Troubles du rythme et sport - Cardiac arythmies and sport practice

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Troubles du rythme et sport
Cardiac arythmies and sport practice
 F. Carré, C. Leclercq, D. Pavin, P. Mabo*
 POINTS FORTS
 La découverte d’arythmies cardiaques chez un sportif
réclame toujours un bilan cardiologique.
 Les autorisations de pratique d’un sport dépendent du
type de l’arythmie, des symptômes et de la cardiopathie
sous-jacente.
 En cas de cardiopathie associée, l’attitude vis-à-vis de la
pratique sportive est dictée par cette cardiopathie.
 Les traitements pharmacologiques ne sont pas synonymes de sécurité totale ; l’autorisation à la pratique sportive
intense doit donc rester réfléchie en cas d’arythmie grave.
 La mise en place d’un défibrillateur implantable n’autorise pas la pratique de tous les sports en compétition.
Mots-clés : Sports de compétition - Aryhtmies cardiaques Arythmies ventriculaires - Arythmies supraventriculaires - Cœur
de sportif – Défibrillateur implantable - Stimulateur cardiaque.
Keywords: Competitive sports - Ventricular arrhythmias - Supraventricular arrhythmias - athlete’ sheart - Implantable cardiac defibrillato - Pacemaker.
R
écemment, un cycliste de 23 ans qui se plaignait de
crises de tachycardie survenant à l’arrêt des sprints
(objectivées par son cardiofréquencemètre [226 bpm])
et limitant ses performances nous a consulté. En passe de devenir professionnel et en partie sous la “pression” de ses dirigeants, il était désireux de reprendre la compétition le plus
rapidement possible. L’examen clinique était normal et l’électrocardiogramme (ECG) de repos montrait une bradycardie
(42 bpm), un trouble de conduction intra-auriculaire et un
bloc de branche droit incomplet. L’échocardiogramme objectivait une dilatation significative et symétrique des quatre
cavités associée à des fuites minimes des quatre valves cardiaques. Cet exemple illustre les problèmes diagnostique, étiologique et thérapeutique posés par la découverte d’une arythmie
chez un sportif.
* Département de cardiologie et maladies vasculaires, CHU Pontchaillou, Rennes.
La Lettre du Cardiologue - n° 398 - octobre 2006
DÉCOUVERTE D’UNE ARYTHMIE CHEZ LE SPORTIF
La pratique d’une activité physique régulière, vu ses effets bénéfiques bien reconnus, doit toujours être encouragée. La possibilité, certes exceptionnelle, mais toujours dramatique, d’un
événement cardiovasculaire grave lors de la pratique sportive
souligne l’importance du bilan cardiovasculaire dans la visite
de non contre-indication à la pratique sportive (1).
Il n’est jamais “normal” d’observer un trouble du rythme chez
un sportif même très entraîné, et une telle découverte nécessite
toujours un avis médical spécialisé (2-4). Trois raisons principales
justifient cette attitude de précaution : l’exercice physique intense
peut majorer la fréquence et la sévérité des arythmies, la pratique
sportive majore significativement le risque de mort subite chez
les jeunes porteurs d’une cardiopathie (5), et, enfin, la principale
cause de mort subite à l’effort, quelle que soit la cardiopathie
sous-jacente, est la survenue d’un trouble du rythme.
La grande variabilité de la sensibilité du foyer arythmogène et
des adaptations du système nerveux autonome rend difficile
la stratification du risque d’une arythmie à l’effort (3, 4). Trois
facteurs peuvent favoriser la survenue d’un accident : l’intensité
de l’effort, le niveau d’entraînement et les conditions environnementales (température, altitude). La compétition, avec sa
composante psychique importante, a un rôle particulier. En règle
générale, un patient traité efficacement pourra pratiquer le sport
de son choix sous forme de loisir avec une intensité contrôlée
et sous couvert d’un bilan cardiologique au moins annuel, à
l’exception des activités présentant un risque pour lui et pour
les autres en cas de survenue d’une syncope (tableau, p. 16).
