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Monde fini ou nouvelles frontières... Quel futur pour l’aventure humaine ?
Christian de Perthuis, docteur d’Etat en sciences économiques, professeur associé
à l’Université de Paris-Dauphine, responsable de la mission climat à la Caisse des Dépôts.
Publications : “La génération future a-t-elle un avenir ?” Belin 2003, “La finance autrement“
Dalloz 2005.
N
ous ne pouvons assimiler la Bourse à un acteur doté de conscience. Nous évoquons
souvent le marché en usant de la personnification : “Le marché dit que…”.
Ce procédé est abusif car le système financier est le reflet d’un ensemble de choix faits dans
une société. En Europe, la financiarisation de l’économie est malheureusement le résultat
de choix catastrophiques.
Le système financier
doit aider la société à gérer le risque
Tout d’abord, les marchés financiers sont insuffisamment encadrés par
les autorités publiques. La construction européenne actuelle amplifie
d’ailleurs ce phénomène de non régulation du marché. Tout ou partie
du contrôle de ce système n’est pas assumé politiquement.
D’autre part, nous assistons à un changement de nature des acteurs financiers
qui deviennent des entités de plus en plus internationalisées. Ce sont
aujourd’hui des conglomérats. Et nous constatons un décalage de plus
en plus important entre le développement de ces acteurs et de leurs savoirfaire en économie de la connaissance, et les moyens pour les encadrer.
Enfin, la majorité des innovations financières des vingt dernières années ont porté sur
la gestion du risque. Elles ont permis aux acteurs du système financier de reporter le risque
sur des acteurs non financiers qui, eux, n’en prennent pas.
Engager le système financier dans une économie de développement durable implique donc
d’inverser ce fonctionnement. La sphère financière ne doit plus innover en déportant le risque
vers des acteurs « inconscients » du risque ; il faut, au contraire, utiliser le système financier
pour aider la société à gérer ce risque.
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10e Université des CCI - vichy - septembre 2006
Le protocole de Kyoto montre la voie à suivre
De ce point de vue, le protocole de Kyoto constitue une grande avancée. Ce protocole est entré
en vigueur en février 2005. Il a été signé en décembre 1997 et ratifié par 166 pays. Le texte
engage les pays développés à réduire de 5%, par rapport au niveau de 1990, leurs émissions
de gaz à effet de serre en 2010. L’Europe doit ainsi réduire ses émissions de 8 %. Ce système
de marché de permis d’émission est une grande innovation financière et instaure une nouvelle
politique publique concernant le climat. Elle est fondée sur des systèmes d’incitation économique dans lesquels une valeur va être donnée aux émissions de gaz à effet de serre. Dans
le cadre du mécanisme de développement propre qui constitue une partie du protocole
de Kyoto, plusieurs milliards de dollars sont en train d’être investis dans ces projets grâce
à la valeur donnée au prix du carbone. Nous sommes donc sur le point de basculer d’une économie où l’émission des gaz à effet de serre était gratuite à une économie dans laquelle le coût
de cette émission va augmenter. Ce nouveau paramètre sera progressivement intégré par
les acteurs économiques. Si nous gérons correctement ces dispositifs, nous pourrons alors
drainer les masses financières nécessaires pour faire les investissements et les recherches
indispensables en vue de concilier durablement la croissance et le développement économique. Cela étant, la partie n’est pas gagnée. Les Etats-Unis ont signé mais n’ont pas ratifié
ce protocole, d’autres Etats restent frileux dans son application.
La globalisation des risques
appelle à une gouvernance mondiale
Prenons maintenant l’exemple de la gouvernance internationale sur la question
du climat. Nous sommes parvenus à un début de réponse
grâce à la volonté des gouvernants. Le système a fonctionné car une structure internationale regroupant
plusieurs acteurs a été mise en place par l’ONU.
Le GIEC fédère depuis plus de 20 ans les meilleurs
scientifiques. Sans eux, le protocole de Kyoto
n’aurait jamais été signé. Les gouvernements,
les organisations écologiques et les entreprises ont pu,
à partir de cette production de connaissance scientifique, organiser un débat politique. Seul ce travail
en amont a permis d’aboutir à la signature
des accords climatiques. Le développement
durable implique une nouvelle façon de gérer
collectivement ces questions. La mise en place
d’une gouvernance mondiale devient donc essentielle.
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