Y a-t-il plus complexe que les nombres complexes

publicité
Y a-t-il plus complexe que les nombres complexes
Pierre-Olivier Parisé∗
Midis conférences de l’Université Laval
17 février 2017
Résumé
Avez-vous entendu parler des nombres complexes ? Ces nombres sortis tout droit de l’imaginaire des mathématiciens et sujets à des règles obscures ! Parmi ces règles, il y a celle
annonçant l’existence d’un nombre i tel que i2 = −1. Cette règle, qui a énervée de nombreux
mathématiciens et enthousiasmée bien d’autres, permet de régler plusieurs problèmes...
Dans cette exposé, notre but ne sera pas d’expliquer pourquoi i2 = −1, mais plutôt d’utiliser cette règle afin de construire de nouveaux nombres dénommés nombres multicomplexes.
Un fois la définition de ces nombres digérés, nous explorerons leur structure algébrique après
avoir défini des opérations appropriées. Enfin, nous verrons une application de ces nombres
en systèmes dynamiques.
Table des matières
1 Mise en contexte
1.1 Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Nombres complexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.3 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
2
2
2
2 Nombres multicomplexes
2.1 Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2 Construction des nombres multicomplexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3
3
3
3 Nombres bicomplexes
3.1 Définitions de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 Représentation idempotente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3 Exercice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3
3
4
6
4 Applications en systèmes dynamiques
4.1 Notations . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2 Définitions de base . . . . . . . . . . .
4.3 Estimation de la distance . . . . . . . .
4.4 Ray-tracing . . . . . . . . . . . . . . .
7
7
7
8
8
.
.
.
.
Références
∗
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
9
Site personnel : www.mathopo.com
1
1
Mise en contexte
1.1
Histoire
Les nombres complexes :
∗ Utiliser afin de résoudre les équations cubiques par Cardano ;
∗ Massivement utilisés par Euler et Gauss ;
∗ Gauss a démontré que toutes équations polynômiales de degré n ≥ 1 a exactement n solutions
dans les complexes ;
∗ La physique quangique, dont les travaux de Schrödinger, utilise sans permission les nombres
complexes et la théorie des opérateurs.
1.2
Nombres complexes
Définition 1.1. Un nombre complexe z est composé de deux nombres a, b ∈ R et d’une entité
i1 telle que
z = a + bi1
où i21 = −1.
La règle i21 = −1 reviendra plus tard. Elle sera au coeur de la définition des nombres multicomplexes.
Définition 1.2. Soit z = a + bi1 et w = c + di1 , alors
• z + w := (a + c) + (b + d)i1 ;
• z · w := (ac − bd) + (ad + bc)i1 ;
• z := a − bi1 ;
√
• |z| := a2 + b2 = zz.
(M(1), +, ·) forme un corps commutatif.
Questions :
? Pouvons-nous généraliser les nombres complexes ?
? Sur cette généralisation, pouvons-nous garder une structure similaire à celle des complexes ?
La réponse est « oui » en utilisant la règle « i21 = −1 ».
1.3
Exercices
1. Si z satisfait l’équation z 2 + z + 1 = 0, alors montrer (sans calculer z explicitement) que
z 3 = 1.
2. Vérifier l’identité suivante :
|a + b|2 + |a − b|2 = 2(|a|2 + |b|2 ) ∀a, b ∈ M(1).
2
3. Si |a| =
6 1 et |b| = 1 où a, b ∈ M(1), alors montrer que
a−b 1 − ab 2
= 1.
Nombres multicomplexes
2.1
Histoire
∗ J. Cockle (1848) introduit les nombres tessarines (une algèbre de matrices). La présence de
diviseurs de zéros le pousse à abandonner cette structure.
∗ Corrano Segre (1892) introduit à son tour les nombres bicomplexes. Il y remarque l’existence
d’éléments idempotents se révélant des objets d’une importance capitale pour cette structure.
∗ G. B. Price (1991) a écrit un livre sur les nombres multicomplexes (voir [5]). Son ouvrage est
considéré comme l’oeuvre fondamentale de cette théorie.
2.2
Construction des nombres multicomplexes
On définit M(0) := R et M(1) := {a + bi1 : a, b ∈ R, i21 = −1}.
Définition 2.1.
— Un nombre multicomplexe d’ordre 0 est l’ensemble R, M(0) := R.