Les décisions vis-à-vis de la pratique du sport en compétition
s’appuient sur le bon sens, l’expérience personnelle et sur les
recommandations récentes disponibles (3, 4).
L’EXERCICE MUSCULAIRE EST-IL ARYTHMOGÈNE ?
Pour survenir et se développer, une arythmie réclame la coexistence de trois facteurs : un foyer arythmogène, un événement
déclenchant et un environnement favorable à sa pérennisation
(6, 7). Bien que certaines arythmies de repos disparaissent à
l’effort, les perturbations électrolytiques neurohormonales et
fonctionnelles myocardiques liées à l’exercice favorisent plutôt
la survenue des troubles du rythme lors de l’exercice ou à son
arrêt (8). La pratique régulière et modérée d’un exercice améliore
la stabilité électrique d’un éventuel foyer arythmogène par un
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Tableau. Classification des sports en fonction de leur composantes dynamique et statique et du risque de syncope (en italique) et/ou de choc
(souligné). Modifié d’après Mitchell JH, Haskell W, Snell P et al. (3).
Dynamique
A
Faible
(< 40 % VO2 max.)
B
Moyenne
(40-70 % VO2 max.)
C
Forte
(> 70 % VO2 max.)
I
Faible
(< 20 % FMV)
Billard, bowling, cricket, curling, tir arme
à feu, golf
Base-ball, softball, volley-ball, escrime,
tennis de table
Football, hockey sur gazon, tennis,
badmington, squash, racket ball, course
à pied : longue distance et orientation,
marche athlétique, ski de fond (style
classique)
II
Moyenne
(20-50 % FMV)
Tir à l’arc, automobilisme, motocyclisme,
plongée sous-marine, équitation
Sprint, sauts (athlétisme), patinage
artistique, football américain, rugby,
natation synchronisée, surf
Basket-ball, handball, hockey sur glace,
ski de fond (skating), natation, course à
pied moyenne distance
III
Forte
(> 50 % FMV)
Lancers, haltérophilie, gymnastique,
luge, bobsleigh, escalade, voile, planche
à voile, ski nautique, arts martiaux et
sports de combat
Lutte, body-building, ski alpin, surf des
neiges, skateboard
Canoë-kayak, aviron, boxe, décathlon,
cyclisme, triathlon, patinage de vitesse
Statique
contrôle vagal accru du myocarde (7). L’entraînement de haut
niveau peut induire une hypertrophie cardiaque adaptée (9).
Il est admis que les caractéristiques électrophysiologiques des
cardiomyocytes hypertrophiés puissent être modifiées (10). De
plus, les contraintes hormonales, hémorhéologiques répétées
pourraient favoriser le développement de microfoyers arythmogènes (10, 11). Enfin, les effets favorisants de la prise éventuelle
de produits dopants ne doivent pas être sous-estimés (3).
PRÉVALENCE DES ARYTHMIES CHEZ LE SPORTIF
Dans plus de 50 % des cas, l’électrocardiogramme du sportif
est normal (12). Chez le pratiquant de “loisir” (2 à 6 heures par
semaine), la présence d’une particularité électrocardiographique
ne peut être imputée à la pratique sportive. Chez l’athlète de
haut niveau d’entraînement (> 6 à 8 heures de pratique intense
par semaine), certaines particularités électrocardiographiques
peuvent être observées (12, 13), comme des bradycardies sinusales très marquées et/ou des rythmes ectopiques (jonctionnels,
idioventriculaires). Les blocs de branche droits (BBD) incomplets (observés chez 30 à 50 % des sportifs), les troubles de la
conduction atrioventriculaires (BAV) mineurs (BAV1 observés
chez 25 % des sportifs et BAV2 avec période de Luciani-Wenckebach observés chez 15 % d’entre eux) ainsi que les atypies de
la repolarisation peuvent poser des problèmes diagnostiques
(3, 4). La variété des populations étudiées et des méthodes
d’enregistrement utilisées et le manque d’études contrôlées de
grande envergure expliquent l’absence de consensus sur une
augmentation de la prévalence des arythmies chez les sportifs
par rapport à la population sédentaire (11, 14-17). Des extrasystoles supraventriculaires sont observées chez 60 % des sportifs, mais leur fréquence dépasse rarement 20 événements par
24 heures. Chez les jeunes sportifs, les tachycardies atriales
1
et la fibrillation auriculaire (FA) restent exceptionnelles (15).
