologie littorale Chapitre 22 - L'érosion littorale 1. Les agents de l'érosion littorale 2. Les formes : falaise et plage 3. La régularisation du rivage par recul de la falaise et construction de plages 4. Les formes : estuaires, marais maritimes, deltas 5. Les formes : les constructions calcaires, les coraux Chapitre 23 - Principaux types de côtes 1. Les côtes à rias 2. Les côtes à calanques 3. Les côtes d'origine glaciaire 4. Les côtes des plaines non glaciaires 5. Les côtes à directions structurales prépondérantes 6. Les côtes à falaises Orientation bibliographique © Armand Colin/Masson, Paris, 1969, 1996 © Armand Colin/HER, Paris, 2001 © Armand Colin, Paris, 2007, 2010 978-2-200-27134-3 Collection U • Géographie Illustration de couverture : Dunes de sable, Death Valley, Californie, États-Unis © Rudy Sulgan / Corbis Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). ARMAND COLIN ÉDITEUR • 21, RUE DU MONTPARNASSE • 75006 PARIS Avant-propos COMME TOUTES LES SCIENCES, la géomorphologie évolue. On assiste à une rénovation des instruments et des méthodes. La télédétection à l'aide d'images prises de satellites permet de lever des cartes sans l'aide de la traditionnelle et fastidieuse triangulation du terrain au sol. Elle fournit un système de repérage immédiat de tous points : c'est le GPS (Global Positioning System, global signifiant mondial). Elle apprécie les différences minimes d'altitude dans le temps, ce qui est précieux pour l'estimation des mouvements tectoniques. Les sondages sous-marins et les explorations par des engins submersibles automatisés ont accompli de grands progrès. La datation des roches en âge absolu s'est introduite avant le milieu du XXe siècle et a progressé sans cesse depuis. On sait de mieux en mieux utiliser les corps radioactifs : ainsi le béryllium de masse atomique 10 à côté du carbone 14 ; les traces des fissions spontanées des noyaux d'uranium 238 et leur raréfaction progressive au-dessus de 60 degrés Celsius, utilisées dans un cristal comme l'apatite permettent de connaître les températures passées subies par les roches au cours de leur histoire géologique, donc, en raison de la gradation géothermique, l'étage crustal où elles se sont trouvées. En ce qui concerne les méthodes de pensée, une des plus prisées depuis la fin du XXe siècle est la modélisation. Elle commence par l'établissement d'un système d'information géographique (SIG) qui n'est guère, en fait, que la superposition de cartes thématiques de même échelle. On passe aussi à l'établissement d'un modèle numérique de terrain (MNT) qui formularise les agents en présence et leurs interactions possibles. La complexité de la nature est telle qu'on ne peut approcher de la vérité qu'en jouant sur un modèle comprenant des éléments sophistiqués. Les non-géomorphologues pourvus d'un esprit mathématico-informatique peuvent ainsi pénétrer dans le monde de l'expertise, où ils introduisent leurs modes d'interprétation ou de construction de la réalité. Par ailleurs, beaucoup de géographes font de la modélisation sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose. Il faut être en garde contre les engouements successifs que la géomorphologie a subis et tout aussi prudent contre leur rejet hâtif. Vers la fin du XIXe siècle, s'est répandue la recherche des surfaces d'érosion cycliques (chapitre 4.3). La théorie qui invoquait leur existence a été critiquée au milieu du XXe siècle, et on est peut-être passé d'un extrême à l'autre. C'est alors qu'on a donné la prééminence à la géomorphologie climatique (troisième partie), et on a passé beaucoup de temps à la granulométrie des sables et à la morphoscopie des galets. Dans les dernières années du XXe siècle, on a minimisé l'importance de la géomorphologie climatique. Il s'agira de raison garder et de donner à chaque objet et à chaque méthode d'étude la place qu'ils méritent. Il paraît nécessaire de connaître la