influence de l`environnement sur la structure des communautes

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Mazel Florent
INFLUENCE DE L'ENVIRONNEMENT SUR LA STRUCTURE DES
COMMUNAUTES VEGETALES EN MILIEU ALPIN
Le concept de biodiversité connait depuis quelques décennies un essor remarquable. De
nombreuses décompositions de ce concept sont venues enrichir notre compréhension de la
structure des communautés végétales. Ainsi on divise la biodiversité totale d'une région
(biodiversité gamma) en biodiversité inter communautés (béta) et intra communautés (alpha).
Ces indices peuvent s'exprimer en termes d'espèces ou en termes de fonctions biologiques.
Pour définir ces indices de biodiversité fonctionnelle, le concept de traits fonctionnels
(caractéristique morphologique, physiologique ou phénologique de la plante) est utilisé. Ici
nous testons si les divers types de biodiversité de la vallée de la Guisane (Alpes Françaises)
sont expliqués par les gradients environnementaux. Nous montrons effectivement que les
paramètres climatiques, topographiques et édaphiques jouent un rôle significatif sur ces
diversités. Par ailleurs il semble que la structuration à l'intérieur d'une communauté dépende
des ressources limitantes du milieu (appartenant au gradient local) tandis que les différences
de richesse et de composition entre communautés sont expliqués par les gradients régionaux.
Introduction
Le Laboratoire d'Ecologie Alpine
(LECA) de Grenoble est constitué de trois
équipes de recherche : l'équipe GPB (Génomique
des Populations et Biodiversité), l'équipe PEX
(Perturbations
Environnementales
et
Xénobiotiques) et l'équipe TDE
(Traits
fonctionnels végétaux et Dynamique des
Écosystèmes alpins) où j'ai travaillé. J'ai fondé
mon étude sur la relation entre biodiversité et
environnement. La biodiversité totale d'une
région (gamma) peut-être divisée en deux
composantes (Whittaker et al, 1972) : la diversité
α et la β. La diversité α est une mesure de
diversité intra communauté tandis que l'indice β
reflète une différence de diversité entre
communautés. Une communauté végétale est
une zone de composition homogène d'espèce. La
diversité utilisée dans les deux indices α et β peut
être de différentes natures : elle peut être définie
en terme de nombre d'espèces ou en termes de
fonctions. Ainsi on défini une biodiversité
spécifique ainsi qu'une fonctionnelle. La
biodiversité α spécifique est simplement le
nombre d'espèce et la β spécifique le turn-over
d'espèces entre communautés. Pour définir la
biodiversité en termes de fonctions on utilise les
traits fonctionnels. Un trait fonctionnel est une
caractéristique morphologique, physiologique ou
phénologique ayant un impact indirect sur la
fitness de la plante via ses effets sur sa
croissance, sa reproduction et sa survie (Violle et
al. 2007). Leur utilisation pourrait permettre de
mieux comprendre la structuration
des
communautés végétales et en particulier leur lien
avec l'environnement (McGill et al, 2006). Dans
cette étude nous nous concentrerons sur deux
traits importants : la hauteur végétative maximale
qui reflète le pouvoir de développement de la
plante et le SLA (Specific Leave Area, qui vaut
la surface foliaire sur le poids sec foliaire) qui
quantifie l'allocation de surface à la
photosynthèse. Ce dernier trait différencie les
espèces dîtes « consommatrices d'énergie » et
les espèces plutôt « conservatrices ».
Quelle est la relation entre biodiversité et
environnement? En quoi cela peut il nous aider à
comprendre la structure des communautés?
Afin de répondre à ces questions , nous testons
la corrélation entre la diversité α spécifique
(=nombre d'espèces par communautés) /
fonctionnelle et l'environnement. Pour tester
l'effet de l'environnement sur la diversité β nous
testons la corrélation entre la dissimilarité
environnementale
et
spécifique
des
communautés.