Leur fréquence pourrait être accrue chez les “vétérans” avec
un long passé de sportif (16, 17). Pour la majorité des auteurs,
la prévalence des arythmies ventriculaires chez les sportifs est
voisine de celle des sédentaires (3, 4, 12). Si 50 % des sportifs
présentent des extrasystoles ventriculaires (ESV), le seuil de
100 événements par 24 heures est rarement dépassé. Moins de
30 % des sportifs présentent des ESV de grade égal ou supérieur
à 3 de la classification de Lown. Cependant, la possibilité d’une
prévalence accrue des arythmies ventriculaires a été évoquée
chez les sportifs de haut niveau d’entraînement (11, 14).
Attitude pratique devant la découverte
d’une arythmie cardiaque chez un sportif
Parfois de découverte fortuite lors d’un examen systématique,
l’arythmie peut être révélée au sportif par son cardiofréquencemètre. Ces appareils, qui ne donnent pas de renseignement
morphologique ni rythmique, permettent un suivi fiable de la
fréquence cardiaque (FC).
L’interrogatoire précise les facteurs déclenchants, l’ancienneté de l’arythmie et sa symptomatologie. Une arythmie
grave doit être évoquée devant la survenue de syncopes ou
d’équivalents mineurs, mais aussi chez le sportif en cas de
dyspnée, de “blocage” thoracique ou musculaire à l’effort et/ou
de baisse inexpliquée des performances. Il faut rechercher
un antécédent cardiovasculaire, la notion de mort subite
et/ou de cardiopathie chez un parent jeune, de même qu’un
épisode infectieux de type viral récent. Les contraintes cardiovasculaires de la discipline pratiquée en compétition et
à l’entraînement doivent être précisées (tableau). L’analyse
du carnet d’entraînement, avec ses données quantitatives
et qualitatives, est souvent riche d’enseignement. En effet,
les adaptations de la balance autonomique varient lors des
périodes d’endurance, avec une majoration de la réponse
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au tonus vagal, et lors des phases précompétitives avec une
stimulation sympathique accrue (18). Les diagnostics de
surentraînement et de dopage restent des diagnostics d’élimination, mais une prise éventuelle de produits “illicites” doit
toujours être éliminée. La discipline sportive désirée va aussi
intervenir dans l’autorisation à la compétition et le choix de
la thérapeutique. En effet, une arythmie non ressentie par
un golfeur peut être invalidante pour un coureur à pied ou
un cycliste. De même, un malaise habituellement bien toléré
risque, lors d’une plongée sous-marine ou d’une escalade
difficile, de se compliquer d’une “mort subite”.
L’examen physique recherche une affection cardiovasculaire.
L’ECG de repos, outre les caractéristiques éventuelles de l’arythmie, peut révéler des anomalies cardiaques potentiellement
arythmogènes (signes de cardiomyopathie hypertrophique,
maladie arythmogène du ventricule droit, canalopathies, préexcitation ventriculaire, etc.). La réalisation d’un ECG de repos
avant la délivrance d’une licence de compétition a été récemment
recommandée (19).