vitesse de l'ablation que les agents d'érosion font subir au relief. De nombreux géographes ont entrepris des mesures, en évaluant soit l'évacuation annuelle, jusqu'à la mer, de la charge solide ou dissoute apportée par chaque fleuve, soit le transport de débris du haut au bas d'une aire limitée (une parcelle en végétation naturelle ou en exploitation agricole). Les difficultés sont nombreuses, l'une des plus apparentes étant l'existence de « voies de garage » des matériaux transférés : l'accumulation, pour un temps indéterminé, de tel dépôt alluvial ou de tel stock de débris immobilisé en bas de pente. Quelle que soit l'indécision des mesures, on devra distinguer les transformations rapides et les transformations lentes de la surface de la Terre, l'homme ayant plus de prise sur les premières et surtout leur étant plus exposé. L'étude des risques, parfois appelée la « cindynique » (du grec kindunos κινδυνος, danger) est particulièrement susceptible d'applications. L'étude des transformations lentes, celles qui datent du passé lointain et qui permettent de comprendre les paysages où nous vivons, est plus désintéressée et d'autant moins négligeable qu'elle est objet de culture. Parmi les reliefs les plus mobiles et les plus dangereux, on classera les volcans, les espaces voués aux tremblements de terre, les versants instables sujets aux glissements de terrain, les formes d'accumulation littorale, celles de la morphologie fluviatile : berges, plaines d'inondation, défluviations rapides, cônes de déjection, l'érosion accélérée du sol agricole. Perceptible par nos sens, encore que moins spectaculaire, est l'action du gel sur les roches et surtout sur les crêtes de haute montagne. Bien entendu, la pénéplaine, qui demande pour s'établir plusieurs millions d'années, est à l'autre bout de l'échelle de la mobilité. Enfin, parmi les agents d'érosion, il en est un dont on n'a pas le droit de négliger le rôle : l'homme lui-même. Nous lui consacrerons un chapitre : « le système anthropique » (chapitre 21). Introduction L'ÉTUDE DES FORMES du relief terrestre doit distinguer les terres immergées (fonds des mers et des lacs) et les terres émergées, c'est-à-dire le relief subaérien (figure 1). Le contact des unes et des autres, le littoral, est un domaine particulier. On n'étudiera dans cet ouvrage que les terres émergées et le littoral. On n'oubliera cependant pas que le moteur de la formation des continents et des montagnes se trouve sous les océans (chapitre 21.3). Figure 1 Profil montrant les trois domaines de la géomorphologie 1. Talwegs et interfluves La topographie des espaces émergés se divise en général en deux éléments, les talwegs et les interfluves. On appelle talweg la ligne unissant les points bas d'une vallée. Le lit de la rivière, si l'on fait abstraction de sa largeur et si on le considère comme une ligne, à la manière de sa représentation sur les cartes, suit le talweg. S'il n'y a pas de cours d'eau permanent, comme c'est le cas dans les déserts ou dans un vallon de fond perméable, le talweg n'en existe pas moins. Seules exceptions, les topographies présentant des dépressions fermées, comme dans certaines régions calcaires ou entre des dunes, ou encore des topographies à peu près planes, par ailleurs assez rares. L'espace entre deux talwegs s'appelle l'interfluve. L'interfluve comprend lui-même un sommet et deux versants. Le sommet d'un interfluve peut être assimilé à une ligne, celle du partage des eaux, et qu'on appelle parfois ligne de crête mais ce terme a l'inconvénient de créer une confusion, le mot crête étant réservé, en géomorphologie, à une ligne de sommet acérée et rocheuse. La ligne des sommets est, plus souvent, une succession de croupes séparées par des cols ou des ensellements cols évasés à la manière de l'emplacement de la selle sur le dos d'un animal (figures 2 et 3). Figure 2 Interfluves, talwegs Représentation cartographique