1/10
Matériels & Méthodes
Choix des espèces à échantillonner
Site d'étude et données de communautés
Notre site de recherche est localisé dans la vallée
de la Guisane qui relie Briançon au col du
Lautaret. Elle est orientée Sud-Est/Nord-Ouest et
s'étend sur près de 20 km. Les espèces végétales
présentent dans 107 communautés végétales
couvrant un fort gradient de milieu
(1296-2947m) ont été déterminées et leur
couverture au sol mesurée lors de l'été 2007 par
le botaniste Gilles Pellet (position latitude : entre
44°55 et 45°04, longitude : entre 6°22 et 6°38,
Figure 1). Ces communautés sont définies
comme une surface d'habitat homogène (i.e aire
maximale au delà de laquelle la diversité en
terme d'espèces n'augmente plus).
La couverture au sol suit une l'échelle à cinq
niveau (Braun-Blanquet et al, 1952) : 1: <10%;
2: 10-25%; 3: 25-50%; 4: 50-75%; 5: >75%. La
couverture représente la surface occupée (à une
hauteur donnée) par l'espèce dans la
communauté. La somme de toutes les
couvertures peut donc être supérieure à 100%
étant donné que toutes les espèces ne vivent pas
à la même hauteur. Au total 442 espèces ont été
répertoriées.
Col du
Lautaret
Dans cette étude nous avons utilisé la base de
données ANDROSACE du LECA qui regroupe
les traits fonctionnels d'une partie des espèces
répertoriées dans nos sites d'étude. Cependant
dans un souci de représentativité, une campagne
d'échantillonnage a été effectuée. En effet la
diversité fonctionnelle peut être estimée
convenablement si les traits fonctionnels sont
connus pour 80% de la biomasse de chaque
communautés (Garnier, E. et al. 2004, Grime, J.
P. 1998). Nous avons cherché les espèces pour
lesquelles les traits fonctionnels étaient inconnus
mais occupaient une part non négligeable de la
biomasse totale de chaque communauté. Ceci
nous a conduit à choisir et échantillonner en
juin-juillet 2008, 100 espèces végétales allant de
l'arbre à l'herbacée.
Relevés d'espèces
12 (pour les mesures de traits) et 20 individus
(pour les hauteurs) de chaque espèces ont été
échantillonnés le matin (entre 8h et 11h30) afin
de les préserver de la dessiccation. Les individus
sont conservés dans milieu frais, humide et
obscur jusqu'à leur étude. Par ailleurs, les
individus recueillis ou mesurés sont relativement
éloignés les uns des autres (afin d'éviter
d'échantillonner deux fois le même individu =
biais d'auto corrélation).
Vers
Grenoble
Vers
Briançon
Figure 1 : Orthophotographie de la vallée de
la Guisane et position des communautés
étudiées.
Les différentes communautés sont représentées
en couleur, les flèches indiquent l'orientation de
l'orthophotographie.
Mesure des traits
Différents traits fonctionnels ont été mesurés : le
SLA ('Spécific Leaf Area', surface spécifique des
feuilles) qui vaut le rapport de la surface foliaire
sur le poids sec de la feuille, le LDMC ('Leaf
dry matter content') qui représente la teneur en
matière sèche et la hauteur végétative et
d'inflorescence. La surface foliaire est calculée
grâce au logiciel MideBMP, les pourcentages
d'erreurs des mesures sont compris entre 0 et 5%.
La masse sèche est mesurée après 3 jours à 60°C.
Pour le détail de la mesure des traits, se reporter
à Cornelisen et al (2003). Nous n'utiliserons que
le SLA et la hauteur végétative dans
l'exploitation des données.