Ce bilan clinique, qui peut se révéler strictement normal, doit
être complété par des examens complémentaires. L’échocardiogramme transthoracique de repos recherche les principales cardiopathies morphologiques et/ou valvulaires, mais sa
normalité n’élimine pas formellement la présence d’un foyer
arythmogène latent. L’épreuve d’effort est pratiquement toujours justifiée. Il faut s’acharner à objectiver l’arythmie par une
épreuve d’intensité réellement maximale, si besoin complétée d’un test dit “abrupt” et/ou avec récupération passive. Un
enregistrement Holter avec séance d’entraînement codifiée ou
l’utilisation d’un système d’enregistrement autodéclenchable
doit être proposé en cas d’épreuve d’effort négative. Un éventuel
ECG à haute amplification devra être réalisé à distance de toute
séance d’entraînement (3, 4). Un bilan sanguin avec ionogramme
et dosage des hormones thyroïdiennes peut parfois être justifié.
L’exploration électrophysiologique (EEP), avec tests pharmacologiques (isoprénaline, atropine, etc.) permet de préciser le
site, le mécanisme, voire de guider le traitement de l’arythmie.
Bien que sa valeur prédictive positive soit faible en cas de cœur
“sain”, elle peut être productive en cas de clinique évocatrice sans
étiologie évidente. La place des autres explorations invasives,
moniteur électrocardiographique implantable, angiographie et
coronarographie, doit être discutée au cas par cas.
Attitude générale
Les arythmies peuvent parfois survenir sur un cœur “sain”, mais
elles révèlent ou compliquent le plus souvent une cardiopathie.
L’attitude vis-à-vis du sport sera alors dictée par la cardiopathie. Un trouble du rythme induisant une intolérance hémodynamique et en rapport avec une cardiopathie incurable est
actuellement une contre-indication formelle et définitive à la
pratique du sport de compétition (2-4).
Le diagnostic d’une syncope vaso-vagale, qui n’est pas a priori
une contre-indication à la compétition, est essentiel à affirmer.
Chez les spécialistes d’endurance, des faux positifs au test d’inclinaison ont été rapportés (20).
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Le choix thérapeutique et l’autorisation de la reprise du sport
doivent tenir compte de la possibilité d’échappement thérapeutique pendant l’effort liée à l’effet proarythmogène de l’effort
et/ou à un oubli du traitement. Les bêtabloquants sont souvent la thérapeutique pharmacologique de choix. Ils peuvent
diminuer la performance aérobie, mais leur effet antistress
a conduit à leur interdiction par certaines fédérations. Leur
utilisation par le sportif nécessite l’obtention d’une autorisation de prescription à usage thérapeutique. La nécessité d’un
traitement anticoagulant contre-indique les sports avec risques
de collision (tableau).
Les indications d’une ablation chez le sportif sont un peu plus
larges que dans la population standard et répondent à deux
critères : la résolution des symptômes et la possibilité de poursuivre le sport au niveau habituel (3, 4). L’information du sportif
sur les intérêts, les limites et les risques de la procédure doit
toujours être précise. Après ablation, la reprise sportive se fera,
en règle générale, dans les 1 à 12 semaines suivantes. Un bilan
cardiologique sous traitement ou à la suite d’une intervention
radicale après 6 à 12 mois de réentraînement est aussi recommandé (3, 4, 14).
Le port d’un stimulateur cardiaque contre-indique les sports
avec collisions thoraciques inévitables (rugby, hockey, handball,
sports de combat, etc.) [3, 4]. Les sports avec risques de collision
(basket-ball, volley-ball, football, etc.) peuvent être autorisés
sous réserve du port d’un système de protection adapté (3).
Les enregistrements à l’effort vérifieront la bonne adaptation
chronotrope. Le port d’un stimulateur n’interfère pas avec le
bon fonctionnement des cardiofréquencemètres.
Dans l’état actuel des connaissances, le choix de l’implantation
d’un défibrillateur ne peut être dicté par la volonté de poursuivre
le sport en compétition (3, 4). Si la pratique des sports de loisir
est autorisée en compétition, seuls les sports de type IA ne
sont pas contre-indiqués (3, 4). De même, la proposition d’une
“surveillance rapprochée” de l’athlète avec équipement adapté
(défibrillateur semi-automatique) lors de l’entraînement et de
la compétition est aujourd’hui très discutable, car l’efficacité de
ce système dans ces conditions n’est pas prouvée (2, 3).