en courbes de niveau. En tireté, les lignes de partage (dites parfois de crête), sommets d'interfluves : chaque talweg est représenté par l'indication tn t'n. Les talwegs t1 t'1 et t9 t'9 sont drainés par un cours d'eau principal, coulant dans le sens de la flèche, les talwegs t3 t'3, t4 t'4, t6 t'6, t8 t'8 par un cours d'eau secondaire affluent d'un cours d'eau principal. Les talwegs t 2 t'2, t5 t'5, t7 t'7 n'ont pas de cours d'eau : ce sont des fonds de vallon sec. Remarquer le col entre t 4 et t6, entre t5 et t7 : il constitue un ensellement de la ligne de partage. Figure 3 Profil montrant des talwegs et des interfluves L'interfluve de gauche comprend deux versants de vallée, séparés par une ligne de partage. Celui de droite est un peu aberrant : il comprend, en plus, une zone de plateau, de sorte que la ligne de partage est en fait toute une « surface » de partage (par exemple la Beauce entre la Seine et la Loire). 2. Érosion, lithologie, structure Le modelé en talwegs et interfluves est le résultat du travail de l'érosion, et non une disposition préétablie, comme le croyait Bernardin de Saint-Pierre pour qui la providence divine avait disposé les vallées pour la facilité de l'écoulement des eaux. Bien entendu, le travail des agents d'érosion n'a pas commencé sur une surface plane, puisque les forces qui ont soulevé ou plissé la surface terrestre (on les appelle forces tectoniques, c'est-à-dire architecturales, car, comme un architecte, elles ont édifié le relief) ont créé des hauts et des bas. L'érosion aménage les reliefs créés par la tectonique. Cet aménagement tient compte de la nature des roches, c'est-à-dire de la lithologie (du grec lithos, λιθος, pierre). En effet, l'érosion met au jour, par exemple sur les flancs des vallées dues à l'enfoncement progressif des cours d'eau, telle roche résistante, qu'elle ne tarde pas à mettre en saillie (figure 4). La tectonique a édifié des reliefs avec des matériaux divers qui peuvent être tendres ou résistants ; l'érosion tend à détruire ces reliefs, mais elle le fait inégalement plus rapidement dans les roches tendres. On dit que son travail est différentiel, c'est-à-dire différent suivant la résistance des roches. Le modelé qu'elle crée, et qu'on compare à celui que fait naître le sculpteur (d'où le terme de glyptogénèse parfois employé comme synonyme de morphogénèse, dans le sens d'étude de l'origine des formes du relief) exprime une interdépendance entre l'œuvre de l'érosion, le rôle des forces tectoniques et la nature des matériaux. C'est ce que va montrer l'examen de quelques exemples. Figure 4 Coupe transversale d'une vallée montrant le rôle de la lithologie Les roches dures (calcaire, lave volcanique) se traduisent par des saillants dans le sens horizontal (calcaire) ou vertical (cheminée de lave) suivant la disposition des roches, c'est-à-dire suivant la structure. Interdépendance entre le travail de l'érosion et la nature des matériaux. 2.1. Observation d'un talweg Le profil du talweg en long est régulier ou non. On dit qu'il est régulier si la variation de la pente est progressive ou si la pente est constante sur des sections entières, même si les roches traversées sont différentes. C'est donc que le travail de l'érosion a eu raison des différences de résistance (figure 5B). Figure 5 Profils en long réguliers et profils en long irréguliers de talwegs Si le profil en long du talweg est irrégulier, c'est qu'il présente des ruptures de pente, c'est-à-dire que la pente diminue ou augmente brusquement. Les ruptures de pente peuvent coïncider avec le passage d'une roche à l'autre (figure 5C), mais elles peuvent aussi être indépendantes de la nature des roches (figure 5D). Autrement dit, certaines ruptures de pente sont d'origine lithologique, mais d'autres ont une origine différente. Par exemple, une rupture de pente peut correspondre à un point où se fait sentir une reprise d'érosion, peut-être parce qu'un mouvement du sol, plus en aval, a augmenté la pente de la rivière. 