2/10
Variables environnementales
(2)Diversité α
Les variables environnementales proviennent de
différentes sources. Les données topographiques
sont extraites d'un modèle numérique de terrain
(MNT) de l'IGN à 50m de résolution. Les
données climatiques sont extraites du modèle
Aurhely de Météo France (1km*1km), désagrégé
à une résolution de 50m (à l'aide d'un modèle qui
utilise les paramètres topographiques pour
préciser les variations dans le carré de
1km*1km). Pour chaque cellule de 50m x 50m
on dispose donc d'une mesure de température, de
radiation, de pluviométrie, d'aridité (index
« Demartone »), de pente, de continentalité
(« Gams »), de positions topographiques
(« Positopo », grande catégories de positions
topographiques
vues
sous
l'angle
du
ruissellement : caractérisation des zones de
départ et d'arrivée d'eau), d'altitude, de pente et
d'orientation. On dispose également de variables
édaphiques : teneur en matière organique, pH,
teneur en limon, sable et argile, disponibilité en
eau pour la plante, saturation en eau (capacité du
terrain, quantité d'eau au delà de laquelle elle
n'est plus retenue par les sols), point de
flétrissement ( teneur en eau en deçà de laquelle
la plante flétrit).
La diversité α spécifique est mesurée par le
nombre d'espèces (richesse spécifique) dans
chaque communauté échantillonnée. La diversité
α fonctionnelle peut quant à elle être exprimée en
trois composantes complémentaires : la richesse,
la régularité et la divergence (Villéger et al.,
2008). Ces trois indices se servent de l'espace
composé par les traits fonctionnels. Chaque
espèce -ayant des valeurs particulières de traitest un point de l'espace. La richesse fonctionnelle
correspond
au
volume
qu'occupe
une
communauté
dans cet espace. L'indice de
régularité mesure la régularité de la distribution
des espèces d'une même communauté (cet indice
diminue si la distance (dans l'hypervolume) entre
les espèces n'est pas régulière). Enfin, la
divergence considère la déviation des traits des
espèces vis à vis de la moyenne non pondérée de
la communauté (une divergence de 1 traduit le
fait que les espèces fortement abondantes sont
éloignées de cette moyenne).
Pour étudier comment les diversités α (spécifique
et fonctionnelle) répondent à l'environnement
(exprimé par les premiers axes de l'ACP), on
utilise une analyse de régression linéaire .
Différents modèles de complexité croissante ont
été testés (termes linéaires et polynomiaux de
degré 2).
Le calcul de ces mesures nécessite d'avoir
l'abondance relative de chaque espèce dans
chaque communauté, tandis que les données que
nous avons sont exprimées sous la forme d'un
indice. L'abondance relative est estimée par la
couverture relative. On calcule donc la part
relative de couverture pour chaque espèce (en
utilisant la moyenne des % que l'indice
regroupe). Pour tester la validité des résultats
découlant de ces mesures, nous avons créé une
fonction permettant d'attribuer à chaque espèce
un pourcentage (et non un indice non linéaire) de
couverture. On tire un pourcentage aléatoire
parmi ceux que l'indice regroupe. Pour chaque
matrice ainsi construite,on calcule les indices de
biodiversité, on teste les corrélations et on répète
l'expérience 250 fois. On évalue ainsi si la
distribution des r² est centré sur une valeur ou
alors est totalement dépendante du tirage.
La diversité β est estimée grâce à l'indice de
Analyse statistique
L'analyse statistique est effectuée sur le logiciel
R (R Development Core Team (2008)).
(1)Réduction de la dimension des variables
environnementales:
Pour éviter tout problèmes de multi-colinéarité et
d'avoir trop de variables à expliquer, nous avons
tout d'abord utiliser une analyse en composante
principale (ACP, Rao 1964) qui permet de
simplifier un jeu de données environnementales.
Cette analyse extrait des axes simplifiés qui sont
en fait des combinaisons linéaires des variables
environnementales. On réduit ainsi la dimension
de l'espace des variables et on évite toute
colinéarité entre les variables (=les axes ne sont
pas corrélés entre eux = ils sont orthogonaux).
