LIBÉRALE Mélanomes Un nombre toujours plus élevé Le nombre des mélanomes s’accroît chaque année beaucoup plus vite que celui des autres cancers de la peau. Un quart de ces mélanomes diagnostiqués sont mortels. Cette augmentation est certes due à une plus grande précocité du diagnostic mais surtout à une augmentation de l’exposition au soleil. S elon le Syndicat national des dermatologues, l’incidence des mélanomes en France a doublé en 20 ans chez les femmes et a été multiplié par 2,5 chez les hommes. On estime à 6 000 les mélanomes dénombrés annuellement en France, dont 1 000 aboutissent à un décès. Le mélanome malin est le moins fréquent mais le plus dangereux des cancers de la peau. Facteurs de risque Paradoxalement, les mélanomes se présentent souvent sur des zones partiellement exposées comme les jambes pour les femmes ou le dos pour les hommes. La plupart des études épidémiologiques ont montré que les personnes avec des antécédents de coups de soleil ont plus de risque que les autres de les développer. L’exposition aux UV semble n’être qu’un des facteurs de risque, cependant non négligeable si on le compare aux autres facteurs suspectés tels que les hormones, l’alcool, les médicaments ou l’alimentation. La peau claire, certains facteurs héréditaires comme le nombre de grains de beauté sont aussi plus impliqués que le type de peau. En général, il existe également une relation inverse entre la latitude de résidence et l’incidence des mélanomes : en Europe, elle est maximale en Scandinavie et minimale dans les pays méditerranéens. Ce paradoxe peut s’expliquer par une exposition brutale au soleil pendant les vacances d’été chez les Nordiques, plus néfaste que l’exposition régulière et progressive des Méditerranéens. L’épaisseur du mélanome au moment de la prise en charge est l’un des facteurs déterminants pour le pronostic : un mélanome de moins de 0,5 mm d’épaisseur est presque toujours curable tandis qu’un malade porteur d’un mélanome de plus de 4 mm a un risque supérieur à 70 % de décéder. Les crèmes solaires Les crèmes solaires ont vu leur utilisation se généraliser. Elles présentent toutefois un effet pervers car leur dénomination “crèmes à fort indice” et “écran total” semblent semer la confusion. Elles ont sans aucun doute évité un certain nombre de dégâts en faisant diminuer les coups de soleil mais, en permettant de mieux supporter le soleil, elles augmentent le temps d’exposition. Certaines études suggèrent qu’elles ne protègent pas contre les mélanomes et favoriseraient même l’apparition de nævi cutanés. L’utilisation d’un indice élevé favoriserait ainsi l’exposition aux heures chaudes et l’allongement de la durée des bains de soleil d’environ une demi-heure par jour. Comme l’effet des crèmes solaires tend à repousser l’apparition du coup de soleil, on peut considérer également que l’apparition de lésions de la peau est retardée. Les mélanomes actuels seraient donc à relier à l’usage qui a été fait de la crème solaire il y a dix ou quinze ans, à une époque où les forts indices étaient peu courants et la qualité des crèmes peut-être moins bonne. Toujours est-il qu’un bon produit présente un indice 15 au minimum et que l’application de la crème doit être renouvelée fréquemment. Traitement A cause de son fort potentiel métastatique, l’accent a toujours été porté sur la prévention. Le traitement chirurgical donne des chances de guérison en éradiquant la lésion avant la dissémination. Quatre-vingt dix pour cent des 50 000 personnes qui présentent annuellement un cancer épithélial guérissent quand il est traité précocement, avec toutefois un risque de récidive. Le problème réside encore dans le diagnostic. L’un des enjeux principaux consistera à rendre ce dernier à la fois plus précis et plus accessible à la majorité des pratiProfessions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002 ●●● 41 LIBÉRALE Mélanomes ●●● 42 ciens. L’essor de la microscopie de surface par épiluminescence devra passer par une