PLANTES INVASIVES INVASIVES INVASIVES ET

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PLANTES INVASIVES ET DIVERSIFICATION HORTICOLE
EXIGENCES ÉCONOMIQUES ET ÉCOLOGIQUES
Cécile Bresh (INRA URIH880 Sophia Antipolis)
Isabelle MandonMandon-Dalger (Conservatoire Botanique National Méditerranéen de
Porquerolles)
Onesto J.P. (INRA URIH880 Sophia Antipolis)
Introduction
La France est, selon la littérature, le pays européen
possédant le plus d'espèces naturalisées : soit 440 espèces [12] (ou selon des données plus récentes 479 espèces
[13]), ce qui représente 9.4 % de la flore du territoire
[12].
Les motivations relatives à l'échange de plantes ont
évolué au fil des siècles répondant au départ à des besoins essentiellement alimentaires ou médicaux puis liés
à l'horticulture ornementale à partir des XVIIIème et
XIXème siècles. Ce dernier domaine d'activité constitue
aujourd'hui une des filières majeures d'introduction de
plantes potentiellement envahissantes.
En France, le Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles (CBNMP) estime que 75 %
des espèces invasives ont été introduites à des fins de
culture [4].
Par l'ampleur de leur dissémination, les plantes envahissantes peuvent modifier profondément des écosystèmes et représenter un impact économique non négligeable [2].
La diversification horticole est un élément essentiel à
la dynamique du marché de l'horticulture et également
une source d'introduction de nouveautés végétales dont
l'impact écologique à venir est souvent difficile à évaluer.
De plus, les qualités attendues d'un végétal, pour le
milieu horticole, sont très apparentées aux caractéristiques de certaines plantes invasives (croissance rapide,
maturité précoce, production élevée de semences, propagation végétative...). Même s'il n'existe pas de profil
unique d'une plante envahissante, l'expression d'un ou
de plusieurs de ces critères peut être indicateur d'un
potentiel invasif.
La prévention est reconnue comme la politique la plus
efficace afin de limiter l'introduction et la commercialisation de plantes envahissantes tout en tenant compte
des contraintes économiques.
Contexte
Impact des plantes envahissantes
L'impact environnemental des plantes envahissantes
est visible dans la modification profonde du fonctionnement des écosystèmes (au niveau des cycles biogéochi-
miques ou hydrobiologiques, de l'inammabilité), la modification de la composition floristique d'une communauté végétale, les modifications génétiques
(introgression, hybridation), ou l'introduction de nouvelles maladies. A l'impact écologique s'ajoutent les
pertes économiques liées aux plantes envahissantes :
aux Etats-Unis, le coût du contrôle seul de l'arbuste
australien Melaleuca quinquenervia est de 3 à 6 millions
de dollars par an [6].
Une introduction n'équivaut pas forcément à une invasion
Une plante envahissante est une plante exotique naturalisée produisant une descendance fertile, souvent
en très grande quantité et à des distances importantes
des pieds parents [8]. A cette approche, sont parfois
intégrées les notions d'impacts économique et environnemental mentionnant l'installation dans les milieux
naturels et semi-naturels et des perturbations sur la
composition et la structure de ces écosystèmes [3].
Sur la proportion d'espèces introduites, un faible
pourcentage s'avère envahissant. Sur dix espèces importées, une seule s'avère introduite. Sur dix espèces
introduites, une seule se naturalise après avoir surmonté les barrières géographiques, environnementales locales et celles de la reproduction. Et une seule des dix
espèces naturalisées devient une espèce invasive [14].
Similitudes entre une plante de jardin idéale et une
plante invasive
Aucune espèce ne possède tous les traits d'une espèce
invasive et tous ces traits ne sont pas indispensables
pour qu'une espèce s'avère invasive [9]. Toutefois, la
comparaison des traits de plantes envahissantes et de
plantes de jardin idéales montre des similitudes (cf. tableau 1).
Ces traits concernent essentiellement la vigueur et
les capacités de multiplication (en dehors des critères
esthétiques). Même s'il n'existe pas de profil caractéristique unique d'une plante envahissante, l'expression
d'un ou de plusieurs de ces critères peut être significatif d'un potentiel invasif.