— Un nombre multicomplexe d’ordre n ≥ 1 η est de la forme
η := ζ1 + ζ2 in
où ζ1 et ζ2 sont des nombre multicomplexes d’ordre n − 1 et i2n = −1.
Remarque 1. On observe que les nombres multicomplexes sont définis de manière récursive.
N
Pour ne pas s’« enfarger » dans les notations fastidieuses de la théorie générale des nombres
multicomplexes, on va étudier un cas particulier, l’espace des nombres bicomplexes M(2).
L’idée générale de construction est conservée en se concentrant sur les nombres bicomplexes.
3
Nombres bicomplexes
3.1
Définitions de base
Définition 3.1. Un nombre bicomplexe w est définie à partir de deux nombres complexes
z1 , z2 ∈ M(1) et d’une nouvelle unité imaginaire i2 tels que
w := z1 + z2 i2
où i22 = −1.
3
Comme z1 et z2 sont des nombres complexes avec l’unité i1 , on peut les écrire comme ceci
z1 = a + bi1 et z2 = c + di1
et donc
w = a + bi1 + ci2 + di1 i2 := a + bi1 + ci2 + dj1
avec j21 = 1 est appelée unité hyperbolique.
·
1
i1
i2
j1
1
1
i1
i2
j1
i1
i1
−1
j1
−i2
i2
i2
j1
−1
i1
j1
j1
−i2
−i1
1
Table 1 – Relations entre les unités
Définition 3.2. Soit s = s1 + s2 i2 et t = t1 + t2 i2 .
• Addition : s + t := (s1 + t1 ) + (s2 + t2 )i2 ;
• Multiplication : s · t := (s1 t1 − s2 t2 ) + (s1 t2 + s2 t1 )i2 ;
q
√
• Norme : ksk2 := |s1 |2 + |s2 |2 = a2 + b2 + c2 + d2 .
Proposition 3.1. (M(2), +, ·) est un anneau commutatif unitaire. Muni de la norme k · k2
ci-haut, ceci forme un espace vectoriel normé (addition et multiplication scalaire habituelle).
1
1
et 1−j
sont des diviseurs de zéro et ils ne sont pas inversibles.
On remarque que 1+j
2
2
Ces éléments sont tellement importants qu’on leur attribut une notation spéciale ! ! !
γ0 :=
1 + j1
1 − j1
et γ0 :=
.
2
2
Définition 3.3. N O2 est l’ensemble des éléments non-inversibles et est appelé le cône-nul.
Proposition 3.2. w ∈ N O2 ⇐⇒ (z1 − z2 i1 )(z1 + z2 i1 ) = 0.
Démonstration.
La faire si le temps le permet.
Questions Quelles sont les différences entre C et M(2) ?
(M(2), +, ·) possède des éléments qui ne sont pas inversibles ! N’empêche,
les éléments inversibles sont situés exactement où on veut qu’il soit (ou
qu’ils veulent qu’ils soient... euh ouin tant pis !)
3.2
Représentation idempotente
4
Définition 3.4. Un élément γ ∈ M(2) est idempotent si γ 2 = γ.
Proposition 3.3. 0, 1, γ0 et γ0 sont les seuls éléments idempotents de l’espace M(2).
Démonstration.
Détailler les solutions du système γ 2 = γ.
Remarque 2. De plus, on a γ0 · γ0 = 0 et γ0 + γ0 = 1
N
Proposition 3.4. Tout nombre w ∈ M(2) s’écrit de manière unique comme
w = (z1 − z2 i1 )γ0 + (z1 + z2 i1 )γ0 .
Démonstration.
Simplement multiplier le tout et vérifier que c’est bien égal...
Corollaire 3.1. Posons s = s1 + s2 i2 et t = t1 + t2 i2 . Alors,
(a) s = 0 ⇐⇒ s1 − s2 i1 = 0 et s1 + s2 i1 = 0 ;
(b) s · t := (s1 − s2 i1 )(t1 − t2 i1 )γ0 + (s1 + s2 i1 )(t1 + t2 i1 )γ0 ;
(c) kwk2 :=
|s1 −s2 i1 |2 +|s1 +s2 i1 |2 1/2
2
;
(d) s ∈ N O2 ⇐⇒ s1 − s2 i1 = 0 ou s1 + s2 i1 = 0 ;
(e) Si t 6∈ N O2 , alors
s1 − s2 i1
s1 + s2 i1
s
=
γ0 +
γ0 .
t
t1 − t2 i1
t1 + t2 i1
Démonstration.
