MtmR n°3 2006 - John Libbey Eurotext

publicité
MtmR n°3 2006
23/05/06
10:04
Page 158
Actualités
Effet du retrait de la zone pellucide sur la méthylation
de l’ADN dans l’embryon de souris
au cours des stades précoces du développement
près la fécondation, la zone pellucide (ZP) entoure l’embryon jusqu’au stade blastocyste. L’éclosion de
l’embryon hors de la ZP permet l’implantation dans l’endomètre. La protection mécanique assurée par la ZP
faciliterait le développement des jonctions serrées entre les blastomères pendant la compaction et préviendrait le
rejet immunologique de l’embryon ainsi
que son adhérence à la paroi de l’oviducte [1].
Durant les premiers stades du développement, l’expression des gènes dépend
en grande partie des modifications épigénétiques du génome. Ces modifications peuvent affecter l’extrémité N-terminale des histones (méthylation,
acétylation, phosphorylation, ubiquitination) mais aussi l’ADN [2, 3]. Dans la
majorité des cas, les gènes qui vont être
transcrits sont hyperméthylés au niveau
des histones H3 et H4, tandis que ceux
qui sont réprimés sont désacétylés. La
modification épigénétique la plus
connue de l’ADN est la méthylation,
caractérisée par l’adjonction covalente
d’un groupe méthyle sur les résidus cytosine en position 5 des dinucléotides
CpG, donnant naissance à de la 5méthylcytosine. La méthylation de
l’ADN est associée à l’inactivation des
gènes [4]. Les enzymes responsables du
transfert du groupe méthyle sont les
DNA méthyltransférases (Dnmts). Dans
les cellules somatiques, la méthylation,
qui est assurée par Dnmt1, est stable.
Elle est impliquée dans l’inactivation du
chromosome X, l’empreinte génomique,
l’inactivation de séquences rétrovirales
[3, 5], la tumorigenèse et le vieillissement [6]. En revanche, la méthylation
de l’ADN change au cours du développement embryonnaire précoce. Une
vague de déméthylation active se manifeste dans le pronucleus mâle dans les
heures qui suivent la fécondation, alors
que la déméthylation passive du pronucleus femelle survient ultérieurement,
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
A
158
durant le clivage des blastomères. La
méthylation de novo se produit dans le
blastocyste, exclusivement dans la
masse cellulaire interne, sous l’action
des enzymes Dnmt3a et Dnmt3b [7].
Au vu de résultats récents établissant
que la suppression de la ZP affecte durablement le développement embryonnaire chez la souris [8], les auteurs ont
étudié les effets du retrait de la ZP sur la
méthylation de l’ADN et sur l’acétylation de l’histone H4 chez l’embryon préimplantatoire.
Matériels et méthodes
Des zygotes de souris générés par fécondation in vivo ont été recueillis 1 heure
et 8 heures après la fécondation. La
ZP, pour la moitié d’entre eux a été digérée par la pronase ou enlevée mécaniquement (embryons « Zona-free » ou
ZF). Les embryons ont été cultivés in
vitro jusqu’au stade blastocyste. La ZP
a été retirée des embryons témoins
(« Zona-intact » ou ZI) juste avant la fixation pour éviter des variations de l’immunomarquage dues à la présence de
la ZP. Le nombre de cellules a été évalué pour chaque blastocyste. La détection de la 5-méthylcytosine et la mise
en évidence de l’acétylation de l’histone
4 au niveau de la lysine 5 ont été effectuées par immunocytochimie. La fluorescence totale émise par les noyaux a
été analysée quantitativement à tous les
stades préimplantatoires. L’expression
de quatre gènes essentiels pour le développement de la souris, Dnmt1s, Ezh2,
Nanog et Fgf4, a été appréciée par RTPCR à partir de l’ARN total extrait des
embryons.
Résultats
En présence ou en l’absence de la ZP,
aucune différence significative n’est
observée dans le pourcentage d’embryons développés jusqu’au stade blastocyste ni dans le nombre de cellules
par blastocyste, bien que les blastocystes
mt médecine de la reproduction, vol. 8, n°3, mai-juin 2006
ZF soient plus petits et plus irréguliers.