2.2. Observation d'un versant Le versant peut être régulier et cela, soit dans des roches différentes entre le haut et le bas, soit dans des roches semblables. Il peut aussi être irrégulier et les irrégularités peuvent correspondre ou non à des inégalités de résistance des roches. L'exemple de versants réguliers est offert par beaucoup de paysages de nos pays, par exemple par les versants crayeux de la Champagne. Les versants irréguliers ne sont pas moins rares ; le cas se présente quand un replat coupe la pente : ce replat peut être un ancien lit fluvial mis en relief par le recreusement récent du talweg (figure 6) ; il peut être dû à l'affleurement d'un pan de roche dure : grès, calcaire, basalte. Dans les deux cas profil de versant ou profil de talweg la lithologie peut donc s'exprimer dans le relief, mais elle peut aussi ne pas avoir de rôle ; inversement, en l'absence de différences lithologiques, des inégalités de relief peuvent apparaître. On saisit par là les principes de l'analyse géomorphologique. Il s'agit de déceler dans les reliefs le rôle des couches géologiques (lithologie) et leur disposition : ces couches peuvent être inclinées ou horizontales ; elles peuvent aussi être ondulées. Mais l'analyse doit également mettre évidence le rôle des agents indépendants de toute structure. L'érosion a-t-elle beaucoup travaillé ? Est-elle arrivée à effacer les influences lithologiques ? Figure 6 Exemple de replat sur un versant Témoin d'une époque où le cours d'eau coulait au niveau 1, un ancien lit fluvial en partie disparu (en tireté), en partie subsistant, forme une rupture de pente car il a été mis en relief par le recreusement du cours d'eau jusqu'au niveau 2. D'où l'étude séparée de deux grandes familles d'agents. On appelle structure la nature des roches et leur disposition, de sorte que la notion de structure inclut celle de lithologie, mais comporte un autre élément qui est dû à la tectonique (les différentes inclinaisons des couches, les cassures, les plis, etc.). La géomorphologie structurale est une des grandes parties de l'étude du modelé. Une autre famille d'agents concerne ceux qui sculptent le relief en tendant plus ou moins à le détruire. Il s'agit des différents agents de l'érosion : eau courante, vent, glaciers, etc. Leur étude est l'objet de la morphologie d'érosion. La morphologie d'érosion n'étudie pas seulement les formes banales telles qu'un ravin torrentiel, mais aussi le degré d'évolution des formes, fonction de l'avancement du travail de l'érosion. Elle étudie également les témoins d'anciennes formes d'érosion qu'une reprise du creusement tend actuellement à détruire. L'érosion ne doit pas être considérée comme une notion abstraite. Elle travaille dans des conditions bioclimatiques très différentes suivant les cas. Dans une forêt comme la forêt de chênes et de hêtres ou de sapins des pays tempérés, dans la forêt équatoriale, un tapis de feuilles mortes en voie de décomposition recouvre le sol et le protège. Le feuillage protège aussi contre l'impact de la pluie, de sorte que le ruissellement n'est jamais très violent. Le vent n'a pas davantage de prise sur le sol abrité par le couvert des arbres. On est donc dans un domaine où, sur les versants du moins, les agents érosifs sont peu spectaculaires : les principaux sont d'ordre chimique, tels que l'attaque du sol par l'humidité quasi permanente qui agit sous le manteau de feuilles en cours de décomposition. Au contraire, dans un pays semi-aride où la végétation est rare, réduite à quelques touffes éparses, mais où se produisent des pluies soudaines, le sol n'est pas protégé contre les effets du ruissellement. Une torrentialité très forte s'exerce. Le vent peut enlever les débris meubles et les projeter à l'assaut des rochers. On a là un système beaucoup plus violent que