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RYTHMES SINUSAUX
Les “particularités sinusales” asymptomatiques sur cœur “sain”
comme les bradycardies, arythmies respiratoires avec pauses
inférieures à 3 secondes, wandering pacemaker, rythmes jonctionnels et tachycardies sinusales d’effort élevées ne contreindiquent aucun sport de compétition et ne réclament pas de
traitement spécifique (3, 4). En cas de symptomatologie ou d’inadaptation à l’effort, le bilan doit être approfondi. Une période
de désentraînement de 2 à 3 mois peut être proposée en cas de
traitement ; le sport peut être repris après vérification de son
efficacité. Les pauses symptomatiques supérieures à 3 secondes,
les blocs sino-atriaux, la dysfonction sinusale et les syndromes
tachycardie/bradycardie réclament un traitement efficace, avec
reprise du sport après 2 à 3 mois (3, 4).
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TROUBLES DE CONDUCTION
Les BBD incomplets asymptomatiques ne réclament pas d’exploration et ne contre-indiquent aucun sport. Les BBD complets
doivent bénéficier d’une épreuve d’effort et d’un échocardiogramme. En l’absence de symptômes et de trouble du rythme
ventriculaire, tous les sports sont autorisés (3, 4). En cas de bloc
de branche gauche complet au repos et/ou à l’effort chez un sujet
jeune, une étude électrophysiologique est conseillée ; chez le
sportif vétéran, un bilan classique est justifié (3, 4).
Les blocs atrioventriculaires (BAV) de bas degré du sportif
doivent être asymptomatiques et disparaître à l’effort. Ils ne
contre-indiquent aucun sport en compétition. En cas de BAV de
haut degré au repos et/ou d’apparition d’un BAV à l’effort, une
étude électrophysiologique est justifiée (3, 4). Un BAV congénital asymptomatique sur cœur “sain”, avec QRS fins, fonction
chronotrope à l’effort adaptée et sans trouble du rythme sévère,
ne contre-indique pas les sports (3, 4). La pose d’un stimulateur
est indiquée dans les autres cas.
La prévalence, les risques rythmiques et les critères d’ablation
de la préexcitation ventriculaire sont les mêmes chez le sportif
que dans la population générale. Chez les jeunes athlètes, mêmes
asymptomatiques, désireux de pratiquer un sport intense, l’étude
électrophysiologique est conseillée (2-4). Après ablation efficace
ou en cas de syndrome de Wolff-Parkinson-White (WPW)
sans risque vital, tous les sports sont autorisés. Dans les autres
cas (ablation à haut risque ou refusée) un traitement et une
autorisation à la pratique sportive (sport de type IA en règle
générale) adaptés seront proposés. En cas de découverte tardive
d’un WPW (> 30 ans) chez un sportif asymptomatique, la place
de l’EEP est plus discutée, et l’attitude vis-à-vis de la pratique
peut-être plus permissive (3, 4).
ARYTHMIES SUPRAVENTRICULAIRES
Leur survenue à l’effort et/ou dans un environnement hostile, en
particulier en cas de cardiopathie associée, peut tempérer leur
classique bonne tolérance hémodynamique et fonctionnelle.
Des arythmies très répétitives peuvent à la longue favoriser un
remodelage et une dysfonction myocardiques.
Les extrasystoles supraventriculaires ou jonctionnelles sur cœur sain,
isolées ou faiblement répétitives et asymptomatiques, ne nécessitent
qu’une surveillance régulière (ECG de repos), sans thérapeutique, et
ne contre-indiquent aucune pratique sportive (3, 4).