3/10
Jaccard (Jaccard, 1901) qui est calculé entre deux
communautés. Il vaut simplement le rapport du
nombre d'espèces partagées entre les deux
communautés sur le nombre total d'espèces
retrouvées dans les deux communautés. Il ne
tient donc pas compte de l'abondance de chaque
espèces. On obtient donc une matrice de
dissimilarité ou la case (i,j) correspond à l'indice
de Jaccard entre les communautés i et j. On
construit le même type de matrice pour
l'environnement en utilisant la distance de Gower
(Legendre & Legendre 1998) entre les sites. Pour
cela on définit pour un axe une similitude entre
deux communautés A et B :
Sj = 1-( XAj - Xbj )/Rj
où XAj est la valeur de la variable
environnementale j pour la parcelle A. Rj est
l'étendue de la variable j (= maximum –
minimum). Sj est donc une similitude. On
effectue ensuite la moyenne de cette distance
pour toutes les variables. Il n'y a donc pas de
pondération selon l'importance de la variable.
Dans notre étude, nous utilisons les coordonnées
de l'ACP de chaque communautés comme
variable.
A.
Pour étudier la corrélation entre les matrices de
dissimilarité, le test de Mantel (Legendre &
Legendre 1998) est utilisé. Il compare
simplement les deux matrices et calcule une pvalue en effectuant des randomisations des
matrices et en recalculant le r².
Résultats
ACP de l'environnement
L'analyse en composante principale a été
effectuée avec l'ensemble des variables
environnementales d'une part et l'ensemble des
données topographiques et climatiques d'autre
part. Les deux ACP montrent que trois axes (dans
les deux cas) peuvent refléter l'essentiel de la
variance environnementale (62% pour l'ACP
globale et 77% pour l'autre). Chaque axe possède
une corrélation avec les variables brutes
(données non présentées)
: pour l'ACP
topographie/climat le premier axe représente en
fait un axe de température/altitude tandis que le
deuxième relève plutôt de la pente et de la
radiation. Le troisième axe représente quant à lui
un axe de continentalité. La deuxième ACP est
une généralisation de la première puisqu'on
B.
Figure 2 : Illustration de l'analyse en composantes principales.
A. ACP environnement global. B. ACP topographie/climat. Les graphiques possèdent les axes 1 et 2 de la
ACP (respectivement à l'horizontale et à la verticale). Les différentes données environnementales sont
représentées par des flèches dont l'orientation et la longueur dépendent de la corrélation avec les axes de l'
ACP .
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Axe1: Temp/%sable
Axe2 : Mat-Orga/Fletrissement
Axe3 : Dispo-H2O
Axe1 : Temp/%sable
réponse
Axe2 : Mat-Orga/Fletrissement
polynomiale
Axe3 : Dispo-H2O
Modèle saturé
réponse
linéaire
tendance
(-)
(+)
(-)
lin(-)
lin(+)
lin(-)
r²
0,06
0,09
0,070
0,08
0,11
0,08
0,27
P-value
<0,02
<0,01
<0,02
<0,05
<0,01
<0,05
<0,01
Tableau 1 : Résultats de la régression linéaire entre le nombre d'espèce par communauté et
leurs coordonnées sur les axes de l'ACP complète.
Les deux modèles sont présentés comme « linéaire » et « polynomial ». Chaque gradient est
testé, la tendance pour le modèle linéaire représente le signe du coefficient directeur de la droite.
Dans le modèle polynomial, la tendance « lin » signifie que la composante linéaire est la seule
significative dans le modèle. Les P-value sont calculée à partir du test des r² par rapport à 0.
introduit les variables édaphiques. L'axe 1 est
principalement
un
gradient
d'altitude/température/précipitation mais aussi de
teneur en sable/argile. L'axe 2 est relié à la teneur
en matière organique du sol et au point de
flétrissement du terrain. Enfin le troisième axe
est surtout représentatif de la disponibilité en
eau. Dans tous les cas, les axes de la ACP sont
ordonnés par pourcentage de variabilité
expliquée décroissante.
Relation diversité α spécifique/environnement
Il apparaît que les trois gradients jouent un rôle
significatif et similaire sur la diversité α
spécifique (tableau1). La composante linéaire est
la seule significative. D'autre part les même tests
effectués
sur
les
axes
de
l'ACP
climat/topographie font apparaître des pertes de
significativité (données non représentées). Ceci
permet de dire que les paramètres édaphiques
jouent un rôle déterminant dans la structuration
de la biodiversité α.