celui des forêts. De cette comparaison, concluons à l'existence de plusieurs systèmes d'érosion bioclimatiques. Il y a tout un complexe d'agents à l'œuvre sous la forêt équatoriale ; d'autres sont à l'œuvre dans le désert absolu, d'autres dans les régions où le gel est vif et fréquent, d'autres sous les glaciers des pays arctiques et antarctiques. L'étude des lois générales de l'érosion doit donc être complétée par celle des différents systèmes d'érosion bioclimatiques. Le plan de cet ouvrage est donc tracé. Une première partie étudiera les grandes lignes de l'érosion supposée agir dans des roches homogènes, d'une part sur les versants, d'autre part dans les cours d'eau. Connaissant les lois de l'érosion, il sera possible, dans une seconde partie, de s'attaquer à la géomorphologie structurale, ce qu'on ne pourrait pas faire si l'on n'avait pas d'abord étudié comment l'érosion dégage tel rebord de couche, telle fracture. Une troisième partie étudiera la géomorphologie climatique, c'est-à-dire les différents systèmes d'érosion bioclimatiques. Cette étude reposera à la fois sur celle d'agents d'érosion propres à chaque climat et sur le comportement des différentes roches tel que nous l'aura enseigné la géomorphologie structurale. Si la recherche d'une clarté cartésienne nous conduit à diviser la géomorphologie en parties, il n'en est pas moins évident que chaque portion de l'écorce terrestre forme un tout où s'exercent à la fois telle loi de l'hydraulique, tel aspect de la pesanteur sur les matériaux des versants, telle action du gel ou de la haute température, telle disposition des couches. Quelles que soient les commodités de la division dans les exposés qui vont suivre, on ne devra pas perdre de vue que la géomorphologie est une science synthétique. Photographie 1 Érosion des agents géomorphologiques sur l'interfluve. Gorge du Guadalhorce, Andalousie, Espagne L'érosion est aréolaire, en particulier dans les vasques où séjourne l'eau de pluie. Photographie 2 Action de la rivière dans le talweg. Granit de Galice, Espagne L'érosion est linéaire. Photographie 3 Le mouvement des débris sur un versant Les débris de roche gélivée (partie inférieure de la figure) sont entraînés vers le bas du versant (sur la droite) par la descente du sol qui « rampe » sur la pente en « fauchant » les couches (cliché de l'expédition polonaise au Spitsberg, 1957, communiqué par J. Dylik). Partie 1 L'érosion : versants, cours d'eau, aplanissement Chapitre 1 L'érosion sur les versants LE MODELÉ TERRESTRE OPPOSANT, comme on l'a vu, des versants et des talwegs, on étudiera d'abord ce qui se passe sur les premiers ; connaissant les débris qui s'y forment et qui descendent vers les talwegs, on pourra ensuite essayer de comprendre comment évoluent les cours d'eau. Néanmoins, il est bien évident que l'allure d'un versant dépend du plus ou moins grand creusement du cours d'eau qui coule à ses pieds, tout comme le travail du cours d'eau dépend de la masse des matériaux que lui livre le versant. C'est en pensant à cette interdépendance qu'on analysera séparément l'érosion sur les versants et l'érosion fluviale. 1. L'altération sur place Supposons une portion de roches affleurant à l'air libre sur un versant. Elle n'est pas inaltérable et subit l'action des intempéries. Il s'agit donc de l'altération sur place par opposition à l'érosion qui transporte. Cette altération sur place n'est pas désignée en France par un mot commode. On peut imiter les langues étrangères qui la désignent, comme c'est le cas du portugais, par le terme de météorisation. L'altération sur place peut se présenter de trois façons : elle peut être mécanique ; elle peut se faire par dissolution dans l'eau ; elle peut enfin être une altération chimique. 