En l’absence de cardiopathie, les tachycardies supraventriculaires
brèves peu symptomatiques et non aggravées par l’effort, quelle que
soit leur origine, ne déconseillent aucun sport. Lorsqu’elles sont fréquentes et invalidantes, en particulier pour la performance sportive,
elles peuvent bénéficier d’une étude électrophysiologique, et éventuellement d’une ablation (3, 4). Une autorisation à la pratique sportive
adaptée sera proposée selon la qualité du contrôle thérapeutique.
En cas de symptômes sévères et/ou de cardiopathie associée, après
mise en place d’un traitement efficace, seuls les sports de type IA
(tableau, p. 16) peuvent être pratiqués en compétition (3, 4).
18
Chez le sportif, la FA paroxystique ou permanente a une prévalence très discutée (15-17). Fréquemment idiopathique, elle
peut cependant compliquer une cardiopathie sous-jacente ;
chez le sportif, il faut aussi éliminer la prise de produits interdits. La fibrillation atriale du sportif a souvent un caractère
vagal. L’interruption même temporaire de l’activité sportive
permet parfois de faire disparaître une FA paroxystique. Sans
particularité échographique ni électrophysiologique (16), elle
est facilement déclenchée par l’étude électrophysiologique et n’a
pas de caractère emboligène notable (17). La fibrillation atriale
chronique nécessite un bilan et un traitement identiques à ceux
dispensés dans la population générale. Les FA paroxystiques
brèves (5-15 secondes), asymptomatiques et sans majoration à
l’effort, n’excluent pas le sport de compétition (3). Le traitement
et l’aptitude au sport dépendent de la gêne occasionnée, de
la fréquence ventriculaire et du sport pratiqué. Une fibrillation atriale sur cœur sain avec fréquence ventriculaire adaptée
avec ou sans traitement ne contre-indique aucun sport, sauf
parfois ceux à risque comme la plongée et l’alpinisme (3, 4).
Si la fréquence ventriculaire est inadaptée, la compétition est
contre-indiquée (3, 4).
Le flutter atrial est rare chez les athlètes. Les sportifs à cœur “sain”,
asymptomatiques et avec des épisodes très brefs (< 10 secondes)
sans inadaptation du rythme ventriculaire à l’effort, peuvent
pratiquer tous les sports. Dans les autres cas, une ablation doit
être proposée. En l’absence de récidive, le sport peut être autorisé (3, 4). En l’absence d’ablation, et en particulier en cas de
cardiopathie associée, seuls les sports de type IA sont autorisés
en compétition, à la condition que la fréquence ventriculaire
soit adaptée au niveau d’effort et après une période sans trouble
du rythme de 2 à 3 mois (3, 4).
ARYTHMIES VENTRICULAIRES
Trois facteurs sont à considérer : le caractère symptomatique
ou non, l’aggravation ou non à l’effort, et surtout l’association
ou non à une cardiopathie organique (12). En cas de doute,
il faut proposer une interruption sportive de 3 à 6 mois ; la
disparition de l’arythmie est plutôt en faveur de sa nature
bénigne (14).
Si une cardiopathie est mise en évidence, le sport intense et en
compétition est contre-indiqué, sauf pour les sports de type IA.
La cardiopathie doit être traitée, nécessitant le plus souvent un
traitement bêtabloquant, éventuellement associé à l’implantation
d’un défibrillateur automatique. En cas de foyer arythmogène
individualisable (tachycardie ventriculaire [TV] monomorphes
soutenues ou non, TV fasciculaires ou infundibulaires) et curable
par ablation, la compétition peut être autorisée après vérification
de l’efficacité de l’intervention (3, 4). Si l’arythmie persiste malgré
le traitement, le sport de compétition est contre-indiqué (3, 4).
Si l’athlète choisit un traitement pharmacologique, vu le risque
possible d’échappement thérapeutique à l’effort, une abstention
de compétition et de pratique intense pendant 2 à 3 mois doit
être respectée (3, 4).