Ainsi le nombre d'espèces diminue avec la
température, la teneur en sable du sol et la
disponibilité en eau et surtout augmente avec la
teneur en matière organique du sol et le point de
flétrissement. Au final 27% de la variabilité
spécifique est expliquée par ces facteurs.
Test de la méthode des indices
Nous appliquons ici la répétition de calcul de r²
(cf. Matériels&Méthodes). A titre d'exemple, on
utilise la corrélation
entre divergence
fonctionnelle et gradient température/%sable. Il
apparaît que le r² suit une loi normale. La
moyenne des r² a donc une valeur statistique
puisque la dispersion des valeurs de corrélations
n'est pas uniforme. La part explicative du jeu de
données n'est que peu dépendante de la méthode
de passage des indices à l'abondance. La
moyenne de l'intervalle des % de couverture
couvert par les indices a donc été utilisée pour
estimer l'abondance de chaque espèce dans
chaque communauté.
5/10
Figure 3 : Histogrammes des valeurs de r² et de p-value pour la corrélation entre la divergence
fonctionnelle et le gradient température/%sable après 250 répétitions.
250 répétitions du calcul de la corrélation ont été réalisées. La fréquence est exprimée en nombre
d'occurrences.
Temp/%sable
réponse
Mat-Orga/Fletrissement
linéaire
Dispo-H2O
Temp/%sable
réponse
Mat-Orga/Fletrissement
polynomiale
Dispo-H2O
Modèle saturé
tendance
(+)
lin(+)
Richesse
r²
0,17
0,03
0,015
0,19
0,03
0,02
0,27
P-value
<0,001
NS
NS
<0,001
NS
NS
<0,001
Régularité
tendance
r²
0,0004
(-)
0,05
0,03
0,0007
pol(-) lin(-)
0,12
0,05
0,15
P-value
NS
<0,05
NS
NS
<0,01
NS
NS
Divergence
tendance
r²
(+)
0,09
0,02
(-)
0,05
lin(+)
0,1
0,06
pol(-)lin(-)
0,1
0,26
P-value
<0,01
NS
<0,03
<0,02
NS
<0,02
<0,001
Tableau 2 : Résultats de la régression linéaire entre la diversité fonctionnelle d'une communauté et
ses coordonnées sur les axes de l'ACP totale.
Les deux modèles sont présentés comme « linéaire » et « polynomiale ». Chaque gradient est testé, la
tendance pour le modèle linéaire représente le signe du coefficient directeur de la droite. Dans le modèle
polynomial, la tendance « lin » signifie que la composante linéaire est la seule significative dans le
modèle, la tendance « lin()pol() » indique que les deux facteurs jouent un rôle similaire. Les P-value sont
calculées à partir du test des r² par rapport à 0.
6/10
Relation diversité fonctionnelle/environnement
La richesse fonctionnelle est significativement
corrélée linéairement au gradient de température/
%sable(tableau 2). Elle est indépendante des
autres facteurs édaphiques. On peut retrouver
cette observation en testant la richesse
fonctionnelle contre les axes de l'ACP
topographie/climat (données non représentées).
On s'aperçoit alors que la corrélation avec le
modèle saturé est forte (r²=0,42). Par ailleurs les
trois gradients répondent significativement à cet
indice (le modèle polynomial étant le meilleur).
Ainsi la richesse fonctionnelle augmente avec la
température, la continentalité et diminue avec la
radiation.
autres axes jouent un rôle mineur, surtout celui
correspondant au gradient de pente/radiation qui
n'a aucun impact significatif sur la diversité β.
L'axe représentant la continentalité joue un rôle
significatif mais faible (<1% de variabilité
expliquée). Il est à noter que la variabilité
expliquée par le modèle complet n'est pas la
somme des variabilités observées par les trois
axes. Ceci vient du fait que le modèle complet
est construit différemment ici. En fait le
« modèle complet » se traduit par une distance
environnementale de Gower tenant en compte les
trois axes de variations. Ceci ne peut donc pas
conduire à une additivité des variabilités
expliquée par les trois axes comme dans une
régression linéaire simple.
