ComUE Accueil > Présentation > Actualités > Actus recherche En matière d'érosion de massifs montagneux, la densité des roches importe plus que leur dureté le 17 juin 2014 Recherche, Sciences de l'Univers Une conclusion surprenante liée à l'élasticité de la lithosphère Une équipe de chercheurs français, suisses et américains spécialistes des phénomènes d'érosion vient de montrer dans une publication parue dans la revue Nature Geoscience que pour des massifs de plusieurs dizaines de kilomètres la densité de la roche à éroder importe plus que sa dureté, conclusion contraire à l'intuition. L'isostasie liée à l'élasticité de la lithosphère joue un rôle important dans la dynamique d'érosion de tels massifs. A l'exemple des "Henry Mountains" de l'ouest américain, de nombreuses intrusions magmatiques (roches plunotiques) forment des reliefs élevés par rapport aux roches sédimentaires avoisinantes. Ces régions de haute topographie sont souvent celles où l'érosion est la plus rapide, un constat en conflit direct avec l'explication communément acceptée que ces intrusions forment des reliefs importants parce qu'elles sont plus résistantes à l'érosion. C'est en étudiant les sommets des Cascades dans l'Ouest américain et ceux de Patagonie que les auteurs ont mis en avant cette contradiction. Pour la résoudre, ils ont proposé une explication qui découle du principe d'isostasie : c'est parce que ces roches sont denses qu'elles forment des reliefs élevés, et non parce qu'elles sont « dures ». Ce résultat est a priori assez déroutant, car nous avons l'habitude de penser que ce qui est léger doit se trouver plus haut que ce qui est lourd. Le principe d'isostasie, que l'on peut comparer au principe d'Archimède, est bien connu de la majorité des géologues et géophysiciens. Selon ce principe, la lithosphère « flotte » sur une zone de viscosité faible (l'asthénosphère) où les différences de pression ne peuvent être maintenues sur des échelles de temps géologiques (au plus, quelques dizaines de milliers d'années). Pour un iceberg flottant à la surface de l'océan, le rapport entre hauteur de glace émergée et hauteur de glacé immergée reste constant : si l'iceberg se met à fondre, la surface de l'iceberg rebondit. Il en est de même pour les reliefs à la surface de la Terre. L'érosion d'un kilomètre de roches mène à un rebond dit « isostatique » de 600 à 700 mètres. Dans cette étude, l'équipe de chercheurs (appartenant notamment au laboratoire ISTerre de Grenoble) a montré que ce qui détermine le rapport entre la quantité érodée et le changement net de topographie ne dépend, suivant le principe d'isostasie, que du rapport de densité entre les roches de surface (érodées) et celle de l'asthénosphère. I Les chercheurs ont également démontré que cette amplification du rebond isostatique des roches denses ne peut être observée que pour des objets de taille importante (de plusieurs dizaines de kilomètres de rayon) en raison de la rigidité de la lithosphère (rigidité flexurale). Ces travaux ont ainsi mis en évidence un mécanisme majeur de création de relief négligé jusque-là, aux conséquences importantes pour la compréhension de la formation et de l'évolution des reliefs terrestres, ou ceux formés sur toute planète où le principe d'isostasie s'applique. Page 1 A gauche, photo aérienne des « Henry Mountains » dans l'ouest américain. Ce sont de grandes intrusions magmatiques (ou laccolithes) qui se sont mises en place dans des roches sédimentaires à plusieurs kilomètres de profondeur. Suite à l'érosion, elles se retrouvent aujourd'hui à la surface et forment des reliefs importants par rapport aux roches sédimentaires avoisinantes. A droite, résultat d'un modèle d'érosion fluviatile couplé à un modèle isostatique montrant qu'un relief important peut être généré par l'exhumation d'un corps de densité élevée. © J. Braun et al. 2014 Référence : Jean Braun, Thibaud Simon-Labric, Kendra E. Murray and Peter W. Reiners (2014).Topographic relief driven by variations in surface rock density, Nature Geoscience. Mise à jour le 11 septembre 2014 Page 2