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Si le cœur est “sain”, les arythmies asymptomatiques, ne s’aggravant
pas à l’effort à type d’extrasystoles, de rythme idioventriculaire
accéléré ou de TV non soutenue (> 2 ESV et < 30 s avec FC >
100 bpm), en particulier monomorphe et peu rapide (< 150 bpm),
ne contre-indiquent pas la poursuite du sport en compétition (3,
4). Les TV mal tolérées hémodynamiquement et/ou malignes,
c’est-à-dire soutenues, polymorphes, à type de torsades de pointe,
de fibrillation ou de flutter ventriculaire, imposent la prescription
de bêtabloquants le plus souvent associée à l’implantation d’un
défibrillateur automatique. Parfois, et en cas de diagnostic formel
de myocardite, de commotio cordis ou de troubles électrolytiques
majeurs, le sport pourra être autorisé après un traitement efficace
et contrôlé de la cause (3, 4).
SYNDROMES GÉNÉTIQUES ARYTHMIQUES
En cas de canalopathies, l’attitude actuelle vis-à-vis de la pratique
sportive intense reste très restrictive. En cas d’épisode syncopal
ou équivalent chez un sportif porteur de l’affection, seuls les
sports de type IA sont autorisés (3, 4).
Le syndrome du QT long (LQT) peut se compliquer d’arythmies
à type de torsades de pointes. Bien que les classiques formules
de correction de la durée du QT (QTc) soient inadaptées en cas
de bradycardie profonde, il est exceptionnel qu’un réel problème
diagnostique se pose chez le sportif. L’hypokaliémie et la prise
de produits interdits doivent être éliminées. L’exercice physique et son environnement peuvent favoriser le déclenchement
d’une arythmie, en particulier la natation (LQT1) et les sports
générateurs de stress auditifs (LQT2). Pour la forme LQT3, le
risque rythmique prédomine au repos. Seuls les sports de type
IA sont autorisés en cas de LQT1 et de LQT2, même asymptomatiques (3, 4). L’attitude peut être moins restrictive en cas de
LQT3 (3). Le sport n’est pas obligatoirement contre-indiqué chez
les porteurs asymptomatiques de la mutation génétique sans
traduction phénotypique, mais la natation est à déconseiller en
cas de LQT1 (3).
Le syndrome du QT court (< 300 ms) reste rare et mal connu,
et seuls les sports de type IA sont actuellement autorisés chez
les porteurs de cette affection (3).
Les TV polymorphes catécholergiques surviennent essentiellement à l’effort et réclament l’implantation d’un défibrillateur.
Seuls les sports de type IA sont autorisés chez les porteurs de
la mutation asymptomatiques avec troubles du rythme lors de
l’épreuve d’effort (3). Une attitude moins restrictive est discutée
en l’absence d’anomalie à l’épreuve d’effort (3).
Le syndrome de Brugada entraîne une majoration du risque
arythmique lors d’une stimulation vagale. Chez le sportif, ce
risque pourrait être présent chez certains sujets très entraînés
en cas d’hypertonie vagale prononcée accrue et/ou pendant
l’effort à cause de l’hyperthermie associée, et/ou après l’effort à
cause du “coup de frein” vagal. Seuls les sports de type IA sont
actuellement autorisés en compétition. L’attitude à respecter
chez les porteurs de la mutation sans traduction ECG peut être
moins restrictive (3, 4).
La Lettre du Cardiologue - n° 398 - octobre 2006
CONCLUSION
La découverte d’une arythmie chez un sportif ou lors d’une visite
de non contre-indication à la pratique sportive ne doit jamais
être banalisée. Ce n’est qu’au terme d’un bilan cardiovasculaire
ciblé qu’une attitude individualisée différenciant le sport de
loisir et de compétition pourra être proposée. La difficulté est
de garder un équilibre entre une attitude systématiquement
restrictive et une permissivité acceptable vis-à-vis du risque
éventuel encouru.
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