Plante de jardin idéale
Multiplication aisée
Plante envahissante
Germination importante
Multiplication végétative
Etablissement rapide
Colonisation rapide
Acclimatation aisée
Aire d'acclimatation similaire
à la zone climatique d'origine
Faibles besoins hydriques
Photosynthèse de type C4 ou
CAM
Croissance rapide
Obtention rapide d'un plant commercialisable
Maturité précoce
Floraison abondante, de longue
durée, continue ou
fréquente
Hybridation facile
Période juvénile courte
Production importante de
semences
Intervalles courts entre les
productions de graines
Peu de prédateurs naturels sur
le lieu d'introduction
Hybridation entre espèces
Réussite commerciale
Etendue des plantations
Tolérance aux prédateurs et maladies
Informer et impliquer la filière horticole
Choisissant d'agir avec les acteurs de la diversification horticole, le CBNMP implique activement l'ensemble de la filière horticole en matière de lutte préventive. L'idée du programme Plantes envahissantes
dans la région méditerranéenne développé depuis 2001
est de travailler en partenariat avec les acteurs de l'horticulture et du paysage, ces derniers participant sans le
savoir forcément à la dissémination d'espèces envahissantes. Un comité de pilotage a été créé avec toutes les
branches de la filière horticole : horticulteurs, pépiniéristes, représentants de fédérations, paysagistes, organismes publics, parapublics et scientifiques. Les principaux axes d'action sont d'éviter l'introduction et la
commercialisation d'espèces invasives.
Solutions et discussion
Tableau 1 : Parallèle entre les traits d'une plante de jardin idéale et ceux d'une plante envahissante
Méthode
Afin de limiter l'introduction et la commercialisation
des plantes envahissantes, la prévention est reconnue
comme la politique la plus efficace (Global Invasive Species Database) (www.issg.org/database/welcome/
aboutGISD.asp). La prévision du potentiel invasif d'une
espèce végétale ainsi que les actions d'information/
sensibilisation des acteurs de la filière horticole sont
deux solutions possibles.
Prévoir le risque lié à l'introduction d'une plante exotique
Placés plutôt en amont du processus de diversification, les modèles de prévision du risque d'invasion
WRA (Weed Risk Assessment) et ARP (Analyse de Risque Phytosanitaire) permettent d'évaluer le risque d'invasion lié à l'introduction d'une espèce exotique. Ils suivent tous deux une méthodologie transparente et une
démarche scientifique avec un système de pondération
des questions.
L'ARP permet, d'une part de déterminer si un organisme doit être réglementé et, d'autre part, d'évaluer
l'intensité des mesures phytosanitaires à prendre.
Le WRA évalue le potentiel invasif des espèces végétales. Les critères utilisés concernent le plus fréquemment l'observation de la biologie et de la physiologie de
l'espèce, de l'aire d'introduction et des interactions entre la plante et l'aire considérée. Les objectifs d'un modèle de type WRA sont de trier sans erreur les espèces
invasives, les espèces non invasives et de s'assurer que la
proportion de taxons nécessitant une deuxième évaluation soit réduite au minimum [5].
Promesses et limites des outils de prévision du risque
lié à l'introduction
L'ARP est un outil plus généraliste que le WRA.
Destinée initialement à évaluer le risque lié à l'introduction des organismes nuisibles aux plantes, l'ARP a
récemment été modifié pour évaluer également le risque lié à l'introduction de plantes. Elle se différencie
du WRA par le fait qu'elle n'est pas conçue uniquement pour les espèces végétales et qu'elle est à la base
d'accords réglementaires et de prises de mesures phytosanitaires. C'est également un outil plus lourd à utilisé que le WRA en terme de temps.
Le WRA est spécifiquement adapté à l'évaluation du
risque d'introduction de plantes et plus particulièrement des espèces ornementales. Décliné en plusieurs
modèles, il est un outil relativement rapide et facile
d'utilisation. L'évaluation d'une espèce végétale sur un
WRA est réalisée en une ou deux journées.
La bibliographie traite régulièrement de la notion
d'incertitude liée à l'utilisation de modèles prédictifs en
raison de l'insuffisance d'informations sur une espèce.
Cette incertitude est prise en compte dans la pondération des questions du modèle australien notamment.
Les aspects liés à la difficulté de prévoir de manière
précise l'avenir de chaque introduction dans un environnement complexe (10] et la subjectivité de l'évaluateur sont également cités.