Les embryons ZF présentent une réduction significative du taux de méthylation
de l’ADN aux stades 2-cellules (de
l’ordre de 30 %) et 4-cellules (de l’ordre
de 43 %), alors qu’aucune différence
n’est décelée dans les pronuclei et dans
les stades morula et blastocyste.
Le mode de retrait de la ZP, enzymatique
ou mécanique, n’a pas d’incidence sur
les résultats. Quand la ZP est retirée
8 heures après la fécondation, il n’y pas
de différence dans les taux de méthylation de l’ADN entre les embryons ZF et
les embryons ZI au stade 2-cellules, indiquant que la période critique se situe
entre 1 heure et 8 heures après la
fécondation.
Le retrait de la ZP n’a pas d’effet sur
l’acétylation de l’histone H4 ni sur l’expression séquentielle des gènes Dnmt1s,
Nanog et Fgf4 (Ezh2 étant un contrôle
positif exprimé à tous les stades).
Discussion
En dépit de la réduction transitoire du
taux de méthylation de l’ADN, le retrait
de la ZP ne retentit pas sur le développement des embryons jusqu’au stade
blastocyste, contrairement à ce qui a été
rapporté antérieurement [8].
Le moment où la ZP est retirée se révèle
déterminant pour le niveau de méthylation de l’ADN. La période qui suit
immédiatement la fécondation paraît la
plus sensible. Le retrait de la ZP 8 heures
après la fécondation n’a plus d’effet sur
la méthylation. Quand le retrait a lieu
précocement, des modifications visibles
surviennent entre 7 heures (stade pronucleus) et 24 heures (stade 2-cellules)
après la fécondation.
Indépendamment de la réduction significative des taux de méthylation de
l’ADN observée chez les embryons ZF
aux stades 2- et 4-cellules, il n’est pas
exclu que de faibles variations aux
stades morula et blastocyste ne puissent
être détectées, en raison d’un défaut
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
MtmR n°3 2006
23/05/06
10:04
Page 159
d’accessibilité de l’anticorps aux noyaux
interphasiques.
L’absence d’effet sur l’acétylation de
l’histone H4 pourrait expliquer que l’expression séquentielle des gènes se poursuive durant tous les stades du développement préimplantatoire.
Les mécanismes qui régulent la méthylation de l’ADN ne sont pas complètement élucidés. Il faut souligner qu’un
gène important, Dmnt1o , synthétisé par
l’ovocyte et localisé dans le cytoplasme
est impliqué dans le maintien de l’empreinte génomique chez l’embryon [9].
La libération prématurée dans la matrice
extra-cellulaire de deux protéines constitutives des granules corticaux (p62, p56)
au moment où la ZP est retirée [10]
pourrait être responsable des altérations
de la méthylation de l’ADN.
Conclusion
Ces résultats suggèrent que la ZP est
impliquée dans le maintien de la méthylation de l’ADN dans l’embryon de souris aux stades 2- et 4-cellules. Ils méritent d’être confirmés au niveau
moléculaire.
Jean-Pierre Dadoune
Ribas RC, Taylor JE, McCorquodale C, Mauricio AC, Sousa M, Wilmut I. Effect of zona
removal on DNA methylation in early mouse
embryos. Biol Reprod 2006 ; 74 : 307-13.
1. Breed WG, et al. Reproduction 2002 ; 123 :
13-21.
2. Beaujan N. Cloning stem cells 2002 ; 4 :
355-61.
3. Young LE, Beaujean N. Anim Reprod Sci
2004 ; 82: 61-78.
4. Beaujean N, et al. Proc Natl Acad Sci USA
2004 ; 101 : 7636-40.
5. Jaenish R, Bird A. Nat Genet 2003 ; 33
(suppl) : 245-54.
6. Issa J-P. Nat Rev Cancer 2004 ; 4 : 988-93.
7. Santos F, et al. Dev Biol 2002 ; 241 : 17282.
8. Ribas R, et al. Cloning stem cells 2005 ; 7 :
126-38.