standardisation de la technique, afin d’en faire un outil plus accessible. Les avancées dans les connaissances de la génétique du mélanome constitueront un point important. L’analyse moléculaire permettra de mieux déterminer le potentiel métastatique des mélanomes diagnostiqués précocement. L’exploration morphologique reste encore prédominante, mais l’analyse moléculaire prendra de plus en plus d’importance. On attend beaucoup des prochaines thérapeutiques qui découlent des progrès de la recherche fondamentale et de l’amélioration du diagnostic. Les voies en cours d’exploration sont nombreuses, toutes plus prometteuses les unes que les autres. Déjà, les travaux sur les cytokines permettent d’envisager des changements dans la prise en charge des mélanomes localement avancés. Plusieurs essais cliniques sur l’interféron à haute dose comme agent adjuvant ont fait de cette cytokine une option intéressante pour certaines formes graves de mélanome, même si les avantages exacts en termes de survie globale restent encore quelque peu discutés. Autre voie d’immunothérapie : l’interleukine (IL), déjà utilisée dans le mélanome aux ÉtatsUnis. Actuellement indiquée uniquement pour certains cancers du rein métastasés, elle fera l’objet de nouveaux essais multicentriques, réalisés par l’Institut Curie en France. L’un des enjeux majeurs de ces études sera de trouver la meilleure posologie, eu égard à la grande toxicité du produit. Certes, les résultats ne sont pas immédiats, car, pour l’instant, une réponse n’a été obtenue que pour un petit nombre de cas. D’autres cytokines sont également à l’étude, comme le Tumor Necrosis Factor (TNF), qui facilite la présentation des antigènes aux lymphocytes T par les cellules dendritiques, ou l’IL-12, qui facilite l’infiltration des cellules T dans les tumeurs. Des protocoles de vaccination curative sont en cours d’élaboration pour certaines formes inopérables. Il y a quelques années, les premiers essais cliniques de vaccins s’étaient avérés décevants. Mais l’identification d’antigènes plus spécifiques aux cellules tumorales a permis d’élaborer des candidats vaccins qui semProfessions Santé Infirmier Infirmière - No 38 - juin-juillet 2002 blent de prime abord plus efficaces. Un autre espoir réside dans l’élaboration de vaccins non plus peptidiques mais à vecteurs. Les virus sont bien sûr très étudiés, mais des équipes de l’INSERM, de l’Institut Curie et du CNRS explorent de nouvelles voies pour amplifier la réponse immunitaire via des exosomes ou la toxine de Shiga. Tout cela reste actuellement du domaine de la recherche. L’ingénierie génétique pourrait elle aussi avoir son mot à dire. On discute notamment autour d’une étude autrichienne sur les oligonucléotides anti-sens de Bcl-2, un gène exprimé par 90 % des cellules de mélanome humain qui les protège contre l’apoptose induite par les agents chimiothérapeutiques. Ces oligonucléotides ont permis, chez des patients atteints de mélanome malin avancé, une amélioration notable de la réponse à la chimiothérapie. En bref, le mélanome est difficile à traiter de par la complexité des phénomènes biologiques, et la mortalité reste élevée. Seules des stratégies innovantes dans la prise en charge des tumeurs pourront en venir à bout. Lucie Galion Comment reconnaître un mélanome ? L’aspect d’un mélanome peut varier de façon importante mais il présente souvent une ou plusieurs caractéristiques : – modification de forme, de couleur ou de taille d’un grain de beauté ; – asymétrie : seule une partie du grain de beauté change d’aspect et se distingue singulièrement du reste ; – bordure : les bords du grain de beauté deviennent irréguliers, la pigmentation pouvant même parfois envahir la peau ; – coloration : la couleur du grain de beauté perd son homogénéité, des zones dépigmentées apparaissent, voire des taches grises, rouges ou bleues ; – diamètre : la taille du grain de beauté augmente (> 6 mm) ; – élévation ou évolution progressive. Source : Institut Curie