Une forte régularité est expliquée par une faible
teneur en matière organique et un bas point de
flétrissement. Cette réponse semble être
davantage polynomiale que linéaire (r² de 0,12
au lieu de 0,05). L'utilisation de l'ACP
topographie/climat n'est en aucun cas
significative (données non représentées), ce qui
confirme
l'importance
des
paramètres
édaphiques.
T°/Altitude
Pente/Rad
Gams
Modèle complet
Une forte divergence est en partie expliquée par
une forte température/teneur en sable et une
faible disponibilité en eau. Les gradients
topographiques et climatiques purs (ACP
topo/climat) n'expliquent pas mieux cette
diversité (r² du modèle saturé = 0,16, données
non représentées). Une fois de plus les
paramètres édaphiques jouent un rôle
prépondérant.
Relation diversité β/environnement.
r²
0.28142
P-value
<0.01
8.2e-07
NS
0.00614
<0.01
0.17423
<0.01
Tableau 3 : Tests de Mantel : relation entre
βdiversité et dissimarité environnementale
topographique et climatique.
Seule la corrélation linéaire a été testée ici. Le
modèle complet correspond à une distance
environnementale de Gower calculée à partir
des 3 axes de l'ACP.
Discussion
Les résultats des tests de Mantel sont présentés
dans le tableau 3. Seul les corrélations avec les
gradients topographiques et climatiques sont
représentés ici. En effet les axes de l'ACP globale
explique moins bien la dissimilarité spécifique
(données non représentées).
Il
semble
clair
que
le
gradient
température/Précipitation joue un rôle primordial
dans l'établissement de la dissimilarité
spécifique. Il explique plus de 28% de la
variabilité observée (p-value<0,01). Les deux
Données environnementales et traits
fonctionnels
Les données environnementales, bien que
nombreuses, sont insuffisantes pour expliquer
toutes la variabilité végétale. Un biais est
introduit lors de l'utilisation des données
édaphiques. En effet elles ne sont présentent que
sur 82 parcelles, ce qui obligent à réduire à ce
nombre
les
données
climatiques
et
topographiques. Malgré le nombre limité de
7/10
traits fonctionnels utilisés, leurs nature permet plus stressantes et plus dure pour les plantes : les
d'appréhender une partie importante des ressources sont plus limitées (la matière
fonctions de la plante (Westoby, 1998).
organique retient les nutriments dans le sol).
Ainsi une forte régularité pourrait permettre aux
Choix des modèles
végétaux d'exploiter différemment les ressources.
Concernant le point de flétrissement, cela paraît
Le modèle linéaire a été choisis pour sa plus contradictoire. En effet l'abaissement de ce
simplicité et sa rapidité. Cependant rien ne peut point conduit à un plus large spectre de teneur en
laisser penser que la biodiversité va répondre eau du sol où la plante peut survivre. Ainsi on
linéairement à l'environnement. On s'attendrait s'attendrait à voir la régularité baisser. Cependant
plutôt (Austin, 1989) à la présence d'un la ressource limitante dans la vallée de la
optimum. Le modèle polynomial permet de Guisane est davantage la matière organique que
repérer ce type de réponse.
la teneur en eau (Thuiller et al, données non
publiées). Ainsi la teneur en matière organique
Richesse d'espèces et richesse fonctionnelle
serait plus structurante pour les communautés.
La divergence augmente avec la baisse de la
Le « filtre environnemental » semble être un disponibilité en eau. Ceci montre que dans des
facteur structurant les communautés. Il agit conditions relativement stressantes, les espèce
théoriquement plus au niveau des fonctions abondantes utilisent des ressources différentes
végétales qu'au niveau des espèces elles-mêmes par rapport aux autres espèces. Ainsi il est
(deux espèces différentes peuvent avoir des traits possible que certaines plantes utilisent la plupart
fonctionnels très similaires). On s'attend donc à des ressources en eau du sol tandis que d'autres,
avoir davantage de corrélation en richesse plus spécialistes, survivent avec peu d'eau. La
fonctionnelle qu'en richesse en termes d'espèces. présence de trois sempervivum (espèce grasse,
Même si l'on ne retrouve pas cette hypothèse au adaptée à la sécheresse, avec un faible SLA,
niveau des r² observée, les p-values sont plus considérée comme un spécialiste) dans une
significatives dans le cas de la richesse communauté relativement aride illustre cette
fonctionnelle, ce qui permet d'appuyer notre interprétation.
hypothèse.