1.1. L'action mécanique L'action mécanique s'appelle la désagrégation. Elle est facilitée par la structure même de la roche qui est tantôt composée de grains, comme le granit, tantôt plus homogène mais fendillée comme le calcaire. Chaque roche a un comportement particulier devant les agents de désagrégation : le granit s'émiette, le basalte donne des blocs. Cette action mécanique est due aux variations de température qui dilatent et contractent la roche et peuvent la faire éclater, mais ces différences thermiques sont peu sensibles tant que les températures restent au-dessus de zéro : c'est le gel qui est le principal agent de désagrégation. On appelle gélivation (mieux que l'anglicisme gélifraction) ou cryoclastie cette action du gel sur les roches. On remarquera que, pour que l'action mécanique du gel soit efficace, il faut que la roche soit imbibée d'eau ; c'est le gel de l'eau contenue dans les interstices des roches qui les font éclater. Certains organismes vivants, comme les racines qui s'accroissent, peuvent aussi agrandir les fentes des roches et disloquer des blocs. 1.2. La dissolution La dissolution est très inégale suivant les matériaux. On peut classer les substances chimiques, suivant leurs aptitudes à être dissoutes, des plus solubles aux moins solubles : le chlorure de sodium, le calcium, la plupart des bases, la silice, l'alumine. Pour que la dissolution puisse agir, il faut que l'eau puisse être en contact avec les parcelles de roches : il faut donc que les roches soient poreuses. Il faut aussi, dans certains cas, que l'eau soit chargée de gaz carbonique, condition nécessaire pour l'attaque des calcaires. L'eau se charge parfois de molécules isolées et forme ainsi des solutions vraies ; mais, plus souvent, les corps solides forment dans l'eau de petits agrégats constitués de plusieurs molécules. Dans ce cas, on dit qu'on a affaire à une solution colloïdale, c'est-à-dire capable de former colle. L'eau qui s'infiltre dans la roche et qui s'est chargée de molécules, isolées ou groupées, constitue ce qu'on appelle le complexe d'altération. Ce complexe tend à s'infiltrer par pesanteur mais, il reste soumis à des actions qui peuvent le faire remonter à la surface, l'évaporation par exemple. On appelle lessivage l'entraînement vers le bas des particules prises en charge dans le complexe d'altération ; ces particules sont généralement enlevées à la surface et descendent à quelques décimètres de profondeur ; elles peuvent aussi descendre plus profondément et gagner, à travers la roche, la nappe d'eau que l'on appelle nappe phréatique du grec phrear (φρέαρ), puits, car il s'agit de la nappe qui affleure au fond des puits. Cette nappe alimente aussi les sources. On appelle lessivage oblique l'évacuation des matériaux dissous empruntés à la roche et enlevés au versant par l'intermédiaire des sources. 1.3. L'altération chimique L'altération chimique se fait très rarement à sec, mais en général par l'intermédiaire de l'eau. Elle s'effectue soit directement sur les parois rocheuses soit, plus souvent, sur des fragments de roche désagrégée. Suivant le processus de l'attaque par les ions de l'eau, les molécules de la roche sont transformées. Il se constitue ainsi principalement des oxydes et des argiles. Exemple d'un oxyde : la limonite qui colore en jaune beaucoup de nos sols et qui n'est autre que la rouille. C'est un oxyde de fer très hydraté. Les argiles sont des molécules de forme aplatie qui glissent les unes sur les autres et qui peuvent s'imbiber d'eau puisque, entre leurs feuillets, il existe des espaces libres. Cette mobilité des feuillets séparés par l'eau explique la plasticité des argiles (on peut les modeler). 