03 dossier marketing stratégique /////// Le moteur de cette évolution est une attention constante des équipes de l’institution à sa relation avec ceux qui la fréquentent, et ceux qui ne la fréquentent pas encore. Attention donc, et interrogations. DÉMOC RATISATION ? EXIG E NC E ? Interrogeons- nous d’abord sur ce drôle de mot de « public ». Que se cache-t-il derrière lui ? L’expression «grand public» est bannie de notre vocabulaire. L’employer serait accepter de ne voir qu’un grand monstre indistinct là où nous voulons nous adresser à chaque personne. Nous tournons autour de l’expression « tous publics » pour ce qu’elle exprime de la diversité des hommes et des femmes que nous souhaitons atteindre. Certains commencent à parler de « cibles » : les débats sont vifs (et d’ailleurs encore non résolus). Pour ma part, je fais partie de ceux qui considèrent le « ciblage » avec circonspection, parce qu’il conduit à « viser » des individus en fonction d’une L’ADÉQUATION ENTRE offre et besoins simple caractéristique (leur âge, leur CSP, leurs pratiques culturelles ou autres, etc.) ; ce qui aboutit, qu’on le veuille ou non, d’une part à « trier » les êtres en niant leur complexité, leur multi-appartenance, et d’autre part à limiter leurs rencontres. Cela ne signifie pas, bien entendu, que nous ne concevions jamais de projets destinés spécifiquement à un type de public ; mais nous le faisons toujours dans le cadre d’un ensemble conçu dans la plus grande diversité possible, en évitant au maximum la segmentation des populations en « marchés ». Il s’agit au contraire de jouer les mélanges, les synergies. Élitaire pour tous. Nous avons tous été plus ou moins influencés par le projet démocratique de Jean Vilar, et par cet oxymore – encore un – qu’Antoine Vitez avait inventé pour l’exprimer : « élitaire pour tous ». On sait qu’il est facile de glisser d’un côté ou de l’autre de la crête, et plus souvent du côté élitaire… On sait aussi que les dépenses publiques dans la culture sont les plus « anti-redistributives » qui soient, puisqu’elles sont payées par tous les contribuables, et qu’elles profitent souvent, socio- [ 3 questions à ] Sandrine Chomel-Isaac, directrice marketing des bibliothèques municipales de Lyon Faire en sorte que le public se diversifie et que la relation avec lui se densifie Après un parcours dans le secteur de la librairie, Sandrine Chomel-Isaac a créé en 2004 la direction marketing des bibliothèques municipales de Lyon. [email protected] Le site des bibliothèques municipales de Lyon : www.bm-lyon.fr Florence Muet : Lors de sa création, vous avez pris la fonction de direction marketing au sein du réseau des bibliothèques municipales de Lyon. Avec quel objectif ? Sandrine Chomel-Isaac : Le réseau des bibliothèques municipales de Lyon (BML) souhaitait se doter d’une véritable stratégie de service. La BML a toujours été très active, mais avec des actions souvent cloisonnées. La nécessité aujourd’hui est de créer des flux : il y a des « sites » forts (des équipes, des départements thématiques) et des experts ; il faut aussi activer des dynamiques de réseau. Par exemple, nous avons travaillé pendant plus d’un an pour développer le service « Cap Culture Santé » avec l’équipe de la nouvelle médiathèque du Bachut. La résultante web de cette thématique forte de la BML est une traduction, commune à tous, de cette dynamique. Nous pourrons déployer ce type de démarche sur d’autres activités, par exemple dans le réseau 58 IDocumentaliste - Sciences de l’informationI 2008, vol. 45, n°1 jeunesse ou sur d’autres thématiques culturelles. Et, bien sûr, nous devons toujours veiller à ce que notre offre corresponde aux attentes et aux pratiques des publics. Et du côté des publics, justement ? Ma deuxième mission est de faire en sorte que notre public se diversifie et que notre relation avec lui se densifie. Les bibliothèques de lecture publique sont faites pour tout le monde ; et tout le monde doit y trouver son compte. C’est ce qu’attendent de nous les élus de la municipalité. Cela veut dire une offre plurielle, qui réponde de façon ciblée aux différents types de besoins. Nous avons développé des services d’information, comme le service questions-réponses en ligne du « Guichet du savoir » ou la lettre d’information Points d’actu ! pour des segments de public qui ne viendront jamais emprunter sur place. Nous travaillons aussi à sortir les bibliothèques de leurs murs. Pour la « Semaine bleue », par exemple, nous avions « transporté » une partie de la bibliothèque dans les locaux de l’hôtel de ville ! Enfin, il nous faut envisager des modalités de participation des publics à la construction du service… Comment cette dimension marketing est-elle intégrée au sein du réseau ? Une bibliothèque, c’est avant tout un service. Ce service ne peut se réaliser sans les gens qui y travaillent. Et le marketing de ce service non plus ! Il y a donc tout un travail de « marketing interne » à faire, pour démystifier la démarche auprès des équipes, développer des services transversaux, engager les gens sur des projets qui aboutissent. Et tout le monde est concerné. Nous allons, par exemple, conduire un travail avec le service du public, qui gère l’accueil et le prêt, pour structurer ensemble notre politique de qualité de service. • Propos recueillis par FLORENCE MUET