Importance des gradients régionaux et locaux
Apport des indices de biodiversité fonctionnelle
dans la structuration des communautés
dans la compréhension des structurations des
communautés
Les gradients de topographie et de climat sont
régionaux
tandis
que
les
gradients
La
richesse
fonctionnelle
augmente caractéristiques du sol sont plutôt locaux (et donc
significativement avec la température. Or cette très variables entre sites). Il semble que la
augmentation peut se traduire par un structuration inter-communauté (β diversité) et la
métabolisme accéléré et donc une facilité accrue richesse fonctionnelle des communautés
pour la plante à se développer. Ceci pourrait dépendent des gradients régionaux. A l'inverse, la
permettre aux plantes « d'explorer » de nouvelles structuration intra communautaire (divergence,
fonctions
permettant
d'utiliser
d'autres régularité) semble davantage expliqué par les
ressources. Ainsi la richesse fonctionnelle se gradients locaux. Ce résultat permet de
trouverait augmentée.
comprendre que l'environnement explique à
Habituellement une forte régularité fonctionnelle plusieurs échelles les diverses structurations des
augmente la complémentarité fonctionnelle entre communautés.
les différentes espèces, diminuant ainsi la La β diversité est évaluée par l'indice de Jaccard.
compétition et favorisant le développement. Ici Ceci introduit nécessairement une perte
elle augmente avec la diminution de matière d'information sur la structuration inter
organique et le point de flétrissement. La baisse communauté. En effet l'abondance peut
de matière organique conduit à des conditions différencier deux communautés de composition
8/10
en espèce identique. Une nouvelle étude tenant Méditerranéenne,
Montpellier,
France,
compte de l'abondance dans le calcul de Publication CNRS.
dissimilarité serait intéressante.
Cornelissen, J.H.C., Lavorel, S., Garnier, E.,
Élargissement
Díaz, S., Buchmann, N., Gurvich, D.E., Reich,
P.B., ter Steege, H., Morgan, H.D., van der
Dans cette étude, seule la diversité β spécifique a Heijden, M.G.A., Pausas, J.G., & Poorter, H.
été étudiée. Cependant il existe des indices qui (2003) Handbook of protocols for standardised
quantifie le turn-over de traits fonctionnels entre and easy measurement of plant functional traits
communautés. Il serait judicieux de les comparer worldwide. Australian Journal of Botany, 51,
à la même dissimilarité utilisée dans cette étude. 335-380.
Par ailleurs les arbres de régression pourraient
nous aider à tester les diverses intéractions entre Garnier, E. et al. 2004. Plant functional markers
les variables environnementales (ce qui n'est pas capture ecosystem properties during secondary
possible dans le modèle linéaire utilisé). Ces succession. Ecology 85: 26302637.
arbres cherchent à trouver quelles combinaisons
de fourchettes des variables environnementales Grime, J. P. 1998. Benefits of plant diversity to
ecosystems: immediate, filter and founder
expliquent le mieux la diversité observée.
Enfin la compréhension de la structuration de la effects. J. Ecol. 86: 902 910.
biodiversité est primordial pour comprendre dans
quelle mesure les changements climatiques Jaccard P.(1901) Bulletin de la Société Vaudoise
des Sciences Naturelles 37, 241-272.
globaux vont affecter la flore.
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Pour la collecte des données extérieures : Sandra McGill BJ, Enquist B, Weiher E, Westoby M
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Pour le reste : Wilfried pour tout, Rémi pour les
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sa bonne humeur permanente, Sébastien pour ses
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