9. Howell CY, et al. Cell 2001 ; 104 : 829-38.
10. Hoodbhoy T, et al. Mol Reprod Dev 2001;
59 : 78-89.
Survie des spermatogonies après
greffe de tissu testiculaire humain
à des souris immunodéficientes
râce aux avancées récentes de la
chimio- et de la radiothérapie, les
taux de guérison des cancers de l’enfant
atteignent 80 %. Malheureusement ces
traitements détruisent non seulement les
cellules malignes mais ont aussi un effet
cytotoxique sur les spermatogonies en
division [1].
Les adolescents et les adultes ont la
faculté de cryoconserver leur sperme
avant le traitement et d’engendrer leurs
propres enfants par insémination artificielle, FIV ou ICSI. En revanche, les garçons ne peuvent bénéficier de cette
approche avant la puberté, puisqu’ils
n’ont pas achevé leur spermatogenèse.
Des stratégies alternatives pour préserver leur fertilité ont été préconisées [2].
La déprivation hormonale pourrait diminuer la gonadotoxicité, en freinant la
prolifération des cellules souches. Mais
l’efficacité de ce traitement n’est pas établie chez l’homme. Une autre possibilité est la restauration de la fertilité par
transplantation autologue de cellules
germinales. Cette méthode consisterait
à recueillir du tissu testiculaire avant le
début du traitement, de le cryoconserver puis de retransplanter les spermatogonies dans les tubes séminifères après
la guérison, avec la perspective de restaurer la spermatogenèse. La transplantation de cellules germinales a déjà été
réalisée avec succès chez les rongeurs
et les primates. Toutefois, le tissu testiculaire du patient peut contenir des cellules malignes qui risquent d’être transmises au cours de la transplantation,
entraînant une rechute du cancer.
La xénogreffe du tissu testiculaire, éventuellement contaminé, à des animaux
immunodéficients représenterait une
autre stratégie pour prévenir le transfert
de cellules malignes au patient. Une
spermatogenèse complète a déjà été
observée dans les greffons en provenance de rongeurs et de lapins immatures et les spermatozoïdes ont permis
G
mt médecine de la reproduction, vol. 8, n°3, mai-juin 2006
d’obtenir une descendance fertile [3, 4].
Dans le tissu testiculaire prélevé chez
des marmousets nouveau-nés, le développement de la lignée germinale jusqu’au stade spermatocyte a été décrit
[5], alors que la greffe de tissu testiculaire en provenance de singes Rhésus
immatures a abouti à la production de
spermatozoïdes fécondants [6].
Le but de ce travail a été de comparer la
morphologie de greffons de tissu testiculaire en provenance d’une part de
souris nouveau-nées et adultes et d’autre
part d’hommes adultes, après implantation dans deux modèles de souris
immunodéficientes, l’un présentant un
déficit en lymphocytes T (souris Swiss
Nude), l’autre un déficit en lymphocytes
B et T (souris SCID-NOD).
Matériels et méthodes
Des fragments testiculaires d’une part
de souris âgées de 3 mois et d’autre part
d’hommes adultes présentant une spermatogenèse normale ont été greffés seuls
ou co-greffés avec des testicules intacts
de souriceaux âgés de 3 jours, sous la
peau du dos des souris mâles immunodéficientes castrées. Les greffons ont été
prélevés entre 30 et 195 jours après la
transplantation et l’état de la spermatogenèse a été apprécié en microscopie.
Résultats
Après allogreffe des testicules de souriceaux, les cellules méiotiques sont
observées dans 69 % des greffons, alors
que la spermatogenèse est complète
dans 31 % d’entre eux. À partir de 120
jours après la greffe, une spermatogenèse complète est observée dans 43 %
des greffons. Il n’y a pas de différence
significative entre les deux modèles de
souris immunodéficientes. En revanche,
tous les greffons testiculaires de souris
adultes sont le siège de sclérose et
d’atrophie.
Après xénogreffe de fragments testicu-
159
Téléchargement