Faire la preuve de (b).
Donc, on voit que M(2) est une duplication des nombres complexes et qu’avec la représentation
idempotente, la multiplication se fait de termes à termes !
Ceci permet aussi de facilement généraliser les concepts de l’analyse complexe à l’espace des
nombres bicomplexes.
Définition 3.5. Un produit M(2)-cartésien de deux ensembles X1 , X2 ⊂ M(1) est
X1 ×γ0 X2 := {uγ0 γ0 + uγ0 γ0 : uγ0 ∈ X1 et uγ0 ∈ X2 } .
Remarque 3. L’application Γ0 : X1 ×X2 → X1 ×γ0 X2 , (u, v) 7→ uγ0 +vγ0 est un homéomorphisme.
Ceci conduit à
5
i) Boule ouverte de M(1) : B1 (a, r) := {z ∈ M(1) : |z − a| < r} où a ∈ M(1) et r > 0.
ii) Boule ouverte de M(2) : B2 (a, r) := {w ∈ M(2) : kw − ak2 < r} où a ∈ M(2) et r > 0.
iii) Disque ouvert de M(2) : D2 (a, r1 , r2 ) := B1 (a1 −a2 i1 , r1 )×γ0 B1 (a2 +a2 i1 , r2 ) où a = a1 +a2 i2 ∈
M(2) et r1 , r2 > 0.
N
Enfin, posons cm = c1m + c2m i2 pour m ∈ {0, 1, 2, . . . , n} avec cn 6∈ N O2 . Un polynôme à
P
valeurs bicomplexes P (w) = nm=0 cm z m peut être réécrit comme
P (w) = P1 (z1 − z2 i1 )γ0 + P2 (z1 + z2 i1 )γ0
où P1 (z) :=
3.3
Pn
m=0 (c1m
− c2m i1 )z m et P2 (z) :=
Pn
m=0 (c1m
+ c2m i1 )z m .
Exercice
1. Démontrer que si c1 γ0 + c2 γ0 = 0 pour c1 , c2 ∈ M(1), alors c1 = c2 = 0.
2. Démontrer que si z1 + z2 i2 = (z1 − z1 i1 )γ0 et z1 + z2 i2 = (z1 + z2 i1 )γ0 , alors z1 + z2 i2 = 0.
3. Démonter que
(a) si z ∈ M(1), alors kzwk2 = |z|kwk2 ∀w ∈ M(2) ;
√
(b) si s ∈ M(2), alors kstk2 ≤ 2ksk2 ktk2 ;
(c) poser s = t = γ0 et calculer la norme de γ02 . En déduire que la constante
meilleure possible.
√
2 est la
4. Montrer que si w = z1 + z2 i2 est inversible, alors
w−1 =
z1 − z2 i2
.
z12 + z22
!
a11 a12
où aij ∈ M(2).
5. Considérer une matrice A de dimension 2 × 2 donnée par A :=
a21 a22
On note aussi cette matrice par A = (aij ). Définissons |A| := a11 a22 − a12 a21 comme étant le
déterminant de cette matrice.
(a) Démontrer que si A et B sont deux matrices dont les éléments sont dans M(2), alors
|AB| = |A||B|.
(b) Posons aij = αij γ0 + βij γ0 pour chaque i, j = 1, 2. Montrer que
|A| = |(αij )|γ0 + |(βij )|γ0 .
(c) Considérons le système d’équations suivant
!
w1
c
A
= 1
w2
c2
!
Si |A| est inversible, alors démontrer que l’unique solution est donnée par
w1 =
c
1
c2
a12 a22 |A|
6
et
w2 =
a
11
a21
c1 c2 .
|A|
6. Définissons la conjugaison † par w† = (z1 + z2 i2 )† := z1 − z2 i2 . Démontrer que
ww† = |z1 − z2 i1 |2 γ0 + |z1 + z2 i1 |2 γ0 .
7. Définissons I1 := {wγ0 : w ∈ M(2)} et I2 := {wγ0 : w ∈ M(2)}.
(a) Montrer que I1 ∩ I2 = {0} ;
(b) Montrer que w ∈ N O2 si et seulement si w ∈ I1 ∪ I2 ;
(c) Montrer que N O2 est un ensemble fermé d’intérieur vide. En déduire que l’ensemble
des éléments inversibles est ouvert et dense dans M(2).