1.4. Le résultat, formation d'un sol Une roche qui a subi une fragmentation mécanique mais surtout une attaque par l'eau sous la forme de la dissolution et de l'altération, devient en général plus meuble. Elle se recouvre d'un manteau de débris. Si ce manteau contient assez d'éléments fins pour nourrir des végétaux, par l'intermédiaire des racines qui s'y enfoncent, il devient un sol, au moins à sa partie superficielle. Il importe donc de distinguer le sol et la roche. Le sol est le résultat de l'altération des roches au contact de l'atmosphère et c'est aussi le support de la végétation qui le transforme à son tour, notamment par le lent pourrissement des débris végétaux morts. La roche, au contraire, est une formation géologique intacte, non encore attaquée. La roche peut être dure, comme le calcaire, ou tendre, comme l'argile. Toute roche n'est donc pas un roc. Il existe même des roches liquides, comme le pétrole. La science des roches est la géologie, la science des sols, la pédologie. Sur les versants, on a, dans quelques cas, affaire à des roches intactes, mais plus souvent à des roches fragmentées, altérées, allant jusqu'à former de véritables sols ; ce sont les débris de la roche, résultat d'une simple fragmentation mécanique ou d'une altération chimique poussée, que nous allons voir en mouvement. 2. Le mouvement des débris sur les versants 2.1. La chute des éboulis L'action mécanique qui s'exerce sur une pente forte conduit au détachement immédiat de blocs et à leur chute sur la pente. Les blocs dévalent jusqu'à ce qu'ils trouvent une pente faible située au pied de l'abrupt rocheux. En s'accumulant les uns après les autres, ils forment un chaos qui peut se disposer de la façon suivante : • si les éboulis, en tombant, suivent un couloir, ils s'accumulent à son extrémité aval, en formant un cône dont la pointe est située vers l'amont ; si les couloirs que suivent les éboulis sont proches les uns des autres ou si la chute des blocs se fait sur toute une pente sans passer par des couloirs d'érosion, il se forme un talus d'éboulis continu. La pente des cônes d'éboulis et des talus dépend de la taille des matériaux, de leur densité et de leur forme. Elle varie entre 27 et 37 degrés. On l'appelle la pente du talus d'équilibre (figure 7). Figure 7 Talus d'éboulis 2.2. L'éboulement Au lieu de blocs détachés coup par coup, l'éboulement entraîne, par gravité, à sec, en une seule fois, toute une masse, délimitée par une surface de rupture dans la roche. 2.3. Les avalanches Dans les pays montagneux fortement enneigés, la neige peut descendre brutalement sur les pentes, accompagnée d'un « souffle » destructeur, en avalanche. L'avalanche suit des couloirs, qu'elle contribue d'ailleurs à façonner. Une fois la neige fondue, les matériaux qu'elle a arrachés et transportés avec elle constituent, à l'arrivée dans la vallée, des tas informes, formés à la fois de pierres et de débris fins. 2.4. Le ruissellement diffus Sur un versant, la pluie ruisselle en filets qui ne peuvent creuser les roches non altérées mais qui transportent les éléments fins du sol. Ce ruissellement ne se transforme pas habituellement en ravinement : il ne le fait que si la roche est particulièrement affouillable et imperméable, comme l'argile, et si le sol n'est pas recouvert par un manteau végétal. Il ne produit donc pas couramment des talwegs mais il s'agit bien d'un processus de versant : les filets contournent les moindres obstacles, s'anastomosent, finissent par transporter peu à peu les débris du sommet vers la base. 2.5. La solifluxion, les glissements de terrain Le terrain, non quand il s'agit d'une roche comme le granit ou le basalte, mais quand on est en présence d'une argile ou d'un sol épais, est capable d'absorber l'eau et peut perdre la consistance solide. Il peut, en effet, en absorbant de l'eau, devenir plastique, c'est-à-dire qu'une poussée peut alors le rendre mobile. Il peut même, s'il est particulièrement imbibé, se comporter comme un véritable liquide. Dans tous ces cas, la masse qui se met en mouvement s'arrache plus ou moins nettement à la partie amont du versant (figure 8) et descend en formant une loupe ou même une véritable coulée boueuse constituée de bourrelets successifs et de bossellements. Figure 8 Glissement de terrain