Les modèles australien [5] et nord-américain [7] sont
les plus utilisés comme référence scientifique. Ils donnent des résultats très prometteurs lorsqu'ils sont
adaptés à d'autres régions du monde. Enfin, ils permettent une meilleure compréhension des mécanismes des
invasions biologiques.
WWW.SNHF.ORG
Utilité de ces outils : la recommandation d'espèces de
substitution
Conclusion
A la suite des premières réunions du groupe de travail,
un document de sensibilisation fut édité en 2003 [1]
(www.ame-lr.org/plantes-envahissantes). En 2004, un
nouveau projet fut mis en place, toujours avec les professionnels de l'horticulture et du paysage, mettant en
avant les plantes de substitution.
Le concept de plantes de substitution ou alternatives a
été développé dans plusieurs pays (Canada, Afrique du
Sud, Nouvelle Zélande, Etats-Unis). Que ce soit en
Afrique du Sud, en Nouvelle Zélande où un guide est
proposé pour remplacer les pestes les plus communes
dans les plantations [11], ou encore aux Etats-Unis où un
plan national a été mis en place assorti d'initiatives régionales, les plantes de substitution sont un concept
utilisé et reconnu [2].
Le CBNMP a intégré les remarques formulées par le
groupe de travail afin d'adopter une définition des espèces de substitution. Ces remarques sont les suivantes :
(i) Les plantes présentées doivent avoir une attitude
similaire à la plante envahissante considérée, c'est-à-dire
une dimension, une forme, une couleur, un feuillage,
une oraison, une fonction concordant le plus possible à
celle-ci. (ii) Elles doivent répondre à la nécessité d'éviter
d'introduire de nouvelles espèces, et de préférer la flore
indigène ou des espèces introduites depuis suffisamment
longtemps pour être maîtrisées. Est alors considérée
comme espèce de substitution, la plante qui ressemble
Les consommateurs manifestent une double attente
pour des produits végétaux respectueux des règles éthiques et écologiques. En parallèle, les pourvoyeurs de
plantes innovantes émettent la demande d'outils permettant d'identifier les espèces envahissantes.
L'application des modèles de type WRA est une alternative intéressante : elle permet d'éviter des espèces
qui ont suscité des dégâts importants sous des climats
similaires et de recommander à l'inverse des espèces
qui ont moins de risque de devenir envahissantes.
La proposition d'espèces de substitution permet également d'aborder le concept des plantes envahissantes
d'origine horticole, de façon positive et donc plus sereine, en évitant de diaboliser les personnes impliquées.
Elle permet de définir de façon claire l'emploi des plantes incriminées, et de trouver des solutions pouvant
être équivalentes sur le plan esthétique, mais d'un plus
grand intérêt sur le plan de la conservation des milieux
[4].
morphologiquement à la plante envahissante, qui croît à
peu près dans les mêmes conditions agronomiques et
que l'on peut utiliser pour les mêmes fins. Ces plantes
de substitution sont indigènes ou exotiques non envahissantes. Elles sont dans la mesure du possible déjà
commercialisées ou alors leur cycle de production est
connu. Les plantes sauvages autochtones sont une alternative particulièrement intéressante car elles sont les
mieux adaptées au climat méditerranéen.
La biologie et l'écologie des espèces recommandées
font l'objet de recherches bibliographiques afin de s'assurer qu'il ne s'agit pas d'espèces envahissantes ailleurs
dans le monde.
Pour l'instant, il s'agit d'un screening-system qui
consiste à vérifier que ces plantes ne possèdent pas de
caractéristiques évidentes d'invasives. Néanmoins, il
apparaît qu'un WRA serait utile pour identifier les espèces potentiellement invasives absentes du territoire,
et pour justifier la recommandation d'espèces de substitution. Des plantes de substitution ont été proposées
pour une quarantaine de plantes invasives en Méditerranée et confirmées par les professionnels de l'horticulture et du paysage afin qu'elles soient en accord avec
la réalité du marché horticole.
Bibliographie
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Régionale pour l'Environnement Provence-Alpes-Côte
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M. Kareiva. Reducing the risks of non-indigenous species introductions. BioScience, 45(7), 1995. 59.
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[13] E. F. Weber. The alien flora of europe : a taxono-
Source : Gérer la biodiversité végétale au jardin.
10e colloque scientifique de la SNHF. 30 mai 2008
Impatiens glandulifera
Lythrum salicaria (répertoriée envahissante aux
U.S.A.)
Robinia pseudoacacia
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