8. Considérer le polynôme P (w) tel que mentionné à la fin de la section 3.2. Démontrer que si
cn 6∈ N O2 , alors P a exactement n2 solutions (Indice : utiliser la représentation idempotente
du polynôme P (w)).
4
Applications en systèmes dynamiques
4.1
Notations
• n composition d’une fonction f : f n := f ◦ · · · ◦ f .
|
{z
n fois
}
• On désigne par fc la fonction polynômiale fc (z) := z 2 + c.
• d(z, E) := min {d(z, w) : w ∈ E}.
4.2
Définitions de base
Définition 4.1. L’ensemble de Julia rempli Kc2 du polynôme fc est définie par
Kc2 := {z ∈ M(1) : (fcm (z))m∈N est bornée.}
Définition 4.2. L’ensemble de Mandelbrot M2 associé au polynôme fc est
M2 := {c ∈ M(1) : (fcm (0))n∈N est bornée.}
Lorsque Kc2 est connexe, il existe une application conforme φc : M(1)\Kc2 → M(1)\B1 (0, 1). On
peut ainsi associé une fonction de Green G
(
0
ln |φc (z)|
G(z) :=
si z ∈ Kc2
si z ∈
6 Kc2
Il existe une application conforme (voir [1]) ψ : M(1)\M2 → M(1)\B1 (0, 1) où ψ(c) := φc (c).
On peut aussi définir une fonction de Green
(
G(c) :=
0
ln |ψ(c)|
si c ∈ M2
si c 6∈ M2 .
D. Rochon a défini l’ensemble de Mandelbrot bicomplexe (voir [7]).
7
Définition 4.3. L’ensemble de Mandelbrot bicomplexe M22 est définie comme
Mp2 := M2 ×γ0 M2 .
4.3
Estimation de la distance
D’abord, grâce à la fonction de Green, on obtient une estimation sur la distance d’un point
c 6∈ M2 à l’ensemble M2 .
Proposition 4.1. Soit c 6∈ M2 , alors
2 sinh(G(c))
sinh(G(c))
< d(c, M2 ) <
.
G(c)
0
2e |G (c)|
|G0 (c)|
La borne inférieure peut-être approchée comme
sinh(G(c))
|cm | ln |cm |
∼
.
G(c)
0
2 |G (c)|
|cm |1/pm |c0m |
Dans l’espace des nombres bicomplexes, il est possible de démontrer la propriété suivante.
Proposition 4.2. Soit c 6∈ M22 avec c := c1 + c2 i2 , alors
s
d(c, M22 ) =
d(c1 − c2 i1 , M2 )2 + d(c1 + c2 i1 , M2 )2
.
2
En posant
G2 (c) := G(c1 − c2 i1 )γ0 + G(c1 + c2 i1 )γ0
on peut estimer la distance d’un point c 6∈ M22 à l’ensemble M22 .
On utilise pour cela la technique du ray tracing !
4.4
Ray-tracing
Voir diaporama.
8
Références
[1] A. Douady and J. H. Hubbard. Étude dynamique des polynômes complexes. Technical report,
Henri Poincaré, 2007. Documents publié par la Société Mathématique de France.
[2] V. Garrant-Pelletier and D. Rochon. On a Generalized Fatou-Julia Theorem in Multicomplex
Spaces. Fractals, 17(3), 2009.
[3] M. E. Luna-Elizarraras, M. Shapiro, D. C. Struppa, and A. Vajiac. Bicomplex Holomorphic
Functions : Algebra, Geometry and Analysis of Bicomplex Numbers. Springer Birkhaüser, 2010.
[4] É. Martineau and D. Rochon. On a Bicomplex Distance Estimation for the Tetrabrot. International Journal of Bifurcation and Chaos, 15(9), 2005.
[5] G. B. Price. An Introduction to Multicomplex Spaces and Functions. Marcel Dekker Inc., 1991.
[6] D. Rochon. Sur une généralisation des nombres complexes : les tétranombres. Master’s thesis,
Université de Montréal, 1997.
[7] D. Rochon. A Generalized Mandelbrot Set for Bicomplex Numbers. Fractals, 8(4), 2000.
[8] D. Rochon. Bicomplex Dynamics and 3D Fractals. http ://www.3dfractals.com/, 